Ce qui le changea
Depuis combien de temps était-il ici, à genoux dans la neige glaciale et mordante, au beau milieu de cette longue nuit d'hiver ?
Peut-être bien que cela ne faisait qu'une poignée de minute... ou bien juste quelques heures...
La neige avait finit par faire un petit tas sur son crâne d'un noir de jais ainsi que sur ses épaules dont seule une était couverte par le haut de pyjama mauve qu'il portait, sale et déchiré. Et on ne pouvait pas dire qu'il restait grand chose du bas d'un bleu cyan. D'ordinaire il était si long qu'il marchait dessus, désormais c'était limite s'il cachait un quart de ses fémurs.
Ses pauvres petites côtes fragiles rouges et or étaient par endroits fissurées, voire même seulement maintenues entre morceaux par de fins fils d'un bleu électrique caractéristique. Ces fils qui faisaient si peur aux autres monstres et aux humains. Ces fils qui lui conféraient ce statut, ce titre, dont il n'avait auparavant jamais eut conscience de la dangerosité. Quoi de plus normal, quand on est seulement un enfant, vivant dans un coin reculé dans la forêt, avec un adorable couple qui l'avait couvert d'amour comme s'il était leur propre fils...
Peu à peu, des larmes vinrent perler au coin de ses orbites d'un rouge flamboyant, avant que ses paupières ne se ferment, masquant l'horrible réalité qui voulait s'étaler devant ses pupilles bi et tricolore. Il ne pouvait pas voir ça, ne voulait pas. Mais même plongé dans le noir... il ne pouvait ignorer ce qu'il se passait devant lui.
Son odorat lui renvoyait l'affreuse odeur de la cendre, de matériaux en feu... ainsi que le parfum de la chair brûlée, la fragrance de la poussière et l'effluve de la mort.
Son ouïe captait le crépitement des flammes, le souffle du vent dans les branches des sapins aux alentours, les bruits de pas désormais lointain de personnes s'en allant en courant...
Et pour finir, son toucher lui rappelait ses blessures, aux côtes, aux os iliaques, aux vertèbre et surtout le long de ses jambes. Mais aussi il sentait la terre et la cendre sur lui, la neige aussi, ainsi que la poussière et l'horrible texture du sang.
Lentement... un goût vint s'inviter sur ses cinq langues, âcre et amer. Quelque chose de tout bonnement dégueulasse, la saveur caractéristique de la haine mêlée à la fureur et à la soif de vengeance. C'est cette arôme là qui fit serrer ses phalanges dans la neige, qui fit grincer sourdement ses dents jaunes les une contre les autres... Qui le fit lentement se redresser sur ses jambes frêles et endommagées, et ouvrir les yeux.
Et le spectacle fut pire à voir qu'à imaginer. Il n'y avait plus que du noir et du rouge dans son champ de vision. Le noir de la fumée, de la cendre et du bois calciné. Le rouge du feu ardent, du sang, des braise et d'une écharpe qui cherchait à s'envoler, mais retenu sur terre par un corps inerte d'une femme méconnaissable.
La neige n'était plus d'un blanc pur et immaculé. Elle se retrouvait rougit, salit, cette couleur se répendant telle une vague qui chercherait à tout engloutir sur son passage.
Les flammes dévoraient cette maison où le jeune squelette y avait tout ses souvenirs, toute sa jeune vie, ainsi que son unique famille. Et ce fut cette vue qui décomposa le masque de haine, une expression d'horreur et de détresse se peignant à la place sur son visage.
Lentement, d'un pas chancelant, il s'avança vers cet enfer qui ne faisait que croître devant ses pupilles. Les crépitements étaient assourdissants, la chaleur étouffante, son instinct lui hurlait de faire demi tour, mais pourtant il fit la sourde oreille. Il ne s'arrêta qu'une fois au pied de ce corps rué de coup, s'accroupissant devant pour venir d'une phalange dégager les mèches roussies qui masquaient ce visage qu'il connaissait d'ordinaire rayonnant, magnifique. Mais il tomba sur une fasse défigurée, couverte de sang, massacré au point que la chair se décrochait et que le crâne pouvait presque être vu. La mâchoire était arrachée, il lui manquait des dents et sa langue pendait affreusement hors de cette bouche qui ne pouvait de toute façon plus être fermée, et les yeux semblaient avoir été crevés. Ce spectacle macabre ne fit pourtant pas broncher le petit être. Seules d'autres larmes coulèrent sur ses joues, les creusant, les marquant pour la énième fois de ce soir là, tandis qu'il venait déposer un baiser sur le front ensanglanté de celle qui fut la plus aimante des mères à ses yeux.
Du regard il chercha l'homme qui devait compléter leur famille, mais tout ce qu'il ne vit fut un tas de chair brûlée à la porte de ce brasier. Pas question d'approcher pour quelqu'un de sensé, c'était de risquer des brûlures horribles. Mais pour ce squelette aux os étranges... tout s'était brisé ce soir. Et c'est avec lenteur qu'il se redressa, puis qu'il se dirigea vers lui, se fichant du feu qui lui dévorait les os, lui attrapant la main pour le sortir de là. Il aurait très bien pu utiliser srs fils, mais il n'en fit rien.
Il crut entendre des cris au loin, mais il n'y fit pas attention, tirant celui qui fut son paternel proche du corps de sa mère. Et il serait incapable d'expliquer son attitude, peut-être avait-il juste craqué à ce moment là. Mais il vint s'installer entre eux, se lovant contre leurs cadavres, les yeux juste vides, avant de s'enrouler dans cette grande écharpe rouge comme pour s'en faire une couverture. Et ce fut ainsi qu'il tomba de sommeil, sous les yeux des habitants du village tout proche qui avait observer cette scène particulièrement macabre...
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