✨Chapitre 6✨Partie 4✨

« Et du coup, pour Paris ? »

« Je... j'ai peur d'être un boulet. Ça fait tellement longtemps que j'ai pas mis le nez dehors, au milieu des vrais gens je veux dire. Et me retrouver seul, dans la capitale, je sais pas si je serais capable de le supporter. » Avoua-t-il penaud.

Presque dans un murmure, Filipin lui dit :

« Tu seras pas seul. Je serais là moi. »

Et il ne savait pas pourquoi il avait tant envie qu'il vienne, ni lequel des deux serait là pour soutenir l'autre en réalité, car si Filipin se mettait à réfléchir à ce qu'il était sur le point de faire, il se rendait bien compte que ce serait une épreuve. Une épreuve qu'il n'était pas certain d'avoir la force et l'endurance nécessaire pour mener à bien.

Calixte le considéra un instant, comme s'il tentait de sonder son âme et finit par hocher la tête.

« Ouais. Ok, je viens. »

Filipin sourit, mais Calixte ne bougea pas de son lit.

« Bah alors, t'attends quoi ? En route, on nous attend ! »

« Qui ça on ? »

De nouveau, il était sur la défensive.

« Juste des amies à moi. Tu verras elles sont cool. C'est les filles du club cinéma. »

Calixte se décomposa.

« Quoi ? Tu croyais à un rendez-vous galant ? » Ricana Filipin.

Son ton ironique pétrifia le bouclé.

Et s'il se foutait de lui ? Depuis le début. S'il ne voulait que se moquer et lui faire du mal ?

Les mains de Calixte se remirent à trembler. Une fois encore, il se trouvait incapable d'empêcher son cerveau de tout suranalyser, de donner des intentions à ceux qui composaient son entourage. Des intentions néfastes qu'il inventait sous le coup de la panique et qui dans une boucle infernale la nourrissait.

« Calixte ? »

Filipin s'était approché, incertain.

« J'ai dit un truc qui fallait pas ? »

Son ton doux aida son vis-à-vis à s'ancrer dans le moment, reprendre prise sur son flot de pensées, et petit à petit les endiguer. Sa psy -une de ses psy- le lui avait apprit. Il devait visualiser la source de ses pensées comme un robinet et doucement fermer les vannes. Inspiration. Expiration. Affirmation positives.

Filipin était son ami. Réellement. Parce qu'il méritait d'avoir des amis. Et ces amis ne pensaient pas de mal de lui. Parce que ce n'est pas ce que font les amis.

Il avait toujours trouvé ces phrases que l'on se disait à soi même pour se donner un peu de confiance complètement stupides, mais pour une fois, cela sembla faire effet.

Lentement, il leva les yeux vers les mirettes vertes du châtain.

« Désolé. Je... j'ai eut l'esprit ailleurs pendant un moment. »

« C'est parce que t'as peur de pas être à l'aise avec les filles ? »

Il n'avait pas peur, il savait qu'il ne serait pas à l'aise. Parce qu'il ne l'était avec pour ainsi dire personne.

« J'te jures elles sont super gentilles. Et si t'as pas envie, tu seras pas obligé de leur parler. »

« Si je leurs parle pas, elle penseront encore plus que je suis bizarre, étrange, le genre un peu déséquilibré. »

« Je ferai la conversation à ta place. Ou alors je lancerai une partie du roi du silence. Comme ça pas besoin de parler. Pour personne. »

Filipin sourit. Habituellement, c'était le rôle de Calixte de balancer ce genre d'idée aussi sotte que grenues. Il déteignait un peu trop sur lui.

« Si on fait un roi du silence, c'est d'accord. »

Filipin avait du mal à se figurer le bouclé ne parlant pas. Après tout, il semblait toujours avoir un truc à dire quand il était avec lui. Mais il se rappela que lui aussi, il y a quelques mois de cela, il était comme un moulin à paroles avant de ne plus s'intéresser à la moindre conversation. Les gens changeaient. Que ce soit en fonction de leur entourage ou d'événements tragiques.

« Alors debout, t'attends quoi ? »

Calixte rougit.

« Tu peux... te tourner ? »

« Me dis pas que tu dors à poil. »

Calixte ne répondit rien. Il pensa ce silence équivoque avant de le voir, du coin de l'œil, repousser la couette pour se lever. Il portait un ensemble de pyjama à motifs. Le fond était d'un bleu turquoise assez horrible, et partout, en rose, étaient estampillés de petites licornes, galopant dans les nuages. Filipin dû lutter pour faire comme s'il n'avait rien vu et ne pas se laisser aller au rire qui le prenait aux entrailles. C'était pire encore que de dormir nu.

Calixte s'habilla rapidement, de son style toujours décalé. Filipin trouvait que ça lui donnait un charme fou, avec ses bouclettes noires un peu sauvages. Il en serait presque jaloux. Il avait un pantalon taille haute, des chaussettes roses, des sneakers multicolores dans les tons pastels, un col roulé noir, et par dessus une chemise à dragons. Le genre de celles que l'on trouve sur les marchés, imitation de motifs vaguement asiatiques. Il était beau. Très beau. Et il semblait ne pas en avoir conscience. Filipin ne comprenait même pas comment c'était possible. Il avait pourtant un miroir dans sa chambre.

« Prêt ? Tu prends pas un sac ? »

« Un sac ? Pour quoi faire ? »

« Je sais pas, mettre tes papiers, ton téléphone, un peu d'argent. Les basiques quoi. »

« Ah oui. »

Évidement qu'il fallait qu'il prenne passeport et argent. Il avait si peu l'habitude se sortir qu'il allait partit comme un vagabond. D'ailleurs, il n'était pas sûr de trouver un sac. Il n'en avait pas la moindre utilité depuis qu'il n'allait plus en cours et avait donné son vieux sac à dos à une association.
Dans le fond de son placard, il découvre une vielle banane en plastique -il ne savait même pas qu'il possédait ça- et il glissa ses effets personnels à l'intérieur.

« C'est bon. On peut y aller. Par contre, on va passer par le balcon comme tu es venu. Je veux pas réveiller mes parents. »

« Tu sais que tu as crié en te réveillant parce que tu pensais que j'étais le montre du placard. C'est sûrement trop tard pour ne pas les réveiller. »

Il le foudroya du regard.

« J'pourrais aussi changer d'avis et retourner dormir. On passe par chez toi. Non négociable. »

Sa propension à toujours vouloir avoir le dernier mot n'avait visiblement pas manqué à Filipin. Quoique.

Il finit par céder, et ils sortirent sur le balcon. Calixte referma la porte fenêtre, la faisant simplement coulisser pour que de l'extérieur, elle donne l'impression d'être verrouillée. Après un peu de gymnastique, il arrivèrent sur l'autre balcon, puis de le salon de Filipin. Calixte repéra tout de suite Moustic, il s'en approcha, et le prit dans ses bras. Il lui fit quelques bisous, deux trois grattouiles, et quand Filipin supposa qu'il allait le reposer, il le vit le glisser dans la poche de son sac banane, contre son torse, seule sa tête dépassant. Et il ronronnait toujours.

« Tu fais quoi ? »

« Je prends Moustic. »

« Quoi ? N'importe quoi, repose-le ! »

« Si je viens, il vient aussi. On va pas le laisser là. Il part avec nous ! »

En fait, le bouclé avait seulement besoin de quelque chose de familier, pour se calmer s'il faisait une crise, dehors.

Filipin commença à regretter d'être venu lui proposer de l'accompagner.

« Calixte, on va faire des heures de route, de la voiture, du train et on va aller dans un opéra national, on peut pas faire ça avec un chat ! T'as pensé à lui ? Être des heures sans bouger, ne pas pouvoir faire ses besoins, rien avoir à manger... C'est toi qui m'as dit qu'on est pas propriétaire des animaux, tout juste leurs gardiens. Alors tu ne peux pas décider de lui imposer un voyage sur un coup de tête. »

Calixte fit une petite moue, mais il savait que Filipin avait raison. Le châtain lu sur son visage que pour une fois il avait gagné. Calixte déposa Moustic sur le canapé, non sans une dernière caresse.

« Si tu veux j'te prête un doudou à la place. »

Calixte pouffa.

« T'es bête va. »

Il descendirent rapidement les escaliers de l'immeuble jusqu'à rejoindre la petite voiture stationnée en bas. Le frère de Flora avait finit de fumé et ils s'étaient déjà installés dans l'habitacle.

Filipin ouvrit la portière.

« Enfin. On a cru que tu redescendrais jamais. » S'indigna Flora. « Je sais pas si tu te rends compte comme on se pelait les miches dehors. Un peu plus et on entrait tous en hypothermie. »

Il leva les yeux au ciel devant son côté drama queen.

Il laissa à Calixte la place près de la portière, jugeant que ce serait plus confortable pour lui de ne pas être serré entre lui et une inconnue. Une fois tous tassés à l'arrière, le frère de Flora mit le contact et ils se mirent en route.

À quatre sur la banquette arrière, c'était serré. Mais le siège passager était réservé par le pot gigantesque d'un aloe verra, Miguel comme l'appelait le conducteur, alors ils n'avaient pas d'autre choix.

Durant l'attente, Kara s'était assoupie, contre la fenêtre gauche. À côté d'elle, Flora était captivée par l'épisode d'une série, et le conducteur était concentré sur la route, chantant de temps à autre quelques bribes des paroles de la chanson diffusée à la radio, souvent le tout accompagné de beaucoup trop de fausses notes. Finalement, Filipin n'eut pas à demander à jouer au roi du silence pour Calixte qui avait lui aussi l'air d'être à deux doigts de se rendormir.

La première demie heure de route se passa ainsi, puis Flora rangea son téléphone pour elle aussi s'accorder un petit somme.

« Tu devrais essayer de dormir Filipin, même si c'est compliqué. La journée sera longue demain. »

De toute façon, même s'il avait voulu lutter il en aurait été incapable. Les lumières périodiques des lampadaires et celle plus aléatoire des phares des voitures qu'ils croisaient fatiguèrent bien vite son esprit, et alors doucement, alors que Flora et Calixte avaient leur tête posée sur chacune de ses épaules, que Kara à son extrême gauche ronflait très légèrement -et même cela devenait mignon quand c'était elle- il se laissa happer dans les limbes du sommeil, un peu anxieux à l'idée de ce qui l'attendait, incertain de savoir si cette décision qu'il avait prise était la bonne.

Au dessus de la petite voiture, comme veillant sur leurs rêves, les étoiles s'estompèrent doucement pour laisser place à un ciel un peu plus clair, presque blanc, sans nuances, hormis à l'extrême horizon, ou l'on pouvait d'ores et déjà apercevoir les premiers rayons timides d'un soleil matinal.

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