✨Chapitre 7✨Partie 4✨

Calixte, qui était fatigué, et par la marche et par la chaleur qui commençait à monter sous sa veste aux couleurs criardes dû prendre son courage à deux mains pour demander :

« On peut faire une petite pause ? »

En réalité, ça faisait déjà un petit bout de temps qu'il en ressentait le besoin, mais il n'osait le formuler. Il avait toujours l'impression, quand il devait prendre la parole dans un groupe, qu'il allait se faire rejeter ou que l'on allait se moquer de lui, alors il repassait en boucle dans sa tête ce qu'il voulait dire, s'imaginait les réactions de chacun, jouait et rejouait la scène dans son esprit, et bien souvent, finissait par abandonner avant d'avoir dit quoi que ce soit. Il avait cette peur stupide de couper les autres dans leurs conversations, alors il ne prenait pas la parole, il se disait qu'il demanderait quand il y aurait un blanc, mais à chaque fois, il loupait le coche et c'était d'autant plus d'occasions de se fustiger mentalement. En plus, tout cela l'épuisait psychologiquement, et il avait l'impression de gâcher ce qui pourrait être un bon moment, tout cela parce qu'il se posait trop de questions.

« J'allais dire la même chose. » Sourit Kara.

Ils s'arrêtèrent tous, le temps de se reposer un peu, et une fois de plus, Calixte se rendait compte que tout se passait bien, qu'il n'y avait pas de raison de se faire une montagne à chaque fois qu'il devait prendre la parole. Pourtant, c'était plus fort que lui. Il était incapable de ne pas y penser, et savoir que c'était stupide comme tout ne l'aidait en rien. Il se sentait d'autant plus incapable.

« Personne n'a pensé à prendre de l'eau ? » Demanda Filipin en regardant tour à tour ses comparses.

Évidement, aucun n'en avait. Il fallait dire que l'excursion ne se passait pas exactement comme elle l'aurait dû. Aucun n'avait prévu le fait de se retrouver à pieds en pleine nature.

Quand ils se remirent en chemin, suivant la route sur laquelle ils désespéraient de voir un jour passer une voiture, même chanter ne leur procurait plus d'énergie. Il commençait à faire chaud, aux alentours de 13°C, mais pour un mois de novembre, c'était presque du jamais vu. Alors en comparaison avec les températures des dernières semaines, ils trouvaient qu'il faisait vraiment chaud. Calixte fut le premier à se défaire de sa reste, bientôt suivit par Filipin et Kara. Seule Flora, qui était un peu frileuse, s'accommoda parfaitement de ce regain de chaleur.

Il fallut quelque temps encore pour croiser la première voiture. Mais celle-ci ne s'arrêta pas, même devant les grands signes qu'ils firent tous les quatre. Heureusement pour eux, ce fut comme si cette première voiture en avait attiré d'autres. Ils en croisaient de plus en plus régulièrement. En réalité cela s'expliquait par le fait qu'ils arrivaient à proximité d'un petit village. Ils ne trouvèrent dans ce village personne pour les conduire, ou au moins les rapprocher de leur destination, mais une femme à la peau ridée par le passage des années, qui les avait vu passer leur offrit de quoi se désaltérer. Cette aide était la bienvenue. La femme les salua chaudement au moment de leur départ, avant de retourner à ses petits pois qu'elle écossait dans un grand saladier bleu et blanc. Elle leur avait également donné à chacun une pomme pour la route. Filipin n'aimait pas les pommes, mais par politesse, il la prit quand même, la glissant dans la poche de son sac à dos.

Un peu plus loin, la route donnait sur une nationale qui était bien plus fréquentée. La première voiture à s'arrêter était conduite par une jeune femme qui écoutait la musique un peu trop fort, malheureusement, elle n'avait pas la place de les prendre tous les quatre, et ils refusaient de se séparer. Plusieurs fois, ils se faisaient klaxonner, et à chaque fois Flora ne manquait pas de gratifier les importuns de doigts d'honneur bien sentis.
Kara, qui avait un peu trop bu chez la vieille dame, s'écria quelques kilomètres plus loin :

« Pause pipi. Je vais derrière cet arbre, regardez pas ! »

Elle disait cela comme si elle était heureuse de le leur annoncer.

Ils soupirèrent de concert et s'arrêtèrent pour l'attendre. Depuis derrière son buisson, elle ronchonna :

« Vous pouvez parler entre vous, même si je suis pas là. Parce que y'a pas un bruit, c'est gênant, du coup j'arrive pas à faire pipi. »

Ils se regardèrent tous les trois sans savoir quoi dire, un peu pris au dépourvu.

« Ça a pas besoin d'être une discussion intéressante, je sais pas moi parlez de la pluie et du beau temps, des fleurs sauvages, récitez un poème, je m'en fous. »

Sans réfléchir, Flora dit le premier truc qui lui passa à l'esprit.

« Vous aviez déjà remarqué que nos initiales, elles font KFC. Genre Kara, Filipin, Flora, Calixte. »

« Oh par pitié ne parle pas de bouffe maintenant, je meurs de faim. » Râla Filipin.

« Tu as qu'à manger ta pomme plutôt que de faire le difficile. » Asséna Flora, comme une mère qui réprimanderait son enfant qui ne voudrait manger que des sucreries.

Filipin soupira bruyamment et ajouta, sans porter plus d'attention à sa remarque :

« En plus je veux pas dire mais notre logo il serait un peu malade. Ça ferait KFFC, comme après une indigestion de F. »

« Je sais pas de quoi vous parlez, mais votre délire a l'air chelou quand même. » Rit Kara qui revenait en resserrant sa ceinture.

Elle était incroyable, elle trouvait encore le moyen de se moquer d'eux alors que c'était elle qui avait voulu qu'ils créent une discussion de toute pièces. Forcément, elle ne pouvait pas s'attendre à ce que ça vole bien haut.

Filipin jeta un regard torve à Calixte assis à côté de lui qui arrachait de l'herbe par grosses touffes comme pour calmer son anxiété. Il lui donna un gentil coup d'épaule pour attirer son attention.

« Je suis content que tu sois venu. »

« Ah ouais, et nous pas ? » S'offusqua Kara.

« C'est différent. »

Ce fut à Calixte de lui jeter un regard surprit. Il ne comprenait pas en quoi il était différent, ni pourquoi ça semblait sonner comme un compliment entre les lèvres du châtain.

« Vraiment, différent ? » Appuya Kara comme si elle sous-entendait quelque chose.

Filipin rougit, comme piégé, et au pied du mur il balança la première idiotie qui lui vint en tête :

« Ouais. C'est cool d'avoir un autre gars. Les filles C'est chiant parfois. Enfin à petite dose ça va, mais là je commençais à saturer. »

Il lâcha un rire nerveux. Sa blague était vaseuse et de mauvais goût, et Flora ne manqua pas de le lui faire remarquer. Elle n'avait jamais eut sa langue dans sa poche pour ce genre de choses.

« Va te laver avec Charybde Filipin. On verra si tu en ressors moins con. On a pas besoin de tes remarques misogynes. »

Elle avait toujours des expressions très originales pour sortir du très usité va te faire foutre et autres expressions grossières. Et en général, c'était hilarant.

Calixte releva un œil soucieux vers la jeune fille, il n'arrivait pas à discerner si elle plaisantait ou non. Ça le plaçait dans une situation d'inconfort qu'il détestait. Mais Filipin se mit à rire, alors il se détendit.

Kara jeta un coup d'œil étrangement appuyé à Filipin, que Calixte juste derrière lui intercepta sans le comprendre. Et ils se remirent en route.
Ils commençaient à désespérer de trouver quelqu'un pour les prendre en stop quand un petit quatre-quatre bruyant, à la peinture orange passée et décorée de fleurs peintes à la main, ralenti à leur hauteur. À l'intérieur, un homme qui devait avoir la cinquantaine bien tassée leur sourit. Il avait les cheveux longs, légèrement ondulés, hirsutes et une moustache allongée. Ses lunettes avaient des verres teintées de bleu, ils ne savaient pas bien s'il s'agissait de lunettes de vue ou de soleil. Dans ses cheveux, un ruban à fleurs. Il semblait tout droit sorti des années 60. Un hippie, un vrai.

« Alors les jeunes, où est-ce que vous allez comme cela ? »

« Euh... A paris. » Répondit Filipin, incrédule. Il avait un peu perdu espoir de trouver quelqu'un pour les y emmener.

« Alors montez. Je peux au moins vous rapprocher un peu. Et puis ça me rappellera ma jeunesse. Le stop se fait rare, c'est dommage. C'était un bon moyen de découvrir la vie. De se faire des souvenirs. »

Sa voix était chaude, et il les mît tout de suite en confiance.

Ils montèrent tous les quatre dans la voiture. Riant un peu des rideaux à carreaux pendus aux fenêtres. Leur conducteur s'appelait Joey. Il écoutait du vieux rock psychédélique sur cassette et parlait avec un fort accent américain qu'il n'avait pas réussi à perdre malgré les années passées ici, en France.

Il leur parla de sa jeunesse, de sa vie sur les routes, de ses rencontres au fil des chemins, allant de festivals en festivals, manifestant de temps à autre, mais surtout, s'amusant beaucoup. Il parla de ses amis, de ses amours, de personnes qu'il n'avait pourtant vu qu'une seule fois, une seule nuit mais pourtant considérait comme des proches.

Calixte ne comprenait pas cela. Il ne savait pas comment on pouvait faire preuve de tant d'insouciance. Être heureux de rencontrer de nouvelles personnes et de les quitter juste après, sans savoir si jamais on les rêverait un jour. C'était un mode de vie qu'il ne pouvait pas comprendre. Parce que pour lui, s'attacher aux gens prenait bien plus de temps. Il n'avait pas confiance en eux, mais surtout pas confiance en lui.

Kara, pour sa part était admirative. Elle avait toujours rêvé d'une vie de bohème, tout en se persuadant que c'était impossible. Parce que tout le monde voulait une vie stable, c'était le but que cherchait à lui faire espérer la société, depuis toute petite. Elle avait été conditionnée, comme les autres enfants, à espérer un métier qui rapporte, une famille heureuse, toutes ces choses qui pourtant ne faisaient pas le bonheur, juste la réussite sociale, tout au plus. Alors elle n'était pas avare de questions. Elle voulait en apprendre plus sur la vie de Joey, sur son histoire, sur son époque aussi, et par la même occasion, elle faisait passer le temps. Parce que Joey avait beau être bien sympathique, son véhicule n'était pas des plus véloce.

Et Filipin faisait de son mieux pour ne pas perdre patience. Il regardait l'heure au moins trois fois par minutes, se figurant qu'à ce train là, il n'arriveraient jamais à Paris avant huit heure ce soir. De plus, ils ne prenaient que les routes de campagnes, se refusant même, autant qu'il le pouvait, à prendre les routes départementales. Plus la route était petite et cahoteuse, plus elle semblait lui plaire. Ils roulèrent ainsi plus de deux heures, durant lesquelles Filipin avait juste l'impression de faire du surplace. Ça l'énervait prodigieusement. Mais il ne pouvait pas se plaindre. C'était déjà bien aimable de sa part de les rapprocher de leur but.

Calixte était silencieux, depuis un bon moment, et Filipin remarqua qu'il s'était endormi. C'est vrai que pour lui, cette journée était d'autant plus éreintante. Le simple fait d'être dehors lui était inhabituel et fatiguant. Il le laissa prendre appui sur son épaule, et dégagea quelques boucles de son visage. Kara qui le vit faire, lui sourit. Un sourire qui, il en était certain voulait dire quelque chose, mais il ne savait pas quoi. Elle semblait exprimer quelque chose comme : ''je te l'avais dit'' mais justement, elle ne lui avait rien dit, du tout. Il haussa un sourcil et elle secoua la tête, comme pour lui dire, que c'était à lui de comprendre tout seul. Alors il l'ignora, tout simplement.

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