✨Chapitre 1✨Partie 4✨

Allongé sur son lit, il sentit toute la fatigue accumulée ces derniers mois s'emparer de son corps et venir réclamer son dû. Avant même d'avoir pu sortir ses affaires de son sac, encore moins pensé aux devoirs qu'il avait déjà à faire, il sombra dans un sommeil lourd et agité. Il ne se réveilla que quelques heures plus tard, quand sa mère rentra. Ils mangèrent peu après, en tête-à-tête, comme ils en avaient l'habitude, depuis toujours, et quand sa mère lui proposa de regarder un film, comme ils aimaient le faire chaque soir, il prétexta des devoirs urgents et alla s'enfermer dans sa chambre. Il entendit distinctement sa mère soupirer de lassitude, seule dans le salon, mais il décida de passer outre. Il s'allongea sur son lit et sortit son téléphone. Sans conviction, il fit défiler les réseaux sociaux. Rien de nouveau sous le soleil. Il mit en route une série qu'il ne regarda qu'a moitié. Quelque chose à propos des guerres médiques, sûrement interessant, mais pas assez captivant pour garder son attention. Il passa d'un programme à un autre, jusqu'à ce qu'il décide d'essayer de dormir un peu. Une heure passa, puis deux, et il regardait toujours son plafond blanc sans trouver le sommeil. Tout était paisible, silencieux, le seul mouvement qu'il y avait était la lumière qui éclairait par intermittence les murs de sa chambre, au rythme des quelques voitures qui passaient en contrebas, dans la rue.

Au bout d'une heure de plus, il abandonna toute tentative de s'endormir. Filipin sortit prendre l'air sur son balcon. Pieds-nus sur le béton froid, il fut traversé d'un frisson mais n'esquissa pas le moindre geste pour se couvrir. En T-shirt dehors en pleine nuit au milieu du mois de septembre. Il entendait déjà les réprimandes de sa mère si elle le voyait. Mais il savait que c'était hautement improbable, il avait fait bien attention de ne pas la réveiller en sortant de sa chambre, elle était exténuée de trop travailler -d'ailleurs même s'il savait que c'était égoïste de sa part, il lui en voulait un peu de toujours tant travailler-. Il avait encore ce poids dans la poitrine qui l'empêchait presque de respirer, comme une crise d'apnée du sommeil qui refusait de se dissiper, et l'air frais extérieur n'y faisait malheureusement rien.

Entre les bruits familiers de la pluie qui martelait le pavé et celui des automobilistes nocturnes, fatigués, qui klaxonnaient, exaspérés, quelques rues plus loin en centre ville, il discerna un son étrange. Un miaulement. Presque comme un cri qui semblait contenir toute la misère du monde.
Filipin décida dans un premier temps que le sort de cet animal ne le concernait en rien, mais lasse d'entendre ses jérémiades, il finit par enfiler une paire de basket, sans prendre le temps de mettre de chaussettes, et un manteau avant de sortir le plus discrètement possible de ce petit appartement où il avait déjà passé près du quart de sa vie. Sous la pluie battante, il suivit les cris de détresse du chat, se demandant bien pourquoi il se souciait de cette bête. Il fit le tour de l'immeuble pour se retrouver sous son balcon et il s'engagea dans la ruelle contiguë avec le bâtiment voisin, un immeuble en tout point semblable au sien. La petite rue n'était pas éclairée et encombrée d'une benne à ordures qui n'était visiblement pas assez souvent relevée. Des sacs éventrés jonchaient le sol, et avec le peu de luminosité qu'offrait le lampadaire du coin de la rue, ce qui devait arriver arriva, Filipin trébucha sur les restes d'une bouteille en verre et se rattrapa de justesse au bord de la benne qui collait d'une substance dont il ne voulait pas même connaître la nature. Le bruit -ou plutôt le raffut- qu'il provoqua fit sortir une autre silhouette de l'ombre en un sursaut.

Là, Filipin se figura qu'il n'avait plus que deux choix, crier du plus fort qu'il pouvait en espérant réveiller tout le quartier et faire fuir cette silhouette bien trop imposante, ou bien prendre son courage à deux mains -regretter un bon coup d'avoir demandé à sa mère de le désinscrire de ce cours de judo quand il était petit- et foncer dans le tas, croisant les doigts pour en sortir sans trop d'égratignures. Figé le temps de sa réflexion -décidément son instinct de survie devait vraiment être cassé- il regarda avec horreur l'autre personne s'approcher de lui. Il n'entendait plus les miaulement et le temps d'un instant il se demanda si c'était une nouvelle technique de tueur en série, de se faire passer pour un félin en détresse pour attirer leur victimes dans des ruelles sombres afin de les dépecer. Son corps réagissant enfin aux signaux paniqués lancées par son cerveau, il se mit à reculer frénétiquement, sans quitter la silhouette sombre des yeux. Au sortir de la ruelle, il trébucha encore, loupant la marche du trottoir, et ce coup-ci, il finit sur son séant, en pleine lumière, au milieu de la chaussée déserte. Il voyait déjà sa fin arriver, et tout ce à quoi il pu penser était que son agresseur avait un don pour imiter le miaulement des chats, il était tombé dans le panneau sans même avoir le moindre doute.

L'individu à sa poursuite entra également dans la lumière du réverbère et Filipin se rendit compte de sa sottise. Il s'agissait simplement d'un garçon d'à peu prêt son âge, grand mais à vrai dire plutôt menu, dégingandé, ce qui rendait sa silhouette si imposante était la douillette qu'il avait passé autour de ses épaules. Dans les bras il tenait une petite boule de poils qui avait dû à un moment avoir été blanche. Un chat. Un vrai chat.

Ouais, Filipin se disait aussi qu'un tueur en série qui miaule entre deux immeubles à minuit pour égorger ses victimes près de la benne à ordure, ça ne tenait pas trop debout, un peu comme le scénario d'une fiction écrite par une gamine sans expérience sur les réseaux sociaux.

« Toi aussi tu viens pour le chat ? J'lai entendu miauler depuis ma chambre, j'avais la fenêtre ouverte. »

Filipin tombait des nues. Après la frayeur qu'il lui avait faite, c'était tout ce que ce garçon avait à lui dire ? Même pas un petit mot d'excuse ?

« Tu es tombé, tu t'es pas fait mal ? »

Sérieusement ? IL était tombé ? Comme si c'était de sa faute, ce garçon aux cheveux noirs bouclés était le seul fautif ! Ignorant les protestations de son postérieur endoloris, Filipin se releva avec son regard le plus mauvais.

« Non ça va. » Cracha-t-il presque.

« Ça n'a pas l'air. Enfin physiquement, j'en sais rien, mais si tu veux mon diagnostic, c'est ton égo qui vient de prendre un coup. Parce que tu es vraiment tombé comme une merde... »

Et il se permettait d'en rire ?

Filipin tourna les talons, prêt à rentrer chez lui, les nerfs en pelote, mais l'autre garçon le retint par le bras.

« Attends ! »

« Quoi encore ? »

« Prends le chat avec toi. Ma mère est allergique alors je peux pas le ramener. »

« Attends, t'es sérieux ? »

« Oui. Tu venais pour ça à la base, non ? »

Il lui refourgua la petite bête dans les bras avec un grand sourire nigaud.

À ce point, Filipin se demanda s'il était complètement idiot ou s'il le faisait exprès.

« Et comment je m'en occupe ? J'ai jamais été capable d'élever un poisson rouge, alors un chat... Et puis j'en veux pas. Tu l'as trouvé en premier, il est à toi. »

« C'est un être vivant, il s'appartient à lui même dans toute son intégrité. C'est super prétentieux de se dire propriétaire d'un être vivant. »

Génial, voilà qu'il se faisait donner une leçon de morale sur la condition animale par un illustre inconnu en pleine nuit, dans la rue, sous la pluie, entouré par l'odeur nauséabonde des ordures, il n'aurait pas pu rêver meilleure nuit. A part peut-être une nuit ou il aurait été capable de dormir huit heures comme un individu normal, mais c'était juste une idée comme ça après tout...

« Super, ça tombe bien parce que j'ai aucunement la prétention de vouloir être son propriétaire, donc garde le chat, moi je rentre me coucher. » Il lui tendit la petite bête poilue qui miaula d'inconfort de perdre la source de chaleur de ses bras. « En plus demain je vais en cour et ma mère travaille et c'est hors de question que je le laisse seul pour qu'il saccage mon appartement. »

« Je te propose un deal, tu le prends la nuit et les week-ends et moi je m'en occupe la semaine. Mes parents travaillent aussi alors il y aura pas de problèmes pour les allergies de ma mère. »

Il lui sourit encore une fois, un peu bêtement, tout en se dandinant d'un pied sur l'autre, il avait les yeux un peu rougis et vitreux, comme s'il avait pleuré, Filipin n'était peut-être pas le seul à passer une mauvaise nuit.

Parce qu'il commençait à être trempé et qu'il voyait bien que ce garçon ferait tout, quoi qu'il arrive, pour avoir le dernier mot, Filipin finit par concéder.

« Je te l'amènes demain devant l'immeuble à 7h tapantes, tu as intérêt à être là ! »

Et il tourna les talons vers le hall de son immeuble, avant de passer la porte, il entendit :

« Au fait, je m'appelle Calixte. »

Il fut tenté de rentrer sans rien lui répondre, mais après un regard en arrière, il fut un peu prit de pitié, l'image de Calixte sous la pluie, seul, ses cheveux noirs bouclés dégoulinants, les boucles allongées sous le poids de l'eau dont elles s'étaient imbibés, lui rappela un peu celle du chaton tremblant qu'il avait entre les bras.

Il lança par dessus son épaule :

« Moi c'est Filipin. » Et il ajouta juste pour la forme : « Soit à l'heure demain. »

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