Chapitre 12 - Émilie
Une fois la crise de nerfs passée silencieusement contre son père, Émilie alluma son PC. Il fallait qu'elle grignote sur son compte épargne pour se payer un nouveau téléphone... Sans que sa mère s'en aperçoive.
À peine l'écran eut-il le temps de s'illuminer que deux tintements sonores successifs la rappela à l'ordre. Elle cliqua immédiatement. La réalité la rattrapa.
Juliette la retrouva, quelques minutes plus tard au sol, en train de suffoquer sur la moquette blanche-grise de sa chambre.
— Ém ?
La jeune fille s'approcha de sa soeur, tentant de comprendre ce qui la mettait dans un état pareil. Puis elle vit les e-mails. Un frisson lui parcourut l'échine, elle s'assit sur le lit de sa soeur puis reprit ses esprits.
— Maman !
Son hurlement strident résonna dans toutes les pièces, les pas d'Élizabeth ne mirent que quelques secondes à se faire entendre. La quinquagénaire essuya les larmes qui restaient au coin de ses yeux.
Émilie était toujours assise, sanglotant, peinant à respirer. Comment avait-elle pu passer à côté de ça ? Damien malade, Damien mourant... Mon Dieu, comme elle s'en voulait ! Si ça se trouve il était déjà mort !
Élizabeth lut en diagonale les mails puis s'assit à côté de sa fille sur la moquette, lui caressant doucement la tête comme lorsqu'elle était enfant.
— Émilie. Nous t'accompagnerons. Je sais à quel point Damien est important pour toi. J'ai perdu mon amour, mais toi tu as encore la chance de vivre le tien.
Émilie hocha silencieusement la tête, refrénant des hoquets. Ses yeux rougis étaient gonflés, elle peinait à les garder ouverts. De la morve coulait jusqu'à son menton. Le désespoir avait ravagé son visage.
— Je vais appeler sa mère de ce pas.
Juliette s'assit à la place de sa mère et enlaça sa soeur comme si elle voulait fusionner avec elle. La rancoeur, les disputes, les chamailleries entre soeurs étaient loin. Tout le monde dans cette maison savait à quel point Émilie aimait Damien. Sa douleur, elles la ressentaient toutes. Elles vaincraient la distance toutes ensemble, elles aideraient Damien à survivre et Émilie à vivre.
Des bribes de conversation se faisaient entendre en bas de l'escalier.
— Oui bien sûr, je comprends. Elle est effondrée... C'est normal oui. Comment va-t-il ? Ah oui ? Je vais regarder les billets, nous viendrons toutes les trois. Les filles peuvent rater quelques jours d'école et comme je travaille à mon compte... Non vraiment, j'y tiens. Cela doit être une épreuve si difficile... Oui bien sûr. Je vous envoie ça dès que j'aurais réservé. Merci, à vous aussi. Bon courage. À bientôt.
Élizabeth remonta les escaliers en vitesse, posa ses mains sur ses hanches.
— Bien, Juliette, l'as de l'ordinateur ! Tu vas tout de suite me chercher des billets Paris - Philadelphie, ou Paris - New York. Les plus rapides possibles. On s'en fiche du prix.
Juliette acquiesça, fit une dernière étreinte à sa grande soeur et se leva d'un bond pour exécuter sa mission.
— Ém, on va retrouver Damien. Il est toujours en traitement, mais apparemment il ne présente que des bons signes. Fais ta valise, on part au plus tôt. On se dépêche, chérie.
L'adolescente se releva difficilement, attrapa un sac, toujours prise de hoquets de sanglots et rangea consciencieusement toutes ses affaires pour retrouver son Damien. Son ordinateur finit par se mettre en veille, l'annonciateur de mauvaises nouvelles prenait une pause.
Au bout de quelques minutes, Juliette appela sa mère et sa soeur. Elle avait trouvé.
Elle se tenait debout dans sa chambre, un mur bleu électrique, rempli de dessins et de croquis en fond. La jeune adolescente sautillait presque sur place.
— On part ce soir mon capitaine ! En plus, il y a une promo de dernière minute !
Élizabeth savait que ce voyage était vital pour Damien, mais il l'était aussi pour sa fille. C'était une simple peine de coeur s'il l'avait quitté en déménageant. Ça en devenait de la culpabilité à vie s'il mourrait là-bas alors qu'elle restait ici sagement. Elle ne pouvait l'accepter. Quitte à se ruiner, que ces deux jeunes s'aiment bordel ! Sa rupture récente la mettait à fleur de peau, sûrement que si elle avait été toujours mariée et que tout allait bien, elle n'aurait pas été si impulsive...
Et puis, elle avait toujours rêvé de voir New York, même s'ils ne partaient pas pour du tourisme l'un n'empêchait pas de passer en taxi voir les rues que l'on aperçoit à la télé.
Les parents de Damien et la mère d'Émilie ne s'étaient vus qu'à de rares occasions, mais le lien de leurs enfants les avaient rapproché. Ils avaient tout envoyé par mail à Élizabeth. L'itinéraire, les meilleurs plans pour venir de New York jusqu'à Philadelphie et ils les invitaient, bien sûr, à dormir chez eux. Il y avait tellement de place et peu de personnes qui y vivaient.
Juliette n'était pas enjouée à l'idée de partir, enfin, si. Les États-Unis l'avaient toujours faite rêver. Mais dans ces conditions-là, ça signifiait passer son temps à l'hôpital, pleurer, parler de maladie... C'était très lourd à porter. Elle était heureuse de le faire pour sa soeur, d'être un soutien de plus. Mais ça n'allait pas être des vacances.
Élizabeth prit deux billets retours programmés pour Juliette et elle. Émilie ne rentrerait que quand elle le souhaiterait. Rien ne serait pire que de partir si l'état de Damien s'aggravait... Bien sûr, il ne fallait pas que ça mette en péril son année de première, mais Émilie était déjà si avancée dans ses révisions que même trois mois d'absence n'auraient quasiment aucun impact.
À dix-neuf heures pétantes, Émilie, Juliette et leur mère arrivaient à l'aéroport d'Orly. Demain, elles seraient à New York, à quelques centaines de kilomètres de Damien.
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