Une fois encore, je faisais face au démon. Mais cette fois-ci, l'ambiance me semblait plus oppressante. Je jetai un œil derrière moi ; en plus de mon frère, une foule de gens de mon âge nous accompagnait. Je me demandai ce qu'ils faisaient ici. En tout cas, ils étaient tous silencieux, comme s'ils savaient tous qu'il y avait quelqu'un à ne pas réveiller. 

   La bête arborait une expression mécontente. Elle nous toisait de son regard rouge, la mine renfrognée. Elle grogna, les sourcils froncés, l'air moins sympathique que d'habitude : 

 « Vous n'entrerez pas ici ! » 

   Je reculai, prête à partir. Jojo posa sa main sur mon épaule et planta ses yeux dans ceux du diable. 

 « Nous sommes obligés, rétorqua mon frère. 
 —  Vous allez le réveiller, gronda le monstre. 
 —  Non, non, nous n'allons pas faire de bruit. Si vous refusez... vous devrez d'abord lui passer sur le corps ! » 

   Je vis que ce gars qui me servait de complément fraternel pointait le doigt sur moi. Je me mis à trembler. Mais... il est fou ?! hoquetai-je. Apparemment, pas tant que ça, puisqu'il me mit une longue lame entre mes petits doigts, qui semblaient parfaitement supporter la lourdeur de l'arme. Je ne savais pas quelle folie ni quelle témérité m'envahit à ce moment là, mais je m'élançais à la bataille du démon. 

   Celui-ci évita plusieurs de mes coups tranchants, et même quand il s'en prenait, ça ne lui faisait rien. J'aurai cru être dans un jeu vidéo, et que j'affrontai le boss final. Il n'y avait personne d'autre pour m'aider, j'étais face à lui et à moi-même. Brusquement, mon adversaire sortit les griffes et me blessa la jambe. Je saignais, alors je poussai un cri. Il me griffa de plus belle, des pieds aux mains, et moi, je me recroquevillai, sans défense. Puis, encore une fois, tout vira au noir. 

   Je me retrouvai une nouvelle fois dans la salle de la dernière fois. Enfin, dans. J'étais devant le bâtiment, et je n'avais plus qu'à y entrer. Ceci est la réalité, à contrario, tentai-je de me rassurer. Je sentis que j'avais mal. Je regardai mes mains, mes jambes, puis mon reflet dans la vitrine de l'entrepôt. En un mot, j'étais en sang. Des larmes me montèrent aux yeux. C'était impossible... C'était un rêve mais... 

   Qu'est ce que la réalité ? Je ne savais plus où j'en étais. J'entendais les pas des gens traverser la rue derrière moi, et, préférant qu'ils ne voient pas une enfant dans cette état, j'entrais dans l' « Interprétation des Rêves », le cœur battant la chamade. Je doublai et bousculais tout le monde, je m'en fichais, je voulais juste une explication à tout ça. Plantée une nouvelle fois face à la personne qui interpréterait mon rêve et censé être ma seule issue à tout ça. J'expliquai, rapidement, tandis qu'il notait. 

   Mais je n'eus pas le temps de finir qu'une nouvelle fois, je me "réveillais". Je me mis à sangloter dans ma couverture, toujours ensanglantée, et n'y croyant plus.