✨Chapitre 8✨Partie 3✨
Ils étaient passés à table, Charline ayant réchauffé avec entrain les plats qu'ils avaient acheté avec Joey sur la route. Le dénommé Sam les avait rejoint. Il semblait un peu plus jeune que Charline et Joey, peut-être une petite cinquantaine. Jovial, il s'était tout de suite passionné pour l'histoire de ces adolescents, partis sur les grands chemins dans l'espoir de rencontrer une femme qu'ils ne connaissaient que de nom. Il passa tout le repas à leur poser des questions.
Filipin, la seule question qu'il se posait, était sur la dynamique de cet étrange trio. Il n'arrivait pas à savoir s'ils étaient amis, ou s'il y avait plus. Au début, il avait cru que Charline était la femme de Joey. Leurs regards complices et leurs sourires ne semblaient pas tromper, mais bien vite, il avait vu les gestes tendres qu'elle avait pour Sam, tantôt pressant son épaule quand elle passait derrière lui, tantôt effleurant sa main. Et Joey coulait vers eux des regards emplis de douceur. Alors il était perdu, peut-être qu'ils étaient seulement des amis proches.
Mais il oublia bien vite ses questionnements, se laissant entraîner par l'ambiance de la soirée qui défilait à un rythme fou. Tant et si bien, que sans vraiment savoir comment, happé par l'énergie débordante de leurs hôtes sans doute, ils se retrouvèrent, aux alentours d'une heure du matin, après un joint offert avec plaisir par Sam, comme on offrirait n'importe quel digestif après un repas, à danser bêtement aux milieu du salon. Kara improvisait une danse disco, bientôt suivie par Flora, tandis que Calixte, sagement assis sur un coussin les regardait en souriant. C'est à ce moment que Filipin les surprit. Charline, Sam et Joey, s'embrassant tour à tour. Et il se sentit bête de ne pas l'avoir comprit plus tôt -le cerveau trop plein de ce cliché du couple voulue par la société- ils étaient en trouple. Tout simplement. Il se rendit compte que dans certaines situations, on n'était pas obligé de choisir. Et cette simple idée, qu'à leurs âges ils aient réussi à passer leur vie à se foutre de ce que pensaient les gens lui rendit un peu foi en la vie. Personne n'était enfermé dans un carcan inextricable. N'était enfermé que celui qui refusait de voir la porte de sortie, celle de son propre salut. Lui aussi pouvait s'échapper de ce qui l'empêchait d'avancer. Il avait entreprit ce voyage sur un coup de tête, par rage, parce qu'il voulait à tout prix extérioriser cette fureur qui hurlait dans ses veines, mais il se rendait compte qu'il pouvait y trouver bien plus que ce qu'il était venu chercher, bien plus qu'un défouloir. Ça l'éclaira sur un autre point également. Il ressentait toujours cette petite étincelle de désir quand il regardait Kara, mais il refusait d'assimiler que c'était cette même étincelle qui l'embrassait tout entier quand il se noyait dans les yeux orageux de Calixte. Il n'était pas obligé de choisir. Ce n'était pas parce qu'une fille l'attirait que c'était contraire au fait qu'un garçon le puisse aussi.
Il tendit une main à Calixte pour l'inviter à danser. Pour eux, ce retrouver là, chez de parfaits inconnus n'avait aucun sens, mais les choses n'étaient pas toutes forcées d'en avoir un. Parfois il fallait juste arrêter de ramer à contre courant et se laisser porter par les vagues. Alors, dans ces moments de repos, on pouvait reprendre notre respiration et même contempler les berges.
Il fallut une heure encore -lors de laquelle Filipin pu contempler à loisir le sourire de Calixte- avant que Charline ne déclare de sa voix douce que s'ils voulaient partir tôt le lendemain pour rejoindre Paris, ils auraient quand même besoin de dormir un peu. Alors elle prit Kara et Filipin par la main, intimant à Calixte et Flora de les suivre, et elle les conduisit à l'étage, pour leur montrer où ils pourraient dormir.
Il fut décidé que Kara et Flora prendraient la première chambre, celle au papier peint psychédélique avec un grand lit paré d'un édredon à fleurs et de nombreux coussins. Filipin et Calixte héritaient donc de la seconde chambre, qui ne disposait que d'un matelas installé au sol, lui aussi entouré de coussin. Les murs étaient décorés de faux papillons en tissus qui semblaient avoir été collés aléatoirement à la main, un à un. Elle disposait d'une grande fenêtre, qui donnait directement sur un pan du toit.
Comme ils n'avaient pas de pyjamas et que Filipin se refusait à porter l'espèce de robe de chambre tie-and-dye à la mode hippie que Joey avait sortie pour lui, ils se coucha simplement en sous-vêtement. Calixte avait regardé le tissu bariolé et l'avait prit dans ses mains.
« Il est doux. »
« Je te verrais bien avec une couronne de fleurs, à danser au son d'une guitare désaccordée dans un mini van à fleurs. » Pouffa Filipin. « Et puis tu me diras, ce serait pas pire que ton pyjama licornes. »
« Quoi ? Tu l'as vu ? Mais je t'avais dit de te retourner ! »
« J'l'ai fait, j'te jures, mais j'ai quand même vu, du coin de l'œil. »
Calixte soupira, les joues rouges. Il n'avait jamais eut aussi honte.
« Ce truc, c'est ma mère qui l'a commandé. Mais ils se sont planté de taille en lui envoyant, alors elle me l'a filé. Au début j'en voulais pas, qui voudrait porter ce truc ridicule ? Mais j'ai fini par l'essayer, et tu sais, c'est de la soie. J'ai jamais rien porté d'aussi confortable... »
Filipin éclata de rire.
« C'est l'histoire la plus loufoque qu'on m'ait jamais raconté ! Et puis c'est pas contre ta mère, mais elle a hyper mauvais goût en matière de pyjamas ! Tu devrais lui ramener ce truc, ça lui plairait ! »
Il lança la tunique colorée à Calixte, en riant toujours.
« Je suis sûr qu'elle aimerait, oui. »
« Et donc toi non, toujours pas prêt à danser pieds-nus dans un champs ? »
« Je suis bien trop mauvais danseur. »
« Je t'ai pas trouvé si nul tout à l'heure. » Souffla le châtain.
« Ah oui ? »
« T'étais même plutôt canon. Avec tes jolies bouclettes qui volaient dans tous les sens. »
Et c'était vrai. Au moment où il s'était autorisé à se lâcher un peu, Calixte avait été magnifique. C'était comme si son corps bougeait de lui-même, et ses cheveux voletaient tout autour de sa tête, comme animés d'une volonté propre, comme s'ils renfermaient un démon indomptable et sensuel.
Calixte s'assît sur le lit, dos à Filipin, et commença à se déshabiller. Il avait les joues un peu rougies, et le châtain se demandait si c'était à cause de ce qu'il lui avait dit, de la situation, ou simplement parce qu'il avait chaud.
Filipin bougea sur le matelas -qui était étonnement confortable, pour une simple paillasse posée à même le sol- et s'approcha imperceptiblement de Calixte. Il étendit son bras, et effleura la ligne de son dos. Il le sentit se tendre sous les doigts mais il ne se déroba pas à son toucher. Il ne se retourna pas et ne dit rien, laissant Filipin continuer son exploration silencieuse à sa guise.
Il ne savait pas à quel petit jeu il jouait, mais c'était dangereux. Pourtant, il aurait été bien en peine de s'arrêter. Tant que Calixte ne le repoussait pas, il garderait ses mains sur lui.
Seul le bruit de leur deux respirations emplissait la pièce. Celle de Calixte semblait vaciller à chaque nouvel effleurement, comme s'il retenait son souffle puis le laissait s'échapper tremblotant.
Ni l'un ni l'autre n'était en état d'analyser rationnellement ce qui était en train de se passer, et c'était peut-être pour le mieux. Filipin les rapprocha encore un peu, ce coup-ci en attirant Calixte un peu plus à lui. Aucun des deux n'osait faire le moindre bruit, il leur semblait même que le moindre souffle prit un peu trop fort pourrait briser le moment. Tant qu'ils ne disaient rien, ne faisaient pas de bruit, c'était comme si le temps était suspendu, hors de la réalité, et que tout cela n'avait aucune conséquence.
Un simple courant d'air brisa l'enchantement, en faisant claquer le volet contre la fenêtre. Ils sursautèrent et s'écartèrent l'un de l'autre. Calixte se leva pour aller rattacher le volet. Il ne voulait pas être réveillé en pleine nuit parce qu'il faisait des siennes à la moindre bourrasque, mais surtout, il voyait là une opportunité de s'éloigner de Filipin. Il devait reprendre ses esprits.
Seul dans le lit, Filipin ressentit comme un besoin de combler le silence, alors il balança le premier truc qui lui vint en tête.
« Tu sais, le matin où on a fumé sur nos balcons, je revenais de soirée et j'avais dit à Kara que j'étais en train de tomber pour elle. Elle m'a rejeté... »
Il s'arrêta avant d'avoir fini. C'était vraiment la chose la plus stupide qu'il aurait pu trouver à dire dans ce genre de situation.
Calixte stoppa tout mouvement, la main bloquée sur la poignée de la fenêtre qu'il était en train de refermer. Il ne savait pas quoi faire de cette information, ni pourquoi Filipin le lui disait.
« Vraiment ? »
Il n'avait rien trouvé de plus constructif à dire, mais Filipin ne s'en formalisa pas.
« Ouais. Et le pire c'est que depuis ça, j'ai l'impression d'avoir fait un focus sur elle. Comme si je lui trouvais encore plus de qualités. Alors que la première fois qu'elle m'a parlé, j'ai trouvé ça insupportable et presque hautain de se part de se mêler de mes problèmes. Mais quand t'es là c'est pas pareil. »
« C'est-à-dire ? »
Calixte était sur la défensive. Il avait peur d'être prit comme lot de consolation. Et ce n'était pas ce qu'il voulait. D'ailleurs, il ne savait pas s'il voulait quoi que ce soit. Tout cela l'effrayait. Les gens l'effrayaient, et leur accorder sa confiance était une véritable épreuve.
Il y eut un instant de silence, où ils n'osèrent pas se regarder, et Filipin fini par dire :
« Elle me plait pas -ou plaisait- comme tu me plais toi. »
Calixte releva la tête. Ils se dévisagèrent en chien de faïence.
Il l'avait dit. Haut et fort il avait admis qu'un garçon lui plaisait. Que Calixte lui plaisait.
Encore une fois, le bouclé ne savait que faire de cette information, dans sa tête, tous les voyants étaient au rouge. Filipin tentait-il de se moquer de lui ? Il était presque terrorisé, pétrifié, à l'idée que son vis-à-vis soit en train de se payer sa tête. Il ne serait pas le premier, en revanche, cette technique là, il n'y avait jamais eut droit encore. Son cœur, lui, voulait y croire, s'accrocher à cet espoir et faire taire toutes les pensés dans sa tête. Il répétait que si l'on ne prenait jamais de risques, on ne vivait pas vraiment, mais en même temps, c'était déjà ce qu'il faisait depuis pas mal de temps, oublier de vivre. Ne se calfeutrait-il pas dans sa chambre avec ce seul but, ne surtout pas vivre, par peur d'être blessé ?
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