Chapitre 21 : Réveil difficile.
Dire que la nuit fût courte est un doux euphémisme. Dire que je suis crevée avec une tronche de merde est également un euphémisme et dire que je vais buter la connasse qui chante dans le couloir si elle ne la ferme pas rapidement c'est enfoncer une porte ouverte.
Je grogne, me tourne et m'enfonce un peu plus sous ma couette.
Je vais la buter. Qui que ce soit, je vais l'égorger et prendre un bain dans son sang. Paraît que ça rend immortel.
– Ta gueule ! hurle Lili-Rose.
Je grogne à nouveau. Exactement. Que tout le monde la mette en veilleuse que je puisse dormir.
Bien évidemment personne ne m'écoute et j'ai à peine le temps de retrouver Ludovic dans un champs de fleurs sauvages que quelqu'un frappe violemment à la porte de ma chambre, me faisant sursauter et tomber dans un gros boum très disgracieux.
– Debout Mesdemoiselles. Votre premier cours commence dans deux heures.
Je me lève et titube jusqu'à mon lit les yeux encore clos.
– Très bien, je baragouine (et presque en français je crois), réveillez-moi dans une heure et cinquante-cinq minutes.
Lili-Rose, elle, n'a même pas de réaction. Au bout de cinq minutes, la porte s'ouvre à la volée et la gonzesse chargée de nous surveiller déboule et tire sur nos couettes :
– J'ai dit debout ! Levez-vous jeunes filles. La prochaine étape c'est le seau d'eau !
– Bordel ! crache Lili-Rose, casse-toi, tu vois pas que je dors, là !
La fille, Kimberly, si mes souvenirs brumeux sont justes, ne se laisse pas abattre :
– Debout ! Si vous vouliez dormir il fallait rester végéter chez vous ! Ici on travaille dur et se lève tôt ! Debout, répète-t-elle.
Bordel, les morveux de ma sœur font moins de boucan le matin que cette fille. Que quelqu'un la fasse taire, par n'importe quel moyen !
– Les professeurs arrivent dans deux heures, insiste-t-elle, pour vous donner vos premiers cours alors je vous conseille d'être prêtes.
C'est comme un électrochoc. Elle dit professeurs et j'entends Ludovic. Je me redresse sur mon lit comme un diable monté sur ressort sortant de sa boîte et je saute du lit.
– Prem's pour la salle de bain, gronde Lili-Rose et au vu de son air franchement pas aimable, je m'incline pour le coup.
Je suis téméraire mais pas suicidaire. À la place, j'attrape mes affaires de toilette et me dirige vers la chambre des gars, en face. Une salle de bains reste une salle de bains. Du moment que je ne croise personne à poil moi, ça me va. Je frappe à la porte et, bien sûr, Lucius vient m'ouvrir torse nu, seulement vêtu d'un jean. Y'a rien à jeter chez ce gars. C'est honteux. Il a un visage de rêve avec du charisme et tout, il aurait au moins pu avoir une petite bedaine plutôt que ce torse tout droit sorti du calendriers des Dieux du Stade. Tablettes et tout le toutim, si bien que j'en perds mon latin. Bien sûr, il s'en rend compte, je veux dire, c'est écrit sur mon front en lettres luminescentes, et monsieur m'adresse donc son sourire Made in Connard. Je m'apprête à l'envoyer chier quand je me souviens que j'ai besoin de sa salle de bain.
– Bonjour Mûre, que puis-je pour toi ?
À cet instant, j'ai conscience d'avoir les cheveux en l'air, des restes de maquillage de la veille en travers du visage et je porte mon pyjama minnie, un short et un débardeur, trop court pour l'un, trop décolleté pour l'autre.
– Me prêter ta douche. Lili-Rose est dans la nôtre et j'ai pas envie d'attendre...
– Prenez-là ensemble. Ça va faire grimper l'audimat, Laza va être contente.
Je plisse les yeux et martèle son torse (vachement dur et musclé) de l'index :
– Espèce de pervers, pousse-toi que je prenne une douche et je te conseille de ne pas m'emmerder, j'ai dormi à peine trois heures et je n'ai pas encore pris mon café, y'a une connasse qui s'est pris pour un foutu coq ce matin en chantant et après ça, y'a encore eu la gonzesse, là, la baby-sitter qui s'est chargée de nous sortir du pieux. Ludovic arrive dans moins de deux heures et j'aimerais reprendre figure humaine !
Il me dévisage l'espace d'une seconde avant de hocher la tête :
– Mi casa es tu casa.
Il se pousse et me laisse entrer. Thibault est en train d'enfiler un simple t-shirt noir, il me lâche un petit sourire et je viens lui déposer un petit baiser sur la joue :
– Je te pique ta douche.
– Vas-y. J'ai fini et Lucius aussi.
Je me tourne vers ce dernier et lui tire la langue :
– Tu ne pourrais pas être plus comme lui ?
– Chacun son charme.
Je décide de l'ignorer et m'engouffre dans la salle de bain. La chambre est similaire à la nôtre si ce n'est les couleurs. Bleu et orange pour eux. Ils ont aussi droit à des fleurs. Du lilas, du muguet et des jonquilles. Je m'engouffre dans la salle de bains pour une douche amplement méritée. Je n'avais pas le courage de le faire hier soir. Ou ce matin. Je sais seulement que j'étais trop fatiguée et que j'ai eu à peine le courage de retirer ma robe et mon soutien-gorge.
Vingt minutes plus tard et après un moment très gênant (à croire que Lucius guettait ma sortie de la salle de bain pour se dresser face à moi, nez contre torse, au moins il avait mit un t-shirt), je suis devant mon café et mes croissants, émergeant doucement, comme c'est le cas pour tout le monde. Franchement, ils auraient pu nous accorder une journée de repos, histoire de profiter, je veux dire, une journée c'est pas non plus la mort et c'est pas avec une journée de plus que je serais capable de chanter comme Mariah Carey et danser comme Michael Jackson. Je vais pas non plus développer le jeu de Meryl Streep ! Fait chier !
– Votre premier cours vous sera dispensé par votre professeur principal, déclare Kimberly en passant.
Super ! En plus de ça je vais me retrouver coincée avec cette femme, Madame Signes. Je sens que je vais m'amuser ! Sans oublier que Cristal sera là également. Quelle journée de merde !
L'attente n'est pas trop difficile. Lorsque tout le monde a fini de manger, il suffit d'un regard menaçant de Lili-Rose pour que tout le monde débarasse sont couverts. Ensuite nous avons échoué vers le salon en attendant que l'heure passe, pas franchement enthousiaste. Je crois m'être endormie puisque, finalement, c'est le bruit des talons de Madame Signes sur le parquet qui m'ont réveillée.
Elle nous a crucifiés du regard avant de désigner les marches d'un mouvement impérieux du menton et nous nous somme élancés à sa suite.
Il n’est que neuf heures du matin et la vieille se lance dans l'histoire de la musique, se représentation, la censure, son importance et toutes ces choses affreusement ennuyantes qui en découlent. Je peine à garder les yeux ouverts. À vrai dire je peine à rester vivante tout court. Je ne sais même pas si j'en ai envie. Je pensais que pour apprendre à chanter il fallait chanter, mais apparemment non.
Midi arrive trop lentement à mon goût et lorsque la vieille dame nous prévient que le Colonel, l'autre malade qui aime gueuler même si elle ne le formule pas dans ces termes-là, nous donnera notre première leçon de remise en forme et d'endurance aujourd'hui moi j'entends qu'il va prendre un plaisir sadique à nous faire courir sous les trente degrés ambiants en plein soleil tout en gueulant. Youpi. Tout le monde quitte la salle de chant et je suis bonne dernière. Je laisse échapper un bâillement, je m'étire et quitte la pièce en fixant mes pied d'un air distrait, de ce fait je ne regarde pas devant moi et fonce dans un abruti qui aurait pu faire attention. Je m'apprête à incendier le crétin lorsque je tombe nez à torse avec Ludovic.
Les mots me manquent, tout simplement. Mais cela ne m'empêche pas de baragouiner comme une imbécile des morceaux de phrase inintelligibles jusqu'à ce qu'il pose ses mains sur mes épaules pour me calmer :
– Respire, Mûre, je ne vais pas te mettre une fessée tout ça parce que tu m'as foncée dedans.
Je rougis de la tête au pied et me mords la lèvre inférieure pour m'empêcher de lui hurler que non, je mérite une bonne fessée et déculottée, qui plus est. Mais subitement je me souviens des caméras, de ma famille et des autres élèves et pour une fois je m'évite cette honte là.
– Désolée.
Il sourit et je défaille. Mon dieu il doit arrêter de me sourire ! Ses yeux d'un bleu olympien se mettent à briller et je meurs d'envie de m'y plonger. Son sourire est luminescent et son aura quasi mystique.
– Comment vas-tu ? On a pas eu le temps de parler depuis que...
– Tu m'as embrassée, je le coupe avec précipitation, très mal à l'aise.
Il baisse les yeux, comme pris en faute avant de les plonger à nouveau dans les miens, pleins d'une intensité nouvelle. Ils semblent brûlants.
– Oui, souffle-t-il, la voix rauque.
Je ne réponds rien, je crois que les mots sont de trop ici et j'ai l'impression que le temps s'étire tandis que nous nous fixons. C'est étrange. J'aimerais à la fois que le temps s'arrête et qu'il accélère. Je voudrais n'être nulle part ailleurs et partout sauf ici.
– Mûre ?
Je sursaute violemment comme si Lucius venait de me prendre la main dans ma culotte et fais un bond en arrière :
– Au revoir Ludovic, à bientôt.
– À bientôt Mûre, répond-il.
Il se retourne et Lucius le fusille du regard, en fronçant les sourcils et tout ce qui va avec, sa cicatrice, qui court de sa tempe à sa mâchoire le faisant paraître plus menaçant encore. Ça et les dix bons centimètres en plus qu'il a sur l'acteur. Je m'éloigne et m'approche de mon camarade, la tête rentrée dans les épaules :
– On t'attend pour manger, se contente-t-il de dire avant de tourner les talons et de s'élancer en direction des marches.
En partant, je jette un coup d’œil à Ludovic. C'est étrange, pourquoi Ludovic venait dans ma direction ? Je veux dire, il n'y a pas d'issue au bout du couloir et s'il voulait partir... à moins qu'il voulait aller aux toilettes. Ce doit être ça. En attendant il me regarde m'éloigner avec un drôle d'air.
Lorsque nous rejoignons les autres ils sont installés dehors sous une pergola non loin de la piscine. La table est mise et il y a tout le choix du monde. Des crudités, surtout, mais je vois également des pâtes à l'ail et des steaks. Je me jette sur la viande avec l'énergie du désespoir et m'installe à côté de Lili-Rose, face à Thibault et Lucius qui me lance une œillade peu amène. Je l'ignore et préfère m'occuper de mon steak bleu comme je l'aime. Une touche de fleur de sel et il est parfait. Tout le monde discute et rigole plus ou moins, ravi de se retrouver au bord de la piscine. Ça a un air de vacances pas désagréable pour un sous. Après la viande j'attaque les pâtes que je relève de gruyère. Puis les crudités : carottes rappées, piémontaise, betteraves, salade et j'en passe. Ensuite je finis avec un beau morceau de fromage de chèvre local, du pélardon si j'en crois Roland qui prend un malin plaisir me l'expliquer : figue, miel et sel et là aussi je déguste. Il fallait bien ça entre ma courte nuit et ces trois heures de cours affreusement chiantes. Je termine par une glace que Thibault m'apporte gentiment. Un cornet aux fruits rouges, mon préféré. Mais je n'ai pas le temps de le savourer que Nila débarque en hurlant :
– Debout bande de gros culs attardés ! Vous croyez quoi ? Que je vais vous laisser vous liquéfier au bord de la piscine ? Levez-vous immédiatement, débarrassez cette foutue table, changez-vous et retrouvez moi devant dans une demie heure. Cinquante pompes pour les retardataires !
Je ferme les yeux et prie pour que l'on m'achève puisque ça risque d'être plus long que les cours théoriques de ce matin.
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