Ceux qui plongent dans la mer surplombent ensuite la ville
hein ? quoi ? ce titre n'a aucun sens ? gardez vos médisances pour vous et lisez, vous comprendrez 👀
sinon hello, aujourd'hui c'est Tsuuki- à l'appareil !
deux mensonges ont été proférés avant et pendant l'écriture de cette histoire . Le premier : « Je pense que ce sera une histoire courte, j'ai pas beaucoup de temps ». Le deuxième : « L'avantage si on est beaucoup à participer, c'est que je pourrais poster vers la fin et gagner du temps. »
Bon, comme vous le voyez, au final, le texte est long et je suis la deuxième à poster―
avant de vous laisser lire, permettez-moi de faire un petit mot mélodramatique à l'intention de la FSA et de ses merveilleux membres : JE VOUS AIME. TRÈS. TRÈS. FORT. Vous êtes fantastiques, sans doute les meilleures rencontres internet que j'ai fait depuis des années, et j'arrive pas à réaliser que ça fait déjà un an que ce compte existe, que notre conv insta existe, et que je discute avec vous presque tous les jours. J'ai eu la chance de faire partie des fondateurs de la FSA et ainsi de voir plein de nouveaux membres arriver et de connaître plein de délires emblématiques, et je suis tellement heureuse de vous avoir rejoint <3 tout est parti d'un délire en commentaire, d'un personnage secondaire de Double Ancrage qui shippait soukoku, et voilà ce que ça a donné : le meilleur compte commun de wattpad composé des meilleures personnes <3
Le texte qui suit est pour tous les amateurs de soukoku qui nous suivent régulièrement, mais surtout pour vous : (presque) que du fluff et des petites références à nous glissées ça et là, pour votre plus grand plaisir j'espère hehe
bonne lecture !
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CEUX QUI PLONGENT DANS LA MER SURPLOMBENT ENSUITE LA VILLE.
Chuuya poussa un soupir d'agacement en constatant la disparition de son précieux chapeau, qu'il avait pourtant déposé précautionneusement sur une chaise en entrant dans son appartement. Malheureusement, ladite chaise se trouvait près de la fenêtre de son petit salon, et, comme par magie, celle-ci s'était ouverte seule quelques instants après qu'il se soit enfermé dans la salle de bain.
Vraiment, il haïssait cette fichue momie suicidaire qui lui servait d'ancien partenaire.
Qui d'autre que lui pouvait être l'auteur de ce méfait ? Il n'y avait que Dazai pour être assez stupide pour se rendre sur le territoire de la mafia malgré son statut de persona non grata et d'assez doué pour ouvrir de l'extérieur une fenêtre fermée de l'intérieur. (D'ailleurs, le capitaine soupçonnait ce tour de passe-passe de n'être que de la poudre aux yeux ; l'ancien mafieux avait dû crocheter sa porte et s'enfuir par la fenêtre.)
Il se pencha justement pour essayer d'apercevoir son ancien partenaire et son chapeau, certain qu'il ne devait pas être bien loin ― n'importe qui aurait fui après avoir commis un tel méfait, mais Dazai n'était pas n'importe qui, et il n'avait aucune utilité à retirer de ce chapeau. Il voulait juste jouer avec ses nerfs ― et cela marchait assez bien actuellement car le rouquin était déjà en retard et n'avait pas besoin de jouer avec un maquereau couvert de bandages en plus.
« Dazai, reviens-là ! » hurla-t-il à pleins poumons, peu soucieux du fait que d'autres mafieux vivaient non loin de son appartement, surtout des gradés ; mais de toute manière, aucun d'eux n'était vraiment surpris par ce cri presque habituel pour eux, malgré la désertion de Dazai quatre ans plus tôt.
Seul un rire moqueur lui répondit, et Chuuya poussa un profond soupir de découragement avant d'enjamber la balustrade de sa fenêtre pour partir à la poursuite du détective. Sa façon de sortir était peu conventionnelle, il en convenait, surtout quand on habitait au quatrième étage, mais ce n'était pas comme si la hauteur était un problème pour lui ― il était quand même le manipulateur de gravité de la mafia portuaire, dont le nom seul faisait trembler un grand nombre de leurs ennemis.
Il atterrit avec souplesse sur le macadam abîmé par des impacts de balles et de grenades ― oui, certains étaient assez fous pour venir attaquer la mafia en plein sur son territoire et là où résidaient de nombreux gradés qui ne pouvaient ou ne voulaient pas acheter un appartement ailleurs. Il se dirigea ensuite d'un pas ferme et décidé vers l'origine du rire qui s'était tu mais dont il avait retenu la provenance.
Il ne lui fallut qu'une poignée de secondes supplémentaires pour tomber nez à nez avec son ancien partenaire, l'emmerdeur de service, le maquereau suicidaire, la momie, le tas de bandages, bref, Osamu Dazai.
« Ma limace ! Je suis si heureux de te voir ! » s'écria immédiatement le détective en l'apercevant, adossé à un mur un peu à l'écart du passage ― au moins semblait-il avoir un peu conscience qu'il n'avait rien à faire ici. Le chapeau du rouquin était nonchalamment posé sur ses cheveux, comme pour le provoquer une fois de plus.
« Franchement, Dazai, marmonna-t-il, tu ne pourrais pas aller emmerder tes collègues plutôt que moi ? J'ai déjà donné pendant trois ans.
― Oh, mais je le fais ne t'inquiète pas ! Je me suis simplement dit qu'ils avaient droit à une pause aujourd'hui, et qu'il y avait trop longtemps que je n'étais pas venu te voir. » « Trop longtemps », dans le vocabulaire du brun, signifiait une semaine. C'était d'ailleurs la semaine la plus tranquille que Chuuya avait passé depuis longtemps. Il fallait la marquer d'une pierre blanche, voire d'un diamant tellement c'était exceptionnel.
« Rassure-moi, tu te souviens qu'on ne se doit plus rien n'est-ce pas ? » releva-t-il d'un ton narquois.
Il avait beaucoup de mal à comprendre son ancien partenaire lorsqu'il se comportait ainsi ― de façon générale, il ne le comprenait pas beaucoup, et encore moins lorsqu'il agissait comme s'ils étaient deux vieux amis en bons termes. Ils étaient certes d'anciens acolytes, les deux membres du duo craint par tous, le Double Noir, mais n'avaient jamais été amis, et sûrement pas depuis que Dazai avait déserté la mafia sans prévenir après la mort d'Oda.
Pourtant, depuis environ un an, après près de quatre ans de silence où ils ne s'étaient aperçus que lors des conflits qui avaient opposé la mafia portuaire et l'Agence des Détectives Armés, Chuuya trouvait fréquemment le jeune homme sur son chemin et autour de chez lui. À chaque fois, le brun trouvait un moyen de lui faire frôler la crise de nerfs, et à chaque fois, le rouquin regrettait que son ancien partenaire ne soit pas encore passé sous un train.
« Comme tu es méchant, se lamenta la momie, je voulais juste prendre de tes nouvelles.
― Eh bien moi non, parce que te voir me prouve que tu n'as pas encore réussi à te suicider et cette nouvelle assombrit considérablement mes journées.
― Tu sais que je te manquerais quand même. » Chuuya ouvrit la bouche pour protester, mais l'autre enchaîna sans lui laisser ce loisir : « Dis-moi, tu es drôlement bien habillé, tu as un rendez-vous galant ? »
Chuuya voulut lui répondre sèchement que ce n'était pas ses affaires, mais il se ravisa en se souvenant d'à qui il avait affaire : Dazai ne le laisserait jamais tranquille s'il ne lui donnait pas ce qu'il voulait, à savoir de précieuses minutes de son temps pour jouer avec ses nerfs. Il était déjà en retard, il fallait qu'il abrège ses souffrances.
« J'ai de nouveaux subordonnés, récemment recrutés et tout juste arrivés sur le terrain. Les Lézards Noirs, qui ont aussi de nouveaux effectifs, ont insisté pour qu'on organise quelque chose pour fêter ça.
― Oh ~ Je reconnais bien là le capitaine le plus populaire de la mafia portuaire. »
Il ignorait s'il agissait d'un compliment ou d'une insulte de la part de son interlocuteur, mais ne put s'empêcher de rougir légèrement. On lui avait réellement attribué ce titre ridicule, puisqu'il paraissait qu'il était le plus clément et attentionné des cinq capitaines. Mais, dans la bouche de Dazai, celui qui avait toujours été réputé comme le plus intransigeant et cruel des capitaines, la remarque passait aisément pour une pique.
« Donc, reprit-il, rends-moi mon chapeau. Je suis déjà en retard.
― Tu ne peux pas t'en passer pas vrai ? » s'amusa Dazai en le retirant de son crâne et en s'amusant avec, assez haut pour que le rouquin ne puisse l'attraper.
« Dazai, bordel, tu ne peux pas cesser d'être chiant au moins une journée ?
― Non. » Chuuya ne pouvait pas dire que la réponse le surprenait, Dazai semblait tirer un plaisir infini du fait d'emmerder les gens et ce, depuis toujours. Cela semblait même s'être aggravé après son départ de la mafia, et le rouquin songeait que, sur ce point, c'était vraiment une mauvaise chose.
« Dazai. Si je suis en retard, Kôyô va me tuer. Et si je lui dis que c'est de ta faute, c'est toi qui es mort. »
L'argument de la redoutable capitaine de la mafia sembla avoir un peu plus d'effet que ses précédents, car Dazai baissa légèrement son bras qui s'amusait avec le chapeau. Même un inconscient arrogant comme lui savait qu'être dans les mauvaises grâces de Kôyô équivalait à un suicide lent et douloureux ― tout ce qu'il ne désirait pas. Il avait fait les frais une ou deux fois de la mauvaise humeur de celle qui avait formé Chuuya, et ce dernier devinait que ces quelques expériences lui avaient suffi ― il pouvait comprendre, même lui prenait ses jambes à son cou lorsque la jeune femme était agacée. Relation presque fraternelle ou non, la détentrice de l'Or Démoniaque ne faisait pas de cadeau à ceux qui aggravaient sa mauvaise humeur. (Une fois, il avait entendu quelqu'un la surnommer « dictatrice », il n'avait pas revu le fautif depuis.)
« Tu ne sais pas pourquoi je suis là, pas vrai ? » finit par demander le détective avec un peu plus de sérieux. Chuuya haussa un sourcil. Pour l'emmerder ? Lui faire perdre son temps ? Parce que le brun s'ennuyait et que ses collègues étaient déjà à deux doigts de le tuer s'il faisait encore une remarque ? Les trois réponses revenaient au même au final : pour être Dazai.
« Il y a une raison spécifique ? » répondit-il après réflexion. Non, il ne voyait pas franchement. Il n'y avait rien de spécial en cette chaude journée d'août qu'il aurait pu oublier.
« Chuuya est méchant ! protesta tel un enfant le brun après cette réponse, tout son sérieux déjà évaporé.
― Qu'est-ce qu'il te prend encore ? soupira le mafieux, désabusé.
― Tu as oublié !
― Oublié quoi ?
― Si je te le dis, ce n'est plus drôle. »
Oh, bon sang. Il allait l'étrangler avec ses bandages, ou sa ridicule ceinture de manteau qui pendait derrière lui. Pourquoi est-ce que le brun avait choisi spécifiquement ce jour pour l'emmerder ? Il était sûr qu'il avait choisi un prétexte ridicule pour justifier sa présence, par exemple le fait qu'il avait croisé une limace sur un buisson ― il lui avait déjà fait le coup quelques mois plus tôt. Ou alors, il comptait lui partager une découverte dont il se fichait complètement ― une fois, il était venu sonner chez lui à minuit pour lui parler d'un fromage soi-disant capable de tuer ceux qui le mangeaient et qu'il voulait absolument se procurer.
« Je te déteste. » souffla-t-il en se massant les tempes ― ce qui n'eut évidemment aucun effet.
Il avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas ce qui avait amené le traître de la mafia ici aujourd'hui. Ce n'était aucun de leurs anniversaires, ni même celui d'un autre de leur supérieur ― que Dazai ne retenait jamais de toute manière, ou prétendait au moins ne pas les retenir. Même en repensant à la date de son entrée dans la mafia, de la fondation du Double Noir ou du départ de Dazai, cela ne correspondait nullement à la date du jour.
« Je ne sais pas ce dont j'étais censé me souvenir, pourrais-tu me le dire ? demanda-t-il en s'efforçant d'être courtois ― il se retenait juste d'envoyer son poing dans la figure de son partenaire.
― Je voulais que tu t'en souviennes par toi-même, mais je suppose que c'est trop pour ton cerveau de limace. » Que quelqu'un le retienne où il le plongeait lui-même dans le ruisseau, en utilisant sa gravité pour l'empêcher de remonter à la surface.
« Tu m'agaces. Va te suicider.
― J'ai essayé avant de venir, mais le kayak s'est brisé avant que je ne sois complètement noyé. » Chuuya eut brièvement la vision d'un kayak flottant à l'envers dans la rivière, avec un Dazai accroché à l'intérieur sous les flots. Les tentatives de suicide de son ancien partenaire devenaient de plus en plus ridicules. La mort aurait au moins pu avoir pitié de lui et l'emporter enfin.
« Va te faire cuire un œuf alors.
― Tes injonctions deviennent de plus en plus ridicules. Pour t'aider, je vais te le dire ! » s'exclama dramatiquement son ancien partenaire d'une voix forte. Chuuya ignorait ce qui l'agaçait le plus actuellement : l'attitude de son interlocuteur ou le fait qu'il était malgré tout curieux de savoir ce qu'il avait bien pu oublier ― à condition que Dazai ne soit pas juste en train de jouer avec ses nerfs. « Tu te souviens de nos premiers congés après la formation du Double Noir ? »
Ça, il s'en souvenait oui. C'était un événement assez mémorable pour eux deux puisqu'il s'agissait de la première fois que Mori leur avait octroyé un véritable temps de repos depuis leur entrée dans la mafia, en récompense pour leur travail exemplaire. Ils avaient obtenu une semaine de repos, ce qui était presque un luxe au sein de la mafia portuaire. En général, la chose qui justifiait un congé aussi long, c'était que vous étiez gravement blessé.
Évidemment, Chuuya avait été contraint malgré lui de passer ce congé avec Dazai ― il n'en avait aucune envie, surtout si son partenaire comptait l'entraîner dans ses tentatives de suicide ridicules ― mais le brun avait pris un malin plaisir à surgir régulièrement de nulle part pour perturber ses tentatives de repos pourtant bien mérité. Et, un jour, alors qu'il pensait enfin être débarrassé du brun en choisissant une heure tardive pour quitter son appartement, il avait été témoin d'une des fameuses tentatives du jeune homme.
Il était vraiment surprenant de constater à quel point il se souvenait bien de cette scène, quand bien même elle remontait à des années plus tôt. Il se souvenait encore très bien de la pleine lune qui illuminait la rivière qui traversait Yokohama, et des étoiles qu'on ne distinguait pas bien à cause des nuages et de la pollution de la ville. Il se souvenait qu'il venait à peine d'arriver au bord de l'eau, sur une place réservée en général aux nombreux touristes qui venaient, quand il avait aperçu la silhouette de son ancien partenaire en contre-bas.
Dans un premier temps, il n'avait pas bougé. Il n'était pas la nounou de Dazai et n'avait aucune envie de se mouiller pour sauver cette stupide momie suicidaire qui n'aspirait qu'à la mort de toute manière. Alors, il l'avait simplement observé de loin, empli d'une curiosité morbide qui l'avait conduit à se demander comment le brun comptait s'y prendre cette fois. A sa connaissance, il avait tenté de se jeter dans la rivière un bon paquet de fois auparavant.
Puis, il avait remarqué le boulet que s'était accroché l'autre à la jambe.
Quelle belle métaphore de ce qu'il est, avait-il sombrement songé en le voyant faire. Il l'avait vu, comme un enfant qui prépare son terrain de jeu, enlever son manteau noir qu'il ne quittait pourtant que très rarement puis clopiner jusqu'au bord de l'eau en traînant le boulet noir de prisonnier derrière lui, avant de se jeter à l'eau.
Encore une fois, Chuuya n'avait pas bougé. Puis, alors que les secondes avaient défilé lentement les unes après les autres, il avait réalisé qu'il était potentiellement en train d'assister réellement à la mort de son partenaire.
Il ne se souvenait pas très précisément de ce qu'il avait fait ensuite, mais il savait qu'il avait renoncé à sa décision de ne pas se mouiller et avait plongé à la suite du jeune homme avant d'employer son pouvoir sur le boulet pour le faire remonter lui et son poids mort à la surface. (Pour ce qu'il en savait, l'autre momie était peut-être déjà noyée, mais au moins il aurait la paix avec sa conscience puisqu'il aurait essayé de l'arrêter.)
Lorsqu'il était remonté lui-même à la surface, il avait traîné Dazai sur la terre ferme et s'était laissé lui-même choir à côté pour reprendre son souffle. Il était entièrement trempé, même son pauvre chapeau qu'il avait maintenu en place avec sa gravité. Heureusement qu'il faisait bon, avait-il songé, sinon il aurait attrapé la mort en même temps.
Dazai avait respiré à ses côtés, ce qui lui avait prouvé qu'il était en vie. La mort était vraiment capricieuse, semblait-il. Peut-être l'intervention de Chuuya n'aurait-elle rien changé en fin de compte. Mais il avait agi plus sous une impulsion inexpliquée que par un raisonnement logique.
C'était sans doute à peu près à ce moment-là, d'ailleurs, qu'il avait réalisé qu'il ne détestait peut-être pas entièrement le brun.
« C'est de ça dont tu parlais ? reprit-il en sortant de ses souvenirs. De la fois où je t'ai sauvé de la noyade ? » Le regard de Dazai s'illumina légèrement de façon presque naturelle ― mais il avait appris à se méfier de la moindre expression de son ancien partenaire qui reflétait rarement ses vraies pensées.
« Donc tu t'en souviens ! Ton cerveau n'est peut-être pas si ralenti alors...
― Ferme-la..., siffla Chuuya entre ses dents en essayant de se retenir de l'étrangler. C'est vraiment juste pour ça que tu es venu me déranger aujourd'hui ?
― Ça fait exactement cinq ans aujourd'hui. » Le capitaine de la mafia observa son interlocuteur sourire légèrement en disant cela. C'était possible en effet... Il ne se souvenait plus du jour exact, mais la période collait.
« Tu t'en souviens aussi précisément ? lâcha-t-il au bout de quelques secondes de silence.
― Évidemment. C'est la première fois que tu m'as sauvé alors que rien ne te poussait à le faire. »
Le ton employé par le brun était inhabituellement doux et chaleureux, et Chuuya dut lutter contre son cœur pour qu'il ne s'emballe pas ― ils en avaient déjà parlé, le rouquin avait suffisamment souffert à cause du suicidaire et de son départ comme ça, pas la peine de s'attacher à nouveau à lui comme si rien ne s'était produit. Le mafieux songea ensuite que Dazai était peut-être en train de le baratiner en profitant qu'il ne s'en souvenait pas pour jouer avec ses sentiments. Il se souvenait en effet avoir sauvé le jeune homme, mais était-ce la première fois ? Plus il y réfléchissait, plus il admettait que oui, peut-être... Dazai avait insisté sur le fait que rien ne le poussait à le faire, et il était vrai que les quelques fois qui lui revenaient en mémoire et qui dataient du début de leur partenariat, il l'avait sauvé parce que sa mort les aurait mis inutilement en danger, pas par sympathie profonde pour le jeune homme.
« Je n'aurais peut-être pas dû, déclara-t-il ensuite, j'aurais eu la paix pour le restant de mes jours.
― Voyons, Chuuya, je suis certain que tu n'en penses pas un mot ~ Je suis inoubliable ! » Dazai semblait être redevenu comme avant, insouciant et moqueur, et Chuuya songea que c'était peut-être mieux (il avait moins de mal à le détester quand il se comportait ainsi).
« Maintenant, tu peux me rendre mon chapeau ?
― Non. Je veux qu'on célèbre ensemble cet événement ! »
Définitivement, cette momie voulait mourir. S'il continuait à être aussi insupportable, Chuuya allait lui fracasser le crâne à coups de pioche ― il savait qu'il y en avait une qui traînait quelque part dans la rue, souvenir d'une attaque orchestrée par un groupe de yakuzas qui cherchait à se démarquer des autres.
« Tu ne m'as pas écouté ? protesta-t-il. Je suis attendu. » Le détective fit semblant de jeter un coup d'oeil à la montre qu'il n'avait pas et lui sourit malicieusement.
« Je pense que tu es déjà tellement en retard qu'ils ne s'attendent pas à ce que tu viennes encore. » Chuuya observa son téléphone et constata qu'il était en effet terriblement en retard ― tout ça à cause de ce fichu maquereau !
« Tu l'as fait exprès pas vrai ? De me retenir ainsi ? » Le sourire du brun s'élargit considérablement, le faisant ressembler au chat du Cheshire.
« Toi et moi on sait que tu n'avais pas vraiment envie d'y aller. Je t'offre une excuse : tu leur diras que c'est moi qui t'ai retenu.
― Tu te fiches donc d'avoir affaire à Kôyô ?
― ... Elle ne m'attaquera pas si tu lui dis que je n'ai absolument rien fait. »
Le détective avait quand même eu une hésitation. Chuuya se demandait comment Kôyô faisait pour être crainte de tous, y compris de cet idiot qui n'avait peur de personne. L'ombrelle qui cachait une épée peut-être ? Ou alors sa capacité à continuer de sourire et de faire la conversation alors que son pouvoir lacérait les ennemis ? Même le parrain semblait redouter sa subordonnée par moments ― ce qui amenait Chuuya à se demander s'il existait quiconque sur Terre qui oserait la défier sans trembler. Probablement que non.
« Allez, Chuuya ! l'implora Dazai. En souvenir de ce jour. Je vais même te rendre ton chapeau. » Il joignit le geste à la parole ― ce qui surprit vraiment le rouquin.
« Pourquoi tu tiens à ce qu'on le célèbre ? Il n'a rien d'exceptionnel. » Les yeux du brun brillèrent étrangement.
« Bien sûr que si. »
Sa réponse plongea le rouquin dans la perplexité, mais avant qu'il ne puisse protester, les doigts de Dazai s'enroulèrent autour de son bras droit et l'entraînèrent sans ménagement loin de son appartement. Le mafieux voulut protester mais ne parvint finalement pas à émettre ses protestations. Il était trop perturbé par l'attitude de Dazai et le contact de ses doigts sur son bras pour réfléchir correctement à l'attitude à adopter. Il aurait dû insister, dire au brun qu'il ne pouvait pas passer la soirée avec lui ― aussi bien à cause de ses obligations qu'à cause de son coeur défaillant ― mais se rendit compte qu'il n'avait vraiment aucune envie d'aller à cette fête de bienvenue ou de passer le reste de la nuit seul chez lui. Il allait le regretter, il le sentait, mais se laissa finalement entraîner par Dazai tout en essayant de repérer où ils allaient.
« Dazai, finit-il par déclarer alors qu'ils traversaient une énième rue sans s'arrêter, je ne sais pas où tu nous emmènes, mais t'as intérêt à ne pas me laisser planter là-bas pour que je sois obligé de me retaper tout ce trajet à pied seul. » Dazai rit en guise de réponse, encore d'un de ses rares rires sincèrement amusés ― il allait le tuer à ce rythme.
« Je cherche le bon endroit, répondit-il ensuite.
― Hein ?
― Je cherche le bon endroit, répéta le brun.
― J'avais entendu la première fois. Tu m'as emmené avec toi sans savoir où on allait ? » Dazai se tourna vers lui pour l'observer en silence pendant quelques secondes avant de répondre :
« Je pensais d'abord simplement m'incruster chez toi, mais, finalement, je cherche un meilleur endroit. »
Le capitaine retint un soupir désabusé. Son ancien partenaire avait vraiment un don pour compliquer quelque chose qui aurait pu être simple ― s'il avait quelque chose à dire, il pouvait le faire clairement, et d'ailleurs, il ne s'en privait pas habituellement. Quelle mouche le piquait donc ? Toute son histoire de célébration de ce jour le laissait perplexe. Ce n'était pas si important. Il avait sauvé Dazai, d'accord, de son plein gré, sûrement, pour la première fois, peut-être mais cela ne méritait pas qu'ils y accordent une attention particulière, si ? En plus, c'était il y a cinq ans et c'était la première fois que Dazai tenait à ce point à faire quelque chose. Il flairait le coup fourré. Son ancien partenaire s'était moqué de lui un nombre incalculable de fois, et il sentait qu'il comptait recommencer.
Pour autant, il ne dit rien, attendant de voir ce que son étrange compagnon nocturne avait l'intention de faire pour soi-disant célébrer ce sauvetage. Ils avaient repris leur chemin, mais il commençait à croire qu'ils tournaient en rond car il était certain d'avoir déjà traversé cette rue une dizaine de minutes plus tôt. Ils finirent par prendre des chemins que le rouquin ne reconnaissait pas, et le brun finit par s'arrêter face à une entrée de service qui disait quelque chose au mafieux. Pas moyen de mettre le doigt sur l'endroit où elle se trouvait cependant, il faisait très sombre autour d'eux et l'entrée était dissimulée derrière des barrières peu avenantes.
Dazai lui fit néanmoins signe de grimper l'escalier en fer qui semblait interminable ― et cette impression se prolongea lorsque, dix minutes plus tard, il n'en avait toujours pas atteint le sommet. Le plan de son ancien partenaire était-il de l'épuiser pour le ridiculiser encore plus ? Chuuya avait une bonne endurance et était en parfaite condition physique, mais cet exercice tardif eut raison de son endurance rapidement. Lorsqu'ils atteignirent enfin le sommet ― il était d'ailleurs surpris que Dazai y soit parvenu, il avait toujours eu l'impression qu'il relâchait sa condition physique depuis son départ ― le rouquin s'adossa à la porte quelques secondes pour reprendre son souffle et observa la vue qu'ils avaient depuis le haut du bâtiment sur lequel ils étaient. S'ils restaient jusqu'à ce que le soleil se lève, ils auraient un spectacle magnifique.
« J'aurais dû utiliser ma gravité, soupira-t-il une fois qu'il eut repris son souffle.
― Cela n'aurait pas été aussi drôle voyons. En plus, on se serait fait prendre. » Le détective désigna de la main les bâtiments adjacents, qui confirmèrent au rouquin le mauvais pressentiment qu'il avait eu tout en grimpant les marches et en s'interrogeant sur l'endroit où ils pouvaient se trouver pour devoir grimper aussi haut : ils se trouvaient en haut de l'une des tours de la Mori Corporation.
« La mafia te manque tant que ça ? railla-t-il en s'approchant un peu du bord pour observer Yokohama. Tu dois absolument y revenir régulièrement ?
― La seule chose qui me manque à la mafia, c'est mon adorable limace rousse. » Le surnom affectueux ― si on oubliait l'insulte au milieu ― ajouté à la sincérité désarmante sur laquelle le brun avait répondu fit repartir à toute vitesse le cœur du mafieux.
« Je suis supposé te croire alors que tu ne m'as pas adressé la parole pendant quatre ans après ton départ ? s'entendit-il répondre sans adresser un regard au brun.
― Mais, depuis, je rattrape le temps perdu non ?
― Si jouer avec mes nerfs toutes les semaines est ce que tu appelles rattraper le temps perdu, je préférais encore quand tu ne me parlais plus. »
Faux, mais il ne comptait pas le dire aussi directement au brun qui s'en servirait sûrement pour le tourner en dérision ensuite. Il s'était toujours juré de ne pas dire un mot au jeune homme sur ses sentiments ― il savait bien que l'autre s'en servirait forcément à son avantage, sans se soucier du mal qu'il lui ferait dans le même temps. Dazai ne répondit rien à sa dernière remarque et s'approcha du bord pour le rejoindre. Son regard noisette se perdit en contre-bas.
« Si je sautais maintenant, tu me rattraperais ? » demanda-t-il au bout de quelques instants. Chuuya réfléchit quelques instants, plus pour faire illusion qu'autre chose. Il savait très bien que oui, il le rattraperait avec son pouvoir. Même si le laisser tomber serait peut-être un bienfait pour l'humanité.
« Non. » répondit-il finalement. Dazai s'esclaffa.
« C'est un mensonge, ça. Je sais que tu le ferais. » Il releva son regard pour observer son ancien partenaire. « Tu sais, ce jour-là, je ne pensais pas que tu m'aiderais.
― Tu m'avais vu ?
― Évidemment, tu n'es pas spécialement discret ~ Mais je pensais que tu serais le premier à apprécier le spectacle.
― C'est ce que je pensais aussi, avoua le rouquin, mais apparemment, le poids de ta mort aurait été trop lourd sur mes épaules.
― Personne n'avait jamais fait ça avant toi, murmura le brun d'un ton presque doux.
― Te sauver la vie ?
― M'empêcher de me suicider, rectifia le détective. De façon aussi directe. D'autres m'avaient déjà arrêté, comme Mori, mais personne ne l'avait fait de façon désintéressée comme toi. Rien ne te forçait à plonger ce soir-là. »
Chuuya resta silencieux un instant, réfléchissant aux mots du jeune homme à côté de lui. Puis, il serra les dents et le poing, avant d'asséner un coup sur le crâne à son interlocuteur. Le coup de poing fut paré, mais le détective ne réagit pas assez vite et ne bloqua pas le coup de pied qui suivit et le fit basculer dans le vide. Avant même qu'il ne chute cependant, son corps fut retenu par une poigne forte ; la main gantée de Chuuya se referma sur celle du détective et le rouquin le ramena légèrement vers lui, tout en se laissant malgré tout la possibilité de le faire tomber pour de vrai.
Dazai observa son ancien partenaire avec une légère surprise, tandis que le rouquin l'observait un peu de haut ― ce qui lui procura une certaine satisfaction.
« Tu es un abruti de suicidaire. Vraiment. Ils t'appellent tous le prodige de la mafia, mais t'es juste un abruti, un idiot et un imbécile.
― Ce sont des synonymes qui veulent dire la même chose, commenta le jeune homme, apparemment remis de sa surprise.
― Ferme-la et laisse-moi finir. Tu es peut-être intelligent quand il s'agit de prévoir les mouvements adverses, mais pour le reste, tu es un idiot. Bien sûr que si, j'avais des raisons de te sauver la vie ! » Il marqua une petite pause avant d'ajouter : « Je n'ai pas envie que tu meures. Enfin, la plupart du temps je me dis que tu le mérites, vraiment. Tu passes ton temps à jouer avec les autres sans te soucier du fait qu'ils sont humains, à les manipuler et à te comporter comme si les sentiments des autres étaient juste faits pour que tu t'en serves. Je ne sais pas combien de fois j'ai eu envie de t'étrangler, ou j'ai souhaité que quelqu'un mette fin à tes jours vite. Mais je sais que, si cela devait vraiment arriver, je ne serais pas en mesure de m'en réjouir entièrement. »
Dazai le fixait toujours, et ne dit rien malgré le silence qui s'étira après ses derniers mots. Il finit par plisser les yeux avant de sourire doucement en voyant que son ancien partenaire détournait le regard pour essayer de masquer ses joues rougies, non par le froid absent de ce mois d'août mais par autre chose.
« Je suis un idiot, convint-il finalement. Maintenant que je l'ai admis et que je t'ai laissé finir, tu peux me remonter. »
Chuuya hésita avant de le remonter pour de bon sur le toit du quartier général de la mafia. Peut-être aurait-il dû le laisser tomber ; mais il s'en sentait franchement incapable. A sa grande surprise, à peine remis sur ses pieds, le détective l'attira vers lui pour le serrer dans ses bras ― ah, on pouvait observer un arrêt complet de la rationalité du capitaine Chuuya Nakahara. Dazai, lui, semblait très satisfait de son effet puisqu'il eut un petit rire moqueur.
« Si tu m'avais laissé finir moi, j'allais dire que c'était la raison pour laquelle tu me manquais. Parce que tu te soucies de moi, malgré tout ce que tu peux prétendre. Et que, à la mafia, tu étais sans doute le seul avec Odasaku à le faire. » La confession accentua la confusion de Chuuya, déstabilisé d'être mis sur le même pied d'égalité avec Oda, que Dazai avait pourtant toujours semblé mettre au-dessus de lui. « C'est pour ça que je t'aime, ma chère petite limace ~ »
Chuuya aurait pu répliquer un grand nombre de choses. Une insulte bien sentie, accompagnée d'un coup bien placé par exemple. Ou alors un autre reproche, pour rappeler à l'ancien capitaine le tort qu'il avait causé.
Mais la seule chose qu'il fit en fin de compte, ce fut attirer son ancien partenaire vers lui pour l'embrasser longuement.
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