Il fait noir, trop noir au goût de Jérôme.

Noir, noir, noir, noir.

Mais il ne peut avoir peur, il le sait. Pour deux raisons: Céline, et Eulalie. 

Au-dehors, l'orage gronde à n'en plus finir, couvrant les étoiles et la lune de nuages menaçants qui impressionnerait tout enfant. Et ça, Jérôme le sait très bien. C'est justement pour ça qu'il serre Eulalie, toute tremblante et au bord des larmes, contre son coeur battant la chamade.

Mais ça, il ne le lui dira pas. Il refuse de lui montrer la peur panique qui fait battre son coeur.

Il a beau tenter de la rassurer que tout ira bien, la petite fille refuse de lâcher sa chemise blanche. Comme si la conviction que son père pourrait partir à tout moment l'étouffait de plus en plus.

La peur est-elle aussi contagieuse que les sourires peints sur le visage des autres? Peut-être.

Ou alors, avec un peu de chance, Eulalie n'a rien remarqué de la tempête qui a lieu dans les yeux caramel de son père.

Cela fait à peu près dix minutes que les fusibles ont grillé. Jérôme veut les remplacer, il sait comment faire. Il le faut, au risque de plonger dans un nouvel abysse de panique. De folie, presque. Malheureusement, cela lui est impossible.

Eulalie est terrifiée, et il se doit d'être là pour elle comme il a juré de le faire à sa naissance, quand le bébé avait enfin été accordé un bref moment dans les bras de parents aimants.

— Papa, j'ai peur de l'orage. Je veux Maman, réclame faiblement la petite fille, blottie contre lui.

Céline.

Oui, Céline saurait quoi faire...si seulement elle était là. Elle n'hésiterait pas à prendre sa famille dans ses bras, chuchotant des promesses de bonheur ainsi que des mots rassurants pour apaiser son mari, et leur fille.

C'est ainsi que le père et la fille étouffent leurs pleurs, chacun voulant absolument éviter à l'autre une inquiétude jugée trop pesante.