Chapitre 41

— Il n'y a rien que je puisse faire. Si tout se passe bien, les effets se dissiperont d'ici quelques temps.

Allongée dans le lit le plus confortable que l'on pouvait imaginer, Lyssandra regarda la médecin refermer son sac en cuir. La femme avait attentivement examiné sa gorge et son rythme respiratoire, sans que ses traits ne trahissent la moindre émotion.

Eleanor, la mère de Julian, se tenait sur une chaise près du lit de la jeune fille, l'air préoccupé. Elle avait été ravie de retrouver Lyssandra, avant d'aussitôt déchanter face à ses quintes de toux préoccupantes. Comme Julian ne cessait de poser des centaines de questions à la médecin, celle-ci avait demandé à ce qu'il quitte la chambre où avait été installée la louve.

— Mais de quoi s'agit-il, exactement ? s'enquit Eleanor, avec un accent de la Terre du Rubis si prononcé que l'on comprenait à peine ce qu'elle disait. Pensez-vous que les fumées qu'elle a respirées aient quelque chose à voir avec tout ça ?

— D'après ce que vous m'avez décrit, je pense qu'il s'agissait des vapeurs d'un poison. À de si petites doses, il faisait simplement effet de somnifère, mais sur le long terme, il a pu provoquer ces problèmes respiratoires. Tant que je ne sais pas exactement de quelle substance il retournait, je ne peux vous prescrire aucun remède. Mais votre état ne semble pas trop grave, mademoiselle. Si vous n'êtes pas remise en contact avec ce produit, vous ne courrez normalement aucun risque. La preuve, cela fait déjà un moment que vous ne toussez plus.

Et c'était vrai. Lyssandra respirait plus facilement depuis quelques minutes, et sa brûlure dans la gorge avait perdu en intensité. Cependant, ce n'était pas pour autant qu'elle était complètement tranquille.

— Ma... Ma mère avait apparemment une maladie qui la faisait beaucoup tousser, commença-t-elle d'une voix un peu tremblante. Serait-il possible que cette maladie soit apparue à cause de ce même poison ?

Si Dame Miranda avait en plus empoisonné Rosaley, alors elle était prête à sortir immédiatement de ses couvertures pour lui régler son compte sur-le-champ.

— Je ne saurais vous le dire. Cela dépend de quoi votre mère était atteinte, et de quel poison il s'agissait.

Peu rassurée, la jeune fille baissa les yeux vers sa couverture bleue élégamment brodée de fil d'or. La chambre où elle se trouvait était à côté de celle de Julian, et juste en face de celle de Marcus. Les murs bleus étaient magnifiques, illuminés par les rayons du soleil que laissait passer une grande fenêtre donnant sur le village. La pièce n'avait apparamment pas été utilisée depuis très longtemps, mais des domestiques s'étaient arrangés pour la dépoussiérer au plus vite. Lyssandra avait du mal à réaliser que des personnes s'étaient donné la peine de préparer une chambre spécialement pour elle, et cette idée la mettait mal à l'aise.

— Je vous conseille simplement de vous reposer, conclut la femme avant de se tourner vers Eleanor. Puis-je vous être utile pour autre chose ?

— Ce sera tout, Sara. Je vous remercie, répondit la mère de Julian avec un faible sourire.

La médecin inclina la tête, avant de quitter la pièce sans un mot. Elle n'avait même pas refermé la porte que Julian apparut, si inquiet que la louve sentit son coeur se serrer. Ses cheveux bruns étaient tout ébouriffés, et lorsqu'il s'approcha d'elle, elle résista à l'envie de passer sa main dedans.

— Ça va mieux ? demanda-t-il en s'asseyant au bord du lit pour prendre les doigts de la jeune fille entre les siens. Je ne comprends pas pourquoi elle m'a demandé de partir, cette médecin n'est vraiment pas compatissante...

— Peut-être parce que tu la harcelais tant de questions qu'elle ne s'entendait même plus penser, supposa sa mère. Et je te rappelle que sans elle tu ne serais peut-être pas là, c'est tout de même elle qui a assisté à ta naissance, sans compter toutes les fois où elle t'a soigné.

Comme s'il venait de se rappeler sa présence, Julian rougit et esquissa un mouvement pour se relever, mais il ne semblait pas prêt à s'éloigner de Lyssandra. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres d'Eleanor, qui ne fit néanmoins aucun commentaire.

— Je vais bien, ne t'inquiète pas. Je tousse moins et apparemment, je ne devrais bientôt plus ressentir les effets du poison. Je ne...

— Du poison ? s'horrifia-t-il. Alors cela avait bien un rapport avec ces fumées dans le grenier ?

— Ne t'inquiète pas, répéta-t-elle comme il avait blêmi. Du moment que je n'entre pas de nouveau en contact avec, je ne risque rien.

Il ne paraissait guère convaincu, ce qui n'était pas étonnant. La louve elle-même était loin d'être tranquille.

— Le manoir de cette fichue vampire est en train d'être fouillé, intervint la mère de Julian. Tous les objets suspects seront ramenés ici ce soir, et nous trouverons de quel poison il s'agit. De plus, cette traînée nous devra des explications.

Lyssandra comprit qu'au besoin, Eleanor n'hésiterait pas à sortir ses si jolis poignards incrustés de rubis...

— Je suis vraiment désolée que vous ayez eu à subir tout cela, reprit-elle avec plus de douceur. À partir du moment où nous avons constaté votre disparition, nous avons tout fait pour vous retrouver. La princesse des vampires nous a raconté avoir été poignardée, et lorsqu'elle m'a montré l'arme, j'ai compris que c'était vous qui l'aviez fait. Bravo pour ça au fait, si vous avez réussi à embrocher Isabella, vous pouvez directement rejoindre les rangs des Chasseurs !

La jeune fille grimaça en se remémorant son altercation avec la princesse, devinant qu'elle avait dû avoir certaines conséquences diplomatiques.

— J'espère qu'il n'y a pas eu de déclaration de guerre par ma faute... J'ai essayé de me cacher dans un placard pour échapper aux loups-garous, sauf que la princesse s'y trouvait déjà avec son garde du corps. Elle m'a attaquée et... Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai sorti le poignard et par miracle il s'est retrouvé dans son ventre.

— Isabella n'a pas cherché à faire d'histoires, rassurez-vous. C'est plutôt Julian qui a failli déclencher un conflit lorsqu'il l'a accusée de vous avoir fait du mal...

— Il y avait des traînées de sang partout dans le palais, se justifia-t-il. Quand on a appris que tu l'avais poignardée, j'ai cru qu'elle s'était vengée en te vidant de ton sang ou je ne sais quelle autre atrocité. Après tout, elle n'est pas vraiment réputée pour sa compassion.

— Je me suis blessé le pied avec du verre en quittant la salle de bal. C'est pour cela qu'il y avait du sang partout. Isabella et son garde voulaient m'emmener dans les cachots, sauf qu'elle a d'abord voulu faire un détour par la salle des vampires. Le garde m'a laissée seule à peine quelques secondes et Dame Miranda m'est tombée dessus. Elle m'a assommée et... Je me suis réveillée dans ce grenier.

Elle leur raconta la suite sans trop de détails, sentant que Julian s'inquiétait de plus en plus à chacun de ses mots. Même Eleanor — qui au vu de sa cicatrice sur la joue, avait certainement dû connaître bien pire — semblait gagnée par l'effroi. Lyssandra avait elle-même du mal à croire sa propre histoire, se demandant comment elle avait pu en arriver jusque-là. Ou plutôt, comment Dame Miranda avait pu en arriver jusque-là. Était-il réellement possible de haïr quelqu'un comme elle haïssait Lyssandra ? L'aurait-elle vraiment tuée si les gardes du Grand Alpha n'avaient pas rôdé autour du manoir ? Est-ce elle qui a provoqué la maladie de Rosaley ?

Je vous promets que cette affreuse vampire récoltera ce qu'elle mérite, déclara Eleanor avec conviction. Parole de Chasseuse.

Elle ponctua sa phrase d'un petit clin d'oeil, avant de se relever avec une élégance digne de celle d'Alisée.

— Je pense que c'est le moment pour moi de vous laisser. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, mademoiselle, n'hésitez pas.

Après un mois de solitude absolue, tant de gentillesse étourdissait presque la louve.

— Vous... Vous pouvez m'appeler Lyssandra.

— C'est d'accord, mais seulement si tu m'appelles Eleanor, répondit la mère de Julian avec un petit sourire. Chéri, fit-elle en se tournant vers son fils, ne t'attarde pas trop, je te rappelle qu'elle est censée se reposer...

— Je... Je n'avais pas l'intention de...

Mais il ne put terminer sa phrase, car la louve était déjà repartie sans un mot, laissant seuls les jeunes loups-garous. Un court silence tomba entre ces deux derniers, avant que Julian ne reprenne la parole :

— Tu es sûre que tu te sens mieux ? Tu ne veux pas que j'aille te chercher quelque chose à boire ou...

— Je t'assure que je vais bien. J'ai juste respiré les vapeurs d'un poison toxique, mais à part ça, rien de spécial, on a vu pire, sourit-elle dans une petite tentative pour détendre l'atmosphère.

Il grimaça un sourire, puis baissa les yeux vers la couverture en soupirant.

— Comment Dame Miranda peut-elle être aussi méchante ? Enfin... Je veux bien croire que j'ai tendance à être un peu trop naïf, mais je ne comprends pas qu'une personne puisse être aussi odieuse envers quelqu'un qui ne lui a rien fait. Même si tu nous as raconté son histoire autour de tes parents, je n'arrive pas à imaginer qu'elle ait pu faire tout cela simplement par... jalousie ?

À vrai dire, elle aussi avait du mal à y croire, mais elle devinait que ce sentiment pouvait se montrer extrêmement dévastateur. Pourtant, elle était certaine que si Julian aimait un jour une autre personne, elle n'enfermerait pas l'élue de son coeur dans un grenier, pas plus qu'elle ne déchaînerait sa haine sur leur descendance... Elle imaginait que les émotions des vampires devaient parfois être difficiles à maîtriser. Une vie éternelle signifiait une éternité de bonheurs, mais aussi de souffrances.

— Je pense que si nous commençons à nous poser des questions sur la psychologie de Dame Miranda, nous y serons encore dans un demi-siècle. Pour le moment, je préfère ne pas trop imaginer ce qui se passe dans son cerveau...

Elle avait voulu mettre une pointe d'humour dans ses paroles, mais la fatigue se faisait de plus en plus pesante. Malgré ce qu'elle ressentait lorsqu'elle était ainsi aux côtés de Julian, elle ne pouvait plus tellement ignorer le sommeil, surtout que son lit l'invitait à s'y prélasser de longues heures durant.  

— Je pense qu'il vaut mieux que je te laisse, je t'ai déjà assez embêtée comme ça. Tu aurais dû aller dormir dès que tu es arrivée ici, mais je ne voulais pas te faire rater les meilleurs croissants de la Terre des Loups... 

Il se leva et lorsqu'il lui lâcha la main, Lyssandra regretta aussitôt son contact chaud et apaisant. Lui aussi dû ressentir ce même manque, car il esquissa un mouvement presque imperceptible pour la lui reprendre. Finalement, il se pencha vers la louve, et l'embrassa tendrement sur les lèvres. Leur premier baiser datait de quelques heures à peine, pourtant il semblait à la jeune fille que cela était aussi naturel que s'ils en avaient échangé un millier.

Ce contact si doux lui donna plus que jamais envie de rester éveillée, et lorsqu'il se recula, elle dut résister à l'envie de l'attirer de nouveau contre elle.

Il finit par partir après lui avoir demandé une énième fois si elle avait besoin de quelque chose, et elle se retrouva seule. La chambre lui sembla d'un coup bien silencieuse, mais le sommeil l'entraîna vite vers l'inconscience, sans lui laisser le temps de s'inquiéter de ce calme pesant.

Elle se réveilla de longues heures plus tard, sans se souvenir du moindre de ses rêves. Il lui fallut un bon moment avant de se rappeler l'endroit où elle se trouvait, et elle tressauta en posant les yeux sur son bracelet rouge. Tu es devenue une louve par on ne sait quel miracle, et tu es au palais du Grand Alpha. Pourquoi tu y es ? Oh parce que tu as retrouvé Julian ! Et tu l'as embrassé aussi. Deux fois. Elle se pinça bêtement le bras, afin d'être certaine d'être complètement réveillée. Sa toux la ramena de toute façon bien vite à la réalité, tout comme la brûlure au fond de sa gorge. Et au passage, Dame Miranda t'a empoisonnée. Il faudrait peut-être que tu revoies l'ordre de tes priorités...

Elle se redressa dans son lit, et sentit sa tête lui tourner. Peut-être aurait-elle besoin de dormir davantage, mais au-dehors, la nuit était déjà tombée. Cela signifiait qu'elle avait quasiment dormi toute la journée, et surtout, que les vampires avaient peut-être déjà été ramenées au château.

Elle se hissa sur ses jambes avec peine, puis remarqua qu'il n'y avait aucune bougie sur la table de chevet. Elle se mit à en chercher une dans la chambre plongée dans la pénombre, osant à peine effleurer les tiroirs de la somptueuse coiffeuse, ou les portes de la magnifique armoire qui aurait réussi à faire rougir celle de Dame Miranda. Elle avait l'impression d'être un imposteur au milieu de cette pièce si belle, destinée à des membres de la plus importante famille de loups-garous.

— Bonsoir, mademoiselle, déclara soudain une petite voix féminine à peine audible. Vous cherchez quelque chose ?

La louve sursauta, n'ayant pas entendu la porte s'ouvrir. La jeune fille qui se tenait dans l'encadrement fit un pas en arrière et écarquilla ses grands yeux marron.

— Pa... Pardonnez-moi, mademoiselle, balbutia-t-elle en baissant la tête vers le sol. Je ne voulais pas vous effrayer, je vous présente mes excuses...

Elle paraissait si frêle dans sa robe noire surmontée d'un tablier blanc, qu'il aurait fallu être un monstre pour ne pas éprouver une sympathie immédiate envers elle. Lyssandra ne parvenait pas à distinguer nettement ses traits à cause de l'obscurité, mais elle lui semblait très jolie. Ses cheveux bruns étaient attachés en un chignon serré au sommet de sa tête, ce qui n'empêchait pas quelques mèches de s'en échapper. Elle ne devait avoir qu'une vingtaine d'années, mais sa tenue austère lui donnait l'air plus âgée.

— Ce... Ce n'est pas la peine de vous excuser, répondit Lyssandra, quelque peu perdue. Je ne vous ai simplement pas entendue arriver. Puis-je savoir qui vous êtes ?

— Je m'appelle Sofia, fit-elle en inclinant légèrement la tête comme si elle s'adressait à quelqu'un d'important. Je suis une des femmes de chambre du palais. Je passais juste voir si vous étiez toujours en train de dormir. Souhaitez-vous que je prévienne monsieur Julian que vous êtes réveillée ?

La louve se trouva aussitôt stupide de ne pas avoir songé qu'il devait s'agir d'une domestique. Déjà que cela la gênait d'occuper une chambre qui ne lui appartenait pas, elle se voyait mal vivre avec une personne chargée de la... servir ? Rien que de songer à cette idée, une boule se forma dans son estomac.

— Ne vous inquiétez pas, ce... Ce n'est pas la peine de le déranger, hésita-t-elle sans trop savoir quoi dire. Et ne vous dérangez pas non plus, je...

— Oh mais je suis là pour ça, la rassura la femme de chambre. Monsieur Julian est dans le bureau de monsieur le Grand Alpha. Ils discutent au sujet des vampires qui... Enfin, des vampires que vous connaissez, reprit-elle, confuse.

— Est-ce qu'elles sont arrivées ?

— Il y a peu de temps, oui. Je n'ai pas tellement d'informations à ce sujet, les gardes se sont occupés de les emmener aux cachots en attendant leur jugement.

Alors ça y est. Dame Miranda était réellement emprisonnée, et elle allait être jugée pour toutes les atrocités qu'elle avait commises. Lyssandra n'avait que peu osé y croire, imaginant que la vampire trouverait un moyen de s'échapper, mais il n'en était apparemment rien.

— Je vais vous préparer un bain, ainsi qu'essayer d'ajuster une robe pour vous, déclara Sofia en se dirigeant vers une commode dans un coin de la pièce.

Elle en sortit quelques bougies, puis les alluma avant de se diriger vers une seconde pièce attenante à la chambre que la louve n'avait pas remarquée. Elle constata qu'il s'agissait d'une magnifique salle de bain, si richement aménagée que Lyssandra était incapable de nommer certains objets qui la composaient. La lumière des bougies se reflétait sur les dorures d'une baignoire si grande que celles du manoir en paraissaient ridicules.

— Cela va me prendre un peu de temps pour la remplir, indiqua la femme de chambre tout en attrapant un seau en cuivre. En attendant, vous pouvez choisir la robe qui vous plaît le plus parmi celles qu'Eleanor a fait monter. Elles se trouvent dans l'armoire.

Hébétée, la jeune fille faillit s'exécuter, avant d'aussitôt se raisonner.

— Vous... Vous n'avez pas à faire tout ça pour moi. Je peux me préparer un bain toute seule et je n'ai pas besoin de nouvelles robes... J'irai au village demain matin et je chercherai un travail, je ne veux pas être considérée comme... Une princesse.

Et c'était la vérité. Maintenant qu'elle était légèrement reposée et moins étourdie par les derniers événements, elle réalisait dans quelle situation elle se trouvait. Elle n'avait pas le moindre argent, pas le moindre logement, pas le moindre travail... Or, ce dernier était indispensable si elle voulait obtenir les deux premiers. Même si elle était encore incroyablement fatiguée, il était hors de question qu'elle se laisse vivre dans cet immense palais qui ne lui appartenait pas. Julian et sa famille avaient beau être d'une extrême gentillesse, elle refusait de vivre à leurs frais sous prétexte qu'elle n'avait nul part ailleurs où aller.

Elle voulait bien croire qu'après toutes ces dures années, elle avait peut-être droit à un peu de répit, mais cela ne voulait pas dire se la couler douce dans des baignoires aux bords dorés.

Étrangement, Sofia affichait un doux air compatissant, comme si elle s'était attendue à une telle réaction. 

— Si cela ne vous paraît pas trop impertinent, je crois comprendre ce que vous ressentez. Mais sans vouloir vous offenser, vous avez réellement l'air épuisée. Tout le monde ici s'est inquiété pour vous, même si nous n'avions aucune idée de qui vous étiez. Voir monsieur Julian triste était vraiment très dur...

Lyssandra comprit que par "nous", elle insinuait tout le personnel du palais. Un noeud se forma dans sa gorge à l'évocation de Julian, comprenant à quel point sa disparition avait dû l'affecter lui et tout son entourage.

— En attendant de complètement vous remettre, vous pouvez accepter cette vie de "princesse", comme vous dites, lui sourit Sofia. Personne ne vous le reprochera, et vous pourrez faire ce que vous voudrez une fois que vous vous sentirez mieux.

La louve eut du mal à s'y résoudre, mais finit par reconnaître que dans son état, elle ne pourrait guère faire grand-chose. Tandis que la domestique s'occupait de son bain, elle s'intéressa au contenu de l'armoire de sa chambre. Des dizaines de robes plus resplendissantes les unes que les autres s'y trouvaient, cousues dans des tissus aux couleurs si chatoyantes que Kristal s'en serait évanouie.

Lyssandra resta un long moment pantoise devant tous ces vêtements, n'osant même pas en effleurer un. 

— Elles appartenaient à Eleanor, lui expliqua Sofia en passant près d'elle avec un lourd seau d'eau dans les bras. En attendant d'en faire confectionner à votre taille, elle a dit que celles-ci pourraient peut-être vous aller. Ne vous inquiétez pas, je ferai tous les ajustements dont il y aura besoin, même si je crois qu'elle n'est pas tellement plus grande que vous.

Si ébahie qu'elle ne put aligner deux mots, l'ancienne Neutre finit par extirper quelques modèles de la penderie, et choisit celui lui paraissant le plus simple. Il s'agissait d'une robe bleue à la coupe droite, mais dont la teinte rappelait celle qu'elle portait lors de la Nuit des Bagues.

Son bain fut bientôt prêt, et l'envoûtante odeur de savon qu'il dégageait lui donnait irrésistiblement envie de plonger dedans. Elle couvrit la femme de chambre de remerciements, mais celle-ci les balaya d'un geste de la main.

— Vous n'allez pas le regretter, ajouta-t-elle juste avant de la laisser seule, c'est le même modèle de baignoire que celle de monsieur Marcus, et croyez-moi, on pourrait s'y prélasser pendant des heu...

Elle s'interrompit brusquement, et malgré la pénombre, Lyssandra vit ses joues se teinter de rouge. Un lourd silence gêné tomba, ni l'une ni l'autre ne trouvant quoi dire.

— Euh... Excusez-moi, oubliez ce que je viens de dire, marmonna finalement Sofia avec un petit rire nerveux.

Elle s'inclina légèrement et s'en alla telle une souris en fuite. La louve demeura un instant interdite, se demandant si elle avait bien compris ce qu'elle avait cru comprendre. Secouant la tête pour s'obliger à ne plus y penser, elle s'installa confortablement dans son bain, et se délecta de l'eau chaude parfumée. Quelle que fût la manière dont elle en avait profité, Sofia n'avait pas menti : on s'y sentait si bien que l'on aurait pu rester au milieu de ces jolies bulles pour l'éternité.

Cependant, elle ne s'y attarda que peu de temps, et enfila la robe bleue qu'elle avait choisie. La domestique revint armée de son nécessaire à couture, sans plus faire référence à Marcus ni à sa baignoire. Une fois ses ourlets terminés, elle proposa à Lyssandra de la guider jusqu'au bureau du Grand Alpha. L'intéressée ne se fit pas prier, certaine de se perdre parmi ces immenses couloirs.

Le faible éclairage de la chandelle que tenait Sofia ne l'aidait pas à se repérer, mais elle compta qu'il ne leur fallut tourner qu'à deux intersections avant d'arriver à destination. Alors que la femme de chambre s'apprêtait à frapper à la porte, le battant s'ouvrit brusquement, faisant sursauter les deux jeunes filles, ainsi que tressaillir celui qui se tenait dans l'embrasure.

— Eh bien, fit Marcus en fronçant les sourcils. Mademoiselle Sofia. Mademoiselle Lyssandra.

La domestique inclina la tête avec sérieux, puis s'éclipsa discrètement. Le loup-garou ne sembla pas s'en apercevoir, son regard clair rivé sur Lyssandra.

— Vous avez l'air d'aller... mieux, déclara-t-il après avoir baissé les yeux vers sa si belle robe bleue.

— Disons que je vais aussi bien que l'on puisse aller après avoir été enfermée et empoisonnée, répondit-elle avec une tentative de sourire. Julian est ici ?

— Je suis là, intervint le concerné en apparaissant à son tour près de l'embrasure. J'espère que tu as pu te reposer, j'avais dit à Sofia de ne pas te réveiller, mais...

— Ne t'inquiète pas, répéta-t-elle pour ce qui lui semblait être la centième fois depuis qu'elle l'avait retrouvé. Personne ne m'a réveillée, j'ai déjà passé la journée à dormir. Je ne vais pas tout de même pas adopter le même rythme de vie que les vampires.

— Justement, vous auriez pu attendre demain matin pour vous lever, lui fit remarquer Marcus. Mais puisque vous êtes là, autant régler les problèmes au plus vite. Dame Miranda et ses deux comparses ont été ramenées jusqu'ici dès le coucher du soleil. Vous sentez-vous prête à les voir et à rayer vos problèmes une bonne fois pour toutes ?

La louve hésita un instant, ne s'étant pas attendue à revoir les vampires aussi rapidement. Bien sûr, elle avait envie d'en finir et que toute cette histoire se retrouve loin derrière elle — si seulement cela était possible — mais une part d'elle appréhendait de se retrouver face à Dame Miranda. La dernière fois qu'elle l'avait vue, elle était sous sa forme animale, sous une forme suffisamment puissante pour la tuer en une seule morsure. Désormais, qu'était-elle ?

Son bracelet rouge ne changeait rien. Elle était toujours Lyssandra, une pauvre orpheline à qui rien n'appartenait, pas même la robe qu'elle portait. Si elle se retrouvait en position d'affronter la buveuse de sang, c'était grâce à Julian et sa famille. Non. Si tu as encore l'occasion de régler son compte à Dame Miranda, c'est parce que tu lui as survécu. Et ça, tu ne le dois à personne.

Ignorant d'où lui venait cette soudaine confiance en elle, elle décida de l'écouter. Elle leva les yeux vers Marcus, puis vers son frère, avant de déclarer :

— Allons-y. Allons donner à cette mégère la conclusion qu'elle mérite.

Note de l'auteure :

Ah lala plus que deux chapitres... Vous voyez mes larmes venir ? 😭😅

Reste à savoir quelle sentence attend notre petite Mandy, et si tout va bien se terminer pour Lyly et Juju... Et puis n'oublions pas Kristal et Alisée quand même (petite pensée pour notre Kristalounette qui doit être en train de piquer une crise dans les cachots) ^^ 

À très vite ! ❤️

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