Chapitre 23 : La pilule est dur à avaler.

À table, le soir même, l'ambiance est festive. Enfin, pour les autres qui se sont réunis autour du barbecue, près de la piscine, mais je n'ai pas la tête à ça. Je suis trop préoccupée. Je ne comprends pas vraiment pourquoi je me sens... trahie. Pourtant, il ne se passe rien entre Lucius et moi mais je pensais... enfin. Je ne sais pas ce que je pensais. Qu'il me devait un genre de loyauté mais franchement, à quoi je m'attendais ? C'est un mec, il va là où le vent le mène je suppose. En attendant, ce soir, je ne suis pas vraiment d'humeur. Alors je chope mes brochettes, mes merguez et mon poulet et vais le manger tranquillement dans mon coin. Et dire que cette garce de Kimberly pensait qu'il se passait un truc entre Lucius et moi... n'empêche je suis vachement conne pour avoir pensé que peut-être... Je pense que, depuis tout ce truc de télé-réalité je me crois dans un conte de fée. C'est limite si je ne m'attends pas à voir le badboy qu'est Lucius se battre contre Ludovic pour savoir lequel aurait le droit à mes faveurs.
Quelle conne.

– Tout va bien ?

Je lève les yeux et offre un petit sourire à Thibault qui s'installe à mes côtés avec son assiette :

– Oui, bien sûr, pourquoi ?

– Je sais pas, tu es distante depuis tout à l'heure.

– Je ne vois pas de quoi tu parles.

Il fronce les sourcils et me dévisage mais n'insiste pas. Je me concentre à nouveau sur mon assiette et mange en silence.

– Ta famille te manque ?

Je relève la tête et écarquille les yeux, surprise.

– Pas vraiment. Et toi ?

Il esquisse un demi-sourire un peu amère et hoche la tête :

– C'est dingue, hein ? Mon père me prend pour un parfait incapable et ma mère n'ose pas à me regarder dans les yeux, mais ils me manquent. C'est con, hein ?

Je hausse les épaules et lui prends la main :

– Pas vraiment. Ça fait juste de toi quelqu'un de meilleur que moi. De plus aimant, de plus compréhensif.

– Tu vas me faire rougir, se moque-t-il en me tapotant l'épaule.

– Comment s’est passée ton interview ? je demande pour changer de sujet.

– Plutôt bien. Kimberly m'a posé des questions, j'ai répondu.

– Je l'ai envoyée bouler. Elle m'a demandé s'il y avait un truc entre Lucius et moi, puis entre Ludovic et moi. Je me suis énervée et lui ai expliqué ma façon de penser. Et ça ne fait que deux jours. Quand je pense qu'il va falloir tenir trois mois...

Je laisse ma phrase en suspens et secoue la tête, de dépit. Ça va être plus dur que je ne le pensais.

– Et puis on oublie trop souvent que le moindre de nos mouvements est filmé. Il y a des micros planqués absolument partout, pour l'instant ça va mais dans un mois ou deux ? On ne tiendra plus.

– Tu es déprimée ce soir ou quoi ?

Je baisse la tête et ferme les yeux un instant. La légère brise secoue mes cheveux et m'apporte les odeurs de l'été, le chaud, l'herbe, les fleurs, la viande aussi. Puis il y a les rires, la musique, le clapotis de l'eau. Je devrais être de bonne humeur, vraiment.

– Ouais, je crois que j'ai un petit coup de blues. Je vais aller me coucher, ça ira certainement mieux demain.

Je me penche et dépose un petit baiser sur la joue de mon ami avant de quitter la table. En me dirigeant vers l'entrée de la salle de danse, je croise le reste du groupe qui, une bière à la main est réuni autour du barbecue, Lili-Rose fronce les sourcils et me demande en posant sa bière :

– Tu vas te coucher ?

– Je suis morte. Entre l'autre malade hier et Mademoiselle Lola ce matin, j’ai besoin de dormir.

Je tourne les talons pour m'éloigner lorsque Cristal m'attrape violemment le bras pour me retourner vers elle :

– Attends espèce de pétasse, à cause de toi je me suis faite allumer par Kimberly tout à l'heure ! Je suis sûre que tu as fais exprès de ne pas venir me chercher, hein ?

Je ricane méchamment et récupère mon bras :

– Figure-toi que je suis venue mais tu étais occupée, dans ta chambre.

Du coin de l’œil je vis Lucius se crisper et pâlir ce qui, je dois bien l'avouer, me procure un malin plaisir. Le savoir mal à l'aise est relativement jouissif en réalité. Par contre Cristal, elle, arbore un sourire fière et ouvre déjà la bouche quand Scarface lui attrape l'épaule assez durement :

– Fous lui la paix.

La garce fronce les sourcils et repousse Lucius :

– Sans déconner, tu la défends ?

– Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de louper un truc ? s'incruste Momo, une cuisse de poulet dans la bouche.

– J'en sais rien, je marmonne avant de m'éloigner pour de bon, laissant derrière moi des cris, des jurons et des protestations.

Finalement, je suis vraiment trop crevée pour m'occuper de ces conneries.
Le lendemain, et bien que mes courbatures soient toujours affreusement douloureuses, je suis presque de bonne humeur. Le chant des oiseaux, celui des cigales et tout ça. En grognant je me lève. Lili-Rose dort en travers de son lit, la tête et les pieds dans le vide. Je la fixe un instant. Comment diable parvient-elle à dormir de cette façon ? Je souffle, perplexe et file sous la douche un long moment, histoire de tenter de calmer mes pauvres muscles endoloris, même si je ne me fais pas vraiment d'idée, je ne me débarrasserais probablement jamais de ces trucs. Ensuite je descends manger. Le problème c’est que je suis seule, tout le monde dort encore, du coup je décide d'être gentille et de préparer le petit déjeuner. Sans cracher dans le jus d'orange de Cristal et Lucius ! Je suis franchement trop sympa comme fille ! Donc, sur un air de Pour un flirt, de Michel Delpech, je m'attelle à la dure tache de mettre la table, de presser le jus d'orange, de ne pas oublier le café, de faire toaster les tartines et de déposer beurre et confiture sur la table. Fraises, abricots, oranges, framboises et mûres. Je fixe le pot un long moment, le fusillant du regard comme s'il était la cause de tout mes maux et, en y réfléchissant bien, c'est peut-être le cas alors j'attrape le coupable et vais planquer le pot dans un coin de la buanderie, entre la lessive et le détachant. C’est parfait.
En retournant dans le jardin, près de la piscine pour commencer à manger j'avise le programme de la journée. Ce matin c'est cours de chant collectif et cet après-midi théâtre. Cette petite information me donne le sourire et je vais prendre le petit déjeuner en sifflotant.
Oubliés Lucius et Cristal, leurs coucheries et son hypocrisie à lui. Pourquoi me prendre la tête avec ces débiles ? Et puis, je suis sûre que l'un comme l'autre sont porteurs d'une MST encore inconnue. Bah, au moins, lorsqu'ils mourront, ils auront laissé leur trace sur Terre : un truc qui gratte, qui pique, qui fait des boutons de pus, et de croûtes. C'est mieux que rien, non ?  Franchement, je ne vois pas en quoi ça m'étonne, ce genre de gars, c'est même étonnant qu'il ait attendu autant de temps. Voilà ce que ça m'apporte d'essayer de connaître les gens avant de les juger. Je suis déçue et j'ai mal au ventre. Une boule étrange qui se forme chaque fois que j'y pense. Ça n'en vaut vraiment pas la peine. Je devrais me concentrer sur les cours. Tiens, c'est bien la première fois que je pense me concentrer sur autre chose que Les Cheminées de l'Amour.
Les yeux plongés dans mon café je ne remarque pas de suite que certains de mes camarades m'ont rejointe. Lucius entre autre, qui me fait face en silence, lui aussi absorbé par son café noir. Aussi noir que son âme. Momo arrive, dépose un baiser sur ma joue avant de prendre place à mes côtés, puis Roland tente sa chance mais je l'esquive ce qui amuse mon voisin de tablé. Roland ne semble pas se vexer. Il remet ses lunettes en place et s'éloigne pour s'installer à côté de Lucius. Ce gars est imperturbable.

– Alors, lance finalement Momo à Lucius, l'air malicieux, tu as remis le couvert avec Cristal ?

Faut croire que finalement Lucius a lâché le morceau.

– Nope.

Je me mords les lèvres pour ne pas m'en mêler. Ce ne sont pas mes histoires, je n'ai pas à donner mon avis. Il couche avec qui il veut, même s'il s'agit d'une version blonde de ma garce de sœur. D'ailleurs je devrais me rendre à l'évidence, si Framboise était à ma place elle aurait déjà mis Lucius dans son lit. Ainsi que le mannequin pour dentifrice. Et Thibault. Et Ludovic. Et elle aurait même tenté sa chance avec Hervé, le présentateur.

– Pourquoi ? Elle est super bonne ! Bon, c'est une garce, je te le concède, d'ailleurs j'espère qu'elle est plus docile au pieux que dans la vie de tous les jours mais pour la sau-

– Hé ! je m'exclame avant qu'il n'aille plus loin, c'est peut-être une garce mais pas un bout de viande ! Un peu de respect ça t'arracherait la bouche ?!

Il me dévisage, ébahi, tout comme Lucius et Roland. Quoi, c'est si extraordinaire que ça que je ne le laisse pas parler de la strip-teaseuse comme si elle ne valait rien ?

– Vous savez quoi ? J'ai plus faim, je crache en reposant mon mug avec fracas sur la table en bois avant de partir.

Merde avec tout ça je vais finir par perdre du poids !

Une heure et demie plus tard nous sommes tous dans la salle de chant tandis que Madame Signes, vêtue d'une robe rouge moulante et fendue sur le côté, beaucoup trop tout pour son âge, nous fusille de son regard noir.

– Vendredi prochain vous chanterez tous en groupe pour la première fois. Il n'y aura pas de chorégraphie juste une mise en scène très simple. Ne me ridiculisez pas.

Ça devient lassant entre Laza et elle. Si elle ne voulait pas avoir la honte il fallait caster des gens qui savent chanter, danser et jouer la comédie.

– Les chanteurs vous aurez droit à deux représentations. Une avec chanson imposée, je vous la donnerai demain, et l'autre libre. Pour les acteurs et les comédiens, vous choisirez ce que vous souhaitez interprêter. Je crois que les acteurs et comédiens devront jouer une scènette et, plus tard, improviser un textes avec, comme partenaire, l'un des chanteurs.

Oulah. Je vais devoir improviser une scène, en plein direct ? Sont malades ou quoi ? La dernière fois que j'ai fait ça j'ai offert un gros plan de mes fesses et de ce qui allait avec ! Pas question ! Mais je n'ai pas le temps de protester que la vieille dame commence à nous faire échauffer nos voix, et je suis mortifiée lorsqu'elle me dit que, même ça, c'est faux. Mais je m'applique et recommence, encore et encore. Elle tente de nous faire tenir des notes de bases et, pour cela nous fais chanter Frère Jacques en boucle et même pas en canon en plus. Après deux longues heures où j'ai mentalement tué le frère Jacques de mille façons différentes, planqué le corps et refais ma vie loin des matines, elle nous libère enfin ! Hallelujah !
Nous descendons manger mais avant même que je ne puisse m'asseoir à table, Kimberly m'appelle pour le confessionnal. Je déteste ça. C'est ridicule et inutile. Mais bon. Je vais, m'installe et attend qu'elle crache sa bile. Je sais déjà de quoi elle va me parler, son sourire vicieux et ses yeux fous parlent pour elle :

– Alors Mûre, que penses-tu du rapprochement significatif entre Lucius et Cristal ?

– Bah j'espère qu'ils se protègent.

Tiens, mes ongles auraient besoin d'une manucure. J'aimerais bien mettre du rouge. C'est beau le rouge.

– C'est la jalousie qui parle, là ?

– Non. J'espère sincèrement qu'ils sont assez prudents et responsables pour ça.

Ou du bleu ? Un beau bleu ciel avec des strass ? Quoique, les strass avec la piscine c'est pas super.

– Tu penses que Lucius a fait ça pour te rendre jalouse ? Après tout, vous aviez l'air proche pendant le cours de danse ?

– Je suis proche de Lucius mais je ne couche pas avec James pour attirer son attention, je me respecte.

Ou du jaune ? Un beau jaune soleil ? Ça fait été, joyeux.
Bon, cocu aussi mais ce n'est qu'un détail.
Oui, je crois que jaune c'est bien.

– Insinues-tu que Cristal ne se respecte pas ?

– Non, pourquoi ?

Mon ventre gargouille et je finis par lever les yeux. J'ai faim et j'aimerais bien manger. Elle m'énerve avec ces questions stupides. Pourquoi tient-elle à ce point à ce qu'il se passe un truc entre Lucius et moi ? Je veux dire, c'est un menteur manipulateur qui se la joue gros caïd. Ça ne vaut pas la peine de faire couler tant d'encre pour lui.
Kimberly, furieuse de n'avoir rien de concret à se mettre sous la dent, s'apprête à répliquer pour tenter de me tirer les vers du nez mais je la coupe :

– Je peux y aller ? J'ai faim.

– Tu es pressée de revoir Ludovic ?

– Oui, mais surtout, j'ai faim, j'insiste en la dévisageant comme si elle était demeurée.

Elle n'en est pas une. Elle comprend vite, mais faut juste lui expliquer longtemps. Du coup, avant qu'elle n'ait le temps de me demander quand je compte épouser Roland je m'en vais pour aller me sustenter. C'est que ,ce genre de bêtise, moi, ça me file la dalle.

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