Chapitre 22 : Méfiez-vous de l'eau qui dort.
Nila est un monstre. Un enfoiré sadique qui prend un malin plaisir à torturer et martyriser ses victimes. Il nous brise pour mieux nous briser une seconde fois encore après. Ce gars est malade. Complètement fou. C'est un psychopathe sadique. Il veut nous tuer. En vérité c'est ça. Personne ne l'a dit, mais Laza ne produit pas une énième émission de télé-réalité. Elle produit les Hunger Games. C'est simple, à la fin de l'entraînement « simple et facile » du tortionaire à la grande gueule c'est à peine si j'ai eu la force de monter les marches. À vrai dire, je n'ai pas pu toutes les monter. Je me suis arrêtée à la cinquième ou sixième et c'est Thibault, longtemps après, qui est venu me réveiller. Pour manger. Je me suis donc traînée jusqu'à ma salle de bain, j'ai pris une douche bien chaude pour enlever toute trace de sueur, de poussière ou je ne sais quoi encore et je n'ai pas eu le courage de redescendre pour aller manger lorsque j'ai réalisé qu'il faudrait remonter l'escalier pour aller me coucher. Du coup j'ai sauté un repas.
Je crois que je n'ai jamais sauté de repas de toute ma vie. Même quand ma mère est partie, même avant les résultats du bac, ou quand Framboise était en plein travail pour mettre au monde Derek. Jamais. Je ne saute pas de repas, question de principe, mais là ? Je n'étais pas réellement sûre d'être vivante alors manger...
Kimberly vient de passer frapper à nos portes pour nous lever et je n'ose pas bouger le moindre atome de muscles de mon corps. Je suis totalement immobile et j'ai mal. Je souffre le martyr chaque fois que je respire alors je ne veux pas tenter le diable et essayer de me lever. Ça me tuerait. Lili-Rose se redresse en grognant et en jurant, beaucoup plus courageuse que moi. Je me contente de la fixer depuis mon lit. Si je bouge, on pourra bientôt lire sur mon épitaphe : tuée par ses courbatures, repose en paix. J’ai l'impression d'être faite de bois, chacun des muscles de mon corps sont raides et tendus, j'en découvre même des nouveaux qui me font atrocement souffrir.
Donc, je pense rester comme ça, immobile, jusqu’à ce que la douleur disparaisse. Elle finira bien par partir d'elle-même, n'est-ce pas ? Lorsqu'elle se sera lassée de mon système nerveux ou un truc du style. J'espère.
– Mûre, bouge-toi, grogne Lili-Rose en ouvrant les rideaux en grand.
– Non ! J'ai mal !
Je geins comme une gamine mais j'ai vraiment mal. Ça fait des années que je n'ai pas eu de courbatures et là... Mais mon amie (enfin je crois) ne l'entend pas de cette oreille. Elle s'approche de moi et arrache ma couette. Je frissonne lorsque je sens l'air froid sur mes jambes dénudées. Mon premier réflexe est de me recroqueviller sur moi-même avant de le regretter amèrement. Ça fait un foutu mal de chien !
– Ce matin on a notre premier cours avec Mademoiselle Lola.
– Depuis quand t'es enthousiaste, toi ? je marmonne la tête enfoncée dans mon oreiller qu'elle m'arrache violemment. Hé !
– Tu n'as pas vu les commentaires des professeurs ? Mademoiselle Lola a littéralement craqué pour Lucius. Elle ne tarit pas d'éloge sur son corps de rêve ! Quand Kimberly nous a annoncé le programme de la journée hier soir pendant le dîner, il est devenu pâle comme la mort. Je veux trop voir ça ! Lucius qui ne se la joue pas baron de la drogue et tout !
Je ricane. Ouais, finalement, ça devrait être drôle.
– D'accord, mais tu vas devoir m'aider, je crois que le malade psychopathe m'a paralysée.
Elle s'approche et me pousse du lit. Tout simplement. Je m'écrase sur le sol avec fracas en gémissant. Aïeuh !
– Bouge-toi le cul ! ordonne-t-elle en se tirant.
Après m'être traînée jusqu'à la salle de bains, avoir pris une douche qui détendit un peu mes pauvres muscles endoloris, je suis descendue manger et, en effet, Lucius est beaucoup plus silencieux qu'à l'accoutumé. Mais pour être franche je m'en fiche, tout ce qui m'importe pour l'instant c'est la bouffe. Je dévore, encore plus que d'habitude, voilà ce qui se passe quand je saute un repas. L'ambiance est beaucoup moins survoltée que la veille, fatigue oblige. Très rapidement vient l'heure de débarrasser la table et de se diriger vers la salle de danse où nous attend mademoiselle Lola en pleine séance d'étirement.
– Bonjour mes chéris ! Super prime vendredi ! Un peu crispé, mais super. Et puis je suis là pour remédier à ça. Mais commençons. J'ai du boulot et j'aimerais que chacun d'entre vous sachiez au moins reproduire une chorégraphie du grand Fred Astair à la fin de l'émission !
Le tout en grand écart ! En tout cas, j'espère que c'est juste une façon de parler !
– Au boulot ! hurle-t-elle d'une voix beaucoup moins joyeuse lorsqu'il se rend compte qu'on ne bouge pas.
Pendant les trois heures qui ont suivies, j'ai eu le droit à du « plus bas ! », « plus souple ! », « plus haut le bras, plus haut ! », « mais cambre toi, nom de dieu ! », « Mûre, cesse de te moquer des autres et bouge-toi ! », puis il nous a passé de la musique, et on a essayé de danser. Je suis tombée, trois fois, Cristal s’est écorchée le genoux, Lucius a failli frapper Lola quand elle lui a mis une main aux fesses pour « démontrer » le galbe parfait, j'ai pleuré de rire, comme Thibault, Lili-Rose et Momo, d'ailleurs. Par contre j'ai moins ri quand Lola m'a attribué Roland pour partenaire.
On devait apprendre les bases de la valse. 1.2.3. Avec Roland. J'ai voulu mourir. Transpiration, acné ou postillons, il faut choisir mais les trois à la fois ? C'est dégoûtant. Du coup ça à été au tour de Lucius de se foutre de ma gueule tandis que je tentais de fuir, mais Roland refusait de me lâcher, confondant la valse et la lambada par moment.
Mais finalement, la classe s’est finie sur une note joyeuse lorsque Mademoiselle Lola nous a offert les « dix minutes free » comme elle le dit. C'est simple. Elle a lancé sa playlist et nous nous sommes lâchés. Enfin, Roland, Momo, les jumelles et moi surtout. Mais c'était bon. Sans pression. J'aime danser quand c'est juste ça. Danser. Alors sur SuperHeroes de The Script j'ai bougé les fesses, levé les bras en l'air et me suis laissée emporter, jouant sur les rythmes, me prenant déjà pour la reine de la pop, jouant et rêvant, souriant et rigolant. J'ai fini par attraper les mains de Thibault et Lili-Rose, qui, timidement se sont laissés allés. C'était bon. Ensuite c'est le joyeux Eminem qui est venu nous faire un coucou avec Without me. J'adore danser sur du rap. Je me contente de rentrer la poitrine, de bouger les bras et les épaules en rythme, presque à la manière d'un robot tout en alternant mains fermées et mains à plat. Je bouge à peine le bas du corps et me prend pour une gangsta débarquée du Bronx et prête à t'exploser la tronche si jamais tu me regardes de travers. La chanson suivante, d'un registre diamétralement opposé au superbe rap de Eminem, un espèce de rock, pop, indépendant je sais pas trop quoi, Come With Me Now, de KONGOS et super dansant, à tel point que tout le monde rejoint la piste. Sauf Lucius. Mais pas question que je le laisse dans son coin alors je vais vers lui en sautillant et en faisant des moulinets des poings tout à fait ridicules mais qui lui arrachent un sourire. Je l'attrape d'autorité par le poignet et le tire. Il me récupère dans ses bras et me fait tournoyer, en haut, en bas, je sais plus ou donner de la tête. C'est pas gracieux pour un sou, plutôt même maladroit mais c'est drôle et les yeux de Scarface brillent d'une lueur appréciable et rarement détectable. Au bout d'un moment, lorsque le rythme ralenti légèrement, je m'écarte d'un pas de lui pour tourner lentement sur moi-même avec des mouvements du bassin tout en levant mes bras tout en tentant d'imiter un genre de danse orientale. Puis, lorsque le rythme reprend, je me met à sauter sur place en secouant la tête. Puis, avant la fin, et sans que j'ai le temps de dire quoi que ce soit Lucius m'attrape dans ses bras, me soulève et tourne, assez vite pour que tout devienne flou sauf son visage. C'est intense et déconcertant. On reste comme ça un long instant, à se fixer dans le blanc des yeux, le souffle court et moite de sueur, genre film à l'eau de rose tout pourri. Mais j'arrive pas à bouger. J'en ai même zappé mes courbatures, c'est pour dire.
– Bien, merci mes amours, c'était une bonne séance ! s'exclame finalement Mademoiselle Lola en nous applaudissant.
Ça a au moins le mérite de nous ramener sur terre à vitesse grand V. Lucius me repose par terre et s'éloigne, je me détourne, le rouge au joue et, tout en applaudissant à mon tour court récupérer mes affaires pour partir d'ici au plus vite. J'ai besoin de prendre une douche froide. Je deviens complètement malade si je me mets à flasher sur Lucius. Je veux dire, c'est Lucius. Détestable, méprisable, désagréable et... admirable. Raaah ! Ce que c'est frustrant !
Plus tard, dans l'après-midi, alors que nous sommes de « repos », je me détends tranquillement au bord de la piscine, profitant du soleil sur ma peau et me réjouissant du calme ambiant, seulement troublée par le chant des cigales. Il n'y a pas de cigales à La Tarte. Juste la pluie et les voiture. Lili-Rose est à côté de moi, sous un parasol et Momo flotte sur un matelas gonflable. C'est étrange. Je ne suis là que depuis deux jours mais j'ai l'impression d'avoir toujours vécu avec ces gens, comme si nous étions une bande de potes dans leur villa pour les vacances. Avec un malade qui nous fait courir et faire des pompes sous un soleil de plomb mais bon. C'est quand même vachement cool.
- Mûre !
Je me retourne vers Roland qui me sourit et me fait signe en s'approchant de moi dans son slip kangourou orange. C'est à cet instant que je me rends compte que je suis plus épaisse que lui, d'ailleurs je ne sais pas comment l'interpréter.
– Tu es attendue au confessionnal.
– Ah. Euh, d'accord.
Je saute sur mes pieds en grimaçant. Fichues courbatures ! Je cours dans ma chambre, passe une robe d'été légère et me rafraîchit avant de partir dans la pièce qui ressemble à une salle du trône. J'entre et m'installe, face à moi, derrière la caméra et le micro se trouve Kimberly, toujours tirée à quatre épingles, pas un cheveux qui dépasse et son tailleur gris impeccable.
– Bonjour Mûre.
– Bonjour.
– Je vais te poser une série de questions et tu vas simplement y répondre. Tu vas te contenter de me livrer ton ressenti, tes attentes, tes envies. Sans langue de bois, d'accord ?
Je hoche la tête et m'installe plus confortablement dans le grand trône rouge.
– Bien, que penses-tu de la maison ?
– C'est splendide, je veux dire, je ne pensais pas avoir la chance, un jour, de dormir dans ce genre d'endroit. Je n'en aurais jamais eu les moyens. C'est comme un rêve. Un conte de fée ou je ne sais trop quoi.
– Et l'ambiance, que penses-tu de l'ambiance ? Du groupe ?
– Eh bien... Je pense que c'est un bon groupe. Plus ou moins. Tout le monde a ses têtes.
– Et tu as des têtes que tu préfères ?
– Bah, je suis amie avec Lili-Rose, Thibault et Momo et j'ai une espèce d'accord de paix avec Lucius.
Elle ne me regarde pas et note un truc sur un calepin avant de reprendre, les yeux toujours plongés sur son truc :
– D'ailleurs, qu'est-ce qu'il y a entre Lucius et vous ?
Je sens mon visage se réchauffer tandis que je bafouille. Mais de quoi elle parle ? Il n'y a rien entre nous !
– Non, je m'empresse de nier en secouant la tête, je veux dire, Lucius est vraiment sexy et tout mais non ! Beurk !
Je secoue la tête, franchement mal à l'aise, mais je vois bien que Kimberly ne compte pas lâcher le morceau. Je le savais, ce n'est qu'une connasse.
– Bon, alors c'est peut-être Ludovic ton coup de cœur, votre baiser était vraiment... spécial. Rien à voir avec du cinéma.
– Il n'y a rien non plus entre Ludovic et moi ! Je veux dire, c'était pour une scène, rien de plus. Et puis d'abord c'est quoi cette interview ? Tu n'es pas censée me demander ce que je pense des mes cours ou de mes profs ? Parce que si tu ne veux pas faire ton boulot correctement moi je vais le faire : Nila est un psychopathe autoritaire qui se prend pour Rambo, Mademoiselle Lola est sévère mais juste. Elle cherche vraiment à nous apprendre bien que je lui serais reconnaissante de ne plus me mettre Roland comme partenaire, oh, et pour Madame Signes, je suis sûre qu'elle est une grande chanteuse, mais justement, si elle souhaite nous apprendre à chanter c'est ce qu'elle devrait faire plutôt que nous raconter l'importance de la musique dans le religion au Moyen-Âge ou je ne sais quoi ! Si vous n'avez pas d'autres questions, je vais me retirer !
Kimberly secoue la tête en pinçant les lèvres et me demande d'appeler Cristal. Je peine à me calmer et me dirige vers le couloir à la recherche de cette fichue garce. Je crois qu'elle est dans sa chambre. C'est la première dans le couloir. Je m'arrête devant et m'apprête à frapper quand j'entends des soupirs évocateurs en provenance de sa chambre. Eh bien, elle ne perd pas de temps. Je tourne les talons, le rouge aux joues et m'éloigne. Décidément, elle s'entendrait bien avec Framboise. Je retourne au bord de la piscine en secouant la tête bien décidée à oublier ça. Il faut que je l'oublie. Je reprends ma place aux côtés de Lili-Rose au moment ou je reçois de l'eau au visage.
– Hé, tu peux pas faire attention ?! je hurle au plongeur qui m'a éclaboussée.
Certainement Lucius qui a dû attendre que je revienne pour plonger, histoire de m'emmerder un peu. Sauf que ce n'est pas Lucius qui remonte, mais James.
Mais si James est là... Momo est dans l'eau, Thibault discute avec Lili-Rose et Roland feuillette un magasine à côté de moi. Donc, à cet instant, c'est Lucius qui est avec Cristal.
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