✨Chapitre 2✨Partie 2✨

Une fois dehors, Filipin resserra sa veste et quitta la petite cour de son immeuble pour rejoindre le trottoir de l'immeuble d'à côté. Adossé au réverbère, il distingua le garçon de la nuit passée. Calixte.

« Ha te voilà ! Je me gèle les miches depuis dix minutes déjà ! Tu m'as dit de ne pas avoir de retard, mais tu te permets d'arriver comme une fleur à 7h10 au lieu de 7h00. Je saurai la prochaine fois, je prendrai en compte le quart d'heure de courtoisie. »

Il avait toujours les yeux un peu rouges, quoique légèrement moins que la veille, mais Filipin ne s'y attarda pas. Il souffla simplement, encore fébrile de ce qui s'était passé avec sa mère.

« Y'aura pas de prochaine fois. Je te redonne ton chat et ça s'arrête là. »

« Hé non ! Ça c'est pas possible, tu fais quoi de notre accord ? »

« Y'a pas d'accord. Y'en a jamais eut. »

« Euh si. En fait, si tu ne n'en rappelles pas, je peux te rafraîchir la mémoire, car je me souviens bien de ce que tu m'as dit hier soir. Juste après que tu sois tombé comme un con au milieu de la rue. »

« Va te faire foutre ! »

Pure rage.

Son cri se répercuta sur la façade des immeubles tout autour et l'écho lui rendit toute sa fureur et sa méchanceté en plein visage. Il en eut presque un haut-le-cœur. Il était vraiment devenu ce garçon-là ? Aigri, méchant, brutal.

« Ok, toi, il y a quelque chose qui te chagrine. »

« Non, tu crois ? »

« Tu devrais en parler tu sais. À quelqu'un, n'importe qui. Parce que transformer toute sa tristesse en colère et la murer au fond de soi, c'est genre vraiment pas bon. Ce serait un peu comme rejeter le C02 que produit ta voiture dans ton propre habitacle. Un circuit fermé qui te tue à petit feu. »

L'image était étrange, un peu perchée, personne n'aurait exprimé cela de cette façon, mais Filipin la comprenait, très bien même. Si Calixte savait à quel point il venait de viser juste.

« Ça ne te regarde pas. »

« Au contraire. Je te signale qu'on partage la garde d'un chat. Qui plus est un chaton. Et je voudrais pas que son développement soit boulversé parce que toi même tu es boulversé. »

C'était ridicule. Filipin se demandait même si le bouclé se moquait de lui. Pourtant, malgré ses yeux rougis et son air légèrement hagard, il semblait sérieux.

« Mec, lâche-moi avec ça, on partage rien du tout. »

« Comme tu veux. Mais toi, ça va pas, et je soutiens que tu devrais en parler, ou je sais pas, l'écrire dans un carnet, n'importe quoi, tant que ça te soulage l'esprit. Ça te ferait du bien. Et je sais de quoi je parle, j'ai passé près d'un dixième de ma vie dans des cabinets de psy, alors des méthodes j'en ai testé. »

Toi, ça va pas.

Ce n'était pas une question comme celles de Macéo la veille, ce n'était pas non-plus l'aveuglement volontaire de sa mère qui se figurait que tout allait bien, c'était une affirmation, sans détour. C'était ce dont Filipin avait besoin. Même s'il n'était pas encore prêt à l'accepter pleinement.

« J'y vais, sinon j'aurais pas mon bus. »

C'était une excuse pour la forme. Il tourna les talons, mais comme la veille, Calixte l'apostropha une dernière fois :

« Je t'attendrais ici ce soir. Pour te redonner le chat. Et il faudra aussi qu'on lui trouve un nom. Tu as la journée pour réfléchir. »

Filipin l'ignora superbement. Il continua son chemin jusqu'à tourner à l'angle de la rue.

Dans sa poche, son téléphone vibra. Il le sortit et le déverrouilla. C'était un message de Macéo.

On va en cours ensemble ce matin ?

Il hésita un instant à répondre par la négative, puis tapa en quelques gestes :

À Macéo :
Si tu veux. Je suis déjà à l'arrêt de bus.

De Macéo :
Ça roule. J'arrive dans 5 min

Le brun le rejoignit comme dit, cinq minutes plus tard, un peu essoufflé, il avait dû courir, et ils montèrent côtes à côtes dans le véhicule. Macéo lui parla de sa soirée, il l'avait passée au téléphone avec Ayel qui venait de remporter un nouveau prix de mathématiques, et avec cela la coquette somme de 300 euros. Jamais Filipin n'aurait cru de résoudre des équations plus vite qu'une vingtaine d'autres types puisse être si lucratif. Il serait presque tenté de de s'y mettre lui aussi.

« Ayel m'a promis de m'emmener manger un kebab, parce que je l'ai aidé à réviser. »

« T'es sérieux ? »

« Bah oui, pourquoi ? »

« Le gars gagne 300 euros et toi t'es heureux avec un simple kebab à trois balles ? »

« C'est le geste qui me fait plaisir, pas l'argent. Et puis surtout, il est obligé de rien. Alors un Kebab c'est génial. »

« Hum... Si tu le dis. »

Macéo avait toujours été de nature généreuse. Presque trop pour son propre bien.

La matinée passa dans le même ennui débordant que la veille, à la différence près que Macéo se garda bien de faire la moindre remarque sur le comportement détaché de Filipin. Au final, personne n'y fit plus réellement attention, comme s'ils avaient intégré ce comportement à la personnalité nouvelle du garçon. Et Filipin ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou s'en désoler. D'un côté, il était tranquille, sans questions intempestives, mais de l'autre, ça lui faisait un peu mal que ses prétendus amis ne cherchent pas à creuser plus loin, à voir ce qui engendrait ce changement. Et il se détestait d'être si contradictoire, comment pouvait-il attendre plus d'attention des autres quand il passait littéralement tout son temps à les rejeter ? Au final, il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait, et c'était là le véritable problème.

Il refermait son casier quand une petite tête aux cheveux blonds bouclés apparut à côté de lui. Il sursauta.

« Salut ! »

Il fronça, reconnaissant la jeune fille de la veille.

Il espérait qu'elle n'était pas là pour lui parler des inscriptions pour les clubs. Il avait réfléchi pendant la nuit et finalement, il n'allait pas s'inscrire. Les clubs, ce n'était pas pour lui, ça ne l'avait jamais été.

« Qu'est-ce que tu veux ? »

« Rien, juste discuter. »

« Discuter ? Et de quoi exactement ? »

Une fois de plus, il se retrouvait sur la défensive sans même l'avoir voulu.

« Oh s'il te paît, ne soit pas si mesquin, je suis sûre que t'aimes discuter. Tout le monde aime discuter. Il doit bien y avoir des sujets qui t'intéressent. Alors, vas-y, dis-moi tout. »

« J'ai rien à te dire. On ne se connait pas. »

« Evidemment qu'on ne se connait pas, tu fais tout pour éviter la moindre conversation. »

« Tu as pensé à l'hypothèse selon laquelle j'ai juste pas envie qu'on se connaisse ? »

« Oh allons, tu es obligé de jouer au connard sans valeurs ? »

Elle fit une petite moue, une lèvre en avant. Elle avait un visage fin, des lèvres charnues et pleines, ornées d'un gloss rose brillant, des joues pouponnes, avec quelques taches de rousseurs et de grands yeux bleus.

Si la dernière fois, il lui avait trouvé un petit il-ne-savait-quoi de mignon, après réflexion, elle était plutôt à classer dans la catégorie magnifique, le genre de beauté brute, sans artifices. Même s'il avait du mal à l'admettre parce qu'elle était aussi passablement insupportable.

« Enfin bref, je venais te voir pour te donner ça. »

Elle lui tendit une feuille de papier.

Il fronça les sourcils.

« C'est quoi ? »

« Les informations sur le club cinéma. Tu comptes t'y inscrire, non ? Tu as signé la dernière fois mais t'as pas prit la fiche qui était a côté. Ça dit que tu dois aller directement voir les membres constitutif du club pour que l'inscription soit valable. Les périodes sont courtes, alors fait attention. »

Il la lui prit des mains et murmura un petit mot de remerciement, avant de tourner les talons.

Cette fille insistait beaucoup trop pour le faire parler, et il avait bien trop peur qu'elle réussisse. Il jeta un regard en arrière, pour vois qu'elle n'avait pas bougé, toujours à côté de son casier, dans une petite robe rose poudré et des collants résille de la même couleur. Tout ce qui n'était pas rose chez elle était ses yeux, et le collier ras-du-cou qu'elle portait, tous deux d'un même bleu profond.

Filipin alla rejoindre ses amis.

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