✨Chapitre 9✨Partie 1✨

Le lendemain, ils se réveillèrent au chant du coq, dans la même position, leurs doigts toujours liés.

« Bon matin. » Murmura Calixte.

Filipin gémit et se couvrit les yeux.

« Quoi, je suis si repoussant au réveil ? »

« Non, mais le soleil oui. »

Calixte tourna la tête vers la fenêtre, dans son dos, pour voir les rayons timides qui frappaient au carreau. Ils semblaient les inviter à sortir dehors se balader.

Ils restèrent à traîner au lit, et quand ils se réveillèrent une seconde fois, le soleil était déjà haut. Il devait être aux alentours de midi.

Au rez-de-chaussée, ils entendaient des bruits signifiant qu'ils n'étaient pas les premiers à se réveiller. Manifestement quelqu'un était déjà debout affairé à préparer le petit déjeuner. Les voix qui s'élevèrent leur confirmèrent que Kara et Flora étaient déjà levées.

« On devrait se préparer, non ? »

« J'ai pas envie. »

« Ouais, mais si on veut arriver à temps ce soir, et que l'on roule à la même vitesse qu'hier, vaut mieux se mettre en route le plus vite possible. »

« Je déteste le fait que tu aies raison... »

« Et bien tu ferais mieux de t'y habituer, parce que j'ai vraiment souvent raison. »

Il pouffa.

« Tu t'imagines que je vais croire à ça ? »

« Et bien je suppose que si ce n'est pas le cas, l'avenir te détrompera. »

« Oh putain, il t'arrive d'être si condescendant. »

« Non, juste sûr de moi. Et tu sais, c'est plutôt rare, alors profite. Je suis certain que ça te manquera quand je me mettrais à douter de tout, de tout le monde, et surtout de moi. Dans ces moments-là, je deviens carrément chiant. »

« Il faut toujours que tu aies le dernier mot, hein ? »

« Ouais. C'est viscéral. »

Ils rirent tous les deux, avant que Filipin ne se décide à se lever. Il repoussa le drap avant de renfiler ses vêtements de la veille. Calixte fit de même et Filipin dû faire preuve de tout son self-control pour ne pas laisser traîner son regard. Calixte était loin d'avoir un corps sculpté, plutôt grand, il était un peu dégingandé, presque maigre, mais c'était ainsi qu'il plaisait à Filipin. Il n'aurait pas voulu qu'il soit plus musclé, qu'il rentre plus dans les standards de beauté, il le trouvait parfait comme il était. Dans une sorte de perfection qui lui était toute propre.

Avant de laisser ses pensés divaguer trop loin, Filipin passa la porte de perles pour descendre les escaliers.

« Je t'attends en bas, ok ? »

Il n'eut pas le temps de descendre la première marche que Calixte le retint par la main.

« Fili attend. »

« Hum ? »

« Je voulais te dire... hum... Merci. Pour m'avoir proposé de t'accompagner. Et pour avoir insisté. Ce voyage... je sais pas, il me fait beaucoup de bien. Même si je flippe constamment, parce que c'est hors de ma zone de confort, bien trop loin de mes limites habituelles. »

« Être dehors, ça te fais baliser tant que cela ? » Interrogea Filipin, perplexe et un peu anxieux.

« Je flippe en permanence. Même quand je suis dans ma chambre, la moindre interaction peut me donner des sueurs froides. En fait, il y a qu'avec mes parents que tout va bien. Et encore, parce que je sais que je les déçois. Ma mère est prof de biologie sous-marine à l'université, elle voulait que je fasse de grandes études. Et mon père est pompier volontaire, depuis que je suis petit, il me dit qu'un jour je pourrai le devenir moi aussi et l'accompagner sur ses missions. Mais voilà, je suis pas celui qu'ils espéraient. Je reste cloitré dans ma chambre, je suis des cours par correspondance, j'ai redoublé au collège, parce que j'ai décroché tellement j'avais peur. J'en pouvais plus d'aller en cours avec l'angoisse au ventre, alors je séchais, j'ai foiré mon année et j'ai presque fait une dépression. Mes parents ont fini par s'en rendre compte et ils ont été super, mais je sais qu'au fond, ça les déçoit, ils en espéraient mieux de moi. Et j'ai pas été à la hauteur. »

« Je suis sûr que tes parents ne pensent pas comme cela. »

« Sûrement. Mais moi je le pense, et c'est là tout le problème. »

Filipin ne comprenait pas trop où il voulait en venir.

« Mais... Si tu sais qu'ils ne te voient pas comme une déception, pourquoi tu te tracasses avec ça ? »

« Tu vois, c'est là que ça devient complexe. Parce qu'une phobie, par définition n'est pas rationnelle. C'est même tout l'inverse, une peur irrationnelle. Quelque chose que je ne contrôle pas. C'est pour ça que c'est si dur de s'en défaire. Et aussi parce que les mots ont plusieurs sens. La façon de les dire n'est pas toujours la même que la façon de les comprendre. Parfois on dit des choses blessantes sans forcément le vouloir, ni même le savoir. Ça t'arrive à toi, à Kara, à Flora... et à moi aussi sûrement, même si avec le peu de personnes à qui je parle, mon impact doit être minime. Ce que je veux dire, c'est qu'on est tous, à un moment de notre vie, et pour certaines personnes, du mauvais côté de la barrière. On fait tous un jour parti du camps des harceleurs, sans même le savoir, et c'est peut-être ce qui est le pire. »

« Tu dis ça pour moi ? Parce que des fois je me comporte comme un vrai connard, comme la fois où tu as voulu me donner un jouet pour Moustic et que je t'ai envoyé te faire voir ? »

Il se rappelait de cette discussion comme si elle avait eut lieu la veille. Calixte était venu récupérer le chat et lui avait demandé :

« C'est quoi sur tes mains ? »

« Ça ? »

Il avait désigné du regard les multiples coupures sur ses mains et ses avants bras. Calixte avait alors hoché la tête en signe d'assentiment.

« Ça, c'est ton idiot de chat. Il prend mes mains pour des souris. »

« Il est jeune. Il a besoin d'apprendre à chasser, et il le fait par le jeu. Si ça se trouve il fait encore ses dents. »

« Le jeu ? C'est sûr que c'est fendard. J'adore être prit pour de la viande. Vraiment. »

Quelques jours plus tard, Calixte était revenu avec une baguette au bout de laquelle se trouvait un petit plumeau rose et bleu.

« Qu'est-ce que c'est ? »

« Un jouet pour Moustic. Pour préserver tes douces mains. Je l'ai fait moi-même. »

« Tu l'as fait toi-même ? T'es quoi en fait, un gosse qui fait des travaux pratiques ? »

C'était juste une petite pique, pourtant le visage de Calixte s'était fermé. Il lui avait laissé le jouet, et le chat, puis avait fait demi-tour pour retourner dans son immeuble.

Ce jour-là, Filipin était resté pantois. Il n'avait pas voulu le contrarier, enfin pas vraiment, peut-être un peu, mais habituellement, avec tous ses amis, quand il les cherchait ils ripostaient en riant, parfois se vexaient, mais jamais pour si peu. Désormais, il se rendait compte à quel point son attitude pouvait être vilaine. Parfois il était à la limite de se montrer méchant.

« Non ! Enfin oui, parfois tu peux être assez dur. Le genre brut de décoffrage. Mais je disais pas ça pour toi. C'était juste une réflexion sur les gens en général. Et la façon qu'on a de se détruire entre nous. Tous.

« C'est pas un peu sinistre de penser comme cela ? Du genre on est tous des monstres et on passe notre vie à se faire du mal. »

« Bienvenue dans ma tête. Le décor est pas ouf, saccagé par des idiots de première dont le jeu favori était de me vanner. Sur ma taille -parce que j'ai toujours été grand et mince, alors soit mes pantalons étaient trop longtemps soit ils étaient trop larges, d'où les chaussettes colorées, pour égayer un peu la tenue-, sur mes cheveux bouclés, sur le fait que je ne sache pas jouer au foot, tout ce genre de truc stupides que les garçons en pleine puberté peuvent se dire entre eux. Et encore heureux qu'à l'époque je savais pas encore que les filles ne m'intéressaient pas. Enfin je m'en doutais, mais eux n'en n'ont jamais rien su, je crois qu'en fait ils ne s'intéressaient pas tant que cela à moi. C'est juste que je me faisais une montagne de la moindre remarque... »

« Tu es sensible, voilà tout. » Il s'approcha doucement, pour poser sa main sur la joue du bouclé. « Tu vois peut-être ça comme un défaut, mais moi, je trouve que ça ressemble plus à une qualité. C'est un peu pour ça je crois que ça m'apaise d'être avec toi. Comme si tu pouvais ressentir toutes mes émotions sans que j'ai à les exprimer. Et tu cherches jamais à me consoler ou quoi que ce soit. T'es juste là, et c'est tout ce qu'il me faut. »

« Tu dis ça parce qu'on ne se connait pas depuis si longtemps que cela. Mais au bout d'un moment, tu en auras forcément marre. Tu vas détester le fait que parfois, je vais prendre hyper mal une simple plaisanterie, je vais te faire la gueule, te faire tourner en bourrique parce que j'angoisse pour des conneries, rien que l'idée de sortir pour aller à l'épicerie en bas de la rue acheter du papier toilette quand on est en rade est une épreuve. Je... je suis incapable de me débrouiller seul, et forcément, au bout d'un moment, tu en auras marre. Tout le monde en a marre, même mes parents, mais eux ils ont pas le choix, je suis leur fils alors ils peuvent pas juste me mettre à la porte. Et c'est tellement inconstant, parfois on plaisante et d'un coup je me vexe, comme un cancer, sans qu'on puisse le prévoir. Je veux pas que tu te retrouves à marcher sur des œufs en permanence à cause de ça. »

« Si ça peut te rassurer, j'ai jamais eut l'habitude de prendre des gants. Ça veut pas dire que ça me fait plaisir de te dire des trucs que tu prendrais mal, juste que je vais pas me mettre à agir bizarrement quand je suis avec toi, par peur de dire un truc qui faudrait pas, ok ? »

Il lui offrit un petit sourire et lui effleura la joue avant de quitter définitivement la pièce. Une fois seul, Calixte se laissa retomber sur le matelas. Il n'avait pas l'habitude d'avoir ce genre de discussions à cœur ouvert comme cela, d'avoir des discussions tout court. C'était pour lui éreintant psychologiquement. Il prit le temps de respirer un peu, de se recentrer, comme ses nombreux psychologues le lui avaient apprit, puis il se redressa et descendit.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top