Ce soir-là, quand mon père fut rentré de l'usine, plein de crasse, nous l'attendions, tous réunis dans notre petite pièce à vivre. Nous devons parler de quelque chose d'important, avait dit ma mère. Elle nous a fait asseoir sur le sol, car nous n'avions pas de fauteuils. Et elle nous parla de la missive qu'elle avait reçue, plus tôt dans la journée. Notre oncle Otto, qui avait disparu de la circulation il y a un an, avait quitté le pays pour rejoindre les Etats-Unis. Cela nous paraissait absurde. Comment cet homme, qui ne possédait rien, pouvait-il laisser sa famille et son pays au détriment un autre qu'il ne connaissait pas ? Fou ! fut notre première réaction. Quand bien même il arriverait à traverser l'Atlantique pour rejoindre le continent américain en restant en vie, rien ne garantit qu'il arrivera à dépasser la frontière. Face à la lettre d'oncle Otto, nous sommes restés dubitatifs. Il a quitté la Lituanie et sa pauvreté, mais que trouvera-t-il en Amérique ? La vie ou la mort ?