3 - Damien
Damien se réveilla en hurlant. Les infirmiers de l'équipe de surveillance coururent immédiatement vers lui pour enlever le sang et la salive qui parcouraient l'ensemble de son visage. Le bandeau sur ses yeux l'empêchait de voir et les différentes attaches l'empêchaient de bouger mais il pouvait sentir les douces mains de ses soignantes qui venaient le sauver. Quasiment immédiatement, son lit fut déplacé dans les dédales de couloir jusqu'à une pièce où on lui enleva le bandeau qui était collé à son visage. Il était autorisé à voir.
L'adolescent mit quelques minutes à s'habituer à la luminosité de la pièce après une éternité plongée dans le noir. Une fois ses alentours distinguables, il remarqua qu'il n'était plus allongé mais attaché à une chaise par des sangles de cuir en face d'une rangée de personnes qui semblaient être des médecins. La pièce était vide, quatre murs nus et gris, un lit et une petite fenêtre, rien de plus.
Après avoir inspecté silencieusement la pièce, il s'attarda à nouveau sur les personnes qui le dévisageaient. La rangée était constituée de quatre hommes d'âge mûr en blouse blanche séparée au milieu par une jeune femme. Les quatre premiers lui semblaient insipides comparé à celle qu'il considéra comme leur cheffe. Contrairement aux autres, elle était habillée d'un tailleur gris anthracite élégant. Ses cheveux d'un roux sombre étaient coiffés en queue de cheval, dégageant son visage et exacerbant sa peau claire couverte de taches de rousseur. Des yeux bleus froids comme la glace le fixaient à travers de petites lunettes fines et, malgré sa petite taille, il se dégageait d'elle une aura d'autorité.
Damien se sentit alors mal à l'aise, en danger. Il ne savait pas où il était ni qui étaient ces gens. Il n'avait qu'une seule idée en tête : s'en aller et rapidement. Il avait beau essayer de se libérer de ses entraves, mais rien à faire. Elles étaient tellement serrées que le cuir tailladait la peau de ses poignets.
Sa lutte éveilla la curiosité du groupe, qui se mit à l'observer avec attention en prenant des notes dans des petits carnets. Agacé et malgré la douleur cisaillant ses avant-bras, le jeune homme redoubla d'effort. Des cris s'échappèrent de sa gorge, sous la douleur et la rage, ce qui ne suscita guère de réaction de ses observateurs. Ils essayaient tant bien que mal d'attirer l'attention de la jeune femme, mais celle-ci était trop occupée à fixer silencieusement Damien, notant le moindre de ses faits et gestes. Le malaise de l'adolescent s'amplifia, il se sentait scruté, comme un insecte sous la loupe d'un microscope.
Ce n'est que lorsqu'il commença à essayer de se faire saigner en entaillant ses bras sur sa chaise, que ses geôliers réagirent. La jeune femme se leva aussitôt pour s'approcher de lui :
- Bonjour Damien,dit-elle chaleureusement. Je m'appelle Abigaïl, mais tu peux m'appeler Abby.
Il arrêta de se débattre. Abigaïl, s'avança encore de quelques pas, ne laissant qu'un petit mètre entre elle et Damien, qui la dévisageait une expression d'inquiétude sur le visage. Les médecins se levèrent, affolés et tentèrent de la rappeler, mais elle les fit taire d'un simple geste de la main. L'adolescent était attaché, elle savait qu'elle ne craignait rien.
- Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous me voulez ? grommela Damien, le souffle haché par la douleur.
Elle se baissa légèrement pour le regarder dans les yeux. Elle semblait presque compatissante.
- Tout va bien, répondit-elle d'un ton rassurant. Nous avons essayé d'établir un contact avec toi durant tes sommeils paradoxaux, mais en vain. Nous t'avons récupéré dans une base ennemie, inconscient, et t'avons ramené ici. Comme nous n'arrivions pas à te réveiller, nous avons essayé de chercher des informations via ta mémoire, sans grand succès. Nous t'avons attaché de peur que l'ennemi t'ait retourné contre nous. Tu te souviens de la guerre, n'est-ce pas ?
Damien ne répondit pas, il n'avait aucune idée de ce dont cette femme parlait. Il n'arrivait pas à prononcer un seul mot tellement il était confus.
- C'est ce que je craignais, souffla-t-elle inquiète. Le choc de ta captivité couplé à ton coma ont dû affecter tes souvenirs. Je vais essayer de te rafraîchir la mémoire.
Elle se releva, vérifia qu'elle avait l'attention du jeune homme, et reprit :
- Il y a vingt-deux ans de cela, une nouvelle race humaine, une sous-race, a fait son apparition parmi nous. Avant cela, ils avaient toujours vécu en secret, et ce depuis des décennies. Ils nous ressemblent en tout point mais ce sont des créatures sanguinaires, des abominations, des vampires, qui se sont révélés au grand jour pour prendre le pouvoir sur notre monde.
On pouvait sentir toute la haine et le dégoût qu'elle éprouvait à l'égard des vampires. Elle les décrivait comme quelqu'un qui parlerait de vermine.
Damien ne parlait toujours pas. Il restait dans l'incompréhension la plus totale mais écoutait attentivement.
- Je comprends que tu ne veuilles pas répondre, cela fait beaucoup d'informations à ingérer d'un coup.
- Comment sait-on si l'un d'entre eux se trouve face à nous ? À quoi ressemblent-elles ? dit-il alors, pour la première fois.
La question avait fusé de ses lèvres, sans qu'il puisse se retenir. Il devait savoir, il avait besoin de réponses. Chaque information ne pouvait lui être qu'utile, aussi bien pour guérir sa mémoire que pour sa survie.
Elle hésita avant de répondre et évita son regard.
- Pour être honnête, ce n'est pas si simple. De loin, elles nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, mais leur sang est de la couleur de la nuit, noir comme de l'encre.
Elle s'arrêta soudainement, comme si elle en avait trop dit, et se tourna vers la rangée de médecins.
- Amenez la fille !
Une jeune fille fut amenée dans la pièce presque immédiatement par deux hommes immenses. Elle se débattait tant bien que mal, essayant d'échapper à la poigne de fer de ses geôliers. Ses cheveux d'un noir de jaie étaient éparpillés sur son visage comme si elle ne les avait pas coiffé depuis des jours. Ses yeux croisèrent ceux de Damien l'espace d'un instant. Des yeux d'un gris profond, dans lesquels l'espoir s'était éteint depuis longtemps. Elle savait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, les cicatrices encore fraîches qui arboraient son visage en étaient la preuve. Sa peau était pâle et de sa bouche sortirent subitement deux canines qu'elle tenta de planter violemment dans le cou du garde qui la maintenait en place. Abigaïl prit son bras et le tourna brusquement, lui faisant échapper un petit cri de douleur, et empêchant tout acte de rébellion qui ne serait pas le bienvenu. D'un geste vif, elle sortit un couteau de sa poche et fit une entaille sur le bras de l'adolescente qui grogna pour toute réponse. Un liquide sombre coula le long de son avant bras et tomba goute à goute sur le sol gris et maussade de la pièce. Une fois sa petite démonstration faite, elle libéra la jeune fille. Elle posa encore quelques questions à Damien, auxquelles il ne répondit pas, puis elle le détacha et l'équipe sortit de la pièce en fermant la porte derrière elle.
Ils avaient assez confiance en Damien pour le laisser libre de ses mouvements mais pas assez pour le faire sortir. Il resta quelques instants sur la chaise, épuisé, et fixa le plafond en attendant qu'on le sorte de cette pièce vide et froide. Seul un matelas était présent à côté d'une fenêtre, à barreaux elle aussi. Il finit par se décider à bouger et s'affala sur celui-ci.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top