Chapitre 4: Les voisins
Cheveux mieux peignés que d'habitude et portant une chemise qui pour une rare fois est de la bonne taille, Marco me sourit depuis le cadre de porte, accompagné d'une femme carrée aux cheveux sombres et courts. Comment le monde peut être aussi petit? De toutes les personnes qui auraient pu emménager dans le bloc-appartements voisin à ma maison, il faut que ce soit ce type désagréable. La vie doit vouloir me punir...
-Vous vous connaissez, s'étonne ma mère.
-On est dans la même classe d'histoire, me dépêchai-je de répondre.
-Et d'éducation physique, de science, de français et d'économie, ajoute fièrement Marco.
Je hausse les épaules sans le moindre intérêt. Il faut croire que je n'ai jamais fait attention à lui dans mes autres cours. Pourtant, il n'est pas difficile à manquer.
Mike s'avance à son tour pour être présenté par mes parents. Après avoir joyeusement serré la main à notre nouveau voisin et lui avoir échangé quelques phrases se voulant surement drôles, mes géniteurs discutent un peu avec la mère de Marco avant de les inviter vers la cuisine. Ma mère distribue les places et je me retrouve en face du garçon qui n'a pas cessé de sourire. Je me demande s'il doit se forcer ou si cette situation lui plait vraiment?
-Vous n'étiez pas obligé de sortir votre belle vaisselle pour nous, déclare Mme Bodt, votre maison est vraiment magnifique. Mon ex-mari serait jaloux de me voir manger ici.
-Vous êtes divorcée, s'étonne mon père qui distribue du vin qui a payé trop cher.
-Il est parti il y a trois mois avec une collègue de travail. Ils ont déménagé dans le village natal de cette fille, je ne sais plus où... ce n'est pas la fin du monde, mais à cause de son départ j'ai dû quitter ma belle maison contre cet appartement. Elle n'est pas si horrible, même que je la trouve mignonne. Pas vrai Marco?
Marco fixe son assiette, le sourire désormais effacé. J'ai l'impression qu'il n'aime pas beaucoup entendre sa mère raconter cette histoire comme on parle d'une simple émission qu'on a visionnée la veille. Je ne savais pas que ses parents venaient juste de divorcer? Il n'a pas l'air d'un garçon triste quand on le voit.
-Oui... Est-ce que vous pouvez me montrer où sont les toilettes, s'enquiert-il un peu trop brusquement.
Ma mère lui indique le chemin à prendre, puis la tête toujours basse, le garçon se lève pour partir en direction. Je crois que cette scène à mis tout le monde mal à l'aise, excepté peut-être Mike qui profite de son absence pour lui voler son petit pain. Je lance un regard mauvais à mon frère pour lui faire comprendre qu'il est méchant, puis ce dernier se contente de hausser les épaules.
-Excusez-moi pour lui, déclare Mme Bodt, il n'a pas encore très bien digéré le départ de son père. Il l'aimait beaucoup et n'a pas vraiment pris qu'il parte sans lui dire... je n'aurais pas dû aborder le sujet.
-C'est ma faute, réplique mon père, j'ai été trop curieux, pardonnez-moi.
Les adultes décidèrent donc de changer de sujet, parlant de travail comme s'il s'agissait d'une chose exceptionnelle. Quand Marco revient, il sourit de nouveau comme si rien ne s'était passé. Je me demande comment il fait alors que moi, j'ai toujours de la difficulté à ne pas avoir un « air de bœuf » comme ma mère me le répète constamment. Ma génitrice commence alors à le questionner sur la vie en général.
-Et toi Marco, tu comptes étudier pour faire quel métier après le lycée?
Marco avale une bouchée de son canard avant de lever les yeux vers elle.
-Il est bon hein p'ti gars, affirme mon père, avec le temps j'ai découvert la parfaite manière de le faire cuire.
Mon père joue les experts de canards, mais c'est uniquement la deuxième fois qu'il en prépare. Quand il est question d'amplifier la vérité pour bien se faire voir, mes parents sont les premiers. Je déteste ça au plus haut point.
-Délicieux, confirme Marco, c'est la première fois que j'en mange et madame Kirstein, je souhaiterais aller en graphisme de jeu vidéo. J'ai déjà envoyé mon inscription dans une université où il offre ce cours. Aussi, je ne détesterais pas faire les dessins dans des bandes dessinées ou des mangas, mais je doute me rendre là.
- Vous devriez voir ses dessins, ajouta fièrement sa mère, de vrais petits bijoux! Il m'arrive de me demander de qui il retient ce talent. Certainement pas de moi en tout cas. J'ai de la difficulté à faire des bonhommes allumettes.
Marco baisse les yeux en rougissant. Sa mère a vraiment l'air très fière de lui. Je me demande si elle sait tout ce qu'on dit sur lui à l'école? Que tout le monde le déteste et lui fait la vie dure?
-Jean est encore indécis au sujet de ses études, mais il va surement devenir bureaucrate comme moi, affirme mon père, quand il aura son diplôme, je vais pouvoir l'aider à bien se placer dans l'entreprise où je travaille.
-Papa, je ne sais pas encore si c'est ce que je veux...
-Foutaise Jean, crache-t-il, tu sais très bien que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi. Ce n'est pas ton frère qui a le talent pour un bon travail.
À ma droite, je vois Mike avaler de travers la bouchée de patate qu'il venait de prendre. M'imaginer travailler dans un bureau comme lui me répugne. Je n'ai pas l'intérêt pour ça et pourtant, c'est ce qu'il semble croire. Pourquoi parler d'un sujet si délicat devant des étrangers? Marco me regarde d'une drôle de manière, comme s'il cherchait à lire mes pensées. C'est agaçant.
Ma mère finit par changer le sujet, puis le reste du souper se déroule normalement, si l'on peut dire qu'écouter les blagues ennuyantes de mon père et les histoires de bonne femme de Mme Bodt le sont. Cette femme semble sympathique, tel est mon opinion pour le moment. Du moins, c'est ce que ma première impression fait penser.
Marco et Mike ont eu une longue et barbante discussion sur les jeux vidéo. Pour moi qui n'ai jamais beaucoup aimé cette activité, les écouter était d'un ennui total. J'ai déjà essayé pourtant, mais je perds trop patience pour passer des heures sur un jeu. Un autre gamer, c'est tout pour faire plaisir à mon cher frangin.
Parlant de Marco, il m'a semblé tout, sauf le type arrogant que j'ai l'habitude de côtoyer à l'école. En fait, il paraissait même sympathique et drôle. Il a réussi à me faire rire plus d'une fois, grâce des blagues bien placées. Chaque fois, je lisais dans son visage une certaine fierté. Cependant, j'ai tendance à croire que cette personne que j'ai connue ce soir n'est rien de plus qu'une façade qu'il se monte en présence d'inconnus ou de sa mère. Car bizarrement je n'arrive pas à croire qu'il peut être agréable.
Ils partent finalement tard en soirée, après une bonne quinzaine de minutes devant la porte où Mme Bodt a chanté les louanges de la tarte de ma mère. Aussitôt la porte refermée, je pars à ma chambre pour enfiler mon magnifique pyjama de l'âge de glace que je ne porte que quand je suis seul, puis me jette sur le lit en agrippant mon téléphone cellulaire. J'ai reçu plusieurs messages auxquels je ne porte pas vraiment attention, puis en voyant que Reiner m'a écrit, je compose son numéro.
-Je t'ai déjà dit que je n'aimais pas parler au téléphone, grogne mon meilleur ami, pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde et ne réponds pas à mes textos? Il n'y a que les filles qui s'appellent.
-Tu paies un forfait, donc je t'aide à l'utiliser. Je me sentais trop lâche pour écrire. Je n'aime pas beaucoup texter... tu voulais me dire quoi dans tes messages? Je n'ai pas lu.
-Pas grand-chose... j'ai un rendez-vous avec Christa demain, mais je ne me sens pas très motivé pour y aller.
-Mais elle te plaît ou pas?
-Difficile à dire. Physique ou physiologique?
-Les deux?
-Bah, il faut dire que je ne dirais pas non pour coucher avec, mais sinon... je sens que je vais terriblement m'emmerder lundi. Au fait, ton voisin est-il aussi mignon que ta mère le disait? Si c'est le cas, ça pourrait être intéressant.
Je rigole malgré moi à cette question. Je me demande comment il va réagir quand il saura qui est mon nouveau voisin.
-Il n'est vraiment pas laid, mais je doute que ce soit ton genre. Indice, tu le connais et ne l'aimes pas beaucoup.
-Je ne me sens pas d'humeur à jouer aux charades. C'est qui?
-C'est Marco Bodt.
Un faible silence s'installe, puis j'entends Reiner rire.
-Pauvre toi! Je me demande comment Eren va réagir quand il va l'apprendre. J'espère qu'il ne va pas t'apporter des problèmes. On ne sait jamais quand on vit près d'un fou... bon, je suis vraiment tanné de parler de vive voix. Je raccroche.
-Je ne penserais pas. Tu sais que tu es lâche?
-On me le dit souvent. Au fait, depuis quand Marco Bodt n'est pas laid?
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