Chapitre 2 : L'amour d'une sœur.
Les jours qui ont suivi l'annonce de mon prochain départ ont été...Étranges. Bizarres. Flippants. Et très, très angoissants. Mon père et Tomas étaient différents. Affectueux, tendres et attentionnés,comme si je me préparais à partir en guerre et qu'ils n'étaient pas certains de me revoir. Pour mon père c'était compréhensif. Je suis sa petite fille, sa princesse, et me voir quitter le nid pour un monde inconnu et plein de danger ne doit franchement pas le rassurer,encore que je ne pars pas pour une excursion en pleine vêtue d'une paire de Tongs et équipée d'une vieille canette de soda rouillée... Mais bon, il est un peu sensible. Pour Tomas c'est une autre histoire. Pourquoi est-ce qu'il se comporte comme ça ?
Aucune idée.
Il a peut-être une idée derrière la tête ? Du genre, "si un jour tu deviens célèbre et que je reste ton pote tu accepteras de me payer ma beuh ?" À vrai dire rien ne m'étonnerait avec lui mais je ne vais pas me plaindre. Pour la première fois depuis des mois il se lave plus d'une fois par semaine. C'est un miracle. Il y a quelques semaines et alors qu'il n'avait pas croisé le chemin de la salle de bain depuis plus longtemps que je n'ai de doigts, notre voisine d'en face, Madame Friz, est venue frapper à la porte et m'a demandé quel genre d'animal mort j'entreposais dans mon salon.
Un animal mort. Les gens pensaient qu'il y avait un truc crevé chez moi ! Je revois encore le dégoût qui avait tiré le visage de notre voisine lorsque je lui ai dit qu'il s'agissait simplement de mon frère et de sa crise existentielle. Néanmoins elle m'a donné un super tuyau contre les mauvaises odeurs : l'encens. Et ça marche ! Adieu odeur de pieds, transpiration âcre et autres sécrétions corporelles dont je préfère ignorer la provenance !Fini les hauts-le-cœur chaque fois que l'on passait en face de la porte de sa chambre. Hallelujah ! Du coup, partout dans notre petit appartement à la décoration vieillotte, à l'affreux papier peint jaune et aux bibelots inutiles, brûlent de petits bâtons d'encens à la lavande. Les morveux ronchonnent un peu mais quand ils sont trop insupportables, je les enferme cinq minutes dans la chambre de Tomas et puis pouf ! Ils deviennent beaucoup plus coopératifs.
En attendant, je trouve le comportement de mon crasseux de frère vraiment suspect. Comme ces gens qui achètent en viager. Ils sont tout gentils avec le pauvre proprio mais en vérité ? Ils n'attendent qu'une chose : qu'il meurt. Des charognards, donc.Et c'est l'effet que la gentillesse subite de Tomas me fait. J'ail'impression qu'il guette ma pauvre carcasse, prêt à se jeter dessus au moindre signe de faiblesse et j'avoue que cela m'angoisse un peu.
Mais le regain de bons sentiments de mon cher petit frère n'est pas ce qui m'inquiète le plus. Non, à vrai dire Framboise me fait beaucoup plus peur. Comme un film d'horreur asiatique.
Elle est jalouse et hyper agressive. Elle me descend en flèche auprès des morveux en leur racontant que j'avais piqué sa place et qu'à cause de moi elle ne gagnerait pas beaucoup d'argent et ne pourrait pas leur acheter de super jouets. Bon, Derek, du haut de ses un an ne pige que dalle, mais Meredith ? Cette gamine est une véritable teigne. Je ne me fis plus à son air angélique, elle est du genre à vous la faire à l'envers. Du coup je dois subir la colère de cette folle de Framboise et de sa gamine venue de l'enfer, résultat j'ail'impression que Zeus a lâché sur moi ses Furies.
– Mûre, bouge-toi de faire à bouffer, les gosses ont faim !
Je pousse un profond soupir en fermant brièvement les yeux. En temps normal ma sœur n'en fait pas beaucoup à la maison, se servant à outrance de sa carte « jeune maman inexpérimentée et fatiguée » mais depuis qu'elle sait que j'ai été recrutée et pas elle ? C'est devenu invivable.
– Ce sont tes gosses, je réplique en me concentrant sur la télévision.
Je l'entends rugir comme une ado punie de sortie avant qu'elle ne sorte en trombe de notre chambre et qu'elle vienne se planter face à moi,les poings sur les hanches :
– Tu peux au moins faire ça, quand même, tu es leur tante !
Je ne lève même pas les yeux de la télé lorsque je lui réponds :
– Et toi tu es leur mère !
– Je ne vois pas le rapport, continue-t-elle, un air buté sur le visage,les bras croisés sur la poitrine.
– Vraiment ?
J'esquisse un léger sourire en coin. Ma sœur à le sens de l'humour !
– Valeur faire à manger !
– Va te faire voir.
Du coin de l'œil je la vois écarquiller les yeux et ouvrir la bouche en grand, sous le choc. Habituellement je ne suis pas si vulgaire mais voilà bientôt une semaine qu'elle me prend pour son esclave personnel sur qui elle peut cracher. J'en ai marre.
– Tu te prends pour qui, au juste ?! se met-elle finalement à hurler en pointant un doigt accusateur sur moi, depuis que tu sais que tu vas faire de la télé tu ne te sens plus péter. Tu exiges de tout et de tout le monde et tu ne fais plus rien ici. Tu crois quoi ? Que le monde attend après toi ? Qu'il ne peut vivre sans Mûre Forêt ?!
– En attendant il n'attend pas après toi.
Je lui décoche mon joli sourire de garce, celui qui dévoile toutes mes jolies dents bien blanches. J'ai peut-être un gros cul, mais mes dents sont nickel, dignes d'une pub pour dentifrice.
Toujours est-il que ma réplique ne plaît franchement pas à ma sœur qui devient blanche, puis rose, puis rouge et lorsqu'elle tire légèrement sur le violet j'ai peur qu'elle ne soit victime d'un AVC. Du moins avant qu'elle ne déverse sa bile :
– Tu crois quoi ? S'ils t'ont choisie c'est parce qu'ils avaient pitié de toi ! Tu n'as pas d'amis, toujours vautrée devant la télé à ne rien faire de tes journée ! Tu es pathétique ma pauvre fille ! Tu sais quoi ? Profite bien de ta notoriété parce que je ne pense pas que ça va durer ! Tu vas faire chuter l'audimat à vitesse grand V ! Tu es insignifiante ! À ton avis pourquoi le seul mec que tu aies jamais aimé s'est retrouvé dans mon lit ?
Là,elle a dépassé les bornes. Cédric était un nom tabou chez nous.Un peu comme Voldemort. En plus craint. Il est celui dont on ne doit pas prononcer le nom.
– Tu veux savoir pourquoi il a couché avec toi ? Parce que tu n'es qu'une traînée ! Si tu ne l'avais pas chauffé comme une strip-teaseuse bas de gamme il n'aurait même pas perdu son temps à te regarder !
Framboise hausse un sourcil, certaine de sa supériorité et s'approche de moi comme si elle avait grandi dans un ghetto alors que le coin le plus chaud, près de chez nous, c'est l'école primaire et la fratrie Susant.
– Si c'est ce que tu te dis pour dormir, grosse vache...
Et là, c'est le drame. Sans même la prévenir je me jette sur elle,lui attrape une poignée de ses longs et épais cheveux bruns et tire sa tête vers le bas, la forçant à courber l'échine. Je n'ai le temps que de lui coller une ou deux gifles avant qu'elle ne me balaie les jambes et m'envoie au sol, ma tête heurtant le vieux linoléum beige dans un bruit sourd. Je gémis alors que j'ai l'impression que mon crâne vibre mais déjà elle repart à l'assaut et s'assoit surmoi à califourchon.
– Tu vas voir espèce de sale voleuse !
Elle attrape mes cheveux et tire fort dessus, je grimace et tente de la repousser avant de me rendre compte que c'est pire. J'ai le souffle court, les cheveux en pagaille et j'ai mal partout mais je ne lâcherai pas ! Cette garce m'a piqué mon copain et maintenant elle veut ma place dans l'émission !
– C'est toi qui va voir, grosse allumeuse !
Je décide de profiter de mon très léger surpoids qui, pour une fois,est un avantage pour la faire rouler sur le sol. Elle se cogne le bras sur les pieds en bois du canapé quand elle essaye de me frapper et elle lâche un « Aïe » très agréable.
– J'arrive plus à respirer, gros tas !
– Tant mieux, traînée, parce que t'es tellement pleine de MST que même quand tu respires tu risques de nous en refiler !
– Moi au moins j'ai dépassé le stade du smack !
Elle profite d'une légère distraction de ma part pour planter ses griffes dans mes bras et je grogne de douleur. Ce ne doit pas être beau à voir. D'ailleurs je n'ai jamais compris ce fantasme qu'ont les garçons pour les combats de filles... On grogne, on crie, on sort des jurons pas possible, on s'arrache les cheveux par touffe. Je suppose qu'il s'agit là d'un des plus grands mystères de l'univers.En attendant, Framboise roule une nouvelle fois et se retrouve encore sur moi. Elle hurle maintenant et je n'arrive même pas à comprendre ce qu'elle dit mais ça m'est égal. De toute manière, cela ne doit pas être aimable. Elle me donne un coup au visage, puis un autre. Pas de simples gifles mais des coups de poings faiblards ! Elle essayait de me laisser des marques la garce !
Il faut savoir que je ne sais pas me battre, je n'ai jamais eu besoin d'apprendre, mais je sais que j'ai un atout, qui est souvent considéré comme de la triche, mais bon, celui qui se bat à la loyale finit toujours par se faire botter le cul, surtout quand ils'agit de vos frères et sœurs, il n'y a plus de limites !Alors, je décide de me servir de mon arme. Au moment ou elles'apprête à me donner un autre bébé coup de poing dans la joue je tourne la tête et plante mes dents dans son avant-bras, celui dont elle ne se sert pas.
– Putain, lâche-moi !
Elle hurle et tente de tirer mais c'est plus douloureux qu'autre chose...après tout je peux me montrer plus agressive qu'un pitbull moi aussi.
Elle geint et les larmes commencent à rouler sur ses joues mais je ne baisse toujours pas ma garde. Elle m'a fait le coup assez souvent !J'accentue encore la pression, je sens déjà sa peau se déformer sous mes dents et l'expression de douleur qu'elle arbore serait vachement drôle si je pouvais me permettre de lâcher.
– Qu'est-ce qui s'passe ici ?
C'est Tomas qui sort de sa chambre. Son casque audio repose autour de son cou ce qui explique pourquoi il n'est pas venu avant.
– Dis-lui de me foutre la paix, pleure Framboise en désignant son bars.
Il n'en a pas besoin puisque je desserre les mâchoires de moi-même et la repousse. Elle lâche un petit cri quand elle avise la belle marque de dents que je lui ai laissé sur le bras :
– T'es une grande malade !
– Et toi une allumeuse jalouse ! Tu sais quoi Framboise ? J'en ai assez de t'épauler dans tout ! De m'occuper de tes mômes,de leur faire à bouffer et de les mettre au lit pendant que toi tu fais je ne sais quoi ! Mais c'est fini maintenant ! C'est pour ça que tu le prends si mal, hein ? À moins que ce soit le fait que pour une fois je réussisse mieux que toi !
– Parce que tu crois que j'ai besoin de toi ? Tu me fais plutôt pitié,oui !
Je ricane, mauvaise. Je lui laisse deux jours avant qu'elle ne revienne en rampant !
– Bon,calmez-vous maintenant, intervient finalement Tomas en s'interposant.Regardez-vous ! Vous avez vingt piges et vous vous battez encore comme quand on était gosses ! Grandissez, nom de Dieu !
Je jette un regard peu amène sur mon frère et sa dégaine de clochard,ses cheveux emmêlés et son air « décontract' » et je retiens de justesse ma langue trop bien pendue. Je n'ai pas envie de remettre ça avec lui ce soir.
– Et en attendant on fait comment pour Meredith et Derek ? Jerôme doit venir me prendre dans deux heures.
Elle me jette un regard, comme si elle s'attendait que je me dévoue. Elle peut se mettre le doigt dans l'œil jusqu'au coude ! Elle n'a même pas tenue deux jours ! Tomas secoue la tête et retourne dans sa chambre sans rien dire. Le regard de Framboise est toujours sur moi alors que je refais ma queue de cheval et que je réajuste mon t-shirt. Je m'installe à nouveau dans le canapé et commence à zapper. Ce soir il y a une nouvelle série policière avec un acteur que j'adule au casting !
– Alors, fait-elle au bout d'une minute.
Je lève les yeux sur elle. J'y crois pas, c'est qu'elle y croit en plus !
– Appelle-le ton Jerôme, je lâche finalement avec un grand sourire bien décidée à lui pourrir sa soirée autant qu'elle m'a fait chier tout le long de la semaine.
– C'est vrai ?
Elle est super enthousiaste, aucun doute là dessus, elle ne marche plus, elle court :
– Ouais, tu peux aussi lui dire de trouver deux sièges enfants parce que tu n'as pas trouvé de baby-sitter.
Sa tête à ce moment-là vaut des millions.
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