Deuxième nuit
Il ne neige plus.
Je regarde par la fenêtre de ma chambre. De l'étage, j'ai une vue de la rue sur plusieurs mètres mais un épais brouillard m'empêche de voir correctement.
"Je serais là pour 19h30 ! ;)". Le message de Simon datait de bientôt deux longues heures. Il m'avait dit qu'il viendrait ce soir, pourtant aucun signe de lui, aucune âme visible dans la rue.
Au fond de moi je sais que sa présence me rassure, c'est pour cela que je guette son arrivée.
J'aperçois une silhouette se former dans la brume hivernale, je m'approche donc de ma vitre pour mieux la voir.
Ce n'est pas lui.
Je laisse malgré moi échapper un soupir de déception et m'éloigne de la fenêtre pour venir m'affaler sur mon lit. L'horloge indique 20h30, il aura bientôt une heure de retard. J'ai si peur qu'il ne vienne pas, et si tout ça n'avait été qu'une blague ? Comment ai-je pu croire ses histoires ?
Il ne viendra pas ce soir, ni les autres soirs d'ailleurs. J'ai simplement été naïve ! Ou alors je m'emporte seulement à cause de mon impatience et il faut que j'occupe mon esprit.
Mon regard se pose sur ma vieille pile de vynile, je me lève pour les parcourir du bouts des doigts. Mon attention s'arrête sur le plus ancien d'entre eux mais également mon préféré Can't help falling in love - Elvis Presley. Je l'attrape délicatement, glisse le disque hors de sa pochette et le pose sur ma platine qui n'a pas tourné depuis longtemps.
Je mets en place le diamant et laisse les premières notes envahir la pièce.
La mélodie envahit mes pensées et me fait me sentir plus légère. Je retourne m'allonger sur mon lit, un petit carnet à la main dans lequel je griffonne ces quelques mots :
L'espoir est la seule chose qui nous appartient vraiment, une fois que nous l'abandonnons il ne nous reste plus rien. Et moi, que me reste-t-il ?
La musique me rappelle l'époque où Camille venait à la maison. Elle choisissait un vynile et on dansait dessus jusqu'à l'épuisement.
Je ne peux m'empêcher de sourire en repensant à ce souvenir. Je nous revois rire aux éclats sur mon lit, inventer des histoires sur le rebord de ma fenêtre et supplier mes parents pour qu'elle reste plus longtemps.
Jamais je n'aurais pensé que tout cela aurait une fin un jour.
Elle adorait écrire des messages sur la partie intérieure de la porte de mes armoires. Je m'approche de l'une d'elle et l'ouvre avec douceur.
23 août : Super journée avec toi, j'aurais aimé resté plus longtemps mais je dois rejoindre Jordan. N'oublie jamais que je t'ai aimé en premier !
30 septembre : Merci d'avoir été là pour moi aujourd'hui. Les garçons n'en valent pas la peine, mais toi tu vaux tout l'or du monde. J'espère ne jamais te perdre, encore merci.
14 octobre : Ça fait longtemps que je ne suis pas venu chez toi, les vacances que l'on a organisé pour cet hiver vont être top !
22 décembre : On part demain ma belle ! J'ai si hâte ! Ce sera notre meilleur souvenir de l'année !
Je passe ma main sur ce dernier message lorsque quelqu'un toque à la porte de ma chambre. Je pousse un petit cri et referme l'armoire brusquement, surprise par le bruit.
Derrière la porte, Simon trempé jusqu'aux os me regarde, un grand sourire sur son visage.
- C'est ta mère qui m'a ouvert en bas, elle m'a dit que je te trouverais ici. Je peux entrer ?
Il pose son manteau sur ma chaise et s'essuie les cheveux avec une serviette que ma mère a du lui donner. Il secoue sa tête et rit en voyant qu'il a trempé le parquet de ma chambre. Il jette la serviette sur le sol et me lance un regard innocent.
- C'est pas ma faute !
Je le dévisage encore quelques instants avant d'arriver à formuler une phrase.
- Tu m'expliques ? Comment tu en es arrivé là ?
- J'ai voulu prendre un raccourci en passant par les jardins voisins mais je suis tombé dans une piscine.
J'arque un sourcil et me laisse tomber lourdement sur mon lit.
- Tu es tombé dans une piscine ? Répétais-je.
- Alors tu vas rire mais on ne voit pas grand chose quand on passe dans les jardins, il n'y a pas de lumières et il fait nuit depuis plusieurs heures. Donc forcément si on ne fait pas attention on tombe à l'eau.
Je souris de sa bêtise et passe une main sur mon visage.
- C'est comme ça que tu as prévu de me remonter le moral aujourd'hui, avec tes conneries ?
- Ça fonctionne ? Demande-t-il.
- Bien sûr que ça fonctionne Simon ! Tu es complètement trempé à 20h30 dans la chambre d'une fille dépressive et tout ça parce que tu es tombé dans la piscine du voisin.. Il n'y a rien qui va ! C'est forcément amusant comme situation.
- Et bien si j'ai réussi ma mission aujourd'hui je peux donc partir, souffle-t-il en remettant son manteau.
- Non ! Reste encore un peu, dis-je sans réfléchir.
Il arrête ce qu'il fait et se tourne vers moi.
- Bah alors, on s'attache déjà ?
Il me regarde avec un sourire moqueur.
- Ce n'est pas ça ! C'est juste que tu viens juste d'arriver et puis tu ne vas pas ressortir trempé, il fait trop froid dehors.
Ce n'est pas vrai, mais je ne peux pas lui dire que je ne veux pas qu'il parte parce que je l'ai attendu toute la soirée. J'ai vraiment besoin de la présence d'un ami maintenant surtout après avoir lu les messages de Camille.
- Comme tu veux, dit-il déçu.
Il hausse les épaules, repose son manteau et vient s'assoir à mes côtés. Il remue doucement son corps au rythme de la musique et me sourit tristement.
- Je me demandais.. Lorsque les 10 nuits seront passées, tu continuera à de me parler ou tu te contenteras de m'oublier ?
- Je ne sais pas, soufflé-je.
Je n'y avais pas réellement pensé. Il est vrai que nous avons commencé à nous fréquenter car Simon s'était lancé le défi de me rendre heureuse à nouveau.
Je ne sais pas ce que je ferais s'il n'y arrive pas d'ici là. Je me sens vraiment bien lorsqu'il est avec moi car le temps d'un instant j'oublie que j'ai mal. Mais dès qu'il s'en va, le mirage s'évanouit et ma douleur revient plus forte qu'avant.
J'ai envie qu'il réussisse, mais quelque chose au fond de moi me dit que cela n'arrivera pas.
- J'aimerai qu'on continue à se parler moi, dit-il. Tu ne souris pas beaucoup mais tu m'as l'air d'avoir un bon fond.
Je ne réponds pas et fixe le vinyle qui a fini de tourner. Je me lève en silence, range le disque et le remplace par un best-of de Queen.
- Tu aimes les vieux morceaux ? me demande-t-il pour combler le malaise qui commençait à s'installer. Tu ne m'as pas vraiment parlé de toi.
- Oui, j'aime ces musiques j'ai l'impression que le temps d'un morceau je voyage à travers les époques, dis-je en souriant. Je sais que c'est stupide..
- Non ce n'est pas du tout stupide, c'est mignon.
- Mouais.. Le plus souvent je danse dessus, je ne dis pas que je sais danser juste que j'aime ça. Je bouge mon corps au rythme de la musique jusqu'à ce que je n'ai plus de force pour le faire. Enfin à part aujourd'hui, je ne l'avais pas fais depuis la mort de Camille.
Il hésite un instant avant de parler.
- C'est la preuve que tu commences à avancer alors. Tu reprends tes bonnes habitudes c'est bien.
- Si tu le dis..
Je retourne m'asseoir à ses côtés, laissant tranquillement le vynile finir sa chanson.
- D'ailleurs Daphné rien à voir, pourquoi tu ne m'as pas adressé la parole aujourd'hui au lycée ?
- Tu étais avec des amis, je ne voulais pas te déranger..
- Tu peux venir me parler quand tu veux tu sais, dit-il en posant sa main sur mon épaule.
- Je t'ai donné 10 nuits, par 10 journées. Si lorsqu'il fait jour je choisis de me morfondre c'est mon problème ! Tu ne vas pas me surveiller en permanence pour vérifier que je ne brois pas du noir j'espère !
J'ai élevé la voix sans m'en rendre compte, ce que je regrette instantanément. Mais c'est trop tard Simon retire sa main et son visage se durcit.
- Arrête de me repousser comme ça tout le temps ! Je viens en ami, tu n'es pas obligé de t'énervé comme ça sur moi. Alors si tu veux pas de moi je peux partir maintenant, mais tu ne pourras pas dire que je n'ai pas essayé de t'aider !
- Je ne t'ai pas demandé d'aide, c'est toi qui t'ais mis cette idée stupide en tête tout seul.
- Arrête de te comporter comme une gamine Daphné ! Peut être que si tu n'avais pas ce comportement puéril Camille serait encore en vie !
Mon souffle se coupe, mon coeur rate un battement.
- Sors de chez moi Simon..
- Pardon Daphné ce n'est pas ce que je voulais dire, s'excuse-t-il en passant ses mains sur mon visage.
- Sors de chez moi !
Cette fois ci, je lui hurle dessus.
Je sens mes larmes qui dévalent mes joues à toutes vitesses et les essuie du revers de la main.
Il me regarde choqué mais ne bouge pas.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire..
- Mais tu l'as dis Simon ! Tu l'as dis alors maintenant tu dégages et tu ne reviens plus !
Il me regarde blême, récupère ses affaires et sort de mon champ de vision. J'entends la porte de ma chambre claqué suite à son départ.
Mes mains tremblent. Je ne peux m'empêcher de pleurer.
Simon a raison. Si je n'avais pas été comme ça, aussi égoïste et aussi stupide, elle serait encore en vie.
Tout est ma faute.
La chanson se finit, plongeant la pièce dans un terrible silence.
Tout est ma faute.
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