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Rien n'allait plus : les premières gouttes d'un orage sans précédent s'abattait déjà sur le chaume qui coiffait l'auberge, écrasant la paille, la soulevant même. Grandbeorth, confortablement installé sous celle-ci, attrapa sa chope remplie d'une boisson plus ou moins illégale, et la but avidement, sans demander son reste, éclaboussant au passage sa barbe de gouttes rouge vif. J'ai bu trop vite ! Je vais avoir le hoquet,grommela-t-il en s'asseyant dans le revers de sa manche.

Un matou se frotta contre sa jambe, mais il le chassa d'un coup de pied bien senti. Satanés chats ! Le coin en était envahi, depuis que la vieille chatte du patron avait mis bas. Comment avait-elle pu porter autant de chaton ? Pour sûr, il y avait quelque chose de magique là-dessus. Malheureusement,Grandbeorth ne pouvait en être certain, car il n'avait pas de pouvoirs. Au moins, l'orage qui débutait n'allait pas l'affecter outre mesure ! Il ricana : bien fait pour ces maudits magiciens, eux qui s'amusaient à faire la loi les jours de beau temps, mais qui faisaient moins les fiers lorsque venait la saison des pluies.

Un bruit éveilla son attention.Quelqu'un, dehors ? Par ce temps ? Impossible. Le bruit se transforma alors en vacarme. C'était le son d'une horde de soldats,braves, vaillants, marchant sans s'arrêter malgré le déluge. Oui,c'était sans doute cela, car on entendait le bruit des armures s'entrechoquer.

Grandbeorth se leva alors, rouge de colère, trébucha sur un chat, un gros chat noir bon à rien, et lâcha une ignoble insulte qui épouvanterait tout défenseur de la cause animale.

Qu'est-ce que des soldats de la garde du Roi des magiciens viennent faire là ? Je suis le seul client de cette misérable auberge... Ils sont forcément ici pour moi !raisonna le malfrat en perdant petit à petit son sang-froid. Et dire que le bruit se rapprochait. Pris de panique, il chercha une issue autour de lui. Il ne vit que l'escalier, qui menait aux chambres du premier étage. Bon ! Il les grimpa en deux temps trois mouvements,en pensant qu'il lui serait certainement possible de s'échapper par une fenêtre. Il entendit les chats miauler de terreur et s'enfuir au triple galop, ce qui renforça sa propre peur.

Je ne suis pas un comploteur ! Je soutiens mon Roi, et je le respecte, j'ai plongé dans toutes ses âneries par inadvertance. Il se consola en se répétant qu'il avait été manipulé et drogué, qu'il n'était qu'une victime. La véritable coupable, c'était Cess ! Bien sûr que c'était elle le véritable élément nuisible à Grimdonnara - après tout, c'était elle qui avait une dent contre le Roi, et contre à peu près tous les magiciens de la ville.

Une autre pensée lui vint à l'esprit :et si c'était elle aussi qui l'avait livré aux soldats du Roi ? À vrai dire, il savait des choses qui pouvaient la faire chuter de son piédestal ; elle devait le craindre, et avait choisi de l'offrir au Roi. Pour cela, elle allait le regretter ! Pour sûr, il se vengerait.

Enfin, il atteignit la première fenêtre qu'il vit, et l'ouvrit d'un coup sec. Un frisson d'horreur le parcouru lorsqu'il vit qu'une dizaine de soldats l'attendaient en bas, près à lui tirer dessus.

— Vous êtes en état d'arrestation !lui cria-t-on.


 — Infernale, détestable, horrible Cess ! murmura Grandbeorth. J'étais tranquille, moi, dans cette auberge, bien installé et bien nourri. Pourquoi faut-il toujours que tu viennes tout perturber ? 

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