@AxelleCKim m'a gentiment demandé il y a quelques temps de jeter un coup d'oeil à son texte en cours de création. Du coup je me livre à l'exercice de la critique en même temps que je découvre son histoire.

 Catégorie #paranormal 

4 chapitres disponibles au moment de la lecture

résumé de l'histoire :

Charlie Evans est une enquêtrice d'événements surnaturels. Animant sa propre émission télévisée à succès, et reconnue comme pionnière de son domaine, la jeune femme est aujourd'hui au sommet de son art. Accompagnée de son équipe, elle passe ses nuits sur des lieux au passé inquiétant. Enchaînant les succès médiatiques depuis quelques années, la monotonie s'installe peu à peu dans son train de vie. Dépassée par la compétition régnant entre les grandes chaînes de télévision américaines, la jeune femme voit peu à peu son rêve idéaliste être écrasé par le poids de l'audimat. La recherche d'une audience toujours plus large régit malgré elle ses enquêtes. Détruite par les remords et la pression, un dernier élan d'enthousiasme pourrait cependant relancer son intérêt.

Déjà, premiers constats à propos de ce résumé : c'est plutôt bien rédigé et on sent que l'histoire est déjà a priori réfléchie. Ce qui laisse supposer que la trame a été travaillée en amont, au moins sur plusieurs chapitres.

Ce résumé en dit déjà beaucoup et pose un contexte plutôt étendu. En tout cas, il est plutôt bien équilibré, entre les informations sur le personnage central, le contexte du début de l'histoire et l'annonce d'une intrigue, laquelle n'est absolument pas dévoilée et à peine évoquée par une très bonne phrase d'accroche placée à la toute fin du paragraphe.

En somme : ça intrigue et ça donne envie de lire. Un succès, donc ^^

Sur la forme je relève tout de suite une propension à l'utilisation des participes présents. Deux des trois premières phrases commencent en effet par des participes présents, ce qui alourdit directement le rythme. 

En fait, je suis un fervent détracteur du participe présent. Certains auteurs et chroniqueurs estiment qu'il vaut mieux éviter d'un mettre plus d'un par paragraphe. Je suis assez de cet avis : c'est moche et c'est pesant. Je ne dis pas qu'il faille les proscrire absolument, mais en tout cas les éviter le plus possible. Un peu comme pour les adverbes en fait :)


Le reste de ma fiche de lecture contient des SPOILERS (vous êtes prévenus !). Il n'est pas trop tard pour tout arrêter et aller lire ce dont il retourne :D 

Je me suis contenté de lire le premier chapitre. Je pense que c'est un échantillon assez conséquent pour me faire une idée de l'oeuvre.

Déjà, avant tout, il s'agit d'un chapitre extrêmement long et très complet. Il est long pour les standards de Wattpad. A mon avis, c'est un peu dommage par rapport aux spécificités de la plate-forme en elle-même qui favorisent plutôt des formats "feuilletons" : chapitres plus courts pour permettre une alimentation régulière. En plus, sur la construction de ce premier chapitre, je me dis qu'il pourrait être facilement scindé en deux ou trois parties, vu qu'il y a trois unités de lieux/temps assez distinctes (le couloir, le démontage+le hall et l'extérieur).

A titre personnel, je trouve que le calibrage autour de 1.500 / 2.000 mots est pas mal. Au delà de 2.800 ça commence à être vraiment long pour un écran de téléphone ou d'ordinateur.

En soit, ça n'est pas trop gênant, surtout si le projet n'a pas uniquement vocation à être diffusé ici. 

Ce qui m'a le plus frappé dans ce premier chapitre, c'est la dissonance entre la première phase (la longue scène d'intro dans le couloir) et l'après clap de fin. En effet, la première phase est très immersive et l'accent est mis sur les sensations intimes du personnage principal : description au premier degré de sa peur, introspection et vision quasi-subjective de son environnement et de ses sensations.

Du coup, on y croit. On se projette et on adhère, car c'est vraiment très prenant et oppressant. 

Mais lorsqu'on découvre qu'il s'agit d'un tournage et que toute cette première scène n'était qu'une mise en scène, le choc est trop grand. Il y a un réel décalage. 

Personnellement, j'ai éprouvé une sorte d'antipathie rétrospective par rapport à ces effets si immersifs.

Je m'explique : 

Puisque lors de toute cette première scène, l'action et la narration reposent essentiellement sur le ressenti et sur les réactions physiques "pures" (c'est à dire induites par une peur authentique), pour moi le mécanisme ne fonctionne pas. 

Dans la réalité des faits, l'héroïne simule, sait qu'il n'y a ni mystère, ni danger. Pourtant, le texte tourne autour d'un champs très sensoriel : respiration, mouvements, afflux sanguins, réflexes involontaires (pupilles, faux pas, tension...). Ce sont pour moi des éléments physiques sur lesquels ce personnages ne devrait pas pouvoir avoir la maîtrise.

En fait, c'est comme s'il y avait un revirement total au moment du clap de fin. Un peu comme si tu passais brutalement d'une histoire à une autre, d'un personnage à un autre.

L'effet de mensonge marcherait à mon avis sans doute beaucoup mieux, si tu n'axais pas autant ton vocabulaire et tes focus sur ces aspects physiques trop proches. En gros, il faudrait presque prendre du recul (un peu comme si ta caméra d'écrivain élargissait le champs et devenait plus factuel et moins subjectif).

C'est dommage, je trouve, parce que toute la scène baigne dans une ambiance d'angoisse très palpable dans laquelle le lecteur est précipité.

Mais tout l'effet retombe lors de la révélation.

Tu me diras : c'est que c'est bien fait si on s'y est cru et que le lecteur s'est laissé berné.

Bah en fait non ! Pour moi tu es dans le mensonge :D 

L'effet marche si tu composes autour du faux semblant. Et à mon avis, ce n'est pas le cas ici, puisque l'écriture (le choix des actions, du champ lexical, de la construction) est au premier degré. Il faut trouver le moyen de permettre d'assumer cet effet sans dénaturer tout ce qui suit après la révélation. 

En gros, c'est très cinématographique comme effet : 

Si tu es dans le gros plan perpétuel sur le pouls, la transpiration, les pupilles dilatées, les bruits de respirations angoissants, alors tu es dans le réel, dans le premier degré.

Si au contraire tu montres une silhouette dans une situation qui parait angoissante (couloir sombre, lumière glauque, bruit de porte qui grincent et cordes de violons triturées), tu es dans le piège, dans la mystification. Dans le paraître.

Pour moi c'est une différence subtile mais essentielle, cette différence entre le sensoriel et le paraître.

En plus, à plus ou mois long terme, ça risque de faire défaut à ton personnage pour d'autres futures scènes qui elles mettront l'héroïne dans des situations fantastiques ou paranormales.

En tout cas, tu as déjà une très belle base pour exprimer une peur authentique :D 

C'est pas perdu ^^

La scène de fin de tournage et le démontage technique. 

C'est pas mal. 

Je pense que tu devrais peut-être levé le pied sur le rythme pour introduire les personnages. Là j'ai eu la sensation d'une avalanche de nouveaux personnages qui déboulent et qui restent sans qu'on ait vraiment le temps de les identifier et de les distinguer.

Bien entendu, ça vient progressivement au bout de plusieurs paragraphes et au terme du chapitre, on les a tous bien en tête. C'est juste leurs introductions respectives qui seraient peut-être à revoir.

J'en viens du coup à l'un des points forts de ce premier chapitre : les personnages.  

Tu les maîtrises vraiment et tu réussis à présenter leur background avec des points de vues différents en les mettant en lumière chacun leur tour.

C'est très très bien fait parce que ça leur donne une fibre et une consistance très tangible. souvent quand je lis des histoires sur WP, je constate que les personnages secondaires sont amenés de manière très maladroite, comme s'ils étaient autant de poupées posées là, à la va-vite, pour les besoins scénaristiques. Ils sont souvent aussi introduits n'importe comment et à des moments critiques ou aléatoires, ce qui ne leur permet pas de s'ancrer dans l'esprit du lecteur. Ils en deviennent des figurants interchangeables et presque anecdotiques. 

Toi, tu réussis à les faire reposer sur un background amenés très simplement et très efficacement. Du coup, ils s'ancrent dans la réalité tangible du récit et on sait très vite quelques sont les principales interactions entre eux.

C'est vraiment chouette.

Un petit mot sur la description du soleil levant :D 

C'est très joli et très juste. Les couleurs, l'atmosphère, le rythme des personnages autour... très très bon. Et pourtant, je ne suis pas du tout fan de description. Souvent ça m'ennuie et je trouve que ça n'apporte pas grand chose. Ici, c'est juste une parenthèse technique et esthétique qui s'intègre à la perfection dans le récit et qui amène une nouvelle temporalité.

Je n'aurai juste qu'une toute petite remarque à propos de cette temporalité : il y a une succession de "minutes" dans l'enchaînement des tes actions et scènes qui est un peu trop lourde et insistante; du coup, ça alourdit le rythme inutilement (et on a l'impression que ce levé de soleil dure quarante minutes !).

De manière générale tu as une très bonne approche de toute ce qui touche au sensoriel. C'est un excellent point puisque ça permet de mieux s'identifier aux personnages et de se rapprocher d'eux. 

Quant à la forme de tout ceci, maintenant. 

Et bien, mes premières impressions se confirment sur deux points principaux : 

La ponctuation tout d'abord. 

Il y a quelques lacunes dans certaines règles typographiques. Par exemple :  il n'y a aucune autre ponctuation après un point d'interrogation. De même, il n'y a pas de majuscule après un point d'interrogation ou d'exclamation dans une incise. Et aussi, il y a quelques règles formelles de virgules dans les phrases dialoguées. 

Mais c'est du détail technique, et avec un peu d'habitude et de recherche, tu devrais pouvoir t'en sortir assez facilement :)

En second lieu : le vocabulaire. 

J'avais donc relevé assez vite une propension au participe présent. Ca se confirme très vite. Ainsi qu'une multiplication des adverbes. 

Sur des chapitres aussi longs, avec certains paragraphes eux-mêmes assez conséquents, ça devient vite problématique. Quand je dis que ça alourdit le rythme de la lecture, ça n'est pas qu'une vague impression : ces mots créent des allitérations très prégnantes. Alors si elles sont trop nombreuses, leurs récurrences deviennent vraiment notables.

Un exemple tiré de ton texte : 

"se pencha en avant en haletant, tentant tant bien que mal..."

Pour t'en rendre compte, je te propose de prendre ton texte, de faire un CTRL+F et d'entrer "ant_" et "ment_". Ca te sautera au visage :D

Ensuite, sur le vocabulaire en lui-même : je trouve qu'il n'est pas assez varié. Certains mots ou expressions reviennent très souvent, ce qui crée inévitablement de nombreuses répétitions. Par exemple "lumière", "porte", "couloir" et "verte" reviennent très très souvent. 

Les répétitions participent dans la même logique au ralentissement du rythme global. 

Je t'invite à te pencher un peu sur les scores de répétitions dans tes phases de relecture et corrections. 

Le scarabée répétophobe créé par mon ami @Lepzulnag est très efficace et très facile à prendre en main (un petit coup de Google t'aidera à le retrouver très facilement). 

Pour en finir sur la forme : 

Ces quelques écueils ne sont pas les plus graves et ils sont loin d'être insurmontables. Ce sont généralement des "erreurs de débutants" qui tendent à se dissiper après plusieurs mois de pratique régulière :) 

En tout cas, il y a très peu de coquilles et l'orthographe et la grammaire sont maîtrisés, et ça, ça fait plaisir :D 

Bon, voilà pour moi ! 

J'espère que tout ceci te sera utile pour la suite de ton récit. Bon courage et à bientôt :)

________________

S'il y en a d'autre parmi vous qui souhaite des retours de ce type, qu'ils n'hésitent pas à me contacter par MP. 

Je ne fais pas de bêta-lecture ni de grosses corrections de forme (pas le temps, désolé), mais je peux faire des fiches de lectures de ce type si vous pensez que ça peux vous aider. 

Par contre, je les mettrai uniquement en ligne ici, dans le rantbook.