Chapitre 1 - Pour une fois qu'il m'arrive un truc cool !
Je suis devant ma télé, à regarder le nouvel épisode de mon Soap Opéra favori : Les Cheminée de l'Amour, attendant patiemment que Florenssa avoue enfin ses sentiments à Peter pour l'empêcher d'aller épouser cette pimbêche de Stacy quand mon téléphone sonne. Dire que je suis surprise est un doux euphémisme. Seulement trois personnes m'appellent sur ce numéro : mon père, ma sœur et mon frère. L'un dort, l'autre est déjà au téléphone dans notre chambre et Claude, mon père, bosse jusqu'à dix-neuf heures.Je jette un coup d'œil circonspect au numéro qui ne m'est franchement pas familier et décide de ne pas décrocher. Après tout il y a quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chance qu'il s'agisse d'un faux numéro. Pourquoi me donner la peine de répondre ? Le téléphone continue de sonner, mais, indifférente, je le laisse faire et me pends aux lèvres de Florenssa, attendant impatiemment qu'elle se lance, quand, après un long discours inutile, elle commence enfin à bégayer et à rougir la chaîne lance la pub.
– Fais chier !
Frustrée,j'attrape le paquet de cookies à la nougatine fourrés à la pâte à tartiner et croque rageusement dans l'un des biscuits. Le goût du chocolat m'apaise un peu, en même temps tout s'arrange avec du cacao, non ? D'ailleurs je crois qu'il s'agit du secret de la paix dans le monde. Une guerre en Orient ? Aspergez les villes de chocolat. Une famine en Asie ? Envoyez des caisses de chocolat. Une crise politique grave en Amérique du Sud ?Discutez-en autour d'une bonne tasse de chocolat. Je pense sincèrement que le chocolat devrait être la base de notre alimentation.
Quelques pubs vantant tel ou tel produit plus tard, tout en me délectant de cookies et en pensant aux différentes vertus du chocolat, j'observe mon portable. Il a arrêté de sonner et de s'agiter dans tout les sens mais clignote, m'avertissant d'un nouveau message sur ma boîte vocale. Apparemment il ne s'agit pas d'un faux numéro. En soufflant,je me redresse sur le canapé et me penche pour choper le téléphone.J'espère que mon père n'est pas aux urgences ou un truc du genre parce que je ne raterai pas la fin de mon épisode pour si peu.
« –Bonjour, Mademoiselle Forêt, ici Laza Hara à l'appareil. Je vous appelle pour vous prévenir que votre candidature pour Celebrity School a été retenue, nous serions ravis de vous voir participer à l'émission. Rappelez-moi vite au... »
Je n'écoute déjà plus, trop absorbée par ce que les phrases précédentes signifient. Mon dieu ! Je suis prise ! Je vais faire de la télé ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu !
Je me redresse, sautant partout, agitant les bras et couinant comme un chiot faisant la fête à son maître ! Je vais faire de la télé ! Je suis extatique, je bouge, saute et danse partout,hurlant comme une folle.
– Putain, jamais tu la ferme !
Je ne fais même pas attention à Tomas, trop heureuse. Je vais me tirer d'ici pour trois mois au moins ! Si c'est pas super, ça !Je ne verrai pas la sale tronche de mon débile de frère, je ne devrai plus supporter les cris des gosses de ma sœur, ni ses pleurs à elle ! Et surtout, surtout, je ne serai plus obligée d'affronter le regard de chien battu que mon père arbore systématiquement depuis quinze longues années !
– Je vais faire de la télé, je hurle en rebondissant face à mon frère.
Tomas grogne et secoue la tête, les yeux encore bouffis de sommeil :
– Arrête de sauter comme ça, baleine, ou l'immeuble va s'effondrer.
Je hausse les épaules et continue de m'agiter. Il n'a très certainement jamais entendu parler de la bave du crapaud qui n'atteint pas la blanche colombe. En parlant d'oiseaux, je me sens pousser des ailes ! Merde, je ne me souvenais même plus avoir postulé, c'était il y a plus d'un mois déjà ! Mon dieu !Je dois le dire à ma sœur ! Elle va être verte de jalousie !
– Framboise,je crie en me précipitant dans la chambre avant de me figer net en constatant qu'elle est occupée.
– Tu vois pas que tu déranges, là ? Tire-toi ! ordonna-t-elle la voix rauque en agitant sa main libre.
Je ne me le fais pas dire deux fois.
Non !Je ne parviendrai jamais à effacer ça de mon esprit ! J'ail'impression que c'est gravé sur mes rétines au fer rouge.Tiens, si jamais ils ont un doute quant à ma candidature je ne me gênerai pas pour leur raconter cette petite anecdote.
Elle est parvenue à doucher mon enthousiasme ! Secouée par un frisson de dégoût je me laisse de nouveau tomber face à la télévision, ne prêtant aucune attention à Peter, n'ayant d'yeux que pour Florenssa alors que Stacy remonte l'allée.
Je vais devenir une star !
Il est vingt heure passé et nous dînons tous face à la télé dans un silence absolu. Meredith et Derek dorment depuis une bonne demie-heure maintenant et nous nous entassons tous sur la petite table du salon. Nous avons sacrifié notre salle à manger, préférant un bon canapé à une table et six chaises. Juste pour que deux morveux aient « leur espace ». Je ne comprends pas pourquoi nous ne les avons pas envoyés dans le placard, dans l'entrée. Ça aurait été très correct également.
Je souffle pour la énième fois tout en badigeonnant ma frite de mayonnaise. Depuis l'incident de l'après midi -et rien que d'y penser me donnait la nausée- je n'ai plus évoqué ma participation à la nouvelle émission de la chaîne leader française. Tomas non plus n'a rien dit mais ça ne m'étonne pas de lui, il est devenu un parfait petit con depuis quelques temps. Franchement, je ne comprends pas pourquoi ne pas être le fils biologique de notre père le dérange. Claude n'a jamais fait de différence.
En parlant de lui, je ne sais pas comment il va réagir parce qu'il n'est pas franchement fan de ce genre d'émission. En même temps il n'a pas beaucoup protesté lorsque Framboise, à seulement seize ans, lui a avoué être enceinte. À vrai dire j'avais plus gueulé que lui.
De toutes manières il faut à tout prix que je lui dise. Plus tôt dans la soirée j'ai rappelé Laza Hara après être certaine que je ne vomirais pas et elle m'a dit que je suis attendue dans deux semaines à Paris. Il faut donc que je me bouge sérieusement le cul.C'est providentiel comme chance, le genre de truc qui ne se reproduira jamais dans toute ma vie alors je ne compte pas la laisser passer. Qu'importe ce que pense mon père.
– Papa...
Ma voix n'est pas des plus assurée, je continue à triturer mes frites et je n'ose pas croiser son regard, en bref, je suis une boule de nerfs.
– Je...Il y a de ça un mois j'ai envoyé ma candidature pour une émission de télé et je viens d'avoir un retour...
– Tuas fais quoi ? ricane Framboise, ma pauvre Mûre, tu sais pourtant que tu n'as pas trop le physique pour ça, non ? Ne le prends pas pour toi, hein. Ils n'acceptent que les avions de chasse. Je veux dire, même moi ils m'ont refoulée.
– Ou sinon, ça, c'est juste parce que tu es fade, se moque Tomas en attrapant une autre tranche de jambon.
Je jubile et j'ai un mal de chien à retenir mon sourire de psychopathe. J'adore ma sœur mais elle est une véritable garce par moment et celui-ci en fait parti. À vrai dire, je ne sais pas ce qui me fait le plus plaisir : participer à l'émission de l'année ou bien la tête que va faire Framboise lorsqu'elle apprendra que j'ai été acceptée moi et pas elle.
– Alors,Mûre, ce retour, demande finalement mon père sans plus se soucier de Framboise et Tomas.
Je souris franchement, fière de moi et c'est avec la même excitation que plus tôt dans l'après-midi que je lui révèle :
– J'a iété prise !
Mon père cligne des yeux, surpris, alors que, déjà Framboises'insurge, hurlant à qui voulait l'entendre qu'il devait y avoir méprise. Moi je suis sur un nuage et j'ai envie de tirer la langue à ma sœur en lui criant « dans tes dents », mais ça ne serait pas très mature alors je me contente de lui sourire en bougeant les sourcils, comme le gosse dans Maman, j'ai raté l'avion.
– Tu vas passer à la télé, lâche enfin mon père.
– Oui.
– Pour quel genre d'émission ?
– Un croisement entre le télé-crochet et la télé-réalité. Ils recrutent dix jeunes dans toutes la France entre seize et vingt ans et vont les former aux métiers de chanteurs, danseurs, acteurs ou comédiens.
– Toi,réplique Framboise, le ton plein d'amertume, mais tu n'es bonne à rien ma petite Mûre. Tu es sûre qu'ils ne se sont pas trompés ?
Je ne lui réponds pas et l'ignore ostensiblement, elle peut vraiment être méchante par moment et, à vrai dire, si je ne devais pas expliquer la situation à mon père je lui rentrerais certainement dans le lard mais pour l'instant cela ne servirait à rien. Framboise finira bien par s'excuser. Un jour.
– Ils vont m'apprendre à faire tout ça, papa. Il n'y a pas d'éliminations, le programme dure trois mois et chaque semaine il y aura un prime en direct pour nous tester et constater nos progrès.
Mon père me dévisage un long moment et je sais qu'il pèse le pour et le contre. Je ne lui demande pas vraiment son avis, là, ni son approbation mais c'est vrai que j'aimerais m'engager dans cette nouvelle aventure avec son soutien, parce qu'après tout, même s'il n'est pas le père de l'année il a toujours tout fait pour nous épauler et nous élever le mieux possible, à fortiori depuis le départ d'Éloïse.
– Alors papa ?
Ses yeux marrons chaleureux et doux s'allument d'une lueur indescriptible alors qu'un léger sourire étire ses lèvres :
– Eh bien je suis impatient de voir mon bébé chanter et danser sur une scène !
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