Chapitre 1: La même routine

72 ans plus tôt...

Je me questionne souvent sur la vie en général... cela peut paraitre ridicule vue de cette façon, mais en y pensant bien, chercher des réponses est une chose qu'on fait chaque jour. Pourquoi est-ce que je suis là? Pourquoi ai-je ces fréquentations? Pourquoi est-ce que je tiens tant à ce que les gens me voient d'un bon œil? Pour être honnête, la dernière est celle à laquelle j'aimerais le plus donner la réponse, car moi, Jean Kirstein, je suis ce genre de personne qui cherche toujours à être aimé.

Il est difficile de croire qu'un type comme moi suit la vague? Pourtant c'est le cas et j'ai beau chercher à y échapper, l'extérieur de ce courant me fait trop peur. Je préfère porter des gilets de marques qui ne me plaisent pas plutôt de de chercher quelque chose à mon goût. Cherche à écouter les téléséries ennuyantes qui font fureur au sein du lycée pour ensuite être en mesure de tenir une discussion sans le moindre sens sur la vie trépidante du héros. Tout ça pour quoi? Simplement pour que les regards moqueurs ne se portent pas sur moi, pour que je puisse me sentir apprécier par des gens qui n'en ont probablement rien à faire de savoir qui je suis vraiment. L'important, c'est que je sois un gentil chien de leur meute, non?

Pour être honnête, je n'ai pas vraiment raison de me plaindre. Je suis un mec de terminale banal qui a l'avantage d'avoir un physique pas trop dégelasse. Avec mes séances au gym que mon meilleur ami me force à tenir, j'ai même un début d'abdos qui me rend très fier quand je sors de la douche. Admirer ces petites formes naissance sur mon ventre auparavant flasque devant le miroir, ça ne me pose absolument aucun problème.

Niveau social et familial, je dirais aussi que ça va. Je ne suis pas Einstein, mais mes notes dans la moyenne me satisfont grandement et devraient me permettre d'aller à l'université. Ma mère a eu l'intelligence de marier un homme d'affaires qui a pondu un mini-Jean, donc j'ai la chance d'avoir des moyens financiers adéquats et un grand frère totalement barjo que j'aime bien quand même. J'ai même la chance d'avoir un petit ami magnifique qui ferait baver n'importe quelle fille ou mec. Ouais, même faire mon coming out s'est bien passé, donc pourquoi est-ce que je déteste ce que je suis? Pourquoi est-ce que je ressens un vide en moi et qu'une petite voix ne cesse de me répéter que je vis dans le mensonge?

C'est à mon entrée en terminal que tout dans ma tête a basculé. J'étais pourtant le plus heureux au monde. J'avais enfin des amis, ma sexualité était acceptée et je pouvais embrasser ouvertement mon copain dans les couloirs de l'école... Ça m'est arrivé comme un coup de poing en plein visage, sans aucun avertissement. Un matin je me suis réveillé et en me regardant dans le miroir, j'ai vu une chose horrible. Je remarquai que le beau garçon qui me regardait était un parfait étranger. Tout est ensuite devenu banal, sans raison. Les gens m'ont paru faux, tout comme mes amis qui se sont mis à m'énerver. J'ai alors commencé à tout mettre en doute, sentant le poids s'alourdir de jour en jour. J'ai commencé à trouver que tout se ressemblait, m'ennuyait.

Ce matin, c'est à pas lourd que je descends de ma chambre tout habillée, comme chaque matin depuis près de 14 ans. Mon déjeuner m'attend encore une fois sur la table, préparé affectueusement par ma mère qui s'improvise cuisinière santé depuis qu'elle a décidé de se mettre au régime. Nous l'avons tous encouragé, mais c'était sans savoir que si elle le faisait, nous devions aussi nous y mettre.

Je m'assois sans un mot à la table en face de mon frère Mike. Ce dernier, continuellement en simple sous-vêtement, fixe son assiette avec dégout, jouant dedans avec sa fourchette. Nous n'avons pas le même père tous les deux puisque le sien est décédé d'un accident de la route quand ma mère était enceinte, mais ça, on n'en fait jamais mention. 

-Bon matin mon Jambon, déclare ma mère en m'apercevant, tu vas voir, j'ai essayé une nouvelle recette de gruaux ce matin.

-Elle veut nous tuer Jean, ajoute sombrement mon frère, on dirait de la bave de je ne sais pas quoi.

Ma mère lui lance un regard mauvais, avant de poser devant moi un bol contenant une bouillie terne dont la texture est encore à identifier. Je crois qu'elle n'est pas très douée pour la cuisine santé...

-Ce n'est pas très appétissant de vue, mais votre père m'a certifié que c'était délicieux, affirme ma génitrice.

-Tu lui servirais de la merde de pigeon et il te dirait que c'est bon, réplique Mike.

Elle frappe mon frère avec l'essuie-vaisselle à la tête pour l'empêcher de dire n'importe quoi. Ça ne doit pas être si horrible? En prenant mon courage à deux mains, sous le regard curieux de Mike, je prends une bouchée de la mixture. Ce n'est pas si mauvais, mais la texture granuleuse sert à me lever le cœur.

-Alors, s'enquiert ma mère en souriant.

- Je dois aller chercher Reiner, prétextai-je, je suis déjà en retard.

Je suis à l'heure, mais je refuse d'avaler davantage de mon déjeuner. Je me lève donc en vitesse, agrippe mon sac d'école, mets mon manteau, puis file dehors sous le regard surpris de ma mère.

La température extérieure est plutôt douce pour une journée de février. Cet hiver à été particulièrement calme et même s'il reste de la neige, les chemins sont sur le bel asphalte. J'embarque sans attendre dans la Masda 6, noir que mes parents m'ont payé pour mes 16 ans. C'est une simple voiture d'occasion, mais je l'aime beaucoup.

Mon meilleur ami, Reiner Braun, habite à seulement cinq minutes de chez moi. Je passe donc le chercher tous les matins comme il doit lui-même économiser pour se payer une voiture et que ce n'est pas avec son petit travail de maitre-nageur qu'il va vite économiser.

Une fois devant la maisonnette dans laquelle il vit, j'appuie à plusieurs reprises sur le klaxon pour lui montrer ma présence. Ses deux gros bulldogs de compagnies commencent à aboyer, mais dans ma voiture je me sens en sécurité. Ces deux monstres me détestent, j'en suis certain même si Reiner tente de me convaincre du contraire!

J'aperçois bientôt le grand blond musclé qui me sert de meilleur ami sortir de la maison en retenant à l'intérieur ses monstres à fourrure. Une fois les bêtes bien enfermées, il monte dans la voiture en me souriant. Une poignée de main stylisée marque notre bonjour. Depuis mes doutes sur la vie, il est le seul en qui j'ai toujours autant confiance.

-Alors, est-ce que la patronne continue de te faire avaler des trucs immondes? S'enquiert Reiner.

-Une mixture ressemblant à de la bave. Si je meurs pendant le trajet, tu sauras que c'était poison.

Il sourit en sortant de son sac une tablette de chocolat qu'il me tend

-Régale-toi!

-Oh, merci maitre Reiner! Je suis désormais votre humble serviteur et vous voue dévotion et obéissance pour vous remercier de ce magnifique présent.

-Ne dis pas des choses que tu pourrais regretter Kirstein.

Je souris en agrippant le chocolat. Je crois que je n'ai jamais autant aimé cette friandise avant aujourd'hui...

Après une vingtaine de minutes de route, nous arrivons enfin au lycée. Comme d'habitude, j'entreprends d'aller dans le stationnement, mais je dois freiner brusquement lorsqu'un scooter me coupe la route. Qui conduit un scooter en plein hiver ?! Pris de peur et de rage envers ce chauffard, j'appuie avec colère sur le klaxon. Le conducteur du petit véhicule vient s'arrêter devant ma fenêtre que je baisse et Marco Bodt retire son casque. 

-Tu es dangereux au volant, rigole-t-il, j'ai presque eu peur.

Il ne semble pas le moins du monde traumatisé de son presque accident, replaçant ses courts cheveux foncés d'une main.

-C'est toi qui m'as foncé dessus, grognai-je, depuis quand tu sors ton engin l'hiver?

-Et alors cow-boy? Le pire qui aurait pu arriver c'est que mon sang salisse ta pauvre voiture. Pour réponse à ta question, cette année il n'y a presque pas de neige. J'en profite d'avance. 

Depuis aussi loin que je me souvienne, il m'a toujours appelé cow-boy. Probablement une façon de se moquer de moi puisque beaucoup me donne des surnoms en lien avec les chevaux.

-Te dénigrer te fait du bien pas vrai, répliquai-je agacé.

-C'est mon passe-temps favori à vrai dire! Pendant ce temps ce n'est pas les autres qui s'en occupent.

Marco Bodt est de loin le garçon le plus arrogant que je connaisse. Aimé de personne, ce type aux yeux chocolat et aux points de rousseurs couvrant son visage, il porte toujours des tenues trop grandes pour lui. Habitué que les gens se moquent de lui, il a développé une technique pour envoyer paitre tout le monde comme s'il s'en moquait : le sarcasme.

-Au fait Bodt, se mêle Reiner, ça t'arrive de t'habiller normalement?

Machinalement, il regarde le manteau d'hiver trop large qu'il porte.

-Et toi Reiner, ça t'arrive de réfléchir? J'ai cru voir que tes résultats jusqu'à maintenant ne te laissaient pas avoir ton diplôme.

-Je vais te défoncer la gueule enfoirée!

Reiner met sa main sur la portière pour l'ouvrir, mais je m'empresse de la verrouiller en le retenant par le bras. Bodt n'est vaut pas la peine de toute façon.

-Ce fut un plaisir d'avoir cette discussion avec vous, messieurs, mais je dois vous laisser. Cowboy, essaie de ne tuer personne. Je compte sur toi.

Sur ce, il nous salue, remet son casque et part se stationner correctement, nous laissant remplis de haine.

-Quel con, grogne Reiner lorsqu'il fut hors de vue, un jour je vais le frapper tellement fort qu'il n'aura plus son sourire d'imbécile.

- Quelqu'un d'autre va surement le frapper avant que tu ne le fasses.

Sur ces dernières insultes, je finis par me garer convenablement à mon tour, regardant de loin Marco pénétrer dans l'école en souriant. Je me demande pourquoi ce gars agit comme ça?

Voilà le premier vrai chapitre! Il est un peu narratif, mais j'espère qu'il vous a plus. J'avais envie que Marco soit différent pour une fois.

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