✨Chapitre 7✨Partie 3✨

Le trajet en train devait durer un peu moins de deux heures. Si la première demie heure avait été tendue, ils avaient tous fini par se relaxer -à grand renfort de plaisanteries de la part de Flora- et presque oublier le danger qui leur planait dessus. Ce n'est que quand un petit homme s'approcha d'eux, un peu bedonnant, en uniforme, qu'ils se rendirent compte de leur erreur. Ils auraient dû rester sur leur gardes. Ils ne l'avaient même pas vu passer les portes du wagon.

« Je vais contrôler vos billets les jeunes. »

Ils échangèrent le même regard paniqué que le contrôleur avait déjà vu des centaines de fois, et il comprit rapidement qu'il avait à faire à des fraudeurs. Conciliant, il leur laissa tout de même le loisir de lui expliquer la situation.

Flora prit les choses en main, se levant de son siège.

« On a mis nos billets dans nos sacs, vous nous accorder un instant pour les chercher ? »

Kara lui offrit un sourire pour appuyer les dires de son amie.

« Faites vite. »

Il leur accorda le bénéfice du doute et patienta un peu, contrôlant la rangée derrière eux.

Flora attrapa son sac sur le porte bagage, et commença a fouiller, à la recherche de billets inexistants. Le tout en envoyant des regards courroucés vers Filipin qui semblaient dire : tu nous as mis dans cette merde, trouve un truc pour nous en sortir.

Le contrôleur revint.

« Alors ces billets ? »

« Je suis sûre qu'ils sont pas loin. J'ai jamais été très organisée, mais il sont dans mon sac. »

Il étaient désormais tous les quatre debout.

« Vous n'avez pas payé, c'est cela ? »

« Comment ? Vous remettez en question notre intégrité ? On vient de vous dire qu'on allait les trouver, ces foutus billets ! » S'énerva Filipin, comme s'il n'était pas celui qui avait quelque chose à se reprocher.

Il était en tord et il le savait, ça ne faisait illusion pour personne. Flora le foudroya du regard. Comme si crier sur le contrôleur qui ne faisait que son métier allait leur être d'une quelconque aide.

« Excusez mon ami Monsieur, il est un peu tendu en ce moment. Il fat dire que ce voyage est très important pour lui, alors la pression le met un peu à cran. » Intervint Kara avant que les choses ne dérapent.

« Je vais tout de même être obligé de vous mettre une amande. Etre un peu à cran ne justifie pas la fraude. »

Ils étaient pris au piège, le train ne s'arrêterait pas avant au moins une heure et demie, ils n'avaient aucun moyen de s'échapper.

Du moins cela c'était avant que Calixte ne prenne les choses en mains. S'il était incapable de s'adresser au contrôleur pour lui faire changer d'avis, il y avait une chose qu'il maîtrisait parfaitement, c'était l'art de la fuite. Ça faisait d'ailleurs plusieurs années que, cloitré chez lui, il fuyait le monde réel. Sans plus réfléchir, il glissa à l'oreille de Filipin :

« Soit prêt à courir. »

Le châtain ne comprit pas -courir pour aller où ?- jusqu'à ce qu'une secousse ébranle le train tout entier. Calixte venait de tirer l'arrêt d'urgence et déjà il poussait le levier d'ouverture manuelle des portes. Le contrôleur n'eut rien le temps de faire, trop surprit pour réagir à temps. Ils s'engouffrèrent à l'extérieur, courant leur meilleur sprint. Cette situation était insensée, mais ils n'avaient pas le temps de ralentir pour faire le point. Ils courraient sur les rails, portés par l'euphorie et l'adrénaline d'avoir fait une grosse bêtise. Une de celles dont on se rappelle toute sa vie et qui nous fait rire encore, aux éclats, bien des années plus tard, une de celles qui deviennent les meilleurs souvenirs.

La voie ferrée était entourée de part et d'autre de grillages, ne leur offrant qu'une direction dans laquelle s'échapper, jusqu'à ce que Filipin ne repère une brèche dans la clôture. Ils s'y faufilèrent un à un, Calixte s'éraflant la joue sur un bout de fil de fer un peu saillant, mais ils ne s'arrêtèrent pas à cela. De l'autre côté, la campagne s'étendait à perte de vue et ils continuèrent leur course folle dans les champs. Le soleil de fin d'hiver était rasant, il ne réchauffait bas beaucoup la terre, mais il donnait au paysage une allure presque féerique. Ils ne s'arrêtèrent pour reprendre leur souffle que bien plus loin.

Filipin se laissa tomber par terre, dans l'herbe humide, allongé sur le dos, la respiration anarchique, Flora, penchée en avant avait le souffle tout aussi erratique, et Calixte assis en retrait toussait carrément. D'eux tous, c'était Kara qui s'en sortait le mieux, à peine essoufflée, pourtant elle était aussi celle qui venait de courir en jupe et en talons. Encore un mystère féminin se dit Filipin. Leurs rythmes cardiaque et respiratoires redescendant lentement, leurs regards se croisèrent et il ne purent retenir leurs éclats de rire. Ce qu'ils venaient de faire était complètement fou. Et pourtant, Filipin se sentait tout à fait légitime. Il avait le droit de partir en vrille. Son père était mort bordel ! C'était son droit de ne plus vouloir d'une petite vie bien rangée, au moins pour quelques jours, et de faire n'importe quoi.

« J'en reviens pas qu'on ait fait ça. » Rit Kara.

« Moi non plus. D'ailleurs, Calixte on te doit une sacrée chandelle. Tu nous as sauvé la mise sur ce coup-là. »

Ce compliment fit rougir le garçon. Il n'avait pas l'habitude d'être le centre de l'attention. Pas de manière positive du moins. Et il devait reconnaître que ça lui plaisait bien. Il se sentait valeureux, utile, entouré, même aimé.

Filipin lui sourit. Ça lui faisait plaisir de le voir un peu plus à l'aise, comme s'il commençait à s'épanouir. Exactement comme un bourgeon de printemps. Peut-être avec un peu de retard par rapport aux autres, mais ne dit-on pas que les boutons tardifs renferment les plus belles fleurs ?

« Bon, et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? Parce que c'est bien beau, mais j'ai comme l'impression qu'on est perdus dans la pampa... »

Flora venait de mettre le doigt sur une évidence. Une évidence qui n'en était pas moins grandement problématique.

« On devrait déjà essayer de trouver une route, après on pourra faire du stop. »

« C'est pas un peu creepy le stop ? » Fit remarque Filipin. Ils avaient tous en tête des histoires sordides qui commencent par un voyage en stop.

« On est quatre et il fait jour. Rien ne peut nous arriver. » Éluda Kara avec conviction.

« Rien, à part être découpés en morceaux et jetés dans un fossé par une espèce de malade qui passait dans le coin par hasard. » Railla Flora.

« Pourquoi il faut toujours que tu sois sarcastico-pessimiste ? »

« T'es au courant que ce mot n'existe pas ? »

« Bien sûr que si, il existe. Tu en es la définition même. »

Les laissant à leur petite querelle, Filipin chercha le regard de Calixte, qu'il trouva spontanément, presque trop naturellement. Et alors que les argumentaires des deux filles devenaient de plus en plus ridicules, tous les deux éclatèrent de rire. Complices.

Toujours assis dans l'herbe, Filipin sortit son téléphone pour essayer de voir où ils se trouvaient exactement, et surtout comment rejoindre la route la plus proche.

« J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Je commence par laquelle ? » s'enquit-il au bout d'un moment.

« La mauvaise, commence par la mauvaise. C'est toujours dans ce sens qu'il faut les annoncer. » Exigea Kara.

« Ok, alors la mauvaise, c'est qu'on est vraiment dans le trou du cul du monde, les seules routes sont en fait des chemins de campagne, donc aucune chance d'avoir quelqu'un qui nous prendrait en stop avant que l'on ait rejoint la vraie route qui est à une demie-heure de marche selon Google. »

« Et la bonne ? »

« La bonne c'est qu'on est plus près de Paris que ce que je pensais. En se débrouillant bien, on pourrait y être avant ce soir, juste à temps pour le concert, au moins pour la fin. »

« Bon, alors il n'y a pas de temps à perdre. On se met en route. »

« Il y a encore une chose. »

« Laquelle ? »

Filipin tourna le plan vers ses trois amis.

« Là. La route la plus proche est dans cette direction, ce qui veut dire que l'on s'éloigne de notre but pour la rejoindre, mais dans l'autre sens, on aurait une heure de marche avant d'atteindre une voie fréquentée. On choisit la quelle ? »

Kara et Flora échangèrent un regard, se demandant l'une l'autre leur opinion.

« Je pense que rejoindre la route la plus proche serait le plus logique. » Commença la blonde. « Si quelqu'un nous prends en stop on aura tôt fait de rattraper le retard prit, et puis plus on passe de temps près de la route plus on a de chance de trouver quelqu'un qui veuille bien nous conduire. »

« On part sur ça alors ? » Interrogea Flora, ce à quoi tout le monde acquiesça.

Et ils se mirent en route. Le temps était clément avec eux, il n'y avait pas trop de vent et un grand soleil, leur petite escapade avait un léger goût de vacances et ce n'était pas pour leur déplaire.

Filipin avançait en tête, son téléphone à la main pour suivre le plan. Couper par les champs n'était pas toujours tâche facile, et plusieurs fois ils s'écorchèrent, forcés de passer des barbelées. Soudain, alors qu'ils s'étaient mis à entonner un chant débile -sous l'initiative de Kara- qui était supposé leur donner un peu de courage, mais qui n'avait pas beaucoup de sens, les paroles tournant majoritairement autour d'une guerre entre plusieurs sortes de fromages, le téléphone de Filipin se mit à sonner. Il s'arrêta net.

« C'est qui ? »

« Ma mère. »

« Et tu réponds pas ? »

C'est à cet instant qu'ils prirent tous plus ou moins conscience d'être partis sans prévenir leurs parents et que ce n'était pas l'idée du siècle. Kara avait mis son téléphone sur mode avion pour préserver sa batterie, idem pour Flora, qui de toute façon était en froid avec ses parents et voulait s'épargner un énième dispute, quant à Calixte, il s'était rendu compte qu'il avait oublié de l'emporter avec lui. Lui qui prévoyait de rassurer sa mère avec un appel se trouvait désormais dans l'incapacité de le faire.

« Non. Je saurais pas quoi lui dire. Je peux pas lui annoncer que je vais voir la maîtresse de mon père. Je lui enverrai simplement un sms ce soir pour pas qu'elle s'inquiète de trop. De toute façon, elle travaille toute la journée, elle n'aura pas le temps de s'inquiéter. »

Il en était presque persuadé, ignorant tout de l'angoisse typiquement maternelle qui peut envahir une personne quand elle ignore où se trouve son enfant.

Il choisit donc d'ignorer l'appel, et les suivants. Le soleil était haut dans le ciel, il devait être aux alentours de midi quand ils rejoignirent la route. Elle était déserte. Elle ressemblait en tout point aux autres routes qu'ils avaient traversé si ce n'était le panneau qui indiquait qu'il s'agissait d'une route départementale.

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