✨Chapitre 6✨Partie 2✨

A peine eut il posé un pied au lycée que Kara lui sauta dessus. Elle portait une petite robe blanche avec un corset bleu pale par dessus et une veste en fourrure. Elle était ravisante. Filipin était de plus en plus conscient de son charme, à son grand damne. Il se rappelait très bien qu'elle l'avait rejeté.

« J'ai repensé à ce que tu m'as dit à la soirée... »

A moins que ? Se pourrait-il qu'elle ait reconsidéré la question et changé d'avis ?

Il secoua la tête. Non, ce n'était pas un avis. Il devait se le rentrer dans le crâne. Il ne l'intéressait, point à la ligne, fin de l'histoire.

« Et si tu veux, je peux t'aider à retrouver cette Assa Cuninnghan. »

Ah. Oui. Il lui avait parlé de cela aussi.

Mais il avait prit la décision d'oublier ces lettres et toute cette histoire. Qu'elle le remette sur le tapis -ça et le fait qu'il venait de ce faire le pire faux espoir- l'agaça.

« Non. J'étais bourré. Je veux rien savoir sur cette femme. »

« Je pense pourtant que ça pourrait t'aider. A faire ton deuil. »

« J'ai dis non. Oublie que je t'ai parlé de ça ok ? »

Elle n'ajouta rien, elle savait qu'il ne servirait à rien d'insister sur le moment, mais elle comptait bien mener son enquête, seule ou avec lui. Elle n'avait pas dit son dernier mot.

Et c'est ainsi que quelques jours plus tard, elle alla directement sonner à la porte de chez Filipin. C'est la mère de ce dernier qui lui ouvrit et la fit monter jusqu'à la chambre de son fils. À l'extérieur, l'orage sévissait et la jeune fille, qui avait fait le chemin à pieds était trempée. Elle retira son manteau.

« Donne-le moi ma belle, je vais le mettre près du radiateur, qu'il sèche un peu. » Lui dit gentiment la maman de Filipin.

Elle se tourna vers son fils :

« Va lui chercher de quoi se sécher un peu les cheveux. »

La blondinette tira machinalement sur le bout d'une de ses tresses les joues toujours rosies par le froid. Elle balançait distraitement ses jambes -chaussées de hautes bottes noires- d'avant en arrière, le talon de ces dernières raclant de temps à autre de sol en parquet flottant. Dans un geste un peu nerveux, elle lissa sa jupe courte à carreaux en tweed.

« Tiens. »

Sans un mot, elle attrapa la serviette-éponge que Filipin lui tendait et frotta doucement ses cheveux soyeux, les tresses défaites, pour les sécher. Ella qui habituellement était plutôt loquace semblait ce soir-là aussi muette qu'une tombe. Tant et si bien que cela obligea Filipin -le taiseux- à engager la conversation.

« Comment tu as su où j'habite ? »

« Flora. Elle m'a donné l'adresse. »

« Et pourquoi tu es là ? »

« Je... J'ai... J'ai un truc à te dire. Enfin à te montrer plutôt. »

« Hum ? »

Il leva un sourcil circonspect et l'encouragea à continuer. Elle se pencha pour attraper son petit sac rond qu'elle renversa sur le lit où elle était assise. Entre deux rouges à lèvres, un micro carnet en velours bleu, un stylo à paillettes et un couteau suisse, il y avait un article découpé d'un journal et soigneusement plié en quatre.

« Lis ça. »

D'une main incertaine, il attrapa le morceau de papier, et, après un dernier regard à Kara, il se lança dans la lecture. Le titre de l'article : ''Assa Cuninnghan, Prodige venue d'outre manche''.

Il releva immédiatement la tête.

« T'as trouvé ça où ? »

« Bibliothèque municipale. Ils recensent les journaux depuis quelque chose comme le 19 ème siècle dans les archives. Le tout listé sur un vieil ordinateur à tube cathodique. Franchement je m'attendais presque à trouver un Minitel. J'ai un ami qui travaille aux archives. Il m'a aidé à faire la recherche. Sans lui, j'y serais sûrement encore. Par contre, il sait pas que j'en ai... prit un bout avec moi. »

« Et tu pouvais pas, je sais pas, genre, le prendre en photo ? »

« Il avaient le tirage de ce journal en au moins dix exemplaires, je suis sûr que cet article ne manquera a personne. Et puis ça n'aurait quand même pas eut le même effet. Là c'est du réel, de l'authentique, du concret. Et j'ai pensé que ça t'aiderait à... à décider si tu avais... Enfin si tu veux faire plus de recherches sur elle. Peut-être la retrouver. »

« J'ai pas besoin de rencontrer une femme qui a fait ma mère cocue ! »

Il regarda encore une fois l'article. Il y avait une photo. Petite, en noir et blanc et d'assez mauvaise qualité à cause du support -le papier journal n'ayant jamais été ce qui se faisait de mieux pour le traitement des images-.

« Et puis regarde-la ! Elle aurait l'âge d'être ma sœur aînée, pas l'amante de mon père. »

« Tu ne devrais pas le prendre comme cela. L'amour c'est compliqué parfois. C'est pas toujours pour la vie. Il arrive que ça soit bien plus éphémère, malgré ces belles histoires dont on nous abreuve depuis l'enfance. Et détester ton père ne t'aidera à en faire le deuil. Par contre, rencontrer cette femme, écouter ce qu'elle a à te dire, entendre ce qu'elle a réellement vécu avec ton père, faire la paix avec tout cela pourrait t'aider à faire la paix avec toi-même. »

« Je ne suis pas un ado en crise ! J'ai pas besoin de faire la paix avec qui que ce soit, et peut-être que j'ai justement pas envie de faire mon deuil ! »

Pourquoi personne ne voulait comprendre qu'il avait justement besoin de détester son père, de lui en vouloir, pour rester encore un peu connecté à lui ? Il avait besoin de le détester pour ne pas avoir cette sensation de l'oublier. Parce quand quelqu'un meurt on lui pardonne tout, pour le laisser partir, mais Filipin n'avait pas envie de le laisser partir, alors il s'accrochait à tout ce qui lui restait, la haine, la rage, le dégoût, qu'importe tant que ça le faisait exister encore un peu.

Kara se releva et passa son sac sur son épaule.

« Bon, je vais y aller. C'est tout ce que je voulais te montrer, et comme tu n'as pas l'air d'apprécier le geste... J'étais venue t'aider, pas me faire crier dessus. BREF, passe une bonne soirée. »

Il aurait sûrement dû s'excuser. A minima lui proposer de rester un peu, au moins le temps que la pluie se stoppe, mais il était trop boulversé par ses émotions sans dessus dessous pour ne serait-ce que penser à cela. Quelques minutes plus tard, après que la jeune fille ait quitté l'immeuble, la mère de Filipin entra dans sa chambre.

« Mon chéri ? Ton amie n'est pas restée pour dîner ? »

« C'est pas mon amie. Enfin pas comme ça, pas ce genre d'amie. »

Non pas que ça t'aurait déplu, le tacla sa conscience. Évidemment.

« Vous vous êtes disputés ? Tu aurais pu la raccompagner, au moins lui prêter un parapluie. La pauvre était trempée en arrivant. J'espère au mois que... »

« Maman stop ! Non elle n'est pas restée manger et non je n'avais aucune envie de la raccompagner ! Maintenant tu peux me laisser ! »

Sa mère souffla, mais trop lasse et surtout trop fatiguée, elle ne le reprit pas pour son attitude irrespectueuse et ses mots cassants, quittant simplement la pièce en soupirant.

Filipin souffla à son tour tout en se levant pour aller refermer d'un geste presque violant la porte que sa mère avait laissé entrebâillé
L'article que lui avait apporté Kara faisait la lumière sur certains points. Mais il lui fallu plusieurs jours pour prendre le temps -comprenez ici trouver le courage- de le lire consciencieusement. Et après cela, il comprenait pourquoi il n'avait rien trouvé sur internet. Elle avait changé de nom quand elle avait commencé à se faire une réputation. Elle était musicienne, assez virtuose s'il en croyait le site qu'il parcourait. Elle se faisait appeler Assa De Bossieux. Du nom de jeune fille de sa mère.

En faisant défiler le site, il tomba sur un encadré qui attira son regard. Il le lut.

Assa De Bossieux, exceptionnellement en concert
avec l'orchestre philharmonique de Paris, ce dimanche.
Représentation unique.

Il ne savait que faire de cette information. Elle était en France, à Paris. Ou du moins elle y serait dimanche.

Il repoussa son ordinateur et se mit à faire les cents pas dans sa chambre, presque à s'en donner le tournis.

Il regarda un peu son palmarès. Elle avait commencé sa carrière en Angleterre, puis était venue en France se perfectionner, avait été engagée dans plusieurs grands orchestres avant de partir aux États Unis. C'était la première fois depuis plusieurs années qu'elle revenait pour faire une représentation en Europe, pour l'un des plus grands concerts de musique savante.

Il fallait au moins ça pour lui refaire traverser l'Atlantique.

Un peu plus bas, il y avait la fiche des tarifs. Les prix étaient exorbitants. Filipin ne pouvait pas s'imaginer que qui que ce soit puisse payer ce prix pour un concert.

Mais déjà, dans son esprit, un plan commençait à d'échafauder. C'était comme s'il trouvait enfin un but après tant de jours de désœuvrement. Et il adorait cette sensation.

Il ouvrit une nouvelle page internet et chercha le prix des trains pour Paris. Évidement, ils étaient presque tous complets pour le jour en question, et les quelques places restantes étaient elles aussi hors de prix. Il se rabattit sur les bus, mais c'était plus ou moins similaire, et les trajets n'étaient vraiment pas optimaux. Ils faisaient des tours, des détours et des contours et duraient une éternité.

Filipin referma son ordinateur. Rageur.

Évidement qu'il ne pouvait pas s'improviser un voyage à Paris comme ça. Et puis qu'est-ce qu'il dirait à sa mère ? Non. Ça n'avait aucun sens.
Puis une idée encore plus folle lui vint à l'esprit. Il pouvait tout simplement frauder le premier train, et il payerait le bus en suite, il aurait moitié moins de trajet donc ce devrait être moitié moins cher. Il prenait le bus tous les matins, le payait moins d'une fois sur dix, et avait toujours réussi à éviter les amandes, pourquoi un voyage en train serait-il différent ?

Il chercha donc les prix pour un trajet avec une ligne non directe. Le bus jusqu'à la capitale lui revenait à une vingtaine d'euros seulement, c'était parfait.

Sa mère l'appela pour manger. Il posa son ordinateur sur le coté, il réserverait plus tard. Après le repas.

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