Chapitre 11 - Oh. My. God !
Le déjeuner a très certainement été le plus étrange de ma vie. Le plus guindé également. Avoir toutes ces caméras braquées sur nous, épiant le moindre de nos mouvements ou la plus insignifiante parole était étrange et angoissant. On était aussi naturels que les statues de cires du musée Grévin. Présents, souriants, mais flippants.
C'est bien la première fois de ma vie que j'ai attendu la fin du repas avec impatience.
Laza ne cessait de nous encourager au moyen de grands sourires et de rires forcés, la pauvre tentait même de discuter et elle était si désespérée qu'elle s'est mise à discuter pisciculture avec Roland, qui, apparemment, n'était absolument pas gêné par ces caméras, ce qui s'est avéré être une véritable surprise étant donné que Cristal « and the clique » sont restées muettes. Donc après deux heures, nous avons tous appris comment la truite rose se reproduisait et pourquoi le saumon s'emmerdait à remonter le cours des rivières et enfin, délivrance ultime, le repas prit fin toujours dans cette affreuse ambiance gênée.
Nous allons rencontrer nos professeurs !
Je ne sais pas si je dois appréhender ou si je dois plutôt me réjouir. J'imagine déjà avoir la crème de la crème. Des stars internationales qui deviendront mes Pygmalion, presque des membres de ma famille. Enfin, quelque chose qui relève le niveau, quoi.
Après avoir déambulé dans les couloirs du QG de Hara World, Laza, lasse de nous montrer sa déco, se décide enfin à nous diriger vers « La salle », comme elle l'appelle. Je me méfie, m'attendant à la voir nous présenter un trône ou une chambre SM.
– Allons-bon, qu'est ce que ça va être encore ? râle Lili-Rose qui s'applique à tirer une tronche de six pieds de long.
– Un mausolée, balance Thibault en haussant les épaules.
– Une petite maison de l'horreur, propose Momo.
– Un temple dédié à sa beauté, ricane Lucius.
– Une cave avec des chaînes ?
Lucius, qui marche à deux pas devant moi se tourne et fronce les sourcils, attendant que j'aille au fond de ma pensée :
– Inspiré de l'esclavagisme, ces chaînes vous permettront de garder vos pions en place, de les punir ou de les ranger, selon votre bon désir, dis-je en imitant une vendeuse de télé-achat.
Tandis que Thibault et Lili-Rose se marrent, Lucius souffle en levant les yeux au ciel même si je parviens clairement à capter l'amusement qui brille dans son regard.
Finalement, Laza s'arrête face à une double porte en bois sculpté, ambiance château moyenâgeux, pas dans le même style que la salle de réunion tout droit sorti de Camelot mais plus dans le genre donjon, douve et pont-levis.
Je me penche vers Lucius et lui murmure :
– Tu crois toujours que je déraille ?
– Non.
Puis la porte s'ouvre, coupant court à nos tergiversions. Et, Ô miracle, l'endroit est magnifique, la décoration est presque féerique, mais pas dans le genre gamine attardée, plus dans le style « waouh ». Je ne sais même plus où poser mes yeux. Le plafond et ses centaines de bougies, les tentures dorées qui donne une impression d'infini à la pièce, le parquet clair et lustré, la mousse, légère et délicate qui s'épanouit ça et là, le mur végétal juste en face de la porte qui abrite des centaines de fleurs : roses, pivoines, marguerites, lys, pensées et tellement d'autres... Le salon en rotin trône au centre de la pièce jouxté par des poufs splendides et multicolores.
– D'une certaine manière, c'est encore plus flippant, souffle Lili-Rose.
Je hoche la tête, totalement d'accord. Il s'agit peut-être de la maison en pain d'épice et en bonbon ? Un peu comme dans Hansel et Gretel ? Je me méfie, du moins jusqu'à ce qu'un monticule multicolore et luisant attire mon attention. La table basse est pleine de bonbons, de chocolats et de pâtisseries et, il me suffit de croiser les fraises brillantes du mini fraisier ou le marron mate envoûtant du macaron au chocolat au lait pour savoir que tout cela était la bonne décision. Je signerais des milliers de contrats à durée indéterminée pour un saint-honoré de cet acabit. Elle peut endormir ma vigilance jusqu'à la nuit des temps avec ce genre de chose. De toute manière le diabète aura eu ma peau avant l'expiration du contrat.
– J'ai envie de pleurer.
Laza se tourne vers nous avec un sourire magnifique en désignant la pièce du plat de la main :
– Installez-vous, les professeurs ne devraient plus tarder.
Plus rien n'a d'importance. La gloire, les caméras, ma famille, mon avenir, ma fierté. Je me suis précipitée en avant, poussant tout le monde tel un joueur de rugby fixant des yeux la ligne d'en-but. Je l'ai dit à Laza, la bouffe, c'est mon truc à moi. Mais, apparemment, je ne suis pas la seule. Je fusille des yeux Lili-Rose qui, comme la veille, me colle aux basques :
– T'as eu la chambre, grogne-t-elle.
– Et alors ? Je veux le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière !
S'ensuit alors une lutte acharnée, coups de coudes, coups de hanches, croches-pattes... Lorsque, finalement, nous arrivons aux portes de l'Eden, je me jette sur le fraisier et le saint-honoré. Lili-Rose s'accapare le mille-feuille et l'éclair au café. Je crois que Lucius choppe une mini-forêt noire, et Thibault parviens à s'en sortir avec un joli Paris-Brest.
J'attrape une cuillère et m'éloigne de l'agitation pour aller boulotter en paix. Je m'installe sur un pouf, près de Lili-Rose, suivi par Thibault et Lucius. Faut croire que je suis en train de lier une « amitié ».
Mon père serait fier de moi.
J'attaque mon fraisier et, alors que je déguste ma première bouchée, je gémis. Encore et encore, un peu plus fort à chaque cuillère de fraise, de chantilly et de génoise.
– Pourquoi j'ai l'impression de mater un porno ?
Je lève la tête et foudroie Lucius du regard. Qu'il aille se faire foutre. Ce truc est la meilleure chose que j'ai jamais goûtée.
Je l'ignore et mange en silence remarquant tout de même Cristal s'avancer vers moi. Merde, je peux pas manger tranquille ? Je geins et souffle en posant ma cuillère sur mon assiette.
– Quoi ? je demande sans même prendre la peine d'être polie.
– Tu as eu deux gâteaux, crache Cristal en désignant d'un ongle parfaitement manucuré mon autre dessert. Je le veux.
Je hausse un sourcil, ricane et secoue la tête. Qu'elle aille se faire voir.
– Ce n'est pas une requête, c'est un ordre. Et puis je rends service à ton gros cul.
Si elle avait envisagé de me le demander gentiment, j'y aurais peut-être sérieusement réfléchi. Vraiment, je sais que je suis pas si méchante.
– Tu vois, je lance à Lucius en ignorant le sosie low-cost de Paris Hilton, je veux bien essayer d'arrêter de juger les gens et de les ranger dans des cases mais avoue qu'ils ne me facilitent pas la tâche. C'est comme si un buraliste décidait d'arrêter de fumer.
Lucius secoua la tête d'un air affligé :
– Tire-toi Cristal, elle essaie d'arrêter d'être une connasse.
– Hé !
Je ne suis pas une connasse ! J'ai un avis très arrêté sur les gens, et leur manière d'être, peut-être, mais ce n'est pas à ce point là !
– Elle devrait plutôt commencer un régime.
Je grogne et lève les yeux au ciel. Par l'enfer ! les filles comme Cristal sont jolies mais n'ont aucune imagination. J'avais le droit aux mêmes remarques quand j'étais au lycée !
– Tu sais quoi Cristal ? Tu as raison, je vais te le laisser, et puis, tu en as plus besoin que moi.
J'attrape l'assiette sur laquelle repose le saint-honoré, et lui donne, mais à l'instant où elle tend la main, j'applique trois jolis coups de langue sur la pâtisserie avec un plaisir non dissimulé. Cristal pousse un soupir outré en posant une main sur sa poitrine, comme une grande dame, je me marre en lui tendant son assiette. Elle me jette un regard de mort avant de tourner les talons et de s'éloigner. C'est à ce moment que les portes s'ouvrent à la volée. Un grand homme avec des cheveux bruns acajou soyeux et brillants qui lui arrivent au bas des reins entre en sautillant, le sourire du chat du Cheshire cousu sur le visage, les yeux pétillants :
– Les voilà, les voilà !
Il danse jusqu'à nous, comme une fée, et je ne peux pas m'empêcher de sourire.
– Ils sont géniaux ! Mes petits phénix ! Je vais vous rendre spectaculaires mes anges ! Vous allez devenir ceux qu'il faut connaître !
Il exulte et je me demande ce qu'il a prit avant de venir. Je vois son regard qui nous scrute, nous examine jusqu'à ce qu'il se pose sur Lucius. Son sourire se fait carnassier et un frisson désagréable me remonte le long de la colonne. Il a le même regard que celui que je portais, plus tôt, sur les saint-honorés.
– Salut mon mignon, ronronne-t-il en s'approchant de Scarface, avec une démarche chaloupée qu'un mannequin lui envierait.
La réaction de Lucius est tordante, comme celle de la fausse blonde, plus tôt. Il pâlit et baisse la tête, sans rien dire. Pour un macho misogyne comme lui, il aurait été moins surprenant de le voir se lever pour lui coller une droite.
– Lola, ne les effraie pas.
Une femme d'un certain âge, habillée de façon très, très courte et trop coloré entre dans la pièce tenant le bras d'un vieux qui nous fusille du regard comme si nous venions de poser une pêche sur sa pelouse.
– Ne sois pas si coincée !
– Ne lui parle pas comme ça ! hurle le gars et instinctivement je me raidis, prête à sauter sur mes pieds.
– Bande de malades.
Je lâche des yeux le gars aux cheveux splendides, le vieux et la vieille et mon monde s'arrête. Je meurs, je suffoque, je suis au bord de l'apoplexie. Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu.
Je vais mourir. Je veux mourir. Et s'il m'avait vu en train de me goinfrer ? Oh mon Dieu !
Je rougis tandis que mon pouls s'envole. Je suis amoureuse. Je me retiens de toutes mes forces de me jeter à ses pieds, de les embrasser et de pleurer à chaudes larmes. C'est le plus beau jour de ma vie !
Mon acteur favori se trouve à quelques mètres de moi !
– Tout va bien Mûre ? me demande Thibault en tentant de s'extraire de son pouf.
Je suis pas sûre. J'ai l'impression de me noyer, de perdre pieds tandis que Ludovic s'avance dans la pièce. Ses boucles brunes, ses yeux bleus et son sourire me collent presque un orgasme. Mon Dieu qu'il est beau !
Je me lève, chancelante, et me dirige vers lui. Il faut que je me présente, il faut que je le serre contre moi et que je l'embrasse.
Il faut que je le mette dans mon lit.
Ludovic a intégré le casting des Cheminées de L'amour lorsqu'il avait quinze ans, j'en avais douze et je suis immédiatement tombée sous son charme. En même temps, difficile de résister à de tels yeux ! J'ai suivi sa carrière et son évolution dans la série. J'ai détesté toutes les filles avec qui il est sorti dans la réalité ou bien derrière la caméra et j'ai cru mourir de chagrin lorsque Valentin, son personnage, a trouvé la mort dans un terrible accident de bicyclette. Alors le voir là, devant moi, c'est un peu comme rencontrer Dieu en plus canon.
Il sourit à la foule tout en discutant avec Laza qui vient d'arriver. Je sais qu'elle ne va pas tarder à faire les présentations mais il faut que je lui parle. Je m'approche doucement en tentant de remettre de l'ordre dans mes cheveux et en accentuant le décolleté de mon pull en tirant dessus. J'ai bombé le torse et je me suis avancée vers l'homme parfait. Je suis fébrile, les mains moites et le cœur battant la chamade. J'ai à peine conscience des caméras autour de nous ou des autres. Je veux juste Ludovic. Que ma fierté aille se faire foutre, je ramperais sur des bris de verres si cela signifiait qu'il m'accorderait un peu d'attention.
Chaque pas est comme un rêve devenant réalité. Chaque mouvement qui me rapproche de lui me permet de constater un peu plus à quel point il est exceptionnel. À quel point il est parfait.
Lorsque je parviens enfin à sa hauteur, après ce qui me paraît être des heures, je me plante à ses côtés. Au début il ne me remarque pas mais, lorsqu'il tourne ses yeux magnifiques vers moi et qu'il me fixe de ses pupilles magiques, un léger sourire en coin étirant ses lèvres parfaites, je me sens défaillir.
– Bonjour, dit-il de sa voix grave et envoûtante.
C'est probablement là que je perds tout contrôle. Sans crier gare, je me transforme en fontaine, pleurant et reniflant dans son cou, m'accrochant à lui comme s'il était un prophète me promettant la vie éternelle ou bien mon pâtissier favori m'annonçant que je gagnais dix ans de gâteaux gratuits.
– Euh, il y a un souci avec elle ?
Il me tapote gentiment le dos et mes larmes redoublent d'intensité. Il me touche ! Il me touche ! Il me touche !
– Je... je...
Je balbutie et m'accroche plus fort encore. Au loin j'ai vaguement conscience que Cristal et les autres se foutent de ma gueule mais je n'en ai rien à foutre. Je suis avec Ludovic. Dans ses bras. Et il me tapote le dos. Je peux mourir maintenant, de toute manière je ne pense pas parvenir à être plus heureuse un jour.
– Mûre, tout va bien, demande Laza en s'approchant.
Je me retiens de justesse de grogner comme une chienne possessive, je l'ai, je le garde et si elle s'approche trop près je lui bouffe la main !
– Allons demoiselle, il ne faut pas se mettre dans un tel état, tout va bien se passer, me murmure-t-il d'une voix douce et apaisante.
Demoiselle ! Demoiselle ! Il m'a appelée demoiselle ! Aaaah ! Et il m'a murmuré à l'oreille. Sans m'en rendre compte je me suis mis à hyperventiler et je suis presque sûre d'être au bord de l'évanouissement mais il faut que je lui parle alors je m'arrache de son cou pour plonger dans ses yeux hypnotiques et bégaye d'une voix chevrotante et pleine de sanglots :
– Je m'a-m'appelle Mu-Mûre ! Et je suis ta plus grande fan !
Il me sourit et je suis certaine de perdre la raison à cet instant :
– Vraiment ? Pourtant on aurait dit que je viens de tuer ton chien...
J'éclate à nouveau en sanglots et m'accroche à lui désespérément en reniflant de manière fort peu gracieuse mais je suis tellement heureuse !
– Toumoche s'est fait la malle il y a longtemps.
Il explose de rire tout en me caressant doucement le dos. Mon dieu !
– Bon, Mûre, calme-toi maintenant, c'est pathétique, ordonne Laza en m'attrapant par le bras pour me tirer en arrière. Je résiste et la repousse mais Ludovic m'écarte en souriant :
– T'inquiète demoiselle, je vais être ton prof de théâtre pendant trois mois, tu vas me voir tous les jours et bientôt tu ne me supporteras plus !
Je secoue la tête, c'est impossible que je ne le supporte plus ! Il me fait un clin d'œil et m'accompagne gentiment sur un des canapés présents, et, pendant ce temps je ne cesse de le dévisager avec un sourire béat collé sur les lèvres. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'avoir signé ce foutu contrat. J'en serais morte si j'avais refusé pour finalement réaliser que Ludovic était l'un des professeurs.
Je m'installe sur le sofa et lui décroche un sourire timide qu'il me rend en se penchant légèrement vers moi :
– Tu as un très joli sourire demoiselle.
Je gémis alors qu'il s'éloigne. Même de dos il est canon.
– Reprends-toi, tu es pathétique, grogne Lili-Rose tandis qu'elle prend place à mes côtés.
Je l'ignore. Rien à foutre d'être pathétique. Ludovic est là. Il m'a souri, m'a prise dans ses bras et m'a dit qu'il m'aimait.
Enfin presque.
– On dirait une chienne en chaleur qui se frotte contre la jambe de son maître, balance Lucius avec un sourire mauvais.
Je hoche la tête et lui rétorque avec un sourire rêveur :
– Tu crois qu'il me promènerait en laisse ?
Lili-Rose et Lucius lèvent les yeux au ciel dans un mouvement parfaitement synchro.
– Je comprends pas qu'on puisse se mettre dans des états pareils pour un gars comme ça. Tu le connais même pas, s'exclame Lili-Rose.
– Bien sûr que si ! Je sais tout de lui ! Quelle école il a fréquenté, qui sont ses meilleurs amis, les fringues qu'il préfère, ses chansons favorites... Je sais tout !
– Ouais, mais lui ne savait même pas que tu existais avant que tu ne te mouches sur son t-shirt, se moque Lucius avec un méchant sourire en coin.
Je le fusille du regard. Je m'en fiche. Je suis trop heureuse pour qu'il entache ma bonne humeur !
– Bien, laissez-moi vous présenter vos professeurs, s'exclame finalement Laza en indiquant les sofas pour tous ceux encore debout.
Nos professeurs vinrent se placer en ligne, face à nous, nous souriant pour la plupart. J'ai même vu le gars aux cheveux longs adresser un clin d'œil à un Lucius tétanisé. C'était assez drôle.
– Commençons par votre professeur de chant, Madame Lucette Signes.
S'avance alors la vieille dame habillée de façon trop voyante pour son âge. Il est clair qu'elle a été belle. Il y a un sacré paquet d'années. Maintenant ses courts cheveux blancs et noirs à la Cruella ne font que ressortir ses petits yeux bruns de fouine et ses lèvres larges et trop pulpeuses pour ne pas être vulgaires. Elle nous fixe de son regard hautain avec un sourire supérieur. C'est assez désagréable, d'autant qu'elle paraissait plutôt sympathique.
– Vous m'appellerez Madame Signes, décrète-t-elle en nous balayant de son regard froid comme le marbre. Je suis une grande cantatrice.
Un silence pesant accueil sa déclaration. Du moins jusqu'à ce que Roland lance un très déplacé :
– C'est quoi ça ?
La dame devient blanche et pose une main sur sa poitrine, simulant d'avoir été touchée en plein cœur. Elle ouvre grand la bouche, prête à hurler, lorsque le gars aux cheveux longs la pousse en riant.
– On connaît ton baratin, Lucette Chérie. Tout le monde sait que tu as été la doublure de la doublure de Maria Callas dans La Traviata.
Il lève les yeux au ciel d'un air exaspéré puis reprend :
– Moi je serai votre prof de danse, et je m'appelle Mademoiselle Lola.
– Mademoiselle, demande Momo en désignant sa mâchoire carrée et ses pectoraux sur-développés.
Lola baisse les yeux, rougit et se tortille en battant des cils exagérément :
– Je vais bientôt devenir officiellement une demoiselle.
Il offre un magnifique sourire à Lucius et je me mords la langue jusqu'au sang tant son mouvement de recul me fait rire. À moins que ce soit son expression. Un croisement entre l'horreur et l'embarras. C'est assez drôle de voir un type sûr de lui et limite agressif comme le Joker perdre tous ses moyens face aux avances de Lola.
– Mais là n'est pas le soucis, reprend-il. J'attends de vous une rigueur exemplaire. Vous êtes des phénix. Pour l'instant vous baignez encore dans vos cendres crasseuses, mais, après trois mois avec moi, vous rayonnerez de mille feux mes amours !
S'avance ensuite Ludovic qui lui assène une frappe virile sur l'épaule :
– Mon ami, calme-toi tu vas leur faire peur.
Il sourit et je soupire. Je ne peux pas m'en empêcher. C'est comme si chacun de ses sourires envoyait une décharge électrique dans l'intégralité de mon corps et je crains que, petit à petit, j'en devienne accro.
– Moi je suis Ludovic. Vous m'avez certainement aperçu dans Les Cheminées de l'Amour. J'y incarnais Valentin. Je serai votre professeur d'arts dramatiques. J'espère que mes cours ne seront pas un drame.
J'explose de rire à sa blague, et, apparemment, je suis la seule. Même cette chaudasse de Cristal n'essaie pas de ricaner pour le draguer, pourtant c'est super drôle ! Un prof d'art dramatique qui espère ne pas donner dans le drame !
Je regarde Lili-Rose et Thibault, peut-être qu'ils n'ont pas compris la vanne ?
– Arrête, Mûre, c'est pathétique, marmonne Lili-Rose en continuant à fixer Ludovic, son air renfrogné scotché sur le visage .
– Un peu comme ton prénom, rajoute Lucius en m'offrant un sourire carnassier.
Je m'arrête net de rire. On a dit pas mon prénom, putain ! Pour me venger je me penche sur lui et lui murmure :
– Fais gaffe, je vais aller voir Lola et lui dire qu'elle te plaît grave.
Ça a le mérite de lui arracher son foutu sourire de malade de sa tronche de psychopathe.
Nous nous fixons intensément, combat visuel acharné, cherchant à marquer notre territoire, à désigner le leader, le meilleur toutes catégories et je ne compte certainement pas laisser cet enfoiré gagner. Comme la veille, ce sera le premier qui baissera les yeux et nous ne comptons pas abdiquer de notre plein gré. C'est électrique, dangereux, et, ma foi, assez excitant. Je lève le menton et lui offre une réplique assez pourrie de son sourire en coin, ce par quoi il réplique par ledit sourire. Rien ni personne ne peut nous sortir de notre duel. Du moins c'est ce que je pensais. Jusqu'à ce qu'un malade s'approche de nous et hurle :
– Si on vous dérange hésitez pas à le dire ! Comme ça vous pourrez forniquer à droite et à gauche comme la bande de hippies fumeurs de marijuanas que vous êtes ! Les jeunes de mon temps savaient montrer du respect à leurs aînés et je vous jure, bandes de petites crottes sans importance, qu'après trois mois avec moi, vous serez plus polis qu'une bande de boy scout !
Je sursaute en criant, tombant sur le cul. Apparemment, ma petite chute est plus drôle que la super blague de Ludovic puisque tout le monde se fout de ma gueule. Je remonte sur mon canapé et observe le malade à la dérobé. On dirait le Sergent Instructeur Hartman de Full Metal Jacket. Il hurle, postillonne et se tient aussi droit qu'un balai.
– Je suis le Colonnel Matthieu Nila, et je vais vous apprendre comment survivre en milieu hostile. Je vais vous rendre réactif, endurant et ferme. Vous ! gueule-t-il en nous désignant Momo, les Jumelles et moi, je vais vous faire perdre vos kilos en trop. Vous allez voir, bande de gros tas de graisses dégoûtants ! Et vous, continue-t-il en montrant du doigt Roland et Thibault, je vais faire de vous des hommes, je vais réussir là où vos bons à rien de pères ont échoué espèces de tapettes efféminées !
– C'est bon, intervient Laza en s'interposant. Tu mettras tout ça en place le moment venu Matthieu.
Je fixe le malade de la voix s'éloigner et s'approcher de la prof de chant, lui mettant une main au cul au passage. C'est assez... bizarre. Et carrément immonde.
– Comme vous pouvez le constater, j'ai fait en sorte que vous soyez entourés des meilleurs. Ils vous aideront à devenir de vraies star, qu'importe le travaille que cela demandera !
– Et d'après ce que je peux voir, la tâche va être herculéenne, crache Madame Signes, bien moins crédible dans son rôle de harpie depuis que le malade lui a mis une main au panier.
Et pour ce qui est des meilleurs, je suis pas certaine. Une vieille folle qui veut juste revenir sur le devant de la scène en s'habillant beaucoup trop court, un transgenre qui m'a l'air assez sympa à priori, bon, j'avoue le prof de théâtre est absolument parfait. Génial. Exceptionnel. Magnifique. Bref. Et pour finir le militaire à la retraite un peu trop porté sur le viagra.
Bon et bien, manquerait plus que le malade à grande gueule me mette au régime et même mon cher Ludovic ne pourra plus m'empêcher de regretter cette foutu signature.
-h4?X�Wo.
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