Pourquoi il faut lire Ziggy Kaïros
(et fuir la majorité des textes érotiques sur WattPad)
/!\ ATTENTION /!\
Contenu érotique ! Ne lisez pas si vous êtes trop jeune ou trop prude
Nan, je déconne ! C'est pas si pire : on va juste parler de récits érotiques sur Wattpad avec quelques extraits pas très foufous mais assez représentatifs des navets soft les plus répandus.
Je n'aime pas trop cette méthode, mais je vais quand même l'appliquer pour cet article : le screenshot dénonciateur. Ce n'est d'ailleurs pas tant pour dénoncer que pour illustrer mes propos.
La littérature érotique est restée très longtemps pour moi un sous-genre pas très attirant et plutôt gênant. Gênant dans le sens où la plupart des productions que j'ai pu lire étaient plutôt décevantes, voire carrément naze.
Je me suis intéressé de plus près à ce genre lorsqu'il a fallu que je m'y mette moi-même pour répondre à un appel à texte sur le thème "noir et érotique". C'était un assez gros challenge pour moi, puisque je ne connaissais pas vraiment ni le polar ni l'érotique. Bon, j'ai quand même tenté et ça a plutôt bien marché puisque j'ai été publié. Et j'ai même reçu à l'occasion une poignée d'euros en droits d'auteurs ! Dingue !
Le fait est que si mon texte me paraissait passable (il est disponible sur WattPad si ça vous intéresse), j'ai grincé des dents en découvrant les autres textes de l'anthologie dans lequel il était intégré. On va dire que les trois quarts des autres textes étaient vraiment bof-bof, pour ne pas dire que certains étaient totalement nuls.
En en discutant plus tard avec des amis auteurs, j'ai un peu plus creusé la question jusqu'à obtenir un petit aperçu de ce qui se fait en terme de productions érotiques contemporaines.
Globalement, je dirais que c'est un genre très féminin (voire affreusement girly) dans le mauvais sens du terme, c'est à dire celui de l'argument commercial.
Esthétiquement, je ne m'y retrouve qu'assez rarement. Je trouve qu'on y retrouve souvent les mêmes écueils : soit ces récits ou nouvelles sont crades, brutales, maladroites ou gnangnan. comme certaines vont trop loin, d'autres pas assez et certaines encore passent complètement à côté du but, j'ai fini par me dire qu'il s'agissait d'un genre très casse-gueule et qu'il demandait sans doute une très grande maîtrise et un doigté très expérimenté pour parvenir à atteindre son but ultime : l'excitation et la complicité du lecteur.
Jusqu'à peu, ce que j'avais pu lire de mieux était contenu dans des recueils de La Musardine, maison d'édition spécialisée, dont les anthologies et recueils thématiques sont relativement corrects, même si certains textes tombent toujours eux aussi dans ces ornières habituelles. On y trouve toutefois quelques nouvelles très bien écrites et très bien construites.
Pour ma part, j'ai tenté un autre texte de ce genre qui se trouve dans le recueil Gatling. Mais je ne m'y retrouve pas. À vrai dire, je trouve ça assez ennuyeux à écrire. Je ne dois pas être fait pour ça !
Quand j'ai débarque sur Wattpad il y a quelques mois, je ne me suis même pas intéressé à ces écrits érotiques. Il faut dire que j'en avais déjà eu un petit échantillon lorsque je suis passé par la case "chronique" (passage obligé pour tout nouvel utilisateur !). J'en ai ressenti un vague malaise et un début de nausée.
Inutile d'épiloguer sur les rouages très convenus et trop facilement admis pour ces innombrables productions sérielles (le consentement très évasif, la culture du viol, le sexisme banalisé et tous les maux échappés de la Boîte de Pandore). Vous connaissez tout ça aussi bien que moi désormais.
Donc, calme plat, du moins jusqu'au jour où...
Mais je vais y revenir un peu plus tard parce que je pense qu'avant de vous livrer la tarte au miel, vous devez avant vous farcir la farandole des desserts au fiel ! Histoire de bien profiter de la séance de dégustation.
Donc, petit aperçu de ce que le tag #érotique est susceptible de vous apporter sur WattPad.
On ne va pas se mentir : la littérature érotique nécessite un art et une minutie à toute épreuve, sans quoi on saute à pieds joints dans le ridicule ou le sordide.
Déjà, niveau rédaction, je pense être en mesure d'affirmer que c'est sans doute le genre littéraire qui mérite le plus de soigner la forme. Autant dans tout le reste, on peut passer sur une coquille ou une bourde par ci par là, autant un terme d'érotisme, le moindre faux pas suffit à réduire à néant la tension et l'attention (le temps scion ? le taon Sion ? nan, je déconne ! pas pu m'en empêcher, désolé). Autrement dit : si tu te mets à débander toutes les trois lignes à cause d'inepties grammaticale ou lexicale, bah tu risques de ne pas passer un bon moment.
Ah la forme ! La pureté de la grammaire, de la conjugaison, de l'orthographe, du choix des mots et de la syntaxe !
Non, vraiment : c'est essentiel à l'érotisme !
Or donc, sur Wattpad, on trouve quelques perles aux milliers de vues (voire dizaines ou centaines de milliers) et comme souvent, la qualité n'est pas à la hauteur de la quantité.
D'ailleurs en parlant de quantité (et @SoraBleue qui aime l'exactitude des chiffres ne me démentira pas), j'ai remarqué un phénomène quasi-systématique et à vrai dire assez logique : les récits érotiques attirent énormément de vues, provoquent peu de votes et amènent très très peu de commentaires. C'est un schéma presque universel à ce stade.
À titre d'exemple, une bonne partie des extraits que je vais vous livrer ci-dessous, souffre des mêmes proportions.
Il n'est donc pas rare de voir des chapitres récolter des scores du type :
Je vous assure, des scores de ce types sont la règle (et là il s'agit bien du screenshot d'un seul chapitre).
On en déduit donc que le genre érotique attire des milliers de lecteurs-voyeurs qui ne laissent que très rarement des traces de leurs passages. La timidité ? La honte ? Ou tout simplement la joie de l'anonymat pour déguster ces petits moments coquins en toute discrétion.
Je pense que c'est assez logique par rapport à l'approche que le lectorat entretient vis à vis de tout ce qui peut toucher à l'érotisme, la pornographie ou la sexualité. Oui, je mélange volontairement ces trois concepts, parce que sur WattPad, dans les écrits à caractère sexuels, il est très difficile de les distinguer. Je pense que c'est surtout parce que les auteurs et autrices ont eux/elles même beaucoup de mal à les différencier.
On arrive donc à des écrits totalement random qui n'ont ni queue ni tête. Et c'est souvent dommage pour plusieurs raisons.
Déjà parce que bien évidemment, à force de galvauder certains concepts qu'on ne maîtrise pas, on en vient à diffuser des idées préconçues trop facilement admises et donc à alimenter une certaine irresponsabilité des auteurs/lecteurs. Puisque le viol et le fantasme de viol sont aussi facilement amalgamés, il devient de plus en plus difficile à admettre qu'il s'agit de deux choses radicalement différentes. De même pour la violence ou la maltraitance dans le couple peuvent être assimilés aux BDSM (qui sont pour rappel des pratiques sexuelles et sociales qui nécessitent des cadres de total consentement, de respect et de sécurité pour ceux qui s'y adonnent).
Bref, j'avais dit que je n'en parlerais, mais en fait si : c'est trop important, pour ne pas rappeler une fois de plus des évidences qui ne sont pas si évidentes en réalité.
Autre raison, beaucoup plus triviale cette fois : ce mélange des genres et des styles offrent une bien mauvaise image de ce que peut être de la bonne littérature érotique.
Et c'est bien dommage !
Assez patienté ! Voici le petit tour d'horizon promis de ce qu'on peut trouver dans les HITS du tag #érotique
Extrait n° 1 :
Ça ce sont les premières lignes de l'histoire. Sorte de contextualisation et de mise bouche. J'ai lu une ou deux des "confessions" dont il est question dans l'ouvrage, et franchement : c'est du même acabit.
Rédaction nulle. Ponctuation aléatoire. Style très sommaire. Aucune scénarisation ou presque. Bref : aucun intérêt artistique et l'aspect érotique se résume à une succession de situation très factuelle. Autrement dit, il n'y a pas d'ambiance, pas de construction de "préliminaire" pas de montée de l'excitation. J'ai envie de dire : tout ce qu'il faut éviter en la matière.
extrait n°2
Le principe de ce recueil d'histoires très courtes est justement de proposer des micro-nouvelles. Alors déjà que la nouvelle est un art délicat, la micro-nouvelle, c'est encore pire puisque ça doit condenser avec une exactitude infinitésimale l'essence d'une histoire.
Pour avoir lu quelques unes des micro-nouvelles de ce recueil, j'ai envie de dire que l'auteur n'est parfois pas très loin de réussir.
Sauf que l'aspect érotique est inexistant puisqu'il n'y a pas de suggestion ou de coeur érotique. L'auteur annonce des situations sexualisées qui n'ont pas lieu dans le texte. Et c'est tout. Deal with it.
Du coup, pour pimenter les paragraphes, il pose des images pornographiques. Ca compense ? Non, je ne pense pas !
Bien entendu j'ai coupé partiellement l'image parce que le voyeurisme ça va, hein ! Si le public veut en regarder, il saura en trouver assez facilement sur internet. Par contre, s'il veut en lire... bah il ira voir plus loin !
extrait n° 3 :
On va passer sur l'aspect incestueux. Foncièrement, s'agissant d'érotisme, ça ne me choque pas particulièrement de lire une histoire d'oncle/nièce. Jusqu'à il y a encore quelques générations c'était admis dans la société, donc pourquoi pas...
Par contre cette orthographe !
La vache ! Quand je vous disais que la forme était un facteur organique du genre érotique ! Là, je ne sais pas pour vous, mais en lisant ça, je ne vois plus aucune tension érotique. J'imagine juste deux individus illettrés, limite cassos, qui s'apprêtent à bouyave comme des lapins pendant les soixante-sept prochaines secondes avant de reprendre leurs activités inintéressantes.
extrait n° 4 :
Alors là, autant vous dire : j'a pas compris.
Cet extrait est issu du livre qui tape le plus gros score avec le tag #érotique. Ca se compte en centaines de milliers de vues. Et tous les chapitres sont composés de la même manière :
Une proposition (banale et/ou commune)
cap ou pas cap ?
une photo vaguement érotisée (parfois même faite avec des playmobiles dans des positions suggestives... paie ta tension sexuelle !)
À vous de jouer !!!
Bon, même si j'admets l'effort de typographie sur l'accent majuscule de cette dernière phrase, je ne comprends pas un succès aussi gigantesque de cet ouvrage. Ça m'échappe. À la limite, l'invitation à discuter de la situation dans les commentaires, ok, c'est rigolo, ça ressemble à une partie d'action ou vérité engagée par des pré-ados un soir d'été à quelques mètres du feu de camp dans un camping en Indre-et-Loire. Mais putain ! 156 K !
On ne doit pas du tout avoir la même notion de l'érotisme les gens.
Extrait n° 5 :
Alors, tout d'abord, je tiens à remercier l'autrice pour la tentative de safe sex. Il existe de plus en plus de groupes d'auteurs qui portent une attention particulière et centrale à cet aspect. Je trouve qu'en matière d'éducation et de diffusion de principes de sécurité, c'est très important.
En l'occurrence, dans son texte, c'est un peu survolé, mais l'intention y est et ça ne parasite pas trop l'action.
Par contre, niveau parasitage, on atteint des sommets !
Le texte est pas trop mal écrit, l'action est rapide ça s'enchaîne correctement et c'est contextualisé dans les scènes et chapitres précédents. C'est pas si pire.
Par contre, niveau construction, l'autrice détruit systématiquement toute la tension érotique qu'elle réussit à construire à cause de détails ou de descriptions annexes qui sont totalement hors de propos. Je vous assure : c'est comme ça pendant tout le chapitre de a scène de sexe :
Attention aux bibelots sur le guéridon. Oh zut, il a déchiré mon shorty bleu marine acheté à Princesse TamTam, mince j'ai dégouliné sur la moquette, je vais devoir tout laver demain matin, aïe ! je me suis cognée l'aine contre la table basse, oh làlà, elle n'est vraiment pas confortable cette table pour me faire culbuter par ce jeune homme un peu trop empressé... tiens, et si je me faisais une petite carbonara pour le dîner demain soir ? Tiens, il y a une tâche au plafond, il faudrait que je dise aux ouvriers de repasser dans la semaine.
Je force un peu le trait, mais on en n'est réellement pas loin.
Rha... bon, ben... voilà quoi. Pas facile de rester concentrer sur la construction d'un orgasme quand tout nous rappelle le manque de confort et les soucis quotidiens et pragmatiques de l'héroïne.
Bonjour, je suis un Sim's et juste après mon flirt je vais nettoyer l'aquarium.
Voilà, voilà...
Non, vraiment tout allait mal sur Wattpad. Et ce n'est pas faute d'avoir cherché des textes intéressants. Alors peut-être que j'ai été découragé trop vite par ces résultats. Pourtant j'ai scrollé pour descendre vers des nombres de vues moins conséquents, mais le constat est resté le même jusqu'à présent : je n'ai toujours pas trouvé mieux que la pépite remontée par JonLacustre.
J'en reviens donc à ce fameux jour où il est arrivé dans la salle commune pour nous présenter les titres de l'autrice ZiggyKairos. Et il faut bien l'admettre, ces titres sont tout simplement abusés !
- Il se fait passer pour un handicapé et chope deux cinglées en boîte de nuit
- Une working girl tourmentée par un pervers sexuel en plein jogging
- Une nuit dans la forêt avec une louve-garou en chaleur
- Deux étudiantes piégées dans un bus détourné par deux taulards en cavale
Passé le premières minutes d'admiration totale devant ces titres aussi schlag que très premier degré, on se rend très vite compte de l'évidence : ces textes organisés dans diverses catégories comme "Confessions brutales" ou "les dossiers triple X de Ziggy Kaïros" se révèlent plutôt excellents.
Déjà la plume de ZiggyKairos est assurée et très bonne facture ; il reste quelques coquilles de ci de là... mais franchement aucune ne compromet la qualité du rythme et du propos.
Soit, c'est brutal. Mais il s'agit plus d'un caractère brut de décoffrage que de réelles violences.
C'est souvent drôle, parfois absurde, quelques fois tout simplement contemplatif ou joli. Car oui, malgré l'argument "pornographie", l'autrice se permet quelques envolées poétiques bien tournées et bien amenées. Ça mérite d'être relevé.
La lecture est plutôt plaisante dans l'ensemble. Les narrations sont directes et les scènes de sexes assez crues, sans pour autant tomber dans le vulgaire navrant ou le crade sordide. En fait, c'est très bien équilibré.
Je pense que cet excellent équilibre tient surtout dans la contextualisation, le background, les situations étonnantes ou le ton des révélations. Et surtout sur le travail accordé aux personnages. La plupart d'entre eux sont des êtres lambda qui traversent leur quotidien jusqu'à ce qu'un élément inattendu vienne les bousculer et les confronter à des ébats ou des fantasmes en bonne voie de réalisation. En fait, c'est tout ce qu'on demande à une bonne nouvelle : un personnage intéressant, une routine balayée et une intrigue qui amène à de l'action.
Il y a aussi un autre aspect que j'aime particulièrement : c'est la place et l'image de la femme. Qu'elles soient ou non les protagonistes de ces nouvelles, les femmes sont des personnages traitées comme n'importe quel humain : il n'y a pas de réification, pas de fadaises ou d'a priori niais quant à une image véhiculée ou clichée. Non. Sans être ouvertement féministe dans le propos, l'attitude des personnages et le fond des histoires sont particulièrement sains et respectables, même lorsqu'il s'agit de sexualité débridée ou de représentation de soi. Ici, le mot "salope" est souvent prononcée par une héroïne à propos d'elle-même, sans pour autant se diminuer ou s'humilier. La salope s'assume, s'accepte et domine la tête haute sa sexualité même s'il lui arrive de subir des situations incongrues ou non voulues.
Pour autant, l'homme n'est pas plus traité avec plus ou moins d'égard. Les histoires de Ziggy sont au-delà de ça : elles parlent d'individus qui pratiquent le sexe dans tout ce que cela implique, avec les réalités, les plaisirs, les frustrations et les malaises que ça implique de manière réaliste.
Brutal, amusant, véridique, bizarre ou fantastique... un sexe tel qu'on est en droit d'accepter, de fantasmer ou de pratiquer.
En creusant encore plus loin et en lisant le Journal de bord de l'autrice, on s'aperçoit aussi qu'il y a de vraies réflexions et une vraie implication dans la démarche de Ziggy.
Et ça, c'est vraiment plaisant.
[edit du 26 avril 2017] :
Sur une remarque très pertinente de @JosefKebab je vous signale que l'autrice dont il est question dans cet article a été expulsée de WattPad. Pour découvrir ses oeuvres, je vous invite (si vous êtes majeurs) à visiter son blog (dont l'adresse est dans les commentaires... merci Josef ^^)
Nous voici donc condamnés aux lemons insignifiants, débiles et rédigés par de petites illettrées vulgaires de 14 ans qui ne savent même pas de quoi elles parlent.
Heureusement que le règlement intérieur de WP est là pour protéger leur moralité bien entamée :-/
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