✨Chapitre 8✨Partie 4✨
Son cœur battait la chamade, et il avait l'impression de prendre des heures à réfléchir. Un regard vers Filipin le conforta dans cette idée, le visage du châtain se décomposait, à mesure que les secondes passaient. Il avait peur d'être allé trop loin en lui disant cela. Alors il tenta de rattraper les choses.
« Écoute Calixte, je... je crois que j'ai un peu trop fumé ce soir. J'dis un peu n'importe quoi... »
Il se tritura les doigts, et Calixte était encore plus mal à l'aise. Il avait l'impression maintenant que quoi qu'il dise, ce serait une erreur. Et même s'il ne disait rien, Filipin prendrait ça pour un rejet, ou pire. A moins que que tout ça ne soit qu'un coup monté... Il était perdu.
Filipin se recoucha, et lui tourna le dos. Il remonta la couette jusqu'à son menton, et si elle avait pu le faire disparaître, il s'y serait camouflée tout entier.
« Tu éteindras la lumière quand tu te coucheras. Bonne nuit. »
Son ton était sec, il était clair qu'il était vexé. Calixte ne savait pas comment rectifier le tir. Il avait toujours eut du mal avec les interactions sociales, ce n'était pas nouveau, mais Filipin était le seul avec qui ça lui semblait facile, et voilà qu'il venait de tout foutre en l'air. Quelque part, il en voulait à Filipin de lâcher ce genre de bombe et de se rétracter tout de suite après.
Il resta un instant bête. Sans rien faire. Il regardait Filipin, se demandant si ce dernier ressentait son regard lui piquer la nuque. Il aurait même pu la lui brûler tant son regard se faisait intense. Il savait qu'il devait dire un truc, pour dissiper la tension, mais il avait toujours été désastreusement nul à cela.
Il n'osait pas bouger, il avait peur que cela fasse du bruit, rien que le froissement des draps, son si ténu soit-il, lui aurait semblé incroyablement gênant à ce moment-là. Alors il restait là, tout le corps incroyablement tendu, à s'en faire mal aux nerfs. Il n'osait pas même aller éteindre la lumière, pourtant il le faudrait bien, que l'un ou l'autre se lève, et Filipin n'y semblait pas trop déterminé. Cette sensation d'inconfort lui était trop familière, pourtant, il avait espéré ne jamais la ressentir avec le châtain.
« Je... »
Calixte fut presque surprit par sa propre voix et se stoppa net. Qu'est-ce qu'il pourrait bien lui dire de tout façon ?
Mais cela semblait suffire à capter l'attention de Filipin puisqu'il lui demanda, sans pour autant lui faire face :
« Tu ? »
« Je sais pas trop quoi te répondre... »
« T'as pas besoin de le faire. Ton silence l'a fait pour toi. »
« Non. Non, j'ai envie de te répondre. Vraiment. C'est juste que je trouve pas les mots. Les mots justes. J'ai peur de faire une bourde. »
Filipin se retourna un peu, pas assez pour croiser le regard de Calixte, mais suffisamment pour lui signifier qu'il était ouvert à la discussion.
« Tu sais Filipin, j'ai vécu des trucs moches au collège. Enfin j'arrive toujours pas à savoir si c'était si horrible que ça ou si je me suis juste monté la tête parce que... je sais pas, je suis faible psychologiquement ? J'ai pas envie de dramatiser ni de raconter ma vie, mais je crois que c'est nécessaire, pour que tu comprennes... disons comment je fonctionne. Je sais que c'est bizarre dit comme ça et que tu vas sûrement trouver ça hyper chiant et... »
Filipin bougea encore, pour faire face à Calixte ce coup-ci.
« Non, vas-y, continue. »
Calixte prit une grande inspiration, comme pour trouver la force de continuer.
« Ok. Alors au collège, j'avais des petits cons dans ma classe. Le genre qui se foutent toujours de la gueule de tout le monde, surtout des gars comme moi. Les solitaires, les ratés qui restent dans leur coin. Et tout le monde s'en accommodait. Après tout, c'était juste des railleries stupides que tous les jeunes font entre eux, mais je sais pas pourquoi, moi je les supportait pas. Au lieu d'en rire comme tout le monde, je prenais tout pour moi, même ce qui était de simples blagues. Et... un beau jour j'ai craqué. Je te passe les détails, mais j'ai fini par me méfier de tout le monde, surtout quand on me fait des annonces qui sortent de l'ordinaire. Comme... Comme... »
« Comme moi, à moitié défoncé, qui te dis que tu me plais ? » Sourit Filipin, espérant sincèrement détendre l'attention.
« Ouais. Des choses dans ce goût là. J'ai toujours cette petite voix dans ma tête qui me souffle de me méfier, que si ça se trouve, c'est juste pour te foutre de moi. »
« Non ! Je suis sérieux ! »
« Je sais. C'est irrationnel et j'en suis conscient, mais je suis toujours sur la défensive, quoi que je fasse. »
« Eh, viens là. »
Filipin ouvrit les bras, avec un sourire. Calixte hésita un instant avant de se laisser convaincre et de se blottir entre les bras du châtain. C'était étrange et il était un peu tendu, mais au moment où il posa sa tête contre lui, ses muscles semblèrent se délasser. Après tout, il pouvait lui aussi s'accorder un peu de répit.
Ils restèrent un moment sans rien dire. Juste dans l'instant. Un moment hors du temps, pendant lequel ils pouvaient se détacher de tout. Calixte ne pensait plus à ses angoisses, Filipin oubliait cette lettre qui pesait pourtant toujours dans sa poche.
« On a oublié les lumières. » Soupira Filipin.
Ils échangèrent un regard contrit, avant que Calixte ne se dévoue et se relève pour aller éteindre. Debout au milieu de la pièce, Calixte se rappela de la cravate qu'il n'avait jamais rendue à Filipin. La cravate sushi qui était toujours dans son sac. Alors, un peu tremblant il attrapa son sac banane et dit, se balançant d'un pied sur l'autre :
« J'ai un truc qui est à toi. »
« Vraiment ? Quoi ? »
« T'énerves pas, mais je l'avais le jour où tu m'as foutu dehors, et j'ai pas osé te la rendre après, et plus le temps passait, plus j'avais peur que tu m'en veuilles. »
Il sortit le tissus de son sac et la tendit à Filipin, en évitant soigneusement de croiser son regard. Puis il appuya sur l'interrupteur et s'allongea sous les couvertures, sans lui laisser le temps de répliquer.
Filipin, le tissus entre les mains, ne savait pas quoi dire. Une partie de lui avait envie de se mettre en colère, vraiment en colère, mais un autre lui soufflait que ce serait une erreur. Une erreur qu'il avait déjà faite une fois. Il se tourna vers Calixte. Même dans le noir, il pouvait le distinguer. Ses sourcils un peu froncés, sans doute parce qu'il avait encore un peu peur de sa réaction, ses dents plantées dans sa lèvre, tout chez lui exprimait l'appréhension. Filipin s'en voulait intérieurement d'en être la cause.
« Tu sais, la dernière fois, quand je t'ai crié dessus... J'aurais pas dû. C'était injuste, parce que tu n'avais rien fait, je veux dire, oui tu as fouillé là où tu n'aurais pas dû, mais c'était pas entièrement de ta faute. C'était dégueu de ma part, et j'ai bien vu que je te blessais. J'aurais dû m'excuser plus tôt, venir te voir. Et puis même par rapport à Moustic, c'était nul de ne plus te l'amener sans te demander ton avis. J'ai agit comme un gosse. Mais au fond, c'est ce que je suis. Je suis encore un gosse, et pour moi, tout ça c'est trop, trop dur, trop lourd. Et peut-être que ouais, j'ai juste envie d'être un gosse, d'être énervé contre le monde entier, de crier ma rage, ma peur panique de l'abandon. J'ai ce besoin, presque viscéral d'être triste et en colère. De vider toutes ces émotions négatives, mais je dois les ressentir. Je veux pas faire comme si rien ne s'était passé, parce que bordel, c'est juste faux. J'ai pas envie d'agir en adulte, je le suis pas. Et quand je vois comment agit ma mère, je suis pas sûr d'avoir envie de l'être. C'est vrai quoi, se voiler la face, ça sert à rien du tout, pourquoi tous les adultes font ça ? Ils pensent que se montrer dévasté c'est faire preuve de faiblesse, mais parfois, la faiblesse, c'est saint, super saint même ! J'veux dire, vouloir être parfait, et toujours fort, un roc inébranlable, c'est de la connerie. Personne ne l'est vraiment, ceux qui le font croire sont des menteurs. Juste des putains de menteurs. »
Il avait tout dit débité en un instant, sans prendre la moindre pause. Parce qu'il savait que s'il s'arrêtait, il allait fondre en sanglot en plein milieu. Maintenant, il avait le souffle court. D'un côté, il avait toujours envie que tout s'arrête, mais d'un autre, il voulait se laisser aller à exploser, si fort que la terre entière serait au courant, de tout et en un instant.
« Alors... Tu m'en veux pas ? »
« J'en sais rien. On va dire que je m'en veux au moins autant. Alors ça contrebalance. »
Calixte laissa échapper un soupir soulagé, alors qu'il n'avait même pas remarqué avoir retenu sa respiration. Filipin en fit de même.
Sous le drap, il remonta sa main, et la posa à côté de celle du bouclé, entre eux deux, mais sans pour autant que leur peau ne se touchent. C'est Calixte qui parcouru les quelques centimètres qui séparaient leur deux mains. Leurs épidermes entrèrent en contact, provoquant un long frisson le long de leurs colonnes vertébrales, relégué par tous les synapses de leur système nerveux.
Calixte noua son petit doigt à celui de Filipin, en un geste infiniment tendre, infiniment chaste, mais aussi emprunt de moult sentiments, qu'ils ne voulaient pas prendre la peine de décrypter pour l'instant.
Doucement, tout doucement, Filipin déposa ses lèvres sur sa main. De l'autre côté, comme par mimétisme, Calixte fit de même, embrassant sa propre main. C'était comme un baiser intercalé. Et tout au fond de son ventre, le bouclé sentit comme une onde de chaleur se reprendre. Il aimait ça. Il aimait vraiment ça. Lui qui avait toujours eut en horreur les contacts trop proches, ce soir c'était différent, c'était doux et consenti. Presque comme un nuage. Pour une fois, partager son espace lui semblait agréable.
« Je me sens bien quand je suis avec toi. » Avoua Calixte. « Me prends pas pour un stalker étrange, mais à chaque fois que je te fois sur ton balcon, ou passer dans la rue, ça me donne le sourire, bêtement, comme ça. C'est super bizarre, mais même ton odeur m'apaise. Quand je me réveillais, d'un cauchemar, je prenais cette cravate de soie, comme un grigri, pour me calmer. J'ai pas l'air d'un fou, rassure-moi ? »
« Je savais pas que tu faisais des cauchemars. »
« Ça arrive par périodes. Quand ça va pas trop, j'ai des souvenirs qui remontent, et c'est une sorte de spirale infernale. On m'a prescrit des cachets pour cela, pour ces épisodes à la limite de la paranoïa, où je me méfie de tout et de tout le monde. Mais j'essaye de les prendre le moins possible. J'ai pas envie d'être dépendant. Et puis les prendre c'est un peu la solution de facilité. »
« Ouais, tu préfères fumer des joints. » Rit Filipin en se rappelant le contraste entre l'attitude de Calixte au naturel et celle qu'il pouvait avoir après avoir fumé.
« Disons que je sais déjà plus ce qu'il y a dedans. Et c'est naturel. » Il lui fit un petit sourire mal assuré.
« Ok. On devrait dormir, non ? Et puis si tu as peur pendant la nuit, n'oublie pas. Je suis là. Tout près de toi. »
Calixte lui sourit, resserrant sa prise sur son petit doigt.
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