Chapitre 36
L'image de James se désintégra, avant qu'une nouvelle n'apparaisse immédiatement. Cette fois, Dame Miranda et le loup-garou se trouvaient dans le salon du manoir, dont les murs étaient toujours du même vert sombre que Lyssandra connaissait. Ils étaient assis sur le bord de la méridienne, assez proches l'un de l'autre, chacun tenant une tasse de thé entre les mains. La vampire riait sans pouvoir s'arrêter, au moment où une jeune femme blonde se dessina dans l'embrasure de la porte.
— Dame Miranda, souhaitez-vous que je vous serve davantage de thé ?
— À ton avis ? répliqua la buveuse de sang, cessant aussitôt de rire. Je ne t'ai pas fait appeler pour que tu nous tiennes compagnie.
L'intéressée serra les poings, mais s'avança dans la pièce d'un pas léger. Dame Miranda avait toujours détesté les manières de cette Neutre. Même avec des cheveux indisciplinés et un teint d'une blancheur cadavérique, elle avait toujours l'air ravissante. Heureusement, grâce à sa maladie, elle avait pu l'acheter à moitié prix.
— Où sont tes filles ? demanda distraitement James à l'intention de Dame Miranda.
Il avait beau s'adresser à elle, la vampire trouvait qu'il regardait cette Neutre avec un peu trop d'insistance. Elle les avait déjà surpris en train d'échanger des regards qu'elle ne comprenait pas, et cela avait le don de particulièrement l'agacer. James est avec toi depuis deux ans. Ce n'est pas cette stupide gamine qui va changer les choses.
— Elles sont parties au village. Alisée veut de nouveaux livres, et Kristal s'est entichée d'un collier de coquillages hors de prix qu'elle adore regarder à travers la vitrine.
— Tu pourrais peut-être lui donner de quoi l'acheter ? suggéra James en tendant sa tasse pour que la Neutre la lui remplisse. Si cela lui tient vraiment à coeur...
— Allons, James, tu sais bien que tous les désirs de Kristal ne sont que des caprices pour...
La Neutre fut soudain prise qu'une quinte de toux, alors même qu'elle était en train de remplir la tasse de James. Elle fit malencontreusement bouger sa théière et renversa de l'eau brûlante sur les genoux du loup-garou.
— James, je... Je suis désolée, bredouilla-t-elle en faisant mine de sortir un mouchoir de sa poche.
Mais comme elle toussait toujours, elle interrompit son geste, gardant une main plaquée sur sa bouche et l'autre sur sa poitrine. Dame Miranda en avait plus qu'assez de l'entendre s'étouffer presque tous les jours.
— Comment oses-tu t'adresser à lui de cette façon ? s'insurgea la vampire. Tu te dois de l'appeler "monsieur James", je te rappelle ! Et puis tu ne peux donc pas contrôler ces affreuses quintes de toux ?
— Mandy, ce n'est rien, intervint James sans la regarder, toute son attention concentrée sur la Neutre. Rosa... Mademoiselle Rosaley, se reprit-il, est-ce que ça va mieux ?
Il tendit une main, comme s'il aurait voulu la toucher pour la réconforter, ce qui eut le don de mettre Dame Miranda hors d'elle. Comment peut-il s'inquiéter pour cette Neutre sans intérêt ? Comment peut-il ne serait-ce que la regarder alors que je suis dans la même pièce que lui ? Mais la vampire refoula cette stupide jalousie. Tout cela était parfaitement infondé. Il était absolument impossible que James puisse se désintéresser d'elle pour Rosaley. Cette Rosaley infortunée, sans aucune forme d'intelligence, et plus proche de la mort que de la vie.
Suite à ces dernières pensées, le souvenir se transforma. James et Rosaley étaient toujours présents dans le salon, mais ils se tenaient désormais côte à côte, face à Dame Miranda. Cette dernière était toujours assise sur sa méridienne, ses doigts s'entrechoquant avec tension.
— Nous avons quelque chose à te dire, commença James avec un sourire hésitant.
La vampire se raidit imperceptiblement, redoutant ce que son ancien amant allait lui annoncer. Cela faisait déjà six mois qu'il avait mis un terme à leur relation amoureuse, mais il tenait toujours à rester en bons termes avec elle. Dame Miranda acceptait ses visites, ne pouvant se résoudre à l'idée qu'il disparaisse complètement de sa vie.
Et cela même si elle se doutait qu'il ne venait pas au manoir uniquement pour profiter de sa compagnie.
— Je voudrais racheter le titre de propriété de Rosaley.
Si le coeur de Dame Miranda avait encore battu, nul doute qu'il se serait arrêté. Elle avait beau avoir deviné ce qui se cachait derrière le perpétuel air jovial de la Neutre, une part d'elle refusait toujours d'admettre la vérité. Elle avait mis cette gaieté qui l'animait depuis de longs mois sur le dos de l'amélioration de son état de santé.
— Pourquoi ? put-elle simplement articuler entre ses dents.
James et Rosaley échangèrent un regard inquiet, mais le loup-garou prit doucement la main de la Neutre. Ce geste déclencha une vague de rage dans tout le corps glacé de la vampire.
— Nous avons l'intention de nous marier. Nous voudrions quitter la Terre du Diamant afin de nous installer sur la Terre du Topaze. L'air marin ferait sûrement du bien aux poumons de Rosaley, et peut-être même qu'elle pourrait entièrement guérir. Je compte laisser mon poste de représentant, Marienna comprendra et...
Il continua à parler, mais Dame Miranda ne l'écoutait plus. Elle s'était arrêtée à sa première phrase. Nous avons l'intention de nous marier.
— Mais... Mais enfin, le coupa-t-elle, pourquoi voulez-vous vous marier ?
On se mariait quand on avait quelque chose à gagner dans cette union, lorsqu'on héritait d'argent, de terres, d'une haute place dans la société... Or, Rosaley ne pouvait rien offrir à James. Et il était impossible qu'il songe à se marier parce qu'il... l'aimait ? Non, c'est impossible.
— Euh... Eh bien, parce que nous nous aimons, déclara pourtant James, visiblement dérouté par la question de la vampire.
Dame Miranda laissa échapper un rire incontrôlé. Tout cela ne devait être qu'une vaste blague, il ne pouvait en être autrement. Kristal allait bientôt sortir de sa cachette et se mettre à ricaner, fière d'avoir orchestré cette petite mise en scène. Mais alors dans ce cas-là, pourquoi Rosaley se recroquevillait-elle sur elle-même, terrifiée ?
— Vous vous moquez de moi ? fit la vampire en sentant cette fois une bouffée de haine pure l'envahir.
Si elle avait su tuer cette imbécile de Neutre plus tôt. Si elle avait su voler les médicaments qu'Alisée lui apportait. Rosaley aurait fini par s'étouffer à force de tousser. Et elle n'aurait jamais représenté un tel problème.
— Combien veux-tu pour son titre ? demanda simplement James. Je suis même prêt à t'acheter un nouveau Neutre, si tu en as besoin.
— Ja... James, tu ne penses pas sérieusement tout ce que tu dis ? Tu ne... Tu ne peux... Tu ne peux pas la préférer, elle ?
Dame Miranda sentait que des larmes de tristesse et de colère menaçaient de tomber. Le roi des vampires avait déjà obligé Theodore à la laisser tomber. Rosaley n'allait pas lui faire la même chose avec James, certainement pas. D'autant plus que contrairement à Theodore, James, lui, l'aimait vraiment.
— Mandy, cela n'a rien à voir avec toi, lui assura-t-il de sa voix si apaisante qu'elle affectionnait tant. Mes sentiments pour toi n'étaient déjà plus les mêmes quand j'ai commencé à tomber amoureux de Rosaley. Tu te montrais de plus en plus froide et distante, et tu disais à peine deux mots lorsque je venais ici. Je croyais que nous étions d'accord sur le fait que tu ne ressentais plus rien pour moi...
Chaque mot étant plus blessant l'un que l'autre, Dame Miranda refusait de l'écouter. Elle se détourna en prenant une grande inspiration inutile pour ses poumons morts, puis posa son regard glacial sur Rosaley. La petite effrontée avait le toupet de la regarder dans les yeux. Ce serait un miracle si elle survivait encore dix années, mais dans sa courte existence, elle avait réussi à voler l'unique chose que la vampire souhaitait.
Elle avait réussi à lui voler l'amour de James.
— Excusez-moi, déclara subitement la Neutre en se reculant, une main plaquée sur la bouche.
Elle quitta la pièce au pas de course, et Dame Miranda entendit grincer la porte de la cuisine. Des bruits étouffés parvinrent ensuite à ses oreilles, mais pour une fois, Rosaley ne toussait pas. Elle vomissait.
— Je croyais que son état s'était amélioré, s'étonna la vampire. Qu'Alisée avait fini par trouver un traitement dans un de ses livres et...
— Ce n'est pas sa maladie, l'interrompit James avec lenteur, comme s'il redoutait ce qu'il allait dire. Rosaley est... Rosaley est enceinte.
Comme si cette annonce avait anéanti toutes les facultés de Dame Miranda, l'image se coupa net. L'obscurité se fit un long moment dans l'esprit de Lyssandra. Lorsqu'elle découvrit le dernier souvenir, elle crut d'abord qu'elle était revenue à la réalité. Elle voyait le même grenier dans lequel elle se trouvait, mais sous un angle différent. Bien vite, les pensées de la vampire l'envahirent, plus sombres que jamais.
— Qu'est-ce que vous avez fait ? Quel est cet endroit ? Où est James ? Où est... Où est Lyssandra ?
Rosaley faisait les cent pas dans le grenier, hurlant à s'en déchirer ses fragiles poumons. Elle portait une robe blanche ensanglantée, et des cernes violets s'étalaient sous ses yeux exorbités par la terreur. Ou la folie, songea Dame Miranda. Cette dernière l'observait, assise sur une caisse en bois.
— Cela ne veut donc pas rentrer dans ta tête, à ce que je vois, lança la vampire tandis que Rosaley se laissait choir sur le sol et s'acharnait une énième fois après la trappe dans le plancher. Seule une force surnaturelle peut l'ouvrir. Et encore... Je ne suis même pas sûre que Kristal y arriverait.
Mais la Neutre ne l'écoutait pas, tirant de toutes ses maigres forces. Elle finit par s'essouffler et toussa pendant de longues secondes, pliée en deux.
— Qu'avez-vous fait ? répéta-t-elle entre deux inspirations sifflantes. Pourquoi m'avez-vous enfermée ici ? Qu'est-ce... Qu'est-ce que vous avez fait de mon bébé ?
— Oh ne t'inquiète pas, ta chère petite est entre les mains de Kristal...
— Kristal ? s'horrifia Rosaley. Mais vous savez bien qu'elle déteste les enfants ! Qu'elle déteste absolument tout le monde ! Il faut que vous me laissiez voir Lyssandra, elle a besoin de moi !
Elle semblait sur le point d'éclater en sanglots, et sa voix était si déchirée que Dame Miranda avait presque mal à la gorge pour elle.
— Je suis sûre qu'Alisée se fera une joie de jouer les mères adoptives, déclara Dame Miranda avec désinvolture. Tu n'as aucune inquiétude à te faire. C'est plutôt pour toi que tu devrais te préoccuper. Si tu voyais ta tête...
— Où est James ? Il n'est toujours pas rentré ? D'ailleurs... Combien de temps ai-je dormi ? Je me souviens de l'accouchement, d'avoir tenu Lyssandra dans mes bras, de l'avoir confiée à Alisée pour me reposer, puis d'avoir bu votre tisane... Oh non, souffla-t-elle en se passant les mains sur le visage. Vous aviez mis quelque chose dedans, n'est-ce pas ? Mais que me voulez-vous à la fin ?
Elle parlait si vite que la vampire se retenait de toutes ses forces pour ne pas l'assommer. Cependant, la voir dans un tel état lui faisait un bien fou.
Enfin, elle payait.
— Je ne vois pas pourquoi vous faites tout ça, reprit Rosaley en retentant d'ouvrir la trappe. James va finir par rentrer et il se rendra compte de ce que vous avez fait. Même Kristal et Alisée doivent se poser des questions.
— Kristal et Alisée te croient morte, lança Dame Miranda en enlevant l'un de ses gants pour examiner ses ongles. Je leur ai dit que tu étais morte et que je t'avais enterrée pendant qu'elles étaient parties faire une promenade avec ton charmant bébé.
La Neutre se redressa brusquement, ce qui lui arracha une grimace.
— Elles ne vont jamais croire une chose pareille ! s'exclama-t-elle en se calmant quelque peu. Alisée n'est pas stupide, elle va s'étonner que vous m'ayez enterrée si rapidement et demander où est ma tombe.
— C'est pour ça que j'ai retourné de la terre près d'un arbre non loin du manoir. Ne va pas t'imaginer qu'elle prendra la peine de vérifier que tu es bien dessous, elle n'a pas l'âme à déterrer les morts.
Une nouvelle vague d'effroi traversa le regard bleu de Rosaley. Dame Miranda avait de nombreuses fois rêvé de ne plus la voir sourire, rayonner, afficher ce perpétuel air joyeux alors que son existence était aussi dénuée de sens que celle d'un poisson dans un bocal. Désormais, elle avait réussi à lui ôter définitivement toute raison d'être heureuse. Et ce n'était que le début...
— Peu importe ce que pensent Alisée et Kristal, fit Rosaley en secouant la tête. James ne vous croira jamais. De la terre retournée ne suffira pas à le convaincre.
La vampire aurait voulu sourire malicieusement, mais cela lui était impossible. C'était pourtant l'heure du coup de grâce. Le coup qui allait détruire Rosaley et lui faire remporter la mise, comme lors de ses combats à la Frontière. Sauf que Dame Miranda avait aussi beaucoup perdu dans la bataille. Encore plus que Rosaley.
— James est mort, déclara-t-elle en se forçant à soutenir le regard de la Neutre, afin de ne pas rater une miette de sa réaction. Il ne peut donc plus se préoccuper de ton sort.
Elle vit Rosaley cesser de respirer, ses yeux écarquillés de terreur.
— Je ne vous crois pas, affirma-t-elle pourtant avec une farouche détermination.
— Ah oui ? fit Dame Miranda en se relevant brusquement. Et pourquoi donc ?
Elle s'approcha de sa rivale d'un pas lent, faisant claquer ses bottes sur le parquet.
— Je n'en sais rien, admit Rosaley sans se laisser démonter. Disons simplement que si James était mort, je le saurais.
La vampire éclata de rire, mais il ne sonnait pas aussi juste qu'elle l'aurait souhaité. Cette Neutre pathétique avait beau l'exaspérer, il lui semblait que plus rien ne pourrait jamais la faire rire.
— Tu le saurais ? répéta-t-elle d'un air moqueur. Nous tombons dans les abysses de la niaiserie. Tu parles comme si tu aimais réellement James, alors que nous savons toutes les deux que tu t'es uniquement servie de lui pour t'enfuir d'ici. Tu as abusé de sa bonté en lui faisant les yeux doux et en t'apitoyant sur ta maladie. Tu t'es débrouillée pour tomber enceinte afin d'assurer tes arrières, sauf que désormais, personne ne viendra te sauver.
— Vous êtes complètement folle, constata Rosaley. James n'est pas mort. Vous avez intérêt à me laisser sortir d'ici avant son retour si vous ne voulez pas qu'il rompe tout contact avec vous une fois que nous serons sur la Terre du Topaze.
Dame Miranda devait se retenir de toutes ses forces pour ne pas la gifler. Mais si elle abimait tout de suite son joli visage si fragile, elle ne pourrait pas apprécier sa réaction lorsqu'elle comprendrait que James était bel et bien mort.
— Le majeur problème de ta vie, ma pauvre Rosaley, c'est que tu es stupide. Si stupide que tu n'as même pas la présence d'esprit de songer que la pleine lune était il y a peu de temps. Et nous savons toutes les deux ce que la pleine lune représente pour James.
La Neutre — dont le teint était déjà d'une pâleur cadavérique — blêmit davantage. Elle se recroquevilla sur elle-même de façon presque imperceptible.
— Il... Il m'avait promis qu'il réussirait à garder le contrôle, bredouilla-t-elle. Je ne...
À travers son regard qui se chargea de larmes et sa respiration qui se faisait de plus en plus difficile, Dame Miranda comprit que la vérité commençait à s'insinuer dans son esprit. James avait beau être l'homme le plus gentil que la vampire avait jamais connu, il n'empêchait que ses dangereuses pulsions animales lors des nuits de pleine lune n'étaient un secret pour personne.
— Des messagers de la Terre du Topaze sont venus sonner à la porte ce matin, commença Dame Miranda d'un ton aussi détaché que possible. Ils m'ont dit que James s'était battu à mort avec un autre loup-garou, et que sa soeur recherchait sa fiancée qui vivait au manoir.
Parler ainsi lui demandait un effort considérable. Ses sanglots contenus éraillaient sa voix, mais par chance, Rosaley était bien trop engloutie par sa propre peine pour s'en rendre compte. Des larmes descendaient doucement le long de ses joues pâles, sans qu'elle ne semble pleinement réaliser l'ampleur de la situation.
— Je leur ai dit que tu avais disparu il y a quelques jours, reprit la vampire dans l'espoir de la voir se briser complètement. Ces pauvres incapables n'ont pas cherché à en savoir plus, et heureusement, Kristal et Alisée n'étaient pas là. Ils sont repartis sans demander leur reste.
Un silence tomba dans la pièce. Dame Miranda se forçait à ignorer le noeud qui lui étranglait la gorge, se rappelant qu'elle n'avait pas besoin d'air pour survivre. Elle tenta de se concentrer sur la jeune femme qui était toujours assise sur le sol, près de la trappe. Sa poitrine se soulevait par à-coups, et des perles salées tombaient de ses yeux à un rythme de plus en plus rapide. La vampire s'était attendue à ce qu'elle pousse de grands cris hystériques, mais Rosaley se contentait de pleurer silencieusement, le regard perdu dans le vague.
Lyssandra aussi aurait voulu pleurer, sortir de ce souvenir tragique. Elle ne parvenait cependant pas à retrouver le contrôle de ses pensées, et Dame Miranda semblait bien décidée à lui montrer la scène complète.
— Je vous en prie, murmura finalement Rosaley après un long moment, il faut que vous me laissiez voir Lyssandra. Je ferai absolument tout ce que vous voudrez, vous pourrez me vendre à n'importe qui, m'envoyer sur la Terre des Vampires, mais s'il vous plaît, laissez-moi avec ma fille.
Face à cette pauvre femme à terre, dans une robe maculée de sang, dont le visage exprimait tout le désespoir du monde, n'importe qui aurait exaucé ses moindres désirs. Mais Dame Miranda n'était pas n'importe qui. Elle avait tellement haï cette Neutre qu'il lui était désormais impossible de nourrir un quelconque autre sentiment à son égard.
— Tu n'avais qu'à réfléchir à deux fois avant de me voler James, cracha-t-elle avec tout le venin dont elle était capable. Il m'aimait. Sincèrement. Et toi, tu as tout détruit. Il ne t'a jamais accordé plus d'un centième de l'amour qu'il me portait, mais tu as réussi à lui donner la seule chose que je ne pourrai jamais lui offrir. Sauf que ce n'est pas toi qui vas élever ta chère petite. C'est moi. Et je vais faire de sa vie le pire enfer que tu puisses imaginer.
— Vous ne... Alisée ne vous laissera jamais faire une chose pareille.
— Alisée est une lâche. Un de mes contacts sur la Terre de l'Ambre sait où vit sa famille. Pour elle, ce ne sont que des neveux éloignés, mais elle refuse qu'il leur arrive le moindre mal par sa faute. Alors crois-moi, elle ne va pas risquer de s'opposer à moi pour ta pleurnicharde de fille. D'ailleurs, cette petite n'arrête pas de s'égosiller, ce qui empêche notre délicate Alisée de lire...
Les larmes continuaient de couler sur le visage de Rosaley, mais ses yeux lançaient des éclairs. Nul doute que si elle l'avait pu, elle se serait jetée sur Dame Miranda pour l'égorger.
— Si vous aimiez James autant que vous le dites, vous ne feriez aucun mal à sa fille, même si vous n'êtes pas la mère de son enfant. Lui qui refusait de voir toute la cruauté qu'il y a en vous, que penserait-il s'il vous voyait ainsi ?
La vampire serra les poings, tout en s'efforçant d'ignorer les paroles de cette pauvre petite sotte. Les yeux rieurs de James lui revinrent en mémoire, mais elle les chassa aussitôt de son esprit.
— De là où il est désormais, je me fiche de ce qu'il peut bien penser. Tout ce qui compte, c'est que tu vas croupir ici, sans air pur, et sans médicaments. Et je ne ferai rien pour abréger tes souffrances.
Dame Miranda poussa brusquement Rosaley pour qu'elle s'éloigne de la trappe, et la Neutre se mit à tousser sans pouvoir s'arrêter. Sa toux emplit encore quelques secondes l'esprit de Lyssandra, jusqu'à ce que l'obscurité se fasse, puis qu'elle reprenne conscience dans le grenier.
Ce même grenier où Dame Miranda avait laissé mourir sa mère, et où elle allait certainement la laisser mourir à son tour.
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