Chapitre 33 : Stress Ante-Final.
Il paraît que le stress rend les gens agressifs. Depuis que je suis au mas j'ai pu le constater à travers différentes personnes. Lucius, Thibault, Momo, Roland, Cristal -bien que cela ne fasse pas une réelle différence avec son caractère normal, et même les professeurs. Après chacun gère son stress comme il le peut. Pour ma part je mange exagérément, un peu comme un ogre ou alors je me mets à faire le ménage, à récurer la maison de fond-en-comble. C'est une technique comme une autre. Je sais que Lucius choisi plutôt de se dépenser, Thibault lui hurle à tort et à travers, passant ses nerfs sur tout le monde (heureusement il est rarement sujet au stress), Momo va se coucher et Roland vomit comme s'il souffrait d'une méchante gastro. C'est immonde. Néanmoins je suis d'avis que les réactions et les paroles peuvent se gérer, d'autant que, la plupart du temps, la personne sur qui on se défoule n'y est pour rien.
C'est pour cela qu'à seulement deux semaines de la fin, une énorme dispute a éclaté entre Lili-Rose et moi. Genre troisième guerre mondial avec dommages collatéraux et tout et tout. Nous avons pris nos amis à partie, fait nos camps et tout le toutim. Tout cela a commencé lundi. Une fois n'est pas coutume, je me suis levée avant elle et donc, je suis allée prendre ma douche. Apparemment cela ne lui a pas plu, puisque moins de cinq minutes plus tard elle tambourinait comme une malade sur la porte en m'ordonnant de sortir. J'avais à peine déverrouillée qu'elle m'incendiait en hurlant, me reprochant de prendre une plombe pour ma douche. Ce que je ne comprends pas c'est qu'elle en a, en général, pour une heure chaque fois qu'elle pose un pied dans la salle de bain et je ne fais pas de scandale. Je n'ai pas relevé l'incident. J'ai pris mes affaires et j'ai migré chez Lucius et Thibault qui m'ont généreusement prêté la leur. Bon, ils dormaient encore. Je suis entrée et je me suis contentée de faire comme chez moi. Je pensais que le souci était réglé. Dans mon esprit il ne s'agissait que d'un petit accrochage sans conséquence. Mais elle ne l'entendait apparemment pas de cette oreille. Plus tard dans la matinée elle m'a reprochée de ne pas passer le balais correctement ce qui est un comble étant donné qu'en plus de deux mois je ne l'ai jamais vue faire autre chose que la vaisselle. Pour le coup le ton est monté. Je peux supporter beaucoup de choses mais certainement pas que l'on me reprenne sur ma façon de faire le ménage. Mais la réelle dispute à éclaté le soir-même, alors que j'étais au bord de la piscine avec Thibault discutant de tout mais surtout de rien, profitant du calme ambiant, savourant ces derniers instant avant que l'émission ne prenne fin et que le monde nous assaillent de tous les côtés.
C'est à cet instant que Lili-Rose est arrivée, ses longs cheveux noirs comme l'enfer flottant autour d'elle, ses yeux bleus cristallins me fusillant avec dureté tandis que sa bouche se plissait en une ligne stricte. Elle a demandée à Thibault de nous laisser seules, et, naïvement, j'ai pensé qu'elle souhaitait peut-être s'excuser. Mais non.
– Je peux savoir ce que tu fous ? avait-elle craché en me dominant de toute sa taille.
Surprise, j'ai écarquillée les yeux, ne comprenant pas son comportement. Que diable lui arrivait-il ?
– Euh... de quoi tu parles ?
– Toi et Thibault ? Qu'est-ce qu'il y a entre vous ?
Décontenancée, je l'ai fixé sans rien dire. Ne sachant pas quoi répondre. À vrai dire, existe-t-il une bonne réponse ? En temps normal, lorsqu'elle est lucide, oui, bien sûr, mais là ? À cet instant ? Elle ressemble à une Furie.
– Bah, la même chose qu'hier et avant-hier. C'est mon ami.
Elle a lâché un drôle de ricanement mauvais en secouant la tête. J'ai décidé de me lever pour être à sa hauteur et ne pas être en trop grand désavantage.
– Te fous pas de ma gueule. Je vois bien comment tu es avec lui. Tu fais la même chose avec tous les mecs d'ailleurs. Tu les allumes ! Et dire que tu traites Cristal de salope ! Elle au moins, elle va au bout des choses.
À cet instant j'aurais préféré qu'elle me gifle. Je ne comprenais pas ce qui lui arrivait, ce qu'elle me reprochait. Je n'allumais certainement pas Thibault et encore moins le reste des mecs !
– Pourtant, tu sais qu'il me plaît ! Tu n'es qu'une sale garce ! Et dire que je t'ai toujours soutenue !
Choquée par ces accusations, je suis restée muette, sans rien trouver d'autre à dire. Elle m'a jeté un regard plein de dégoût avant de s'éloigner, et je n'ai pas pu bougé, trop abasourdie pour esquisser le moindre mouvement. Et après ça c'est allé de mal en pis. Le lendemain elle ne cessait de me crucifier pour le moindre faux pas, hurlant pour un oui et pour un non. J'ai eu l'impression de voir Thibault, quelques semaines plus tôt lorsqu'il s'est transformé en double maléfique de lui-même. Ce changement de comportement et cet éloignement m'ont vraiment blessée, soudainement je me sentais horriblement seule. Et depuis c'est simplement la guerre froide. On ne s'adresse pas la parole et je dois bien avouer que ce silence me blesse au moins autant que ces mots.
Et ce matin ne fait pas exception. Dans le train qui nous mène à Paris règne un silence de mort alors que nous devrions rire et profiter de nos derniers instants. Du coin de l’œil je la vois parler avec Momo et Roland et je retiens difficilement un sanglot. Je détourne le visage et fixe le paysage qui défile devant mes yeux. Je pense que c'est pour ça que je n'ai jamais tenue à me faire d'amis. Le vide qu'ils laissent quand ils s'en vont n'en vaux pas le reste.
– Mûre.
Je relève la tête et pose les yeux sur Lucius. Lui se penche pour s'approcher de moi :
– Tu devrais aller lui parler.
– Et pour quoi faire ? Elle me prend pour une traînée ! Elle pense que je veux lui piquer son mec !
Il grimace, secoue la tête et se passe la main dans les cheveux :
– On est tous sous tension Mûre, ne lui en veut pas trop.
Je l'observe avec plus de soin. Parfois j'ai vraiment beaucoup de mal à le reconnaître. Surtout là. Il semble si mature, si sage, loin du merdeux insolent du début.
– Depuis quand tu es si...
Je ne finis pas ma phrase et me contente de le désigner de la main. Il esquisse un sourire en coin et vient s'installer à mes cotés tout en passant un bras autour de mes épaules, il me souffle à l'oreille :
– Tu fais partie de ces gens qui nous manquent Mûre, et, pour l'avoir vécu pendant plusieurs semaines, je sais à quel point ça peut-être difficile d'être à la fois si proche et si loin de toi.
Je me tourne vers lui et croise ses yeux d'ambre pétillants pour m'y plonger. Je ne sais pas quoi dire d'autre, quoi faire. Ce qu'il vient de me dire me touche. Vraiment. Je ne trouve même pas les mots. C'est juste... waouh. L'espace d'un instant, alors que je le détaille minutieusement ses cheveux noirs qui tombe légèrement devant ses beaux yeux si profonds, sa cicatrice qui le rend si dangereux, ses pommettes, ses lèvres, il est un tout qui le rend lui. À cet instant j'oublie ce qui n'est pas lui. Lili-Rose, le concours, l'après, la famille. Il esquisse un petit sourire, attrape une mèche de mes cheveux et joue distraitement avec. Je sens mon visage se réchauffer et je sais que je dois ressembler à une sorte de tomate mais il ne dit rien. Lui aussi a bien changé. Il est moins blessant dans ses mots, moins moqueur et plus attentionné. Je pense que cette aventure nous a tous fait évoluer. Sauf Cristal.
– Allez Mûre, vas lui parler.
– Pourquoi ? je boude en faisant la moue. Après tout, c'est elle qui a commencé.
– Tu crois que tu as quel âge ? demande-t-il en haussant un sourcil. Il faut que tu fasses le premier pas pour lui prouver ta bonne foi.
– Ou alors je vais me faire frapper. J'ai peut-être toute mes chances face à cette bourgeoise de fausse blonde mais face à Lili-Rose et ses années en foyer, autant me jeter du train maintenant.
– Arrête de dire des bêtises. Elle est ton amie. D'autant que vous chantez ensemble ce soir, ce serait bête de gâcher votre prestation pour des conneries.
Je pousse un long soupir en le fusillant du regard. Je déteste qu'il ait raison. Il me caresse la joue et j'y vais avant de devenir plus rouge ou de faire un truc stupide comme l'embrasser. Je me tiens aux sièges pour ne pas que les cahots du train m'envoie valser sur le sol et me dirige vers Lili-Rose. Thibault, qui pendant ma discussion avec Lucius s'est installé à ses côtés se lève et me laisse sa place avant même que je n'ouvre la bouche. Il esquisse un petit sourire et va rejoindre Scarface. Je fixe les garçons en plissant les yeux. Ça sent le complot ou je ne m'y connais pas. Je leur fais les gros yeux, me promettant mentalement de leur faire payer cette indiscrétion et me laisse tomber aux côtés de Lili-Rose. Elle m'ignore royalement et je dois bien avouer que ça me fait mal. Plus que je ne le souhaiterais. Lili-Rose est devenue ma meilleure amie et cette distance entre nous me met mal à l'aise. Un silence lourd et gênant pèse entre nous et je ne sais vraiment pas comment briser la glace.
– C'est absurde, je souffle au bout d'une longue, très longue, minute en me tournant vers elle. Je suis désolée. Je ne sais pas ce que j'ai fais pour que tu m'en veuilles autant mais je te présente mes excuses. Vraiment.
J'attends avec espoir qu'elle se décide à me parler, à m'insulter ou n'importe quoi d'autre mais elle observe un silence religieux qui me tord les tripes. J'attends, encore et encore qu'elle se décide à parler mais après dix minutes je laisse tomber. Je me lève précipitamment et m'éloigne d'elle. Je quitte notre wagon en adressant un petit signe de tête à nos garde du corps qui empêche les curieux et éventuels psychopathes de nous approcher de trop près, je vais dans les toilettes et ferme derrière moi. Je veux être seule pour pleurer un peu. Je ne pensais pas être ce genre de fille. Qui pleure parce que sa copine lui fait la tête. Mais son silence... je ferme les yeux et me passe de l'eau sur le visage. Je déteste ça. Pleurer dans un lieu public. C'est comme s'accrocher une pancarte dans le dos avec écrit « pauvre petite chose fragile à frapper ou à réconforter ». Dans un cas comme dans l'autre c'est humiliant. Je tente de reprendre en main ma respiration, de me calmer par tous les moyens mais je n'y parviens pas. Je crois que je craque. La pression des derniers mois, plus la pression des prochains mois, je ne sais plus quoi faire. Je sanglote comme une enfant lorsqu'on frappe à la porte. Je ne dis rien et l'ignore quand les coups redoublent d'intensités :
– Casse-toi Lucius, va emmerder quelqu'un d'autre, tu veux ?!
– C'est moi, souffle Lili-Rose, si bas que je manque presque de l'entendre.
J'écarquille les yeux. Il est hors de question qu'elle me voit comme ça ! Je voudrais préserver ce qu'il me reste de fierté ! Néanmoins j'ai bien conscience que je ne peux pas finir ma vie dans ces toilettes alors je me repasse un peu d'eau sur le visage, prends une grande inspiration et sors pour tomber nez à nez avec Lili-Rose. Je l'évite et m'apprête à rejoindre les autres lorsqu'elle m'attrape par le bras et se lance, d'une voix fluette et tremblante, loin de l'assurance dont elle fait habituellement preuve :
– C'est bientôt fini. C'est la dernière semaine et je panique, d'accord ? Je me suis jamais imaginée comme ça, être célèbre et tout ça et j'ai peur !
Son discours est un peu décousu alors qu'elle reprend, parlant à une vitesse extraordinaire :
– Mais ce qui m'effraie le plus c'est qu'on va arrêter de se voir et qu'on va s'éloigner alors je préfère prendre les devants. Je suis désolée. Je ne sais pas quoi faire ! Tu es ma première amie, je veux dire véritable amie. Je n'aurais pas dû te parler comme ça et gérer ça comme ça mais franchement, tu crois vraiment que chacun d'entre nous allons rester amis pour la vie ? Tant qu'on est dans l'émission nous sommes protégés mais une fois que tout cela sera fini ? Ça va être l'enfer. Les paparazzis, les interviews, les fans, les tournages, les tournées et ça c'est seulement si on réussit ! Je ne parle même pas de la jalousie, de la trahison, des ragots et de toutes ces merdes qui vont nous pourrir la vie.
Elle était un peu hystérique mais je suis soulagée. Comme chacun d'entre nous c'est juste un système de défense. On repousse les gens pour se protéger. En même temps, il fallait s'y attendre, Laza a recruté parmi les paumés.
– Tu es ma première amie aussi, je la coupe finalement alors qu'elle continue de déblatérer, et j'ai aussi peur de l'avenir. Je ne sais pas ce qui se passera demain ou la semaine prochaine. Tout ce que je sais c'est que vous vivrez la même chose que moi et que je pourrai compter sur vous. Du moins je l'espère.
Un silence pesant s'abat sur nous. Je sais ce qu'elle a, je lui ai donné une solution, maintenant c'est à elle de jouer. Elle prend une profonde inspiration et me serre contre elle. Je crois qu'elle pleure mais je ne dis rien et je m'agrippe à elle à mon tour :
– Je suis désolée d'avoir été une telle garce, souffle-t-elle. Désolée. Tu es mon amie Mûre. Une superbe amie et je ne veux pas te perdre.
– Moi non plus. Et que les choses soient claires : je ne m'intéresse pas à Thibault.
Elle lâche un petit ricanement en reculant :
– Je sais, il m'a passé un sacré savon pour ça. Lucius aussi d'ailleurs. Désolée. Je ne pensais pas un mot de tout ce que je t'ai dis.
Je souris et la prend encore dans mes bras. Finalement, ça va mieux. La boule dans ma gorge et le nœud dans mon ventre ont disparu aussi simplement que ça.
– C'est chaud, siffle Scarface.
On se redresse en même temps pour se tourner vers Lucius et Thibault, qui, le sourire aux lèvres, nous observent, les bras croiser sur les torses, dans une position identique.
– Connard, lançons-nous à l'unisson avec un sourire.
Oui, sans aucun doute le stress et la panique font faire et dire des bêtises incroyables.
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