chapitre 20
Oscar est un peu en retard pour le déjeuner. Après les essais du matin, il est resté discuter plus longtemps que prévu avec son ingénieur, et il n'a pas vu le temps passer.
Heureusement, en plus d'avoir cinq sens parfaitement développés, il possède aussi des jambes qui marchent vite.
Quand il arrive, Nour est en train de s'éloigner qu'un homme avec qui elle a probablement échangé quelques mots, et Oscar fronce les sourcils en voyant qu'elle n'a pas l'air dans son état normal.
-Nour ? Ça va ?
Elle le dévisage, et Oscar met plusieurs secondes à réaliser qu'il n'a même pas pensé à dire son nom de famille. Et bien qu'elle se soit adressé à lui simplement par son prénom par messages il y a quelques jours et qu'il ait fait pareil, ce n'était pas à l'oral.
-Oui, et toi ? demande-t-elle, avant de commencer à avancer vers une table, mais le pilote secoue la tête. Il pose sa main sur l'épaule de la jeune femme, qui s'arrête.
-Qu'est-ce qui s'est passé ?
Elle secoue la tête, se pinçant les lèvres.
-Rien, vraiment, c'est rien de grave. Je te raconterais à table.
Oscar est bien obligé d'acquiescer. Il laisse la jeune femme et son plateau s'installer et la rejoint avec le sien. Il s'assied et attend qu'elle parle.
-C'est juste... j'ai un maillot de l'Algérie, donc on m'a demandé si j'étais algérienne, j'ai dit oui. On m'a demandé d'où, donc j'ai répondu... et ensuite, la personne a commencé à me parler... ben, je sais même pas, tu vois. En arabe, ou en kabyle. Je sais même pas faire la différence. Ils parlent kabyle dans ma famille, mais aucun des enfants de ma génération n'a été baigné dans la langue. Le kabyle, pour moi, c'est la langue que parlent mes grand-parents ensemble, et avec mes cousines, on comprend pas. Parfois, il y a un mot en français, alors on a un contexte. Mon père et ses frères et sœurs, ils ont oublié une partie de la langue mais ils comprennent toujours. Et pas moi. Et ça me met en colère, parce que j'aurai voulu qu'on me donne cet héritage. Et ça me met aussi en colère que dès que je dis que je suis algérienne, on arrête de me parler français. Parce que quand je réalise ce qui se passe, je dis immédiatement que je ne comprends pas et je sens le jugement, la déception, l'incompréhension de l'autre côté. Parce que oui, je l'ai pas dit mais ça m'arrive régulièrement.
Elle lâche sa fourchette dans son assiette, soupirant fort. Oscar fait la moue.
-Mais, Nour Aït Idir, depuis quand on doit s'intéresser au jugement, à la déception et à l'incompréhension d'autrui ?
Elle sourit.
-Je suis pas pilote de Formule 1, moi... on m'apprend pas à ignorer ce qui se dit sur moi.
-T'as le droit d'être en colère pour ces deux bonnes raisons, mais pas par rapport au regard des autres là-dessus. Simplement à cause de ton propre regard. Tout comme, quand je me foire en Formule 1, je suis en colère de l'avoir fait, mais pas parce que je sais que ça va faire parler. Simplement pour moi et mes cinq sens.
Nour hoche la tête.
-Merci, Oscar Piastri.
-Avec plaisir.
Elle soupire à nouveau.
-Bon, parlons d'autre chose ! Il fait su-per beau, aujourd'hui, ça devait être trop agréable, ce matin, parce qu'il faisait encore un peu frais. Je pense que cet après-midi, ce sera bien aussi même s'il fera sûrement plus chaud pour vous. Je suis désolée, Oscar Piastri, j'arrête pas de parler, je le fais pas exprès, c'est plus fort que moi.
Le pilote hausse les épaules.
-Bah, ça me dérange pas.
Elle sourit.
-Merci. D'être la personne que tu es.
Oscar rit.
-Aw, Nour Aït Idir, ne sois pas si émotive maintenant, c'est trop tôt.
C'est la première fois qu'il fait une quelconque référence à sa fin de stage, et il espère secrètement qu'elle ne réponde rien, qu'elle reste évasive, qu'elle rigole simplement, et que le sujet ne soit plus abordé jusqu'au dimanche soir, quand il ne saura pas comment lui dire au revoir.
-C'est juste des remerciements, faut-il une occasion ?
Il hausse les épaules.
-Merci à toi aussi, alors ?
Elle sourit. Et c'est sur ces mots que le repas se termine.
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