Chapitre 31 : Vive le Samedi !
Ce matin je me lève de bonne humeur. Que dis-je, d'excellente humeur ! Parce qu'aujourd'hui, après un mois et demi de souffrance et de torture je suis enfin libre ! Libre ! Mon engagement prend officiellement fin ce matin. Je ne suis plus au régime ! Joyeuse comme un pinson je saute sur mes pieds et esquisse quelques pas de danse en chantonnant légèrement Libérée Délivrée. Je ne pense pas que quoi que ce soit parvienne à me miner aujourd'hui. En fait, je suis sur un petit nuage depuis une semaine déjà. Depuis le prime qui avait pour thème la comédie musicale. Nous y avons tout déchiré ! Chacun d'entre nous. Laza et les professeurs étaient très fiers. C'était un moment magique qui me tire encore des sourires chaque fois que j'y pense. Pourtant aujourd'hui ce n'est pas nos prestations de rocks stars qui me rend si joyeuse. Je salive rien qu'à la pensée de tout ce que je vais pouvoir manger. À vrai dire, le champ des possibilités me donne un peu le tournis. Je ne sais pas si je commence par un petit-déjeuner royale ou si j'attends le déjeuner pour me gaver de frites, de hamburgers et d'une multitudes d'autres choses aussi grasses l'une que l'autre. Je laisse tomber Elsa pour entonner joyeusement l'une de mes préférés de Cloclo :
- Cette année-là ! Hun, hun !
Je chante en dansant devant mon miroir, me préparant joyeusement, remuant des fesses et moulinant des bras encore et encore, me servant de ma brosse comme d'un micro. Je m'offre mon propre show et c'est trop bon. Mon ventre cri famine mais je décide de prendre mon temps avant de me goinfrer à m'en faire vomir. Ce n'est pas super pour la santé, je le concède, mais moi, mon addiction c'est la bouffe. Je ne fume pas, ne me drogue pas et ne bois pas non plus mais je mange.
- Le rock'n'roll venait d'ouvrir ses ailes et dans mon coin je chantais belle, belle, belle ! Quelle année cette année-là !
Je tourne sur moi-même et sors de la salle de bain en remuant des fesses, vêtue en tout et pour tout d'une serviette. Je vais vers ma commode et attrape un ensemble de sous-vêtements rose parme en dentelle, un débardeur rouge et un short en jean. Hara World a été obligée de m'offrir quelques tenues, tout ce que j'avais été devenu trop grand pour moi, et, ma foi, je ne me plains pas. Des vêtements au frais de la princesse -du diable pour le coup- ça ne se refuse pas ! Tandis que je finis d'agrafer mon soutien-gorge on entre dans ma chambre, persuadé qu'il s'agit de Lili-Rose je ne me presse pas. J'enfile lentement mon short et ne me formalise pas du fait qu'elle reste plantée à quelques pas derrière moi. Du moins jusqu'à ce qu'elle se mette à se racler la gorge avec une voix affreusement grave. Je me fige, deviens rouge pivoine avant de me tourner lentement pour tomber nez à nez avec un Ludovic visiblement très satisfait.
- Si tu as un message à me faire passer, tu n'es pas obligée de te dénuder, tu sais ?
Je ne sais pas quoi dire. À vrai dire, je suis tellement choquée que je ne songe même pas à passer mon débardeur. Qu'est-ce qu'il fait ici ? Dans ma chambre ? Un samedi ? Je sais que nous n'avons pas cours avec lui avant lundi au moins.
- Je... euh... qu'est-ce que... Bonjour ?
Il esquisse un sourire qui manque de me faire défaillir. Mon dieu mais je ne m'y habituerais jamais ou quoi ? Chaque fois qu'il sourit je perds toute contenance. Lucius a peut-être raison : je suis pathétique.
Il rit et je rougis de plus belle. Mon Dieu, il faut qu'il cesse de faire tout ça. De rire, sourire, me regarder, respirer...
- Tu voulais quelque chose ? je murmure finalement en baissant les yeux.
Il s'approche doucement de moi et je retiens mon souffle. Il se penche vers moi, attrape quelque chose de rouge sur mon lit et me le tend : mon débardeur. Je l'attrape précipitamment et l'enfile encore plus vite. Peut-être trop.
- Mûre ?
Je relève la tête et grimace quand je sens une décharge dans tout mon cou. Aïe. Trop vite.
- Tu as mis ton haut à l'envers.
Je baisse à nouveau les yeux et me traite silencieusement d'idiote je me met dos à lui et, grâce à un tour habile de passe-passe, parviens à remettre mon débardeur en place sans le retirer.
- Donc, qu'est-ce que tu veux ? je demanda à Ludovic en commençant à jouer avec mes doigts.
Il hausse les épaules tout en passant une main dans ses boucles brillantes.
- Rien en particulier. Je voulais juste te voir.
J'écarquille les yeux de surprise. Quoi ? Pourquoi ? Comment ? Où et quand ? Je veux dire, c'est mon prof, non ? Je sais bien que je suis majeure et que nous n'aurons pas de véritable diplôme à la fin mais ce n'est pas interdit ce genre de relation ?
- Je... euh, pourquoi ?
Il éclate de rire et pose une main amicale sur mon épaule :
- Parce que je t'aime bien.
Je fronce les sourcils. Mon instinct me hurle de prendre la fuite parce qu'il y a un truc louche. Pourquoi quelqu'un comme lui apprécierait quelqu'un comme moi ? Ma parole, je dois arrêter de traîner avec Lucius et Lili-Rose : leur paranoïa à tendance à déteindre sur moi.
- Je, euh... un autre jour, tu veux bien ? Je veux dire, j'ai pas encore petit-déjeuner, je suis plus au régime aujourd'hui et j'ai méga-faim.
Il fronce les sourcils un quart de seconde et semble un peu trop contrarié pour un tout petit demi-refus de rien du tout avant de reprendre contenance et de me servir un sourire commerciale qui ne me fait pas du tout planer, lui :
- D'accord, bien sûr, mais fais quand même attention à ce que tu manges, ce serait bête que tu reprennes tes kilos en trop. T'es mignonne comme ça.
- Tu veux dire qu'avec dix kilos de trop je suis un thon ?
Il rigole et se tourne vers la porte tout en me lançant :
- Non, juste une sirène un peu trop enrobée qui ne peut pas se permettre de porter un maillot deux pièces.
Je reste bouche-bée devant sa répartie tandis qu'il quitte ma chambre. Je n'en reviens pas. Je suis scotchée et très en colère. Mais diable pour qui se prend-il ? Il est vraiment bizarre ! Un coup il me sourit et flirt gentiment et la seconde d'après il me traite de grosse ! Non mais oh, il a jamais appris à draguer ou bien ? Même moi je sais que c'est pas comme ça qu'on fait. Je ferme les yeux et inspire profondément pour reprendre mon calme. Aujourd'hui c'est ma journée et je ne vais pas me laisser embêter par le comportement étrange du gars, hors de question. Donc, après cet interlude tout droit sortie de la quatrième dimension, je descends pour rejoindre mes amis qui flâne et déjeune tranquillement au bord de la piscine. Quand il me voit arriver Thibault se lève et m'applaudit, vite suivit par les autres. Tout les autres. Cristal, les jumelles et James compris. Je reste pantoise, ne comprenant pas très bien pourquoi tant d'effusion. Je m'approche un peu hésitante et écarquille les yeux lorsque je me rends compte de la quantité faramineuse de victuailles qui m'attendent sur la table. Du petit-déjeuner au dîner en passant par la collation de seize heures et l'en-cas de minuit. Mon Dieu. J'en ai les larmes aux yeux.
- Hier soir, dans le train, pendant que tu dormais j'ai montré aux autres la petite carte que t'a laissée Laza. Techniquement tu n'étais déjà plus au régime et je n'avais donc plus à garder ça pour moi et pour te remercier de ton dévouement on a décidé tous ensemble de te préparer une petite surprise.
Je me jette dans ses bras et dépose un bisou bien bruyant sur sa joue. Ce gars est mon ange-gardien. Il est exceptionnel.
- Merci, je souffle en le serrant fort contre moi.
- Tu t'es sacrifiée pour sauver leur place. Et peut-être même la mienne, vu comme j'ai merdé cette fois là.
Je recul en gardant mes bras autour de sa nuque et sourit en secouant la tête :
- Tu es génial.
Je plante un autre baiser sur sa joue avant de faire le tour des remerciements, tout en gardant un œil sur mon jardin d'Eden à moi. Bon, pour Cristal et les jumelles c'est vite expédié mais je prends plus de temps avec les autres. Même James me prends dans ses bras. Bon, Lucius intervient aussitôt en le fusillant du regard mais je choisis de ne pas m'en mêler. Scarface m'enlace tendrement pendant de longues secondes.
- Merci, me souffle-t-il à l'oreille, et encore désolé d'avoir été un tel connard avec toi. Tu aurais pu choisir de me faire virer à n'importe quel moment.
Je ricane et l'embrasse gentiment sur la joue :
- Je suis peut-être une gamine immature, cynique, avec un esprit très obtus et une certaine tendance à juger et classer les gens, mais je ne suis pas une garce. Et garde quand même en tête que Cristal t'aurait fait virer.
Il rigole et me relâche, et, ensemble, nous allons petit-déjeuner, déjeuner et dîner dans la joie et la bonne humeur.
Alors que nous passons tous un agréable moment autour de la table je réalise qu'il ne nous reste plus qu'un mois et une semaine. Dans un mois et une semaine tout ça sera finit. Les amis, les rigolades, les disputes, la colocation, le manque d'intimité, le travail, l'entraide, les conflits. Tout ça. Je me rends compte que, finalement, malgré tout ce que je peux dire et penser j'adore ça et ces derniers temps ont été les plus heureux de ma vie. J'ai été moi-même, loin de l'ombre de ma sœur, de la culpabilité de mon père, des reproches de mon frère. Et c'est génial. Et je sais que, quelque soit l'issue de tout ça, je ne retournerai pas à ma vie d'avant. Je ne le veux pas. Je veux être moi, pour toujours, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas me laisser submerger par ma routine, mon défaitisme et tout le reste. Je suis dans la Celebrity School pour devenir une star et je compte bien dépasser ça. Je me le promets.
Plus tard dans la soirée, et alors que je gis sur le canapé, presque morte, Les jumelles entrent en hurlant dans le salon. Je pousse un long soupir exaspéré. Ne cesseront-elles jamais ? Ou alors qu'elles règlent le souci une bonne fois pour toutes nom de Dieu ! Le pire c'est que je ne trouve même pas la force de me lever. Nila n'est toujours pas tendre avec nous et bien que j'aie gagné en endurance et que mes courbatures sont de moins en moins douloureuses, c'est toujours trop. Du coup, je les regarde se prendre le chou depuis mon canapé. Momo qui dort à moitié sur l'un des poufs émerge de son sommeil pour les fusiller du regard. Tu m'étonnes. À sa place -et avec sa carrure- j'en prendrais une pour frapper sur l'autre. Fort.
James et Cristal arrivent sur ses entrefaites, et, la garce en chef, mécontente de ne pas être le centre de l'attention se précipite pour y fourrer son nez tout en secouant sa longue chevelure de Barbie.
- Je peux savoir ce qui se passe à la fin ? ordonne-t-elle le ton dur et autoritaire.
Bon, pour le coup je ne peux pas vraiment lui donner tort, je veux aussi savoir.
- Elle m'a piqué mon mec, hurlent-elles à l'unisson en se désignant du doigt.
Waouh. C'est déjà vachement flippant quand elles font ça en bon terme mais là... je secoue la tête avec énergie pour me débarrasser du frisson qui me remonte l'échine.
- Quoi ?! s'époumone l'une d'entre elles -Juliette je crois, c'est toi qui le drague impunément sous mon nez ! Je suis celle qu'il a embrassé en premier !
- Oui mais je t'ai dit qu'il me plaisait avant toi Alice !
Autant pour moi. C'est dingue, je ne parviens toujours pas à les différencier.
- Ah, enfin !
Je sursaute lorsque je me rends compte que Lucius est juste derrière moi. Je ne l'ai même pas entendu approcher !
- Tu sais, je souffle pour ne rien louper de la scène digne d'un Soap qui se joue devant moi, tu devrais vraiment arrêter d'embrasser et de coucher avec n'importe quelle fille. Du moins pas ici ou à force, sa risque de te porter préjudice.
Il me dévisage en fronçant les sourcils, ne semblant pas comprendre ce que je veux dire. Quoi, il va me jouer l'innocent maintenant ?
- Ce n'est pas moi, se contente-t-il de répondre. Elles ne sont absolument pas mon genre.
- Les jumelles c'est pas un fantasmes typiquement masculin ? je réplique, septique.
- Oui, répond-il en hochant la tête, mais les jumelles canon. Là on a plutôt l'impression d'avoir les miss du camping de Trifouillis-les-Oies.
Je ne peux pas m'empêcher de ricaner, ce qui me coûte un regard méchant des frangines avant qu'elles ne reprennent leurs accusations.
- Alors ce n'est pas toi ? Je lui murmure, pas certaine de devoir le croire.
Il secoue la tête avec un large sourire. Soudain je me rappelle de la scène du train, la veille du prime sur les comédies musicales. Lui il sait ce qu'il se passe.
- Je les ai surpris en train de s'embrasser dans un coin il y a une dizaine de jours, s'explique-t-il enfin. Et, le lendemain je les ai vus faire la même chose, enfin presque puisque ce n'était pas la même. Bien sûr au début je n'en savais rien mais j'ai compris quand elles ont commencé à se crêper le chignon. Y'a qu'un mec pour mettre un tel foutoir entre deux frangine.
Il ne croit pas si bien dire. L'espace de courtes secondes je pense à Cédric, mon premier petit-copain que Framboise s'est fait un plaisir de détourner de moi. Bon, dans notre cas nous ne pouvions déjà pas nous supporter bien avant mais bon... puis, tout à coup me revient en tête la scène dans les loges, quand Roland est venu vers moi pour me complimenter et qu'une des jumelles est arrivée se pendre à son bras pour le draguer ouvertement. J'écarquille les yeux alors que, doucement, je comprends. Lucius sourit plus franchement et saute sur le canapé pour s'installer à côté de moi.
- Non, je m'exclame ! carrément choquée. Roland ? je lui chuchote, n'en croyant vraiment pas mes yeux.
Il hoche la tête, fier de son effet. De mon côté j'observe les jumelles se prendre le chou et Cristal tenter de s'incruster par tous les moyens. Finalement, les Cheminées de l'Amour ne me manque même pas. J'ai tout ce qu'il me faut ici. Lorsque Roland passe la porte s'en est trop et j'explose de rire, vite suivie par Lucius. Nous sommes les deux seuls à comprendre pour l'instant et nous passons très certainement pour des malades mais ça nous est égal. C'est dingue que Roland, le gars qui cumule les lunettes, l'acné, les postillons, l'hygiène douteuse et le gabarit du phasme, parvienne à attirer deux filles -qui plus est de sœurs jumelles- dans ses filets. Il doit avoir un secret. Ou un philtre d'amour. En tout cas c'est tout à fait inattendu.
Lorsque Thibault et Lili-Rose arrivent à leur tour, ils avisent la tension palpable dans la pièce et nous, dans notre coin, à nous marrer comme des baleines et décident de venir à la pêche aux infos et comme deux vieille pies trop bavardes, nous nous lançons dans l'explication détaillée de la situation. Si la vie c'est tout le temps comme ça en vrai, je suis presque prête à laisser tomber la télé.
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