Chapitre 35 : Lucius.
J'entre dans le confessionnal et me laisse tomber sur le trône comme un roi. Kimberly, en face de moi, laisse échapper un bâillement qu'elle tente de dissimuler derrière sa main. Je l'ignore et lui fais signe de commencer l'interview. Il est tard, demain la journée risque d'être des plus crevantes et j'aimerais me mettre au lit le plus vite possible.
– Bonsoir Lucius. Je ne vais pas t'embêter et te poser cinquante questions, ce n'est pas l'objectif ce soir, commence-t-elle en me servant son sourire hypocrite qui me crispe.
– Ah ouais ? Tu veux pas savoir combien de fois Mûre et Moi nous sommes envoyés en l'air ? Première nouvelle.
Je la foudroie du regard. Cette fille nous a pourri la vie avec ses questions à la con. Franchement, elle nous épient plus efficacement que les caméras qui, pourtant, pullulent ici.
– Non, reprend-t-elle de sa voix calme et posée en tentant de garder contenance, ce soir, j'aimerais que tu nous fasses partager tes ressentis. Sans langue de bois, sans mensonge. Juste toi, mis à nu.
J'esquisse un sourire moqueur, c'est tendre le bâton pour se faire battre, là :
– Tu sais, si tu veux me voir à poil ne t'embête pas avec tout ça et viens juste me le demander en privé.
Elle rougit et baisse la tête. Franchement, c'est trop simple.
– Je veux aussi que tu nous parles de toi. Qui tu étais avant et qui tu es maintenant. Ce qui a changé chez toi, pour quoi et comment.
Je la dévisage un instant en pesant le pour et le contre. Je pourrais me contenter de lui filer le résumé du résumé et me barrer mais je pense que cette petite confession va être diffusé pendant le prime et je ne vais pas me mentir en jouant les grands Duc je veux gagner ce concours et je ne vois aucun inconvénient à faire pleurer dans les chaumières pour parvenir à mes fins. Je m'installe confortablement dans le siège et je me lance, revivant les scènes encore et encore :
– Je suis un connard. C'est ce que je suis, je l'ai toujours été et je ne pense pas que je changerai vraiment un jour. Un système de défense, certainement. J'ai dû développer ça quand j'étais gosse à force de me faire tabasser par mon enfoiré de père et ignorer par mon incapable de mère. Mais, dans le fond, je ne le regrette pas. C'est mon histoire, mes géniteurs qui ont fait de moi celui que je suis aujourd'hui. J'en ai bavé, de foyer en foyer, de violence en violence. J'ai mal tourné. Pendant longtemps. Mes éducateurs se contenteraient simplement de dire que j'ai fait les mauvais choix, que je me suis laissé influencer. La vérité, c'est que je suis celui qui influençait les autres.
J'ai conscience d'y aller un peu fort pour une entrer en matière mais il me semble qu'elle a dit sans langue de bois et à nu. Elle veut de la franchise ? Elle va en avoir pour son argent.
– Jusqu'au jour où j'ai aperçu la publicité pour Celebrity School au détour d'une station de métro. Aujourd'hui ils ne sont rien, demain ils seront les rois. Cette phrase d'accroche m'a littéralement alpagué. Il fallait que j'y arrive, que j'en fasse partie. Pour devenir le roi. C'était ma seule chance de faire autre chose que de la prison. Alors j'ai envoyé une vidéo de présentation, et, un mois plus tard j'ai eu la surprise d'un coup de fil. Au début j'ai crû à une sale blague et j'ai envoyé Laza se faire voire chez les grecques. Ça ne lui a pas plu. Elle m'a rappelé la seconde d'après pour me rosser avant de finalement se présenter t m'expliquer ce qu'elle me voulait. Les choses ensuite se sont très vite enchaînées.
Je m'arrête là, un petit sourire aux lèvres alors que je revois Mûre débarquer, trébucher et se rattraper de justesse avant qu'elle ne se mette à s'extasier sur une connerie qui traînait au fond de son sac. Je crois que c'est là que mon aventure a réellement débuté.
– J'ai rencontré les autres, évalué leurs forces et leurs faiblesses. Je suppose que c'est un réflexe. Chercher systématiquement ce que les autres pourraient m'apporter. Les tests ont commencé et j'ai découvert certain d'entre eux. Enfin, surtout Mûre. Cette fille est incroyable. Elle ne s'en rend même pas compte. Elle est drôle et franche et elle est incapable de ne pas prendre la défense de quelqu'un. Bon, elle a quand même tendance à juger les gens dés la première rencontre mais malgré ça, elle est super cool. Lili-Rose aussi est sympa. Un peu sauvage et craintive mais sympa. On voit de suite qu'elle en a bavé, comme Thibault. Normalement c'est pas le genre de gars avec qui je traîne. En dehors de l'émission il est fort probable que je ne leur accorderaient même pas un regard, mais ici on est devenu un genre de famille tous ensemble. Avec nos défauts et nos qualités. Et j'aime ça. Je crois qu'on est tous plus ouverts, plus sociables, et beaucoup moins paumés. On est meilleur maintenant.
Kimberly me fixe en tirant une tronche de trois pieds de long. Allons-bon, qu'est-ce qui ne va pas encore ?
– C'est tout ?
– Qu'est-ce que tu veux savoir ? je lâche en soufflant, autant qu'elle me demande immédiatement ce qu'elle veut que je puisse aller me coucher.
– Tu n'es pas tombé amoureux ? De Cristal ? De Mûre ? De Thibaut ?
Je lève les yeux au ciel. Mon Dieu ce qu'elle m'énerve !
– Mais c'est quoi ton souci ? Pourquoi tu veux forcément nous maquer les uns avec les autres ? Ta série préféré est en hiatus ou quoi ? Tu t’ennuies tant que ça ? T'es payée au couple ? Et pour répondre à ta question Cristal est une erreur et Thibault un ami !
– Et Mûre ? me demande-t-elle avec un sourire de hyène en se rendant compte que je ne l'ai pas mentionnée.
Je serre les poings et me lève :
– Mûre n'est qu'une amie et je suis fatigué alors je vais me pieuter.
Je quitte le confessionnal en l'ignorant. Jusqu'au bout elle va nous les briser la garce. Je sors en claquant la porte et m'engouffre dans le long couloir. Avant d'aller me coucher je vais manger un bout, histoire de profiter encore un peu. Je n'ai pas menti. Cet endroit est devenu un genre de maison et les autres une famille. On ne s'est pas choisi, on a dû faire avec et apprendre à s'entendre malgré tout. Je farfouille dans le frigo, à la recherche de reste que Mûre nous aurait généreusement légué -qu'elle n'aurait pas vu- quand j'entends un plouf dans la piscine. Je souris. La seule qui se baigne encore à cette heure-ci c'est Mûre. Cristal, les jumelles et Momo sont allés se coucher il y a longtemps, Lili-Rose est avec Thibault, Roland à peur du noir et si c'est James je peux toujours essayer de noyer cet enfoiré. Je m'avance en direction de la piscine et je souris. J'avais raison. Il n'y a que Mûre pour aller se baigner à cette heure-ci. Je crois qu'elle cherche à se changer les idées. Comme nous tous elle ne veut pas que cela cesse. Sauf peut-être les cours de sport de Nila. Je suis certain qu'elle ne va pas le regretter.
De là où je suis je peux la voir évoluer dans l'eau avec une certaine fluidité, ses longs cheveux bruns collés à sa peau. Elle est belle. Plus qu'elle ne le pense. Je crois que c'est pour ça que le public l'apprécie autant, elle est naturelle. Elle ne cherche pas l'affection comme Cristal ou ne cherche pas à se museler comme Lili-Rose. Elle est juste elle. Drôle, fraîche et charismatique. Je m'approche d'elle doucement alors qu'elle vient de plonger sous l'eau. Elle ondule lentement sans jamais remonter. On est seul et je ne pense pas que ce genre de situation se représentera alors je m'approche d'elle. Je veux lui parler, lui expliquer mon comportement. C'est maintenant ou jamais, après je suppose que nous ne parviendrons pas à nous voir seuls plus de cinq minutes d'affiler pour les six prochains mois au minimum. Je m'accroupis près du bord et attend qu'elle remonte. Lorsqu'elle le fait et qu'elle me remarque elle crie en s'éloignant avant de m'asperger d'eau :
– Tu m'as fait peur espèce de malade !
Je souris et me penche vers elle pour lui murmurer :
– Il faut que je te parle.
Elle lève les yeux au ciel en laissant sa tête retomber à l'arrière et pousse un gémissement contrit :
– On peut pas se disputer plus tard ?
Je hausse un sourcil en l'aidant à sortir de l'eau :
– Pourquoi veux-tu qu'on s'engueule ?
Elle me contourne pour aller chercher sa serviette qui repose sur l'un des transats sans répondre à ma question. C'est là que je me rend compte qu'elle est presque nue est trempée. Elle a toujours été belle mais je dois bien reconnaître que ce régime l’a rendu franchement canon. Ce qu'il faut, là ou il faut. Je la déshabille allègrement des yeux, l'observant sous toutes les coutures sans jamais détourner le regard.
– Hé, s'exclame-t-elle en claquant des doigts devant mon visage, mes yeux sont plus haut.
– Mais comme je te l'ai déjà dit, ils sont beaucoup moins jolis que ceux du bas, je lui avoue sans quitter l'arrondit parfait de sa poitrine et le maillot qui la colle comme une seconde peau.
Elle m'assène une gifle sur le bras tout en se séchant :
– Qu'est-ce que tu me voulais ?
– Je... euh.
Eh merde. Voilà. Je me dégonfle. Je plonge dans ses beaux yeux bruns et la fixe pendant un instant. C'est elle surtout, c'est elle qui m'a rendu plus ouvert. Qui m'a laissée être vraiment moi-même. C'est elle en m'agressant dès le premier jour, en me surnommant Scarface, le Joker ou encore Scar, c'est elle avec ses sourires, ses réflexions, ses opinions, sa gourmandise. C'est elle avec ses coups de gueule et ses éclats de rire. Elle m'a rendu meilleur, elle m'a forcé à laisser tomber le côté « connard » de mon caractère. Elle m'a intrigué. Dès la première fois que je l'ai aperçue, j'ai su, instinctivement, qu'il faudrait que je change pour l'approcher.
– Je détruis tout ce que je touche, je me lance alors, le regard dardé au sien, les mains enserrant son cou gracile, c'est une sorte de don, ou de malédiction, je ne sais pas trop. Toujours est-il que je fais toujours en sorte de repousser les gens auxquels je tiens. Constamment. C'est pour ça, je pense, que je n'ai jamais eu de réels amis avant Celebrity School. Comme je te l'ai dit il y a quelques temps, c'est une sorte de mécanisme de défense parce que les seules personnes que j'ai jamais aimées m'ont fait ça, je m'explique en désignant du doigt ma cicatrice.
Elle écarquille les yeux et pose ses mains sur mes joues, pleine de compassion.
– Qui ? me murmure-t-elle.
– Ma mère. Elle était dans un trip, elle m'a prit pour un flic ou un truc comme ça. Elle a pété une bouteille de bière et ma lacéré le visage.
Elle s'approche de moi mais ne dis rien, présence silencieuse réconfortante. Elle ne présente pas d'excuses veines, elle reste juste là.
– Alors quand j'ai dansé avec toi la première fois, quand j'ai vu tes yeux briller, quand je me suis senti si bien, si heureux, si libre de tout pour la première fois j'ai pris peur. J'ai été terrifié. Putain, on se connaissait à peine ! Se voir pendant quatre jours et discuter une fois de temps en temps par téléphone pendant trois mois c'est pas exactement ce que j'appelle l'idéal pour débuter une quelconque relation et... j'ai flippé et quand Cristal est venue me chauffer, je te jure que mon premier réflexe a été de la repousser mais après j'ai vu en elle le moyen de te repousser et de me protéger. Et j'ai merdé. C'est ce que je fais, mais je ne sais pas pourquoi je reviens toujours vers toi. Il y a un truc chez toi qui m'attire. Qui me rend meilleur. Ça me terrifie un max mais je finis toujours par en redemander.
Je décide de me taire maintenant. Mûre continue de me dévisager les yeux comme des soucoupes, la bouche légèrement entrouverte.
– Mûre ? je demande au bout de longues secondes de silence absolu, dis quelque chose. N'importe quoi.
– Pourquoi vous êtes-vous battus avec James ?
Je me fige, estomaqué. C'est ça ce qu'elle veut me dire ? C'est tout ce que lui inspire mon joli laïus ?
– Sans déconner ?
– J'ai été au régime sec pendant plus d'un mois à cause de vos conneries, je pense que je mérite de savoir.
Et merde. J'aurais préféré garder ça pour moi. C'est encore plus humiliant que mon discours précédent.
– Je... je prenais ta défense, je souffle en baissant les yeux vers le sol, assez honteux. À moins que j’aie étais jaloux, je ne sais pas. Il m'a dit qu'il te sauterait. Qu'il ferait en sorte de te mettre dans son lit et j'ai vu rouge.
Elle reste silencieuse un instant avant d'éclater de rire. Vexé je recule mais elle me suit et s'approche un peu plus :
– Tu ne t'es jamais dit que je me serais contentée de lui coller une droite en l'envoyant se faire voir ? Ce gars a été odieux avec moi et il y a plus de chance que je roule une pelle à Roland plutôt qu'il ne se passe quoi que ce soit avec le mannequin amateur.
Je ferme les yeux et pousse un petit soupir de soulagement. Je ne savais même pas qu'il s'agissait d'une source d'inquiétude.
– Désolé, je ne sais pas ce qui me prend en ce moment mais depuis que je te connais je réagis de façon incontrôlée. Tu me fais perdre la tête et je crois que j'aime bien ça. Mais je n'en suis pas vraiment sûr, je termine dans un petit sourire.
Seul les grillons me répondent et je dois bien avouer qu'une légère appréhension s’empare de moi. Je ne suis pas habitué à ce genre de silence après un tel discours. En générale, dans les films c'est à cet instant que la gonzesse se jette au cou du mec pour lui rouler une pelle épique, non ? Pourquoi, quand c'est moi qui parle, la fille ne m'embrasse pas ? En même temps c'est Mûre. Elle a toujours été un peu à côté de la plaque. Il est plus que probable qu'elle ne sache même pas ce qu'elle est censée faire. Je pousse un long soupir et je me penche sur elle en esquissant un petit sourire maladroit :
– Tu sais, en général, quand le gars canon fait un discours super romantique à la jolie fille, elle est censée l'embrasser.
Elle cligne des yeux avant de me sourire franchement. Ses mains viennent se poser sur mes épaules. Elle s'approche un peu plus encore et, les yeux brillants de malice elle me souffle :
– Et pourquoi ce serait à moi de t'embrasser ?
- - 'ai fait le discours émouvant.
Elle hausse un sourcil en croisant les bras. Elle est toujours en maillot et le mouvement fait pigeonner son décolleté. Je souris en me rinçant l’œil allègrement. Elle toussote pour me ramener à la réalité. Je m'approche encore un peu, jusqu'à ce que je sente son souffle balayer mon visage. L'ambiance est électrique. Elle sourit légèrement tout en me dévisageant et, alors qu'elle s'apprête à répondre, je l'embrasse.
Cinq minutes avant le lancement du direct on s'enlace tous les uns les autres. On se soutient une dernière fois avant de nous jeter dans l'arène. Le public gronde, nous appelle, nous acclame. Ce soir c'est le dernier et on va tout donner. Les premières notes de I Gotta Feeling retentissent et, immédiatement, nous nous lançons sur la scène. Ce sont surtout Cristal, Mûre et Momo qui vont chanter. Nous nous contentons de faire les chœurs et de danser. Mais la chorée est très physique alors c'est plutôt une bonne chose.
À la fin du morceau le public applaudit debout. Du coin de l’œil je remarque le père de Mûre qui lui fait de grands signes. Elle rougit un peu, lui adresse un petit salut de la main et repart en coulisses. Les comédiens lance la soirée et nous annoncent un par un. Pour les chansons, les danses. Pour les petites vidéos que nous tournons Thibault, Lili-Rose et moi depuis plus d'un mois maintenant et qui retrace notre quotidien tel que nous le voyons.
Malgré tout la soirée passe dans une espèce de torpeur, dans un brouillard lointain. J'écoute et observe mais je suis distrait. Du moins jusqu'à ce que Mûre, magnifique dans sa petite robe noire cintrée, ses cheveux relevés et ses lèvres rouges sangs entonne son solo. Je Ne Regrette Rien d'Edith Piaf. Mûre n'était peut-être pas une chanteuse mais elle a toujours eu ce dont pour l'interprétation. Je la vois encore lors de ce premier prime, debout au centre de la scène dans son exceptionnel robe rouge, chanter « Je Vais T'Aimer » en hommage à son père. Elle n'était pas juste, elle n'était pas en rythme non plus mais elle a donné des ailes à la chanson. C'est son don à elle, c'est pour cela qu'elle est la meilleure et qu'ils l'ont choisi dans cette catégorie. Parce qu'elle fait vivre ses chansons.
– Ni le bien qu'on m'a fait, ni le mal, tout ça m'est bien égal !
Et maintenant, trois mois plus tard, en plus de donner vie à ce qu'elle chante, elle le fait avec justesse. Une belle voix, douce mais puissante. Ils ont vraiment fait des miracles avec elle. Comme avec moi et le reste du groupe. Lorsqu'elle finit sa chanson sur une dernière note qu'elle semble tenir indéfiniment le public se lève pour l'acclamer et scander son nom. C'est irréel et assez grandiose. Elle sourit, radieuse et les remercient en s'inclinant, les larmes aux yeux. Elle revient ensuite dans les coulisses alors que Roland et James se lancent dans un petit sketch rapide.
– Hé ! je l'interpelle en lui saisissant doucement le bras, tu as été géniale.
Le sourire immense et le regard brillant qu'elle me lance me secouent de l'intérieur. Je me penche alors sur elle et je dépose mes lèvres sur les siennes, rapidement et sans trop m'attarder pour ne pas ruiner son maquillage.
– C'est le tour de qui ensuite ? me demande-t-elle, le souffle court et les joues rouges.
– Lili-Rose et Thibault avec Counting Stars.
Elle acquiesce silencieusement, dans ses pensées. Elle frissonne légèrement alors je l'attire contre moi :
– J'ai vu ton père dans les public. Il pleurait.
Elle se tend contre moi, les yeux agrandis par l'horreur :
– C'était si catastrophique ?
Je rigole et secoue la tête. Parfois j'ai presque l'impression qu'elle joue les modestes pour partir à la pêche aux compliments, mais je sais qu'elle ne se rend vraiment pas compte de son potentiel.
– Je crois qu'il était ému et fier comme un paon.
Elle me sourit, dépose un baiser sur ma joue et s'éloigne. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, il reste encore beaucoup de choses à faire.
Deux heures plus tard, il est près de minuit lorsque nous montons tous sur scène pour la dernière fois. Hervé va nous annoncer les gagnants. Ça aura été une belle aventure. Avec des rencontres exceptionnelles. Je tourne la tête vers Mûre qui a légèrement pâli. Elle s'accroche à ma main et regarde droit devant elle. Je suis presque certain qu'elle se retient de vomir.
– Tu sais le point positif, je lui souffle à l'oreille pour la détendre, c'est que si tu gerbes ce soir, Laza ne pourra pas te mettre au régime.
Elle se tourne vers moi pour me foudroyer du regard mais n'ajoute rien. Sur la scène, nous nous rangeons par groupe. Les comédiens, les chanteurs et nous, les acteurs. Nous nous tenons tous la main et fixons le public, la boule au ventre. Je veux gagner. Pour une fois dans ma vie, je veux être le gagnant. Je tourne la tête et je croise le regard plein de doute et d'angoisse de Thibault. Je remarque aussi le teint légèrement vert de Lili-Rose et je comprends. On veut tous gagner. On a tous mérité de gagner. On a tous fait ce qu'il fallait pour gagner. Laza et le reste des professeurs sont aux côtés d'Hervé, parlant de nous comme si nous n'étions pas là. Mûre me serre légèrement la main et je me tourne vers elle. Elle m'adresse un petit sourire timide pendant que le présentateur s'approche des comédiens en débitant un flot de parole incroyable. Finalement, au bout de cinq minutes et après avoir relaté les progrès de chacun, un huissier remet une enveloppe à Laza qui l'ouvre, en prend connaissance et la tend à Hervé qui, une fois encore, fait durer le suspense :
– Je rappelle aux comédiens que le gagnant remporte une tournée a travers la France, la Belgique et la Suisse.
Je vois Roland enlacer les filles et cet abruti de James sourire fièrement. Je ne veux pas voir ce connard gagner.
– Le gagnant de la section comédie est...
Le suspense est intenable. Le public est silencieux alors que nous tremblons, la boule au ventre. Je ferme les yeux et prend une grande inspiration. Et ce n'est même pas ma section qui est concernée.
– Roland Dupont !
Le public se lève et exulte alors que notre ami se laisse tomber à genoux sur la scène. Il est clair qu'il ne s'attendait pas à ça. Chacun notre tour nous l'étreignons, le félicitons. Mûre est ébahie. Elle ne s'y attendait vraiment pas. Elle n'a jamais su voir son sens de l'humour. Elle est toujours resté bloquée sur sa mauvaise drague qui la révulsait (en même temps elle en était l'une des principale victime) mais je vois bien qu'elle est ravie pour lui. Elle l'enlace étroitement et, lorsque je remarque les mains baladeuses du gagnant je me racle la gorge. Faut pas pousser tout de même. Il fait un bon en arrière en m'adressant un sourire repentant.
– Ça aurait dû être moi ! rugit finalement James en se plantant face à Laza.
Je ricane dans mon coin. Il ne se rend même pas compte qu'elle va le massacrer. Pas en direct devant témoin, mais plus tard. Elle ne va pas le louper et, de mon côté je jubile. Je suis ravi. Il ne me reste plus qu'à gagner et cette aventure aura été parfaite. Elle m'aura sortie de mon cycle infernal de merdes et de conneries, m'aura permis de me faire de véritables amis et même une petite-amie. J'ai aussi gagné en confiance et je sais que si Mûre pouvait entendre mes pensées elle n'hésiterait pas à me faire remarquer que je ne passe plus les portes avec mon melon. Sans oublier la cerise sur le gâteau : la galère pour moi c'est fini.
– Le premier prix de la section acting est le rôle principal d'un blockbuster.
Merde, je ne me suis même pas rendu compte qu'Hervé parlait. J'inspire profondément en secouant la tête pour me reprendre et je me concentre. J'attrape les mains de Lili-Rose et Mûre et je baisse la tête en fermant les yeux. Il faut que je gagne. Il faut que je gagne. S'il vous plaît, par pitié, laissez-moi gagner. Pour une fois que je m'implique réellement dans quelque chose !
– Le gagnant est...
Inspire, expire. Inspire, expire.
S'il-vous-plaît. Par pitié.
– Thibault Micceli !
À cet instant le monde s'efface. Tout ce que j'entends c'est que je n'ai pas gagné. Ce n'est pas moi. Le public et les professeurs on choisi Thibault. Il est entouré, acclamé et adulé. Mûre l'enlace et il efface les traces de larmes sur ses joues. Lili-Rose l'embrasse à pleine bouche sous les hurlements de joies du public mais moi je reste figé sur place, un poids énorme dans l'estomac. J'ai perdu. Encore. À quoi bon avoir fait tout ça ? Pourquoi ? Puisqu'au final le résultat est le même.
– Désolé mec.
Je lève les yeux vers Thibault qui me tend une main.
C'est là que je réalise. J'ai peut-être perdu Celebrity School mais j'ai gagné tellement d'autres choses. Alors avec un large sourire je lui serre la main avant de l'enlacer. Il le mérite. Et puis, avec ma gueule de badboy je sais que je trouverais un rôle à ma hauteur.
Après tout je suis moi.
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