Le Touriste - 3/4

« Un fantôme... ? répéta Henri, d'un ton incertain.

— Oui, répondit Armand, catégorique. Un bon gros fantôme en colère. »

Henri croisa le regard de Maurice et lui lança un petit coup de tête interrogateur. Maurice haussa les épaules, perplexe.

« Okay... Et que fait-on pour se débarrasser d'un bon gros fantôme en colère qui essaie de rendre fou mes hommes ? Demanda Henri à Armand. Ce dernier baissa enfin les yeux du plafond et sourit à l'alpha.

— On appelle un spécialiste !

— Les sœurs Fox ? proposa Maurice.

Armand gloussa et Henri foudroya le lieutenant du regard.

— Pardon, marmonna ce dernier, mimant un air coupable.

— Non, non, on trouve un bon nécromancien.

— Nécroquoi ? questionna Henri

— Un chef des zombies ? proposa Maurice.

— Un nécromancien, répéta Armand. Un sorcier, souvent humain, capable de commander aux âmes des défunts. Et non à leur corps, précisa-t-il à l'attention de Maurice qui eut furtivement l'air déçu.

— Et... on trouve ça en feuilletant le bottin ? interrogea Henri.
Armand gloussa à nouveau, de toute évidence la situation le distrayait de manière fort agréable.

— J'imagine que vous avez une ou deux sorcières dans vos contacts ?

— Hum, une sorcière et un sorcier, en fait, corrigea Henri.

— Appelez les, demandez-leur. Ils auront probablement un nom à vous donner.

— Un nécrophage, c'est cela ?

— Nécromancien. »

Henri poussa un soupir et partit d'un bon pas en murmurant « Nécromancien, nécromancien... » laissant Armand et Maurice seuls dans le couloir poussiéreux.

Maurice s'adossa au mur, nonchalant. Il sortit une cigarette qu'il alluma, ignorant le regard lourd de reproche que lui lança Armand.

« Alors comme ça, tu peux voir les fantômes ? demanda-t-il à l'oméga.

— En fait, non. Mais j'arrive à les percevoir, d'une certaine manière.

— Depuis toujours ?

— Oui, même avant mon changement.

— C'est comme ça que tu as appris tant de choses sur eux ?

— Je n'y connais pas grand-chose ! À vrai dire, il suffit d'en avoir croisé une fois et d'avoir pu observer sa prise en charge pour pouvoir transmettre les informations nécessaires lorsque l'occasion se présente à nouveau, répondit Armand d'un ton léger.

— Et tu peux leur parler ?

— Pas du tout. Enfin, si, je peux leur parler, mais je ne peux pas entendre leur réponse et ils sont en général peu enclin à écouter mes monologues. »

Maurice laissa échapper son premier rire franc de la journée. La ligne de ses épaules se détendit un peu. Il grelotta.

« Est-ce que tu as froid ? s'enquit Armand, d'une voix très douce.

— Hum, oui, effectivement...

— Sortons.

Maurice haussa les sourcils.

— Il y a une logique ?

— Oui. Suis-moi. »

L'oméga se mit en marche vers l'escalier le plus proche. Maurice se secoua et trottina à sa suite.

« Hé ! Attends-moi donc ! C'est quoi cette blague ?

Sans s'arrêter, Armand lui répondit.

— Avoir froid, quand on est un garou dans un bâtiment où la température n'est même pas sous les dix degrés et qu'un fantôme rôde dans les couloirs ne peut signifier qu'une chose.

— Quoi donc ?

— Tu seras le prochain à te jeter contre un linteau si tu restes trop longtemps dans sa zone d'influence.

— Parce que j'ai froid ?

— C'est un symptôme courant oui. »

Maurice se tut et continua à trottiner à la suite d'Armand.

Au bout de quelques minutes et un étage plus bas, il reprit la parole.

« Je ne peux pas me permettre de péter les plombs, la meute compte sur moi.

— Pas d'inquiétude, dehors tu ne risqueras plus rien.

— Je crois que j'ai peur. »

Armand s'arrêta brusquement et se retourna vers le loup-garou, il avait piètre allure. Les épaules et la tête basses, le visage crispé en une moue inquiète, les traits creusés. Armand jeta un rapide coup d'œil par la fenêtre. Ils n'étaient qu'au premier étage. Parfait. Il attrapa Maurice par les épaules et tira fort. Le lieutenant, surpris, se laissa faire et passa à travers la fenêtre, brisant la vitre.

« Mais ça va paaaaaas ??? cria-t-il durant sa courte chute.

Quelques secondes plus tard, il insultait Armand depuis les jardins et ce dernier lui faisait signe en lui souriant d'un air satisfait depuis la fenêtre cassée. Il cessa subitement son cinéma, jeta un coup d'œil derrière ses épaules et sauta à son tour précipitamment par la fenêtre.

« Mais tu es totalement timbré en fait ? demanda Maurice à l'oméga et lui offrant son aide pour se relever.

— Il fallait faire vite, répondit Armand avec un petit sourire contrit. D'ailleurs, tu te sens mieux non ? Tu n'as plus peur, tu n'as plus froid ? »

Maurice hésita quelques secondes, puis acquiesça.

Armand hocha la tête d'un air entendu et entraîna Maurice de l'autre côté du jardin, près d'un petit bâtiment qui était apparemment utilisé comme atelier par les jardiniers. Maurice suivit sans un mot et observa pensivement Armand forcer la serrure et s'affairer dans la petite pièce comme s'il était chez lui. Il était en train de finir de leur préparer un thé, lorsqu'il se décida à poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'il l'avait aperçu, le matin même.

« Est-ce que tu appartiens à la meute de la Loire ? »

Armand se figea trois secondes, c'était court, mais beaucoup trop long pour que Maurice ne remarque pas l'effort qu'il avait fait pour ne pas se crisper en réponse à la question.

« Non. Ils m'accueillent temporairement. En fait, je cherche une nouvelle meute.

— Pour quelle raison ?

— J'ai été retiré à mon ancienne meute par les vargrs. »

La police indépendante des loups-garous. Maurice haussa un sourcil surpris, puis se détendit de manière ostentatoire. Jouant à se balancer sur sa chaise, comme si cette conversation n'était pas du tout importante.

« Faut croire qu'ils ont appris à se bouger les miches avant que les alphas se fassent éliminer par leur propre meute. Qui les a alertés ?

— Je n'ai pas le droit de le dire.

— Évidemment. Maurice laissa passer quelques secondes. Ils vont tous se donner beaucoup de mal pour t'avoir. »

Armand sourit douloureusement.

« C'est pour cela qu'on ne le leur a pas encore dit. En fait, l'idéal serait qu'au bout de ces deux jours de réunion, j'ai choisi une ou deux meutes à qui proposer mon intégration. Évidemment, il y a des règles. Je ne peux pas rejoindre une meute possédant déjà un oméga, ce qui élimine d'office les Bretons, la Loire, les Alpes et le Rhône. Je ne peux pas non plus retourner dans mon ancienne meute.

— La forêt noire ?

— Voilà. Et je ne veux pas d'un alpha trop... vieux-jeu.

— Viens donc chez nous. Pas d'alpha, pas de problème, lâcha Maurice, pince sans rire.

— Je vous envisage, répondit très sérieusement Armand.

La surprise fit hoqueter Maurice qui tomba de sa chaise. Armand, bon joueur, l'aida à se relever.

— Très honnêtement, je te déconseille de nous rejoindre, une meute sans alpha est comme une basse-cour sans coq. Les poules ont les fesses tranquilles, mais la bouffe manque et les bagarres n'arrêtent pas.

— Nous trouverons une solution pour ça, affirma Henri qui venait d'ouvrir la porte. »

Les deux loups-garous sursautèrent.

« J'ai cru que je ne vous retrouverai pas. Qu'est-ce que vous fichez ici ? C'est vous qui avez pété la vitre du premier ? »

Henri les regardait, perplexe, les poings sur les hanches. Armand l'invita à entrer et lui fit un bref résumé des raisons qui les avaient poussés à briser une vitre probablement centenaire et à se réfugier dans un cabanon de luxe.

L'alpha les écouta avec attention et se passa le visage dans les mains, fatigué. De son côté il avait réussi à trouver le contact d'un nécromancien que sa sorcière avait décrit comme « jeune mais prometteur ». La sorcière et le jeune homme devait les rejoindre à Amboise dans l'heure. Henri s'était donc mis à la recherche des garous restants au château, il avait fait sortir Maria qu'il avait confié à ses hommes avec l'ordre de ne pas entrer dans la bâtisse avant résolution de l'affaire du fantôme, puis s'était lancé à la recherche d'Armand et Maurice, disparus sans laisser de trace. Il appuya un peu trop sur le souci qu'il s'était fait, et Armand, prévenant, lui servit une tasse de thé.

« Il y a-t-il un protocole particulier à respecter au sujet de votre sorcière ? demanda Armand.

Henri haussa les épaules.

— Pas vraiment. Laissez-moi parler, restez un peu en retrait, ne la provoquez pas. Tout se passera bien.

— Et pour le nécromancien ? Avez-vous eu des informations ?

— Rien du tout. Je sais qu'il est humain, mâle et jeune. On peut s'attendre à tout. J'ai cependant compris qu'ils ne courraient pas les rues, ce jeune homme est notre seule chance de résoudre ce... Problème d'intendance aujourd'hui. Alors, faisons-en sorte qu'il se sente correctement accueilli.

— Qui sera présent ? interrogea Maurice.

— Seulement nous trois, je ne veux pas que Maria prenne le moindre risque, je m'en veux déjà suffisamment de l'avoir laissé seule dans le château sans surveillance. Les trois soldats restants resteront avec elle. »

Maurice et Armand opinèrent. C'était normal qu'Henri cherche à protéger son oméga à tout prix.

L'alpha reposa sa tasse vite en la faisant claquer sur la table.

« Allons-y messieurs. Il ne manquerait plus qu'ils arrivent et ne trouvent personne au château. »

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