Chapitre 4 : Paysage illusoire ( Corrigé )
Au départ, la douleur de son absence était insupportable et je voudrais pouvoir dire que c'est toujours aussi difficile mais non. Le temps avait atténué ma souffrance et je m'en voulais pour ça. Je m'en voulais d'avoir moins mal. Pourtant, j'avais l'impression qu'il vivait à travers mes pensées, mes souvenirs. Si la douleur s'en allait, elle entrainerait peut-être mon père avec elle, définitivement.
Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais arrêté de marcher. Sarah me regardait, une tristesse profonde régnait dans ses beaux yeux bleus azur.
_ Tu vas aller le voir ? M'interrogea-t-elle d'une voix tendre.
Elle avait deviné !
_ Non. Répondis-je la gorge nouée.
Je n'irais pas au cimetière aujourd'hui. Pas que j'avais peur de m'avouer qu'il était mort, je l'avais bien compris. Et j'allais le voir une à deux fois par semaine depuis trois ans, mais je refusais d'y aller. Car nous étions le 5 avril, c'était donc l'anniversaire de la mort de mon père. Comme si c'était quelque chose que l'on devait fêter. Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine.
C'est après sa mort que je me suis mise à courir avec Sarah, pour me défouler. D'ailleurs ça peut paraître bizarre que j'aille dans la forêt où il a eu son accident. Mais, d'une certaine manière, je me sens plus proche de lui. Il m'arrive même de poser des fleurs au bord du fossé où la voiture est tombée et de rester assise là sans rien faire, les yeux dans le vide.
_ Arrête-toi. M'ordonna Sarah.
Je me retournais. Cette fois, c'était elle qui ne marchait plus. Je revins sur mes pas.
_ Pourquoi ?
_ Chuuut. Écoute.
Je me tus. Au début, je n'entendais rien hormis les sons de la forêt : le chant des oiseaux et Buck qui fouillait dans les feuilles. Puis ensuite, je compris.
_ On dirait... une chute d'eau. Je ne savais pas qu'il y en avait une ici.
_ Moi non plus, mais c'est surtout bizarre qu'on ne l'ait pas remarqué, depuis le temps qu'on vient ici.
_ C'est vrai...
_ Avançons pour voir d'où ça vient.
_ Si tu veux.
Peu après le bruit s'intensifia à tel point que l'on ne pouvait pas ne pas le remarquer. On trouva un portail assez haut. Sarah s'approcha et tourna la poignée. A notre surprise à toutes les deux, il s'ouvrit. Elle me regarda joyeusement et me dit avec enthousiasme :
_ C'est derrière, j'en suis sûre. Viens on va voir !
_ Quoi ? Non ! Tu as vu le panneau où il est écrit « propriété privée » ! Au cas où tu ne le saurais pas, ça veut dire que c'est privé et donc qu'on n'a pas le droit d'entrer.
_ Évidemment que je le sais. Dit-elle d'un air qui aurait pu être comique si elle n'était pas en train de me proposer d'enfreindre la loi. Mais on va juste faire un petit tour ! Et on revient rapidement, je te le promets !
_ Sarah... Je ne sais pas trop là...
_ Allez, s'il te plait ! Si on se fait coincer, je dirai que je t'ai obligé !
_ Mais bien sûr, oui ! Marmonnais-je, elle prit un air outré qui me fit sourire. C'est surtout ... J'ai un mauvais pressentiment.
_ Roooh ne sois pas parano ! Il ne nous arrivera rien ! S'il te plait... Elle fit une moue adorable qui aurait fait craquer n'importe qui. Un ange passa.
_ Très bien ! Cédais-je, vaincue.
_ Yeeeeees ! S'exclama Sarah.
Elle entreprit une danse de la victoire totalement ridicule et j'éclatais de rire pour la première fois de la journée. Elle rentrait dans la propriété et je la suivis. Je me retournais d'un coup, me souvenant d'une chose. Ou plutôt de quelqu'un.
_ Buck !
Il sortit d'entre les arbres et s'approcha de moi.
- Allez, rentre ! Il se coucha par terre et couina. Inquiète, je l'auscultais rapidement à la recherche de blessures potentielles mais ne trouvais rien.
_ Céleste ! Tu fais quoi ?
_ J'arrive ! Criais-je à Sarah, puis plus bas. Bon allez, quoi ! Qu'est ce qui ne va pas ?
Buck fixa le portail avec un éclat dans le regard qui me fit froid dans le dos. Je frissonnais et le tirai doucement par la peau du cou. Il résista un instant puis le passa avec méfiance. Le comportement étrange de mon chien me troublait mais je décidais de passer outre.
On n'eut pas à attendre longtemps et après deux ou trois minutes de marche, on tomba sur la chute.
_ Waouh...s'extasia Sarah.
_ Tu peux le dire : Waouh !
C'était absolument magnifique, digne des plus belles cartes postales. Si le paradis existait, il devait ressembler à ça. Ce n'était pas une grosse chute, mais elle n'en était pas moins impressionnante. On voyait le soleil apparaître par-dessus une paroi en pierre d'où provenait la source. L'eau qui coulait de la chute avait des reflets arc-en-ciel que provoquait la lumière. Au milieu se trouvait un bassin où l'eau, telle une nappe scintillante et translucide, n'inspirait que la détente. Bien que techniquement, nous étions dans la même forêt, les arbres semblaient plus robustes, plus imposants. Il y avait pleins de fleurs aux milles couleurs qui imprégnaient l'air d'un délicieux parfum. L'herbe verdoyante et pleine de santé paraissait tendre et moelleuse. Je n'avais qu'une envie : Me rouler dedans et faire une sieste. Nous étions comme hypnotisées par cette vision de rêve.
J'expirais tout l'air contenu dans mes poumons d'un coup. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'avais retenu mon souffle.
_ Tu y crois, toi ? me demanda Sarah. Qu'on ait un endroit comme celui-là dans notre ville ? C'est géant !
_ Oui c'est vrai. Mais tu ne trouves pas ça un peu étrange, quand même ?
_ Je suis surtout en pétard pour la personne qui possède cet endroit ! Elle n'est pas gênée de se le garder pour lui tout seul !
_ Et si c'était à toi qu'il appartenait, tu ne voudrais pas l'avoir pour toi ?
_ Oh non ! Je ne me priverais pas de me vanter et j'organiserais des fêtes ici ! Ça serait trop cool !
Elle avait les yeux brillants d'excitation, sûrement en train de se l'imaginer.
- Bon, reprit-elle avec détermination, A l'eau !
Joignant le geste à la parole, elle entreprit de se déshabiller jusqu'à finir en sous-vêtements. Moi, je restais là à la regarder, abasourdis.
_ Nan mais j'y crois pas ! Tu m'avais dit qu'on ne ferait qu'un petit tour !
_ Oui... Mais... cette endroit ne te donne pas irrésistiblement envie de t'amuser ?
_ Si sauf que je te rappelle quand même qu'il est privé !
_ Lâche-toi un peu ! Tu n'as pas envie de profiter un peu de la vie pour une fois ?
_ Pas aujourd'hui, Sarah. Achevais-je froidement.
Elle comprit tout de suite pourquoi car elle s'excusa et fit mine de remettre ses vêtements. Je voyais bien qu'elle était déçue, et je m'en voulais de l'empêcher de s'amuser.
Elle qui m'avait toujours soutenu dans ces moments difficiles, qui avait fait preuve d'une patience et d'une volonté sans faille. Après la mort de mon père, elle ne m'avait pas lâché d'une semelle. Elle essayait d'être en permanence avec moi, et lorsqu'elle ne pouvait pas, elle m'appelait au téléphone fixe. Dans mon cœur, resteront toujours gravés les souvenirs de toutes les nuits où je m'étais endormie dans ses bras, épuisée par mes sanglots, quand elle m'obligeait à m'alimenter pendant ma crise de déprime ou encore quand elle me réexpliquait les cours durant plusieurs heures. Car je n'étais pas vraiment concentrée en classe, je ne prenais même plus la peine de les recopier.
Si j'avais pu remonter la pente, c'est avant tout grâce à Sarah. Ma Sarah. J'avais petit à petit retrouvé le sourire grâce au sien et je ne pourrais jamais la remercier assez pour tout ce qu'elle avait fait pour moi. Je m'avançai vers elle et posai une main sur son bras pour l'empêcher de remettre son pantalon. Elle releva la tête, surprise, puis ses yeux virèrent au bleu foncé, ce qu'ils faisaient lorsqu'elle était inquiète. Elle se mit debout.
_ Pourquoi tu pleures ? C'est de ma faute ? Je suis désolée, je voulais juste te faire oubli... Je lui coupais la parole et la pris dans mes bras en la serrant très fort.
_ Je pleure parce que tu es extraordinaire et que j'ai énormément de chance de t'avoir dans ma vie. Merci d'être là, de te soucier de moi, de me rendre heureuse, de me supporter car je sais que ça peut être difficile...Et surtout, merci d'être toi... Je t'aime, Sarah.
_ Oh, Céleste ! Je t'aime aussi ! Je la lâchais et constatais que comme moi, elle pleurait aussi.
_ Allons-nous baigner maintenant ! Lui ordonnais-je
_ Mais je croyais que...
_ T'en fais pas, j'ai été bête. Allons-y !
_ Tu es sûre ?
_ Certaine ! Et puis je ne vais pas t'arrêter en si bon chemin ! Me moquais-je en regardant ses jambes.
Elle baissa les yeux sur son pantalon qui était tombé à ses chevilles et nous éclatâmes de rire ensemble. Son merveilleux rire ! Rien que pour l'avoir entendu, je ne regrettais pas ma décision. Après ça, je me sentais plus légère. J'avais arrêté de broyer du noir et de ressasser le passé et me concentrai sur ma meilleure amie.
* Chapitre corrigé par Furflan ! 😘 *
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