Chapitre 28 : Les humeurs de Lucius.

Il ne reste plus que deux semaines. Dans deux semaines je serais enfin libérée du pacte démoniaque que j'ai passé avec cette sorcière de Laza. Je pourrai de nouveau manger : à moi les pizzas, le chocolat, les gâteaux en tout genre, les barbecues, la crème et le beurre. Il ne me reste plus qu'à prendre mon mal en patience. En attendant, nous profitons d'une journée tranquille. Notre direct de la veille s'est admirablement bien passé, sans accro et sans souci, un show comme ont les aime. Bon, bien sûr, la qualité équivaut toujours plus ou moins à un spectacle de fin d'année mais je pense sérieusement qu'il y a du progrès. Mais ce n'est bien sûr pas notre show de "qualité" qui nous a permis de passer l'après-midi à lézarder au bord de la piscine. Nila est malade. Une grippe du tonnerre qui l'a cloué au lit et même si Laza s'est arrangée pour pallier à son absence, son nouveau programme ne prendra effet que demain. Alors aujourd'hui nous profitons. Je me suis levée à onze heures, Lili-Rose m'a gentiment préparée une salade de fruit de saison et je l'ai dégustée au bord de la piscine, à l'ombre du parasol bercée par le chant envoûtant des cigales. Le rêve.
Ensuite, et petit à petit, les autres m'ont rejointe. Thibault et Lili-Rose, Momo, Roland et Lucius. C'est toujours un peu bizarre avec lui. Je ne dirais pas tendu mais je ne peux pas nier qu'une sorte de mur très épais et très haut s'est érigé entre nous. Ce n'est pas vraiment sa faute en plus. Le pauvre fait ce qu'il peut mais je ne parviens pas à passer outre, et ce ne sont pas ses paroles qui me bloquent. Je me fiche des conneries qu'il m'a jetées au visage. Je n'arrive pas à oublier sa coucherie. Chaque fois qu'il me parle, qu'il me regarde je l'imagine avec cette garce de Cristal et ça me crispe, du coup je l'évite au maximum. Mais cette après-midi je suis bien décidée à profiter. Tandis que je me gorge de soleil dans mon bikini rouge trop grand pour moi (la perte de huit de mes kilos n'était pas au programme), les garçons chahutent dans la piscine, du coin de l'œil il me semble discerner une partie de volley ou un truc du style. Toujours est-il que ça fait du bruit et éclabousse.

– Tu es passée au confess’ ? me demande Lili-Rose en se tournant sur le dos.

– Mmmh.

– Quand ?

– Ce matin. Juste avant de descendre. Je voulais m'en débarrasser vite fait.

– Les questions habituelles ?

Je laisse échapper un long bâillement en hochant la tête. Bien sûre que cette idiote de Kimberly tente encore et toujours de m'extirper un prétendu triangle amoureux entre Lucius, Ludovic et moi. Je trouve ça relativement malsain d'ailleurs. Lili-Rose secoue la tête en ricanant comme une hyène.

– Cette fille est débile.

J’acquiesce, d'accord avec elle et me tourne sur le dos à mon tour.

– Elle croit qu'il y a un truc entre Thibault et moi.

Je me redresse immédiatement, carrément estomaquée. Elle et Thibault ? Ils sont le jour et la nuit. Elle, toujours sur la défensive, agressive, cynique et têtue et lui doux comme un agneau (quatre-vingt dix-huit pour cent du temps), compréhensif, gentil, amical et tendre. Vas savoir. Je dévisage mon amie qui fixe le jeune homme en rougissant légèrement. Je souris comme le chat du Cheshire. Il sera peut-être celui qui l'apaisera et elle lui permettra peut-être de comprendre qu'il vaut mieux que tout ce que peut penser son abruti de père.

– Et alors ? je demande en comprenant qu'elle a besoin d'un coup de pouce pour parler.

– Rien, se renfrogne-t-elle, ce qui me fait sourire.

– Vraiment ?

Elle hésite. J'ai envie de crier victoire en levant le poing en l'air. C'est tellement rare qu'elle se livre. En temps normal c'est moi qui parle et elle qui se moque. Ou à la rigueur, elle critique. C'est un peu un sport chez elle. Un sport qui me fait rire plus souvent que je ne voudrais bien l'admettre. Je remarque qu'elle jette de nombreux regard à droite et à gauche. Les jumelles ne sont pas loin. Elles ne peuvent pas vraiment nous entendre avec le boucan que font les garçons mais tout de même, et Cristal est au bord de la piscine, les pieds dans l'eau à jouer les allumeuses. Ou pom-pom girl. C'est une question de point de vue. Je souffle et me lève. Si elle veux de l'intimité je vais lui en donner. Enfin, dans le mesure du possible étant donné que la maison et ses alentours son truffés de caméras et de micros.

– Suis-moi dans mon bureau.

Lili-Rose fronce les sourcils mais s'exécute. Nous rentrons tranquillement dans la villa et savourons la fraîcheur qu'elle nous offre. C'est un soulagement après le cagnard aride qui règne en maître près de la piscine. Je me dirige droit vers le frigo et l'ouvre en grand. J'ai un petit frisson qui court sur ma peau lorsque le froid du frigidaire m'atteint. J'attrape une pêche et me tourne vers mon amie en refermant la porte d'un coup de hanche maîtrisé avec le temps. Je lave mon fruit, attrape du papier absorbant et me perche sur le plan de travail.

– Aller, dis tout à Tata Mumu.

Une hanche contre l'îlot centrale, Lili-Rose hausse un sourcil circonspect avant de secouer la tête :

– Non Mûre, jamais. Ne dis plus jamais ça. C'est flippant.

Je hausse les épaules et lui fait signe de parler. Elle souffle et ses épaules tombent avant qu'elle ne se lance, hésitante et timide :

– Je l'aime bien, d'accord. Il est drôle et gentil. Et c'est déjà plus que tout mes ex réunis.

Je souris en hochant la tête. Thibault est assez exceptionnel dans son genre.

– C'est un gars bien, je concède facilement.

Je n'ai pas besoin d'ajouter autre chose, de lui filer des dizaines de conseils bidons ou je ne sais quoi. Elle est une grande fille indépendante qui saura se débrouiller facilement. Je jette mon noyau et lui adresse un sourire de loup :

– Allons embêter les garçons.

Elle sourit à son tour et nous nous éloignons en courant en direction de la piscine et, d'un commun accord, nous plongeons. Enfin, c'est un bien grand mot. Nous faisons une énorme bombe synchronisée qui éclabousse tout le monde. Lorsque nous remontons Cristal et les Jumelles nous insultent dans toutes les langues qu'elles connaissent, donc en français. Thibault nage vers nous, tout souriant. C'est bizarre. Mais trop tard. Lucius s'est glissé derrière moi et avant que j'ai le temps de comprendre ma douleur il me soulève et m'envoie valser dans les airs. Je pousse un petit cri aigu avant de tomber dans l'eau dans un plouf très disgracieux. Lorsque je remonte Momo réserve le même sort à Lili-Rose et je profite du fou-rire de Lucius pour me venger. Je me faufile derrière lui et appuie avec force sur ses épaules pour lui faire prendre la tasse. Je rigole à gorge déployée en me reculant, mais il est rapide et se lance à ma poursuite.

– Non, Lucius, non !

Il rit, m'attrape dans ses bras et nous immerge tout les deux. Sous l'eau je tente de le repousser mais sa poigne est ferme et nous restons sous l'eau quelques secondes. J'ouvre les yeux malgré le chlore et je tombe sur les siens, ambré et pétillant. Ses cheveux flottent autour de lui, formant une auréole sombre, comme un prince des ténèbres. Quelques secondes plus tard nous remontons. Je prends une grande inspiration et l'asperge d'eau avant de m'éloigner dans une brasse tranquille. Il me suit et nous nageons sans rien dire, profitant du silence.
Les autres sont sortis de l'eau. Lili-Rose et Thibault discutent tranquillement étendus sur les transats, Momo et Roland ne sont plus là, les jumelles dorment, James peaufine son bronzage et Cristal ne lâche pas Lucius des yeux.

– Ça fait longtemps que nous n'avons pas partagé un moment comme ça, tous les deux, souffle finalement Lucius tandis que nous atteignons un des bords de la piscine.

– C'est vrai.

– Tu me manques.

– Vraiment ?

Je me retiens de ricaner. C'est clair que je lui ai manqué quand il couchait avec cette garce de Cristal.

– Tu vas m'en vouloir encore longtemps ? grogne-t-il en m'attrapant le bras pour me forcer à me tourner vers lui. Je t'ai déjà dit que j’étais désolé. Je ne pensais pas ce que j'ai dit.

Je hausse les épaules. Je ne lui en veux pas, vraiment. Du moins pas pour ça, mais il ne semble pas s'en rendre compte.

– Je ne t'en veux pas, c'est toi qui fais une fixette là-dessus. Tu ne nous ferais pas une petite crise de conscience ?

Il lève les yeux au ciel et s'apprête à répliquer lorsque Cristal l'appelle en faisant de grands gestes avec les bras. Je souris amer et fais demi-tour, profitant de sa distraction pour sortir de l'eau. Chaque fois que je les vois ensemble mon estomac se tord et je ne mange pas assez pour me permettre de vomir.


Le soir même, tandis que Momo, Roland et les jumelles préparent le dîner (j'ai vraiment essayer de convaincre Roland de faire n'importe quoi d'autre), Lucius et Thibault jouent à un jeu de guerre quelconque, Lili-Rose lit, Cristal est au confessionnal et je fous sa racler à James au billard. C'est assez drôle. Chaque fois que je l'affronte il perd.

– Dis moi, t'es aussi pourri avec une queue de billard dans les mains que sur les circuits !

Il me gratifie d'un sourire de loup avant de se pencher et de jouer. Sa boule tape le coin mais n'entre pas dans le trou et je rigole ouvertement. Il se tourne vers moi et fait signe en direction de la table. J'y vais, choisis ma boule en fonction de la blanche, me penche et au moment de tirer James me stoppe :

– Quoi ?

– Tu ne te positionnes pas comme il faut.

Je hausse un sourcil circonspect et secoue la tête, moqueuse :

– C'est toi qui perds, pourquoi je t'écouterais ?

– Parce que pour l'instant tu ne comptes que sur la chance du débutant. D'ailleurs si tu veux mon avis c'est carrément insolant d'avoir un bol pareil mais bon. Aller, je vais te montrer.

Je le fixe un long moment, cherchant la moindre trace de mensonge, de duperie. Finalement, décidant que je pouvais au moins lui laisser ça, je hoche la tête et m'approche de lui. Il me place « correctement » et, pour me montrer les bons gestes se calque derrière moi. Vraiment très proche. Je rougis un peu et me tend légèrement, son souffle sur ma nuque est loin de me mettre à l'aise mais finalement je décide de le laisser me montrer sans trop résister. Plus vite c'est fait, plus vite c'est fini.

– Tu es presque mignonne quand tu rougis.

Bien sûr je deviens écarlate et il rigole. Il me fait une démonstration et, comme je
le pressentais, la boule n'entre pas dans le trou. Je le repousse en rigolant :

– Tu veux que moi je te montre comment on fait ?

Il plisse les yeux mais me sourit tout de même. C'est étrange, j'ai presque l'impression qu'il est joueur.

– Tu comptes te coller contre moi ? Non parce qu'avec ton régime, tu es devenue sacrément canon.

Bon, pour le coup je suis carrément mal à l'aise. C'est vrai qu'avec cette maudite torture j'ai presque perdue tout ce que j'avais en trop mais je me souviens de ses moqueries et de ses insultes, huit kilos font vraiment autant de différence ? Je me sens assez mal mais je choisie de ne rien dire. Je crois qu'il a décidé d'être gentil et je n'ai pas envie de me disputer ce soir. J'ai passée une bonne journée, je ne veux pas que cela change maintenant. Nous terminons la partie sans nous soucier des autres autour et lorsque Momo nous cris qu'il est temps de passer à table, nous y allons. Le reste du groupe a également choisi de me soutenir en me dispensant de cuisine et en me préparant mon repas. Même Cristal. Je me méfie toujours lorsqu'elle me prépare à manger, je suis sûre qu'elle tentera bien un truc, un jour. Genre mort au rat. Cyanure. Morceau de verre. Et je suis certaine qu'elle a d'autre idée de ce genre. Cette fille est une sorcière. Mais elle cuisine plutôt bien donc tant qu'il n'y a pas de poison je la remercie en souriant. Je m'installe à table à côté de Thibault et Momo. Lucius et Lili-Rose me font face. Scarface ne me semble pas de joyeuse humeur. Il ne cesse de me fixer, l'air mauvais, attendant je ne sais quoi. Je décide donc de l'ignorer pour me concentrer sur ma pauvre salade. Ce gars est lunatique. Il sourit à midi, fait la tronche à une heure, pousse sa gueulante à deux et à trois il couche avec la blondasse de service. Pour le suivre il faut s'accrocher. Aussi compliqué qu'un film d'auteur !
Le dîner se passe bien, hormis le psychopathe face à moi qui n'ouvre pas la bouche et me foudroie du regard. Lili-Rose et Thibault discute tranquillement de leur côté et je dois bien avouer que depuis tout à l'heure je remarque un peu plus les petits sourires qu'ils s'échangent ou leur complicité qui fait plaisir à voir. J'espère que Lili-Rose n'ira pas coucher avec James ou un truc du genre.


Après avoir regardé Grease avec le reste du groupe je sors pour profiter de la nuit claire. Les cigales se sont arrêtées de chanter à la faveur des grillons et l'air embaume la nature. L'herbe, les fleurs, la chaleur, l'humidité. C'est une odeur vivante difficilement identifiable mais qui m'apaise. Je vais m'installer au bord de la piscine, les pieds dans l'eau, barbotant en savourant le silence. C'est assez difficile d'être seul ici. Malgré la taille de cette maison, il y a toujours quelqu'un et même lorsqu’il n’y a personne, il y a toujours les caméras et les micros qui ne nous lâchent pas.

– Mûre.

Je pousse un profond soupir. Qu'est-ce que j'avais dit. Jamais seule.

– Quoi ?

– Je voudrais te parler, lâche Lucius en venant s'installer à côté de moi.

– J'avais pas deviné, je marmonne, ironique.

Il m'ignore et continu en tournant la tête vers moi, les yeux flamboyant d'une colère à peine contenu :

– Ne t'approche pas de James.

Je le fixe, dans l'attente de la chute mais elle ne vient pas alors j'explose de rire en rejetant la tête en arrière. Mon dieu, ce gars a vraiment un grain !

– T'es sérieux ? je parviens à souffler en essuyant une larme qui roule sur ma joue.

– Oui.

– Et en quel honneur ? je ricane en croisant les bras sur ma poitrine.

– Ce gars est un connard.

– Parce que toi t'es un type bien peut-être ?

– Mûre...

– Écoute, je le coupe, je ne sais pas ce qui te prend, ce que tu as bu ou fumé, mais mon pote, tu pètes une durite. Je me fous de ce que tu penses, de ce que tu ressens ou quoi que ce soit, je fais ce que je veux avec qui je veux.

– Ce gars ce fout de ta gueule !

– Et pas toi peut-être ? Tu ne te fous pas de moi en permanence ?

Il fronce les sourcils et secoue la tête :

– Non, bien sûr que non !

– Donc tu ne t'es pas foutu de moi lorsque tu t'es tapé Cristal alors que tu sais pertinemment qu'elle me fait vivre un enfer ?

– Tu sembles bien t'en sortir toute seule sans mon aide, et puis je nous pensais un peu plus évolué que ces conneries de collégiens !

– C'est une question de loyauté ! je cris en me levant.

– Bien sûr que non ! Tu es en train de dire que, puisque tu ne parles pas à Cristal, tous tes copains ne peuvent pas lui parler ! Tu as quel âge, nom de Dieu !

Waouh. Nous voilà sur une pente glissante et nous nous sommes énormément éloignés du sujet principal, et comme je ne veux pas subir mon procès, je réoriente la conversation :

– Et toi ? Quel âge as-tu pour exiger, sans la moindre raison apparente, que je cesse de parler à James ?

– J'ai mes raisons, lâche-t-il en croisant les bras sur son torse et en levant légèrement le menton dans un geste de défiance.

– Ce serait trop demander d'en savoir plus ?

– C'est un connard.

– Amen ! je hurle en levant les bras au ciel. Ce qui vous faits un point commun !

Voilà, cet abruti vient de bousiller ma super soirée ! J'en ai vraiment assez de ses sautes d'humeurs. Je suis peut-être une gamine qui a tendance à juger les gens au premier coup d’œil mais s'est un connard lunatique et psychotique !

– Tu sais quoi Lucius, je souffle ne secouant la tête, tu as raison, je ne vais plus m'approcher de James.

Il esquisse un sourire satisfait, hoche la tête et fait un pas dans ma direction

– Tu vois, tu peux être raisonnable quand tu veux.

– Mais je ne vais plus m'approcher de toi non plus.

Il se fige et fronce les sourcils, les bras à demi-tendus vers moi. Il semble déconcerté et un peu blessé mais je continue sans plus me soucier de lui

– Parce que toi aussi tu es un connard. Un connard lunatique. Un malade mentale absolument pas stable et je ne supporte plus tes petites crises. Un coup oui, un coup non, faut choisir mon pote et s'y tenir, en attendant moi j'ai eu ma dose, si je veux me taper une bande de psychopathe narcissique bipolaire je n'est qu'à rentrer chez moi retrouver ma sœur et mon frère !

Sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, je tourne les talons et m'éloigne, prenant soin d'ignorer soigneusement la boule qui m'obstrue la gorge. Quel abruti.

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