Le crâne de Damien le faisait souffrir, il avait l'impression qu'il allait exploser. Il avait été ramené à la base d'Honir juste après l'incident et avait été immédiatement pris en charge par une dizaine de soignants, dont Chloé qu'il avait rencontré quelques jours avant. Cette fois, il n'était pas attaché, ni relié à des transfuseurs de glucose, fer ou vitamines. Non, cette fois il avait son propre studio meublé de façon à ce qu'il se sente chez lui, avec vu sur l'ensemble de la base militaire et une porte fermée, qu'il décidait lui même d'ouvrir pour laisser passer les guérisseurs. On lui avait laissé les clefs après son souhait de quitter l'hôpital, seulement une heure après avoir discuté avec Talia.

Il les détestait. Il les détestait tous, les Hommes et les vampires qui avaient gâché sa vie et ne l'avaient considéré que comme une arme. Il frappa avec violence la table devant lui, créant une fissure dans le bois de celle-ci. Il fixa sa main endolorie par son geste et se concentra dessus, une flamme en jaillit alors.

Qu'il est facile de contrôler le feu, pensa Damien. Je ne me souviens peut-être de rien, mais contrôler les flammes est aussi inné que de respirer ou de marcher.

Quelqu'un toqua doucement sur la porte en bois du sang pur, le sortant de ses pensées. Il mit quelques secondes avant de se lever du fauteuil dans lequel il était affalé pour aller ouvrir la porte. C'était Chloé. Elle se tenait devant lui, rayonnante, un large sourire sur le visage et les bras remplis de viennoiseries et autres sucreries pour le petit déjeuner.

- Comment te sens-tu ce matin ? dit-elle en entrant dans le studio du jeune homme.

C'était la première fois qu'elle rentrait seule ici et Damien vit qu'elle se sentit, malgré la petite taille de l'appartement, de trop. Elle n'avait avancé que de quelques pas dans le couloir, à sa gauche se trouvait la salle de bain qu'elle pouvait voir encore vide par la porte entrouverte. Damien n'avait rien ajouté aux deux serviettes et au savon que lui avait fourni le général Irmin, il n'avait pas d'effet personnel et rien de plus ne le tentait. Le couloir menait sur une pièce unique, qui contenait à elle seule une petite cuisine dans un renfoncement du mur, un lit simple et une table sur laquelle était posé un carnet et un stylo. Chloé avait conseillé à Damien d'écrire dans ce carnet pour qu'il puisse se souvenir, mais il n'avait griffonné que sa haine et sa colère.

Il ne répondit pas à sa question, alors Chloé se contenta de poser la nourriture sur la table et de se diriger vers la porte avec un sourire gêné.

- Je me sens vide, souffla Damien avant qu'elle ne touche la poignée de porte.

Chloé s'arrêta et prit un instant pour regarder l'adolescent au regard froid.

- Est-ce vrai que je ne suis qu'une arme à vos yeux ? Demanda-t-il sans détacher son regard du sien.

- Je ne sais pas, avoua-t-elle. Je ne connais pas les desseins de nos généraux.

Elle avait l'air de dire la vérité. Damien s'assit à nouveau dans son fauteuil, pris un viennoiserie et croqua dedans avec hargne, il mourait de faim.

- Que peux-tu me dire sur les vampires et les sang-purs ? Que suis-je pour vous ? Qu'est ce que je représente ?

Chloé fit quelques pas vers lui et s'assit sur la petite chaise qui se situait de l'autre côté de la table. Damien continuait de la fixer d'un regard perçant, il savait qu'il la mettait mal à l'aise mais s'en fichait. Il voulait des réponses.

- Notre société, si je peux l'appeler comme cela, s'organise autour des sang-purs. Vous êtes considéré pour nous autres comme de la royauté, par votre puissance et la couleur unique de votre sang, noir comme l'encre. Plusieurs d'entre nous, possède également du sang noir mais pas aussi sombre et hypnotisant que le votre.

Damien la fixait avec intérêt, il se rappelait que son sang était effectivement de cette couleur.

- Les sang-purs pourraient dominer par leur puissance mais n'ont décidé de ne rien faire. C'est l'aristocratie ou plutôt, la haute bourgeoisie, qui contrôle notre société. Ils ont créé le système de la caste de la lumière et celle des ombres qui déterminent également notre statut social. Je viens d'une petite famille mais ma présence dans la caste des lumières lui a donné de l'importance aux yeux des autres.

- Si tout fonctionnait parfaitement, pourquoi avoir révélé notre identité ? demanda Damien intrigué.

- Et bien à cause de l'amour. Certains vampires sont tombés amoureux des humains et ont révélé leur identité. Celui qui a causé notre perte, c'est le garçon qui a charmé la fille d'Abigaïl. Il était éperdument amoureux d'elle et a voulu tenter l'un de nos plus anciens rituels, qui est interdit, de transformer l'amour de sa vie en vampire. Cela n'a pas fonctionné et il l'a tué, on raconte que seul un sang-pur pourrait réaliser un tel exploit.

- Abigaïl est devenue folle de rage et à révéler notre identité au monde entier, finit Damien qui commençait à reconstituer le puzzle de l'Histoire.

- Exactement, répondit Chloé. Il y avait les humains pour une cohabitation, et d'autres contre. Le conflit à rapidement dégénéré pour devenir ce qu'il est aujourd'hui. Une révélation un siècle plus tôt aurait peut être été moins dramatique au vu de l'absence de technologie.

Damien en avait assez entendu. Il connaissait l'origine de la guerre ainsi que son importance aux yeux des siens. Il était de sang royal, intouchable et pourtant, ils l'avaient envoyé à la mort vingt-ans plus tôt. Il ne savait pas quoi penser, devait-il les aimer pour le respect qu'ils lui donnent ou les détester pour leurs actes ?