✨Chapitre 1 ✨Partie 2✨

Comme à toutes les rentrées, le hall du lycée était bondé et bruyant. Embrassades, retrouvailles, et même çà et là, une dispute. Comment certains pouvaient-ils déjà se disputer alors qu'ils ne s'étaient retrouvés que depuis à peine quelques minutes ? Filipin n'y comprenait goutte. Du coin de l'œil, il repéra son groupe d'amis, enfin les personnes avec qui il traînait l'année passée. Il n'avait aucune envie d'aller les saluer et de devoir tenir une conversation inutile et de convenance, mais il n'eut guère le choix quand il les vit prendre l'initiative de venir vers lui.

« Alors Fil, quoi de neuf ? T'as passé de bonnes vacances ? Je suis sûr t'es partit à l'autre bout du monde sur une plage de sable blanc, je t'ai pas vu des vacances et t'as répondu à aucun de mes messages. Pas même celui de ce matin, pour qu'on prenne le bus ensemble. » S'enquit, enthousiaste, le plus petit de la bande, Macéo.

Mon père est mort...

Voilà ce qu'il aurait voulu répondre, net et sans détours. À la place il dit seulement :

« Ça va. »

« Ça va ? Juste cela ? Rien de plus extraordinaire ? » Insista Macéo.

Il haussa simplement les épaules.

« Bah alors, t'as mangé ta langue ? On t'a connu plus loquace. » Sourit un autre des garçons.

Plutôt grand, aux cheveux blonds, il s'appelait Ayel. Il était le genre de garçon à passer son temps libre dans des manuels de mathématiques et à passer des concours dans la matière. Évidement, ça en faisait le chouchou incontesté de ses professeurs années après années. Encore une chose que Filipin ne comprenait pas, comment un petit génie des math pouvait être l'élève favoris de tous les professeurs, même dans les autres matières, tout cela parce qu'il faisait des concours, ça n'avait aucun sens.

La discussion continuait sans que Filipin n'y prenne part, tout le monde semblait heureux de se revoir, ils avaient même eut droit à une effusion amoureuse entre Aline et Hugues. Visiblement, ces deux derniers s'étaient vus pendant les vacances et étaient passés aux choses sérieuses. Ils avaient l'air de vouloir que tout le monde soit au courant avant le début de la première heure de cours.

Les classes n'avaient pas bien changées depuis l'année dernière. Filipin se retrouvait à nouveau avec Ayel, Macéo, et Hugues. Seule Aline avait été mutée. Dommage pour le tout nouveau couple. Comme si les professeurs avaient anticipé et ne voulaient pas que leur amour tout frais viennent perturber les cours. Pour Filipin, ça ne faisait pas bien grande différence. Aline, il la connaissait très mal. Ils trainaient juste tous deux avec le même groupe de personnes. D'ailleurs, à bien y penser, les gens que Filipin connaissait réellement bien étaient rares, voire inexistants. Disons qu'a part Macéo qui habitait le même immeuble que lui, et cela depuis leur enfance, il n'était vraiment proche de personne. Les parents de Macéo avaient emménagé en ville après la mutation de son père, quand Filipin était encore à l'école primaire. En CM2 pour être exact. Mais lui et Macéo n'ont été dans le même établissement scolaire qu'a partir du collège. Avant cela, ils se croisaient juste les soirs et le week-end dans la cour de l'immeuble. Filipin essayait inlassablement de tenir droit sur son skate, enthousiaste à l'idée de montrer ses progrès à son père quand il reviendrait de mission, quant à Macéo, il faisait sagement ses devoirs sur les marches qui menaient au hall, ne relevant la tête que quand le fracas indiquait que Filipin venait de chuter. Il observait discrètement, s'assurait que l'autre garçon se relevait -plus d'une fois il l'avait cru mort- et il retrouvait à ses cahiers. Macéo était dyslexique -et aussi tout un tas d'autres troubles en ''dys''- en conséquence, il avait besoin de passer un peu plus de temps que les autres sur ses leçons, mais comme il venait d'arriver en ville et n'avait pas beaucoup d'amis, ça ne le dérangeait pas. Quand le soleil commençait à décliner, sa mère le rappelait depuis la fenêtre de l'étage. Alors il remballait ses affaires, se levait, jetait un dernier coup d'œil à Filipin, hésitait quelques que secondes, puis finalement rentrait sans jamais rien lui dire. Il était bien trop timide. Et chaque jour il se disait qu'il pourrait lui adresser la parole la prochaine fois. En rentrant chez lui, sa mère lui demandait toujours ce qu'il avait fait avec son ami -elle croyait dur comme fer qu'ils étaient les meilleurs amis du monde, et Macéo n'avait pas à cœur de l'en détromper-. C'est finalement Filipin qui a été le premier parler à Macéo. Il lui a simplement proposé des bonbons, et au moment même où Macéo les as accepté, Filipin a commencé à lui raconter tout un tas d'histoires sans queue ni tête. Et aussi simplement que cela, avec la facilité et la candeur des relations enfantines, ils sont devenus amis. Pas les meilleurs du monde, non, ce serait trop, mais ils ont au moins été là l'un pour l'autre, un visage connu, une personne à qui parler, à leur entrée en sixième. Depuis, ils ont toujours été dans la même classe, plus où moins proche au cours des années.

Mais désormais, Filipin ne se sentait plus proche de personne. Plus le moins du monde. Il avait cette désagréable impression d'être tout à fait déconnecté. Du monde entier. Comme s'il voyait le monde entier de l'autre côté d'une vitre, comme s'il se trouvait dans un bocal hermétique, jeté dans la mer houleuse du monde tout autour. Les vagues se fracassaient sur la paroi mais sans jamais l'atteindre. Il savait qu'il devait tout faire pour ouvrir ce bocal, essayer de s'en sortit. Parce qu'inexorablement, quand on laisse un bocal hermétique fermé trop longtemps, avec un être vivant à l'intérieur, ce dernier finit par consommer tout l'oxygène, faisait de son espace de vie un milieu hostile. Et en très peu de temps, Filipin en était arrivé à ce stade. À chaque inspiration, il s'asphyxiait un peu plus, comme un suicide inconscient et fortuit.

« Filipin ! »

Sorti de force de sa rêverie, le garçon se tourna vers Ayel à côté de lui.

« Mec, t'es sûr que ça va ? Ça fait trois fois que je t'appelle et je te jure tu as des cernes jusqu'au menton. »

Tout leur petit groupe était tourné vers lui.

« T'es devenu un vampire pendant les vacances ou quoi ? »

« Ou alors t'es encore jet-laggé de tes vacances au soleil ? » Plaisanta Macéo.

Il ignora sciemment la question de Macéo et répondit à Ayel.

« Pas loin. »

« Pas loin ? C'est supposé vouloir dire quoi ? » Rit Aline en relevant les yeux de son téléphone. « Genre t'es devenu un demi-vampire ? »
Dans son bocal hermétique, Filipin avait l'impression d'étouffer. C'était trop dur, bien trop dur. Il n'arrivait pas à continuer comme si de rien n'était. Il n'avait pas envie de faire comme de rien. De continuer ces discussions légères qu'ils avaient toujours eut, elles lui semblaient insupportables.

Sans rien dire, il se leva, précipitamment du banc sur lequel il était assis. Et sans réfléchir non plus, il courut s'enfermer aux toilettes. Il cracha de la bile. Il n'avait rien mangé d'autre qu'une biscotte depuis la veille midi. Il se laissa glisser sur le sol de carrelage froid. Ce dernier n'était pas très propre, mais sur le moment, il avait d'autres choses en tête.

Au bout de quelques minutes, dix, peut-être quinze, il se releva et tira la chasse. Les cours devaient déjà avoir commencé. Il sortit de la cabine de toilette et inspira un grand coup, tout en croisant son regard dans le miroir. Il était vrai que son teint était pale et ses cernes marquées. Il faisait légèrement peur à voir, comme si un train venait de lui passer dessus. Sur le moment il enviait les femmes, qui pouvaient camoufler tout cela sous une couche de maquillage. Non pas que ce soit foncièrement interdit aux hommes, mais juste assez mal accepté, pour le moment.

Un jeune homme entra dans les WC, dévisagea un instant Filipin puis se dirigea vers les urinoirs. Après s'être rafraîchi un petit coup, Filipin quitta la pièce et reprit le chemin de sa salle de classe. Il jeta un œil à l'emploi du temps qu'il leur avait été distribué à l'entrée de l'établissement afin de s'assurer du numéro de ladite salle. Il frappa à la porte et entra quand son professeur -d'anglais- l'y autorisa. Il s'excusa de son retard et alla s'asseoir, aux côtés de Macéo qui lui faisait de discrets signes pour lui indiquer qu'il lui avait gardé une place.

Le reste de la matinée passa platement, comme une matinée de rentrée normale. Ce qu'elle était, tout bien considéré. À la pause de midi, Filipin suivit son petit groupe d'amis jusqu'à la cantine, laissant en chemin Hugues et Aline, qui fêtaient leur retrouvailles comme si trois heures de cours avait en fait duré trois ans. Intérieurement, Filipin espéra que ça ne s'éternise pas. Pas forcément qu'ils se séparent, ce n'était pas très aimable de souhaiter la rupture à un tout jeune couple, mais au moins qu'ils se calment sur les marques ostentatoires d'affection.

Une fois de plus, il se retrouva assis à côté de Macéo -comme d'habitude, comme toujours, aucun changement- et au bout d'un moment ce dernier se tourna vers lui :

« Mec, t'es vraiment sûr que ça va ? T'as à peine décroché deux mots de la matinée alors que normalement t'es un moulin à paroles. Sans vouloir t'offenser bien sûr. »

« Mhm. »

Il n'avait jamais trouvé les réponses monosyllabiques si utiles. Pourtant, Macéo ne se démonta pas.

« Allez quoi, t'as une peine de cœur ? »

Peut-on parler de peine de cœur quand on perd un parent ?

« Oh non, laisse-moi deviner, t'as rencontré une belle brune à la peau caramel en vacances et depuis que tu es rentré elle ne t'a pas donné la moindre nouvelle ? »

« Macéo, je suis pas partit en vacances sur je-ne-sais-quelle île tropicale. J'étais juste chez moi. Arrêtes avec ça. »

« T'étais chez toi ? Et t'as pas répondu à mes appels ? » Souffla-t-il, vexé.

« Figures-toi que le monde entier ne fait pas sa révolution autour de toi. » Soupira Filipin, d'un ton peut-être un peu trop dur.

Il savait que Macéo avait été victime de discrimination petit, à cause de sa dyslexie principalement, et que de ce fait il avait du mal avec les reproches, il prenait tout pour lui, trop à cœur. Mais là, Filipin n'avait pas le courage de chercher comment lui dire les choses avec tact, il voulait juste qu'il le laisse tranquille. Et c'eut l'effet escompté puisque Macéo le bouda presque toute la journée. Au moins, comme cela, il avait la paix.

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