✨Chapitre 3✨Partie 1✨

Le père de Calixte qui avait entendu la porte claquer vint doucement frapper contre la chambranle de la porte.

« Calixte, je peux entrer ? »

Le bouclé maugréa une réponse inintelligible, lui-même ne sachant pas réellement s'il voulait dire oui ou non. Son père pour sa part sembla l'interpréter comme une invitation. Il ouvrit la porte et soupira en voyant son fils sous la couette. Pas une seule de ses bouclettes ne dépassaient.
Il s'assit au bout du lit et posa une main rassurante au travers de la couverture sur les jambes de Calixte.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

« Rien. »

« Calixte, qu'est-ce qu'on a dit ? »

Ce fut au tour du bouclé de soupirer. Il savait ce que son père voulait dire. Ses parents avait accepté qu'il quitte l'école pour prendre des cours par correspondance, ils avaient accepté son traumatisme, accepté qu'il arrête les séances chez les thérapeutes, et tout cela avec une seule condition, qu'il leur parle. Qu'à chaque fois que quelque chose n'allait pas, que quelque chose le contrariait, il ne le garde pas pour lui. Et comble de l'ironie, il n'avait même pas à aller leur en parler de lui même, ses parents s'assuraient toujours de faire le premier pas, de se montrer disponible. Mais malgré tout cela, il lui était toujours aussi compliqué d'exprimer clairement ce qu'il ressentait, car il lui était déjà compliqué de le comprendre, alors mettre des mots dessus... Toutefois, il s'efforçait d'essayer.

« Je me suis... disputé avec Filipin. »

« Le voisin à qui tu laisses ton chat la nuit ? »

La première fois que Calixte était sortit le soir pour rejoindre son ami, ses deux parents avaient été foncièrement surpris, un peu anxieux, quoique heureux que leur fils se fasse enfin des amis. Il leur avait expliqué son aventure de nuit pour trouver le petit chat et ça les avait fait rire. Jour après jour, ils voyaient leur fils sortir pour retrouver le voisin -Filipin puisque c'était son nom- et s'ils en étaient contents, cela ne manquait pas de les étonner encore. Il est vrai qu'habituellement, il fallait traîner Calixte rien que pour sortir de sa chambre, alors aller dehors, sortir de l'appartement, c'était presque impensable.

« Oui. Je vois pas avec qui je pourrais me disputer d'autre, c'est pas comme si j'avais des amis. »

« Et à propos de quoi vous vous êtes disputés ? »

« J'ai fouillé dans ses affaires, j'aurais pas dû. Je sais même pas pourquoi j'ai fait ça. »

Même s'il lui parlait, Calixte restait caché sous sa couette, hors d'atteinte. Son père le connaissait trop bien pour savoir que s'il essayait d'aller trop vite, Calixte se braquerait et la discussion serait impossible.

« Il m'a hurlé dessus Papa. Exactement comme le faisaient les garçons du collège. Et je savais pas quoi faire, parce que c'était de ma faute... »

Calixte ressemblait à un petit garçon, bien plus jeune que ce qu'il était en réalité. Il semblait être repartit cinq ans en arrière. Ça lui faisait du mal de voir son fils comme cela. Il se sentait si impuissant.

« Papa, je crois qu'il me plaisait. Et j'ai tout foutu en l'air ! »

Larmes. Larmes douloureuses et incompréhensibles.

« Je sais mon fils. Je sais. »

Il passa une main réconfortante dans les boucles noires de son garçon.

« Pourquoi ça fait si mal ? » Croassa-t-il, la voix toujours pleines de sanglots.

« Les peines de coeur son toujours douloureuses, mais heureusement pas éternelles. » Il marque une petite pause, puis ajouta : « Tu veux venir prendre un chocolat chaud et regarder un film ? Je pourrais te faire des crêpes si tu veux. »

Dans un premier temps, Calixte refusa, mais sans conviction, alors son père insista un peu.

« Si, viens, ça te fera du bien. Je vais commencer à préparer. Tu n'as qu'a me rejoindre quand tu en auras envie. »

Il serra une dernière fois la jambe de Calixte au travers des couvertures et se leva. Il entendit à peine son fils murmurer un petit « D'accord, j'arrive. »

Quand il se releva de son lit, il passa un coup à la salle de bain, pour se passer de l'eau sur le visage et essuyer toute trace de larmes. Il avait honte de pleurer pour si peu. En croisant son reflet dans le miroir, il remarqua la cravate à sushi qui pendait toujours à son cou.

Et merde ! Maintenant il devait la lui rendre. Il ne s'en sentait pourtant pas la force.

Le lendemain Calixte ne sortit pas pour attendre Filipin et récupérer Moustic. Il regarda par la fenêtre à l'heure habituelle et il vit le châtain sortir, le petit chat entre les bras. Il était resté caché derrière les rideaux tout le temps que Filipin avait attendu en bas de l'immeuble. A un moment, il avait dardé son regard vers sa fenêtre, et pendant un temps, Calixte avait craint qu'il ne le voit, mais Filipin avait finit par soupirer, faire demi-tour pour rentrer dans le hall de son immeuble et ressortir quelque minutes plus tard les mains vides. Il jeta un dernier regard à la fenêtre de Calixte avant de reprendre sa route.

Calixte sentit son cœur se serrer. Il aurait voulu avoir le courage de sortir, d'affronter le regard de Filipin, mais c'était au dessus de ses forces. Et de cela, il s'en voulut toute la journée. La présence du petit chat blanc lui manquait. Il ne faisait pas illusion, en a peine une semaine, il avait fini par s'habituer à ses petits rendez-vous avec Filipin et à la présence famille du chat sur ses genoux alors qu'il travaillait ses cours.

De son côté, Filipin avait passé la journée à repenser à son altercation avec Calixte. Et surtout aux lettres qu'il n'avait pas eut le courage de lire. Des lettres de son père. Du moins il le pensait. Parce que que depuis qu'il les avait récupéré, pas une fois il n'avait eut la force nécessaire pour fouiller dans les affaires de son père. Cette malle était tout ce qu'il leur avait été remis à l'enterrement de ce dernier, ça et une valise de vêtements que sa mère n'avait pas gardée, elle l'avait donnée à une œuvre caritative. Filipin avait conservé la boite jaune. Mais sans Calixte, il ne l'aurait jamais ouverte, ne serait-ce que pour en examiner le contenu. S'il n'était pas si têtu, il pourrait même reconnaître que le bouclé lui avait rendu un service. Pas de la meilleur des façons, mais un service tout de même, ainsi il n'aurait plus à tergiverser au sujet de l'ouverture de cette boîte.

Il avait laissé Macéo en pleine discussion avec Aline, Hugues et Ayel et était partit arpenter les couloirs seul. Il repensa à ce que Calixte lui avait dit au sujet du club cinéma, et il laissa ses pas le porter jusqu'à la porte du local qu'occupait celui-ci. C'était stupide, mais Filipin avait l'impression que s'il s'y inscrivait, cela ferait plaisir à Calixte, que ça le rendrait fier. Le souvenir du regard blessé qu'il lui avait lancé la veille quand il lui avait hurlé de partir lui revint en mémoire et il se sentit un peu con. Il avait surréagi, comme souvent ces derniers temps. Comme si ça pouvait apporter quelconque réparation, il prit la décision de donner une chance à ce club. Pourtant, à peine sa main posées sur la clenche, ses interrogations revinrent.

Club cinéma. Que lui avait-il prit de se pré-inscrire là-bas ? Il n'avait aucune culture cinématographique. Il poussa néanmoins la porte en soupirant et c'est sans surprise qu'il trouva derrière celle-ci un petit groupe de geek le regard vissé sur un vieux film en noir et blanc projeté sur un mur par un petit projecteur bruyant qui avait l'air de surchauffer depuis un bon moment déjà. Aucune des personnes présentes ne se retourna à son entrée alors il s'annonça d'un raclement de gorge -avant de s'écouter et de se laisser aller à faire demi-jour pour rentrer chez lui- et il s'attendait presque à recevoir des « chutt » indignés.

C'était le genre de choses que faisaient les cinéphiles non ?

Mais contre toute attente une des filles se leva et ralluma la lumière. Quelques protestations s'élevèrent çà et là et Filipin reconnu la fille du tableau d'affichage.

« Bienvenue Monsieur ''je veux qu'on me laisse tranquille''. »

Il fronça les sourcils. Que faisait-elle là ?

« Euh... Clara, c'est ça ? Je croyais que tu faisais partie du club musique. »

Elle fit une petite moue.

« Non, j'ai dit que c'était un bon club, pas que j'y étais. En realité j'en faisais partie l'année dernière, mais j'aime bien changer, explorer de nouveaux horizons. Et c'est Kara, pas Clara. »

« Hum... »

« Nouvelle recrue ? »

Une autre fille les avait rejoint et levait un sourcil interrogateur en direction de Filipin.

« Ouais. On m'a dit qu'il y avait un papier à remplir. »

Alors qu'il expliquait avec un manque d'entrain flagrant ce qu'il était venu faire dans ce recoin sombre qui servait de salle de projection au club cinéma, il ne pu s'empêcher de détailler la jeune fille.

Un carré plutôt long, des cheveux épais et noirs, raides. Des sourcils droits tout aussi noirs et fournis, qui lui donneraient presque un air sévère si le reste de son visage n'était pas tout en arrondis : des lèvres charnues, pulpeuses, des joues rebondies, un nez large avec des narines un peu épaisses. Elle avait des dents peut-être un petit peu trop en avant pour correspondre totalement aux canons de beautés mais de reste superbement alignées. Elle n'était pas très grande, mais pas petite non plus, elle était dans la norme pour ainsi dire, avec de jolis yeux sombres en amande et un teint cuivré. Elle portait un pantalon taille haute et largement évasé qui affinait sa silhouette curviligne. Elle avait quelque chose de particulier, une sorte de prestance unique, de ses cuisses pleines à sa poitrine généreuse en passant par ses hanches charnues.

« Suis-moi. Je suis Flora. Je remplace le président du club pour le moment, il a attrapé une pneumonie en sauvant un chaton tombé dans le lac du parc... »

A croire de les chatons en détresse étaient monnaie courante par les temps qui couraient.

« ...Des inconnus l'ont filmé et depuis ça la vidéo ne fait que tourner en top tweet. Et cet idiot refuse de se servir de sa toute nouvelle popularité pour nous ramener un peu plus d'adhérents au club. Et après il viendra encore se plaindre à sa trésorière, donc moi, que le budget que nous alloue le lycée est trop bas. Et une fois de plus je devrais lui expliquer par A plus B que plus d'adhérents égal plus de poids au conseil du lycée donc plus de chance de voir notre budget revu à la hausse ou au moins qu'il arrête de baiser par un jeu de vases communicants pour offrir à l'équipe de foot un nouveau bus pour aller en compétition alors que ces nigauds ne gagnent jamais rien. Bien évidemment, quand je dis nigauds, je pèse mes mots, très fort. »

Elle avait l'air de ce genre de fille qui raconte sa vie -et celle des autres- sans qu'on le lui demande. Filipin détestait cela. Peut-être parce que lui aussi avait été comme cela à une époque pas si lointaine et que s'en rappeler lui était douloureux. Ce genre de douleur lancinante, pas trop violente mais bien présente qui l'empêchait de faire comme si de rien était. Une douleur déséquilibrante comme il aimait à l'appeler. Le genre qui semble jouer sur la pesanteur du monde tout autour pour toujours plus le peser lui.

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