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Deux mois ont dû passer après la lettre de l'oncle Otto. Nous avions décidé de l'ignorer et de faire comme rien ne s'était passé. C'était plus simple, je crois, d'oublier son existence. Jusqu'à ce qu'on en reçoive une autre. Cette fois, ce fût moi qui l'ouvris.

Famille Sabonis,

Je ne sais pas quand vous finirez par recevoir cette deuxième missive. Peut-être n'avez-vous pas même reçu ma précédente. Je n'ai personne à qui écrire sauf à vous. Vous êtes ma seule famille.

Je te l'avais dit, ma sœur, ma Solvita, que j'y arriverais. Je t'avais dit que de toute façon rien ne me retiendrait, que de toute façon je partirais de ce pays que ce soit pour mourir et, ce, sans regrets, soit pour une vie meilleure. Eh bien ma sœur, je commence à voir cette vie meilleure qui m'était promise !

J'ai pris plusieurs navires pour rejoindre le continent américain, je suis tombé malade en route mais j'ai finalement guéri. Sache que ce n'a pas été le cas de beaucoup de mes compagnons de fortune. Beaucoup ont péri durant ce voyage. Je sens encore l'odeur aride et pestilentielle qui régnait dans la cave de ce bateau traversant l'Atlantique. Je me réveille souvent la nuit après avoir rêvé de ce que j'ai vécu durant cette traversée.

J'ai fini par atteindre une île, appelée Ellis Island. Nous sommes beaucoup là-bas à attendre notre tour chaque jour pour pouvoir passer des tests afin de déterminer si nous sommes aptes à toucher le continent. Beaucoup sont refusés mais beaucoup sont aussi acceptés.

Après avoir longuement attendu, j'ai moi aussi passé tests médicaux et interrogatoires. J'ai finalement été jugé apte. Je vais être naturalisé. Vous vous rendez compte, famille Sabonis ? J'aurai ma vie meilleure !

Venez me rejoindre, je vous en supplie. Sauvez-vous de cette pauvreté et venez ici. Solvita, ma sœur, je t'en prie, trouve un moyen d'amener tes enfants et ton mari en Amérique. Permets-leur d'avoir un plus bel avenir que celui que tu peux leur offrir en restant en Lituanie.

Votre,

Otto.

C'est en terminant ma lecture que je compris. Je compris qu'il y avait autre chose. Un autre chemin, un autre avenir comme le disait oncle Otto. Je crois que cette lettre fut pour moi l'élément de cette envie. Celle d'une autre vie, d'un autre soleil. J'avais envie d'une autre lumière sous les paupières.

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