✨Chapitre 1 ✨Partie 3 ✨

Après le repas, on leur distribua les fiches de présentation pour les différents clubs, avec la date limite de la semaine suivante pour les intéressés souhaitant s'inscrire.

Filipin n'avait jamais été dans un club, ça ne l'intéressait pas vraiment. Mais cette année, avec le bac à la fin de l'année et sa moyenne qui battait un peu de l'aile en biologie depuis l'année passée, il se demandait s'il ne devrait pas faire un effort et s'inscrire à l'un d'eux, histoire de récupérer quelques points supplémentaires. Il avait toujours visé une mention pour son bac, mais récemment, ça ne lui semblait plus si important.

Il irait faire un tour au tableau d'affichage pour voir si certains clubs qui n'affichaient pas encore complet -beaucoup de terminales reprenaient leur club de l'année précédente et étaient allées s'inscrire dès le matin- pouvaient lui plaire au moins un minimum. Il savait que ça ferait plaisir à sa mère qu'il y aille, et ça lui permettrait de passer un peu moins de temps chez lui à la voir faire comme si tout allait bien.

À la pause de quatre heure, Filipin alla se planter devant le tableau en liège sur lequel étaient punaisés une dizaine d'affiches qui présentait les différents clubs du lycée. Il se rendait compte qu'il allait devoir un choisir un pour la première fois, mais il n'avait aucune foutue idée de vers lequel se tourner. Ça faisait déjà deux ans qu'il était dans ce lycée, et il découvrait seulement les différents clubs, certains évidents comme le club sportif -ne pas y voir là une équipe du tonnerre comme dans les lycées américains, plutôt une petite équipe de nazes qui se pensaient capable de décrocher la lune alors qu'ils étaient pas fichus de remporter le moindre match, même amical- et d'autres bien plus insolites, comme le club de Puzzles -y avait-il vraiment un idiot qui s'était dit que ce serait une bonne idée de créer un club puzzle ? Le pire était  sûrement qu'il y avait déjà pas mal d'inscrits, prêts à perdre leur temps durant une après midi par semaine à faire des puzzles-. Le monde était étrange.

« Tu as besoin d'aide pour faire ton choix ? »

Dans un sursaut, il se retourna pour tomber nez à nez avec une jeune fille menue affublée d'une jolie paire lunettes rondes, à la monture élégante et d'un sourire qui lui mangeait la moitié du visage. Elle était plutôt petite et son visage rond aux joues constellés de multiples taches de rousseur lui donnait un air encore plus enfantin.

« Je te conseille le club musique, l'ambiance est géniale. Et puis il y en a pour vraiment tous les goûts, de la soupe actuelle jusqu'aux classiques de l'opéra italien en passant par les symphonies flamandes, sans oublier le vieux rock des années 60, les mythiques. Au fait, je m'appelle Kara. Et toi ? »

Elle n'avait vraiment pas un air à écouter du rock avec sa petite jupe plissée et son col Claudine blanc qui ressortait d'un petit pull rose. Filipin la voyait plus jouer sagement du piano, des airs de Bach ou de Mozart. C'était en réalité les deux seuls compositeurs classique qu'il connaissait.
Sauf que Bach était un compositeur de la période baroque, non pas classique, qui n'a par ailleurs jamais composé pour le piano, mais pour le clavecin, ce qui est tout à fait différent du point de vue de l'arrangement. On dit d'ailleurs que la période baroque prend fin à la mort de ce maître qu'était Jean-Sébastien Bach. C'est sans conteste ce que lui aurait expliqué la jeune fille face à lui si elle avait eut conscience de la teneur de ses pensés.

« T'as pas l'air emballé, je me trompe ? »

Filipin lui jeta un regard distrait. A quel moment lui avait-il demandé son aide ? Il ne supportait pas les gens qui ne se mêlaient pas de leurs propres affaires.

« J'crois pas que ça te regarde. »

« Ok... super aimable, j'essayais juste d'aider. »

Elle était vexée et cela se voyait. Son visage était comme un livre ouvert où la moindre de ses émotions pouvait se lire sans effort. Étonnement, il trouva ça plutôt mignon. Mais il ne s'y attarda pas plus que cela, il saisit le stylo qui pendait à l'abord droit du panneau et inscrivit son nom sur la première fiche en face de lui.

« Club cinéma. » lu la jeune fille qui n'avait toujours pas déserté ses côtés. « Tu aimes le septième art ? »

Il retirait ce qu'il avait bien pu penser, elle n'avait rien de mignonne, c'était une vraie plaie.

« J'aime surtout qu'on me laisse tranquille. »

Il relâcha le stylo qui claqua contre la baguette de bois qui encadrait le tableau de liège et tourna les talons.

La pause était presque finie et Filipin n'avait aucune envie de continuer à parler avec cette enquiquineuse, alors il décida de directement aller en classe, pour lui passer l'envie de le suivre. Manque de chance pour lui, elle était dans sa classe. Il ne l'avait pas remarqué de la matinée. Il faut dire qu'il n'avait pas réellement fait attention à ce qui l'entourait depuis ce matin.

Il la vit regarder dans sa direction et, pour être sûr qu'elle n'ait pas pour idée de venir lui parler à nouveau, il lui envoya son plus beau regard noir. Comme si elle se moquait de son attitude, elle leva les yeux au ciel et se détourna. Il restait quelques minutes avant la reprise des cours, et Filipin les passa le regard dans le vague, sans réellement écouter les discussions qui avaient lieu autour de lui. Il sentit, sans le voir, parce qu'il regardait toujours un point inexistant devant lui, Macéo s'asseoir à ses côtés. Filipin lui jeta un coup d'œil, il était tendu, sans doute leur accrochage de ce midi n'avait toujours pas quitté son esprit. Filipin ne fit rien pour le détendre. Pourtant il ne lui en voulait pas, il savait que Macéo n'avait pas voulu l'énerver, mais, il état incapable de le lui dire. Égoïstement, ça lui faisait plaisir que son ami s'en veuille, le voir marcher sur des œufs lui procurait un petit sentiment de satisfaction légèrement sadique. Filipin y découvrait un pan de sa personnalité qu'il ne soupçonnait pas, un pan qui lui faisait un peu peur, il n'était pas certain d'avoir envie d'en découvrir d'avantage. Il ne voulait pas savoir pourquoi il était si jubilatoire, sur le moment quand les matin il se disputait avec sa mère, pourquoi il appréciait tant voir Macéo dans cette situation d'inconfort. Pourtant il savait que quand il y repenserait plus tard, il s'en voudrait. Et il ne comprenait pas comment une action qui lui procurait satisfaction sur le moment pouvait lui provoquer tant de regrets par la suite. Était-il illogique à ce point ? C'était la première fois de sa vie qu'il ressentait ce genre de rupture en lui-même. Entre ce qu'il faisait, ce qu'il pensait et ce qu'il ressentait.

Sa respiration s'accéléra légèrement alors qu'il ressassait tout cela, jusqu'à en devenir saccadée. Il eut peur sur l'instant de devoir faire face à une nouvelle crise d'angoisse -il n'en avait jamais fait avant ces derniers mois et elles devenaient de plus en plus fréquentes- mais son attention fut portée ailleurs, sur leur professeure qui entrait, les pensées en boucle dans sa tête s'évanouirent doucement, et il évita la crise, de justesse. Il profita du petit temps d'installation pour retrouver un rythme cardiaque proche de la normale.

Le reste des cours passa sans anicroche, il essaya de se concentrer un maximum, de temps à autre, il sentait Macéo lui jeter quelques petits regards, qu'il évitait consciencieusement de croiser.  Le soir venu, alors que la nuit commençait déjà à tomber, Filipin monta dans le bus pour rentrer chez lui. Peu après, Macéo monta à son tour, il le regarda, et hésita un moment. Filipin décida de faire un pas vers lui, le laisser culpabiliser dans son coin était bête et méchant. Le plus petit sembla infiniment soulagé de voir Filipin lui offrir un presque sourire, et il alla s'asseoir à sa droite, en vitesse, comme si l'offre avait une date d'expiration.

« Désolé. » Dit-il avant d'être correctement assis. « Je voulais pas être lourd. En fait j'avais plutôt envie du contraire, tu as eut l'air si tendu toute la journée. »

« J'étais juste pas dans mon assiette. Oublie. C'était pas de ta faute. »

Il lui sourit, et comme si tout avait été balayé en seulement quelques mots, il commença à lui parler de tout un tas de choses, des ragots lycéens : la prof de français qui s'était fait larguée pendant les vacances, le nouveau directeur du lycée qui venait d'être engagé -il parait que l'ancien est partit en dépression-, le nouveau style de Caroline, une fille qui était dans leur classe l'année dernière et qui était passée d'un style très simple, jean et tee-shirt, à un style gothique extrême, avec les colliers à clous et des collants déchirés.

Filipin l'écoutait d'une oreille distraite, lui qui habituellement aimait beaucoup les racontars n'arrivait pas à s'y intéresser. Avait-c'est toujours été si futile ? Leurs conversations n'avaient-elles jamais eut plus de profondeur que cela ? Tout lui semblait manquer d'intérêt.

Une fois dans la cour de leur immeuble, Macéo lui proposa de monter traîner chez lui un peu, mais Filipin refusa. Tout ce qu'il avait envie de faire était de rejoindre sa chambre, son lit, et de se rouler en boule sous ses couvertures. Sa mère avait insisté pour qu'il ne loupe pas la rentrée, persuadée que retrouver son quotidien et ses amis l'aiderait à aller mieux, à s'occuper l'esprit. Mais c'était tout ce qu'il ne voulait pas. Il ne cherchait pas à aller mieux, ça c'était son but à elle, passer à autre chose et tout oublier, il avait besoin de cette douleur pour compenser sa perte. Pourquoi ne pouvait-elle pas comprendre cela ?

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