Chap VI : Le Face-à-face Final (1/2)
La Toile est divisée en trois parties. Et pourtant, il reste encore un mystère
pour tous ceux qui y pénètrent.
Prenons le sanctuaire. Son mécanisme de protection est d'une banalité que cela en devient saoulant. Saviez-vous qu'il n'existait pas qu'une, mais vingt-trois entrées menant au sanctuaire ?
Ces passages, le plus curieusement du monde, se trouve sur plusieurs endroits où notre aventurière a posé les pieds. À plusieurs reprises, il lui suffisait de s'incliner dans tel ou tel ravin, pour atterrir devant la porte et trouver le moyen d'accéder à son bonheur.
Pour l'exemple, je ne prendrais que celui des humaines aux yeux bleus, cachée par de larges palmes. Pardi ! C'était une des portes. Curiosité pas assez ancrée.
Et à l'intérieur même du sanctuaire, plus loin, sur une allée pleine de fleurs, s'établit le territoire de ces inconnus.
Prenons l'Eden. Au-dessous même de l'endroit où Alpha a rencontré Nsenga, il y avait un trou énorme où vivent des milliers d'e-motios dévoreurs. Si ces derniers avaient flairé sa présence, nous n'aurions pas à féliciter la jeune fille pour sa survie dans la forêt. Et que dire de l'Entrée ? Il y a bien plus qu'une suite de broussailles, destinée à tromper les malotrus s'introduisant dans la Toile. Elle dissimule une très haute montagne aux yeux de tous, par la même aptitude utilisée pour dissimuler l'Eden. Tout au sommet, se trouve une grande partie des trésors de la forêt. Autant le miroir de la perdition, la porte dimensionnelle menant à un monde inconnu, un lac où fourmille une infinité de pierres précieuses. Et pour les plus intéressés, une source offrant une eau rallongeant une vie jusqu'à dix siècles.
Pourtant, l'explorateur, dans sa marche, est passé juste à côté de ce qu'il cherchait. Il a cheminé pendant trois nuits et deux jours, espérant rattraper le retard qu'il avait eu avec l'équipe, qu'il qualifiait de perte de temps.
Tout cela, pour se tromper de montagne. En effet, nous retrouvons l'homme, escaladant à coup de pieux, la paroi rocheuse de la montagne à soixante kilomètres de la bonne. Autant dire que les indications faussées de l'orgueil l'ont menée dans la mauvaise direction.
Arrivé au sommet, il reprend son souffle, avant de se lever et découvrir une étendue verte où les arbres, seuls maîtres du territoire, ne font que rappeler plus intensément, la marche du quadragénaire. Il sourit avant de s'exclamer :
— La Toile est dégueulasse… Autant vivre à Prisma.
Il se remet à marcher, son sac sur le dos. Il est éreinté. Le vent froid de tout à l'heure l'a permis de se remettre toutefois d'attaque.
Sur les troncs d'arbres, il distingue des marques peintes en rouge. Un interdit dessiné avec du sang sur plus d'une quinzaine d'arbres. Il se rapproche de l'une d'entre elles et y pose ses mains. Il porte le peu de matière qui colle à son index.
— Cela ne date pas d'aujourd'hui. Un millénaire tout au plus.
Il crache au sol et continue à avancer, ignorant de ce fait, toutes recommandations. À une vingtaine de mètres de ces interdits, le survivant découvre une stèle. Des écrits frappés sur une pierre rouge sang, lui indique de nouvelles informations.
« Ici, reposent ceux qui ont transgressé la loi de la Toile. Ils désiraient le pouvoir. Ils ont hérité du funeste châtiment. Voyageur, passez votre chemin. Ce lieu est maudit. Allez-vous-en ! »
— Ça, c'est mal me connaître, enfoiré ! Allez, repérons l'emplacement exact.
Une seule pensée demeure en lui : il est le dernier homme dans la forêt interdite. Il lui vient un sourire ravageur. Il plonge ses mains dans ses poches et en retire un compas et une boussole.
L'explorateur se met à marcher. Constatant les limites de plusieurs signes sur les troncs d'arbres. C'est à ce moment qu'il remarque que la boussole ne lui fournit d'autres indications que le point où il se situe.
Le but d'une boussole terrestre, est d'indiquer le Nord afin de se repérer. La
boussole en argent, détenue par le forban lui sert à trouver ce qu'il cherche dans un périmètre de quatre-vingt-treize kilomètres.
Lorsque l'élément recherché n'est point à l'endroit où on le cherche, la boussole s'élève dans sa boule de vingt millimètres, indiquant seulement le point où il se situe. Lorsque l'élément est à l'endroit de l'utilisateur de l'outil, l'aiguille oscille dans tous les sens.
Il ne faut donc pas s'étonner de distinguer un sourire sur les lèvres de l'espion.
— Évidemment ! s'exclame-t-il.
Il n'en est pas moins qu'il tâte le sol de ses mains, puis de sa bouche. Il craint qu'il ne se soit trompé de chemin. Au bout d'un moment, debout, il réfléchit.
Il décide finalement de s'assoir. Il tire de son sac un petit papier cartonné qu'il plie tel un origami et attend. Une minute, puis deux. À la troisième minute, l'oiseau formé se met à battre des ailes. Il le lâche et le contemple s'envoler en zigzag autour de son emplacement.
Le papier partit, le voyageur prépare un feu et se décide de manger le reste de tvarak séché entre ses mains. Il l'accompagne de quelques produits de la nature, comme des patates recueillies sur la route. Des fruits sont en accompagnement.
La suite de l'événement n'est pas si étonnante. Il décide de se reposer tranquillement, près du feu. Le ciel s'assombrit. Les bras croisés, le meneur
solitaire fredonne un air de musique de sa terre natale. Le chant retentissant encore dans son esprit, de la belle Asmila de Prisma. Une star populaire dans le pays.
Mais, il se redresse bien vite en percevant le retour de son origami. Cette fois, le sourire d'avant laisse place à un mécontentement sévère. Il n'y a absolument aucune indication sur son papier.
Il n'a pas le temps de se pencher longtemps sur la question. Il tend en long ses oreilles, se retourne brusquement tout en se dépêchant de se munir d'une arme.
Les e-motios dévoreurs de la dernière fois, s'imagine-t-il. Tandis que cette idée lui traverse l'esprit, ses pupilles croisent deux traits brillants dans la pénombre des buissons de la brousse.
— Qui est là ? s'écrie-t-il, mal à l'aise.
Pas de réponse. Il se remet à se figurer une ribambelle d'hypothèses : les e-motios auraient-ils changé d'avis ? Tenaient-ils finalement à l'abattre ? Peut-être tout ceci n'est-il qu'un jeu ? Peut-il, au fond, se fier à la parole d'un dévoreur ?
Un craquement éveille ses sens désormais en alerte. Bien, que doit-il faire maintenant ? S'éloigner de ces bois pour mieux profiter d'une clairière non loin ? Doit-il se battre, dans cette situation ? Remarquez, il a l'avantage de connaître un tant soit peu le terrain. Et puis, il a de la ressource à cet
instant. Mais, cela ne lui plait guère, n'ayant pas encore trouvé ce pour quoi il s'est donné la peine de sacrifier tant de vie. Ne pas surtout savoir où se situe son dû, l'énerve au plus haut point.
— Ces e-motios se sont foutus de ma gueule ! vocifère-t-il, les veines se dessinant sur sa peau.
Toutes ses suggestions dansant en son sein, se mettent en suspens, à l'approche d'une silhouette. Le meneur n'arrive pas sur le moment, à identifier l'individu.
— Nsenga !?… C'est bien toi ? prononce-t-il, sans vraiment croire ce qu'il voit.
L'interpellé ne peut se dérober et continue son approche en lançant la conversation :
— Je suis désolé de ne m'être pas présenté plus tôt. Mais je n'avais pas eu l'occasion de te dire en face…
Le prêtre est à deux mètres de l'explorateur. Leurs pupilles ne peuvent s'éviter, car chacun tente de deviner la somme d'information détenue par l'un des deux partis. Est-ce que Nsenga est au courant pour la mort des autres membres ? Est-ce que Bordos ne se serait pas déjà préparé à le revoir ? Quelle est la suite de son plan, en cas d'échec ?
— …à quel point tu me dégoûtes.
Aux paroles de Nsenga, le soldat devine qu'il a été démasqué par le prêtre. D'un geste machinal, l'espion lève son revolver à propulsion et vise le guide.
— Ne fais pas un pas de plus si tu tiens à ta vie, prévient le menaçant.
Le prêtre n'ose pas braver l'interdit, attendant certainement son heure.
— Pourquoi nous avoir trahis ? tonne le détenteur de kerha.
— Explique-toi ! rétorque l'autre sans lâcher sa vigilance. T'étais pas là… Tu n'as pas pu voir combien nous ont encerclés ! Nous avons tout tenté… Moi aussi, j'ai cru mourir… Mais, j'ai survécu… Si tu avais vu ce que j'ai vu… des mares de sang… tous les autres…
Il se force à paraître touché par ce souvenir. Il prend même une courte pause, comme perdu dans le vide de ses pensées avant de se ressaisir :
— Je devais leur faire honneur…
— Me mens pas avec autant d'émotion… et dire que si je ne savais pas, je t'aurai cru sur parole…
— Tu tiens à ce que je me répète ? Explique-toi !
— Je sais tout… lâche le guide, après une dizaine de seconde. Je sais que tu t'es entendu avec les évolués pour nous tendre un piège… dans le seul but de pouvoir survivre seul…
— Alors, tu dois comprendre pourquoi je l'ai fait. Je n'avais pas le choix. Ils m'avaient assuré qu'ils allaient tous nous tuer, sans aucune exception… Tu t'imagines ? Être venu pour rien… alors, j'ai misé… Je voulais voir si nous serions à la hauteur si nous devions les affronter… Il s'est avéré que seule Alpha était capable de leur mettre une sacré raclée, par Brivius !
Ah ! Cette petite a de quoi être fière. Des soldats comme ça, on n’en trouve pas entrain de travailler bénévolement pour vous… Mais écoutez-moi ce vœu tellement désintéressé… retrouvez ses souvenirs perdus. Oui, mon gars ! C'était cela, son réel objectif. Une part de soi qu'elle désirait ardemment reprendre dans la paume de sa main.
« Quelle chance a-t-elle eu tout le long ! Avant que viennent les ténèbres, elle nous a faussé compagnie. Un crime ? Non, c'est une chance sans borne, pour ceux comme elle et moi. Nous devions survivre… tout comme toi. Les autres étaient trop faibles pour mériter la vie sauve. »
— Et c'est ça, ta réponse ? s'étonne Nsenga, toujours droit.
— Que crois-tu, Nsenga ! C'est nous, les habitants de Lodart, qui avons transmis aux humains l'art de la survie. C'était un peuple faible et ignorant.
Tu ne devrais pas t'indigner du fait que nous soyons intraitables avec les faibles.
— Je ne le suis pas, détrompe-toi ! Je sais que la fourberie et la destruction proviennent de nos terres. Je sais que la survie est une règle tout à fait commune. Mais, sache que nous sommes une majorité contre ce système. Nous punissons les hommes tels que toi. Assassin ! Je n'ai pas besoin de te demander autre chose.
Voyant la rage se dessiner sur la face de Nsenga, l'homme précise son angle :
— Ne fais pas un pas de plus !
— Je sais tout, Faunus… Je sais tout.
À la prononciation de son vrai nom, le prêtre distingue une lueur d'étonnement dans les yeux de son interlocuteur. L'homme d'église place un pas. Faunus, fort de ses réflexes de soldat, tire sans hésiter.
Nsenga stoppe l'impact électrique dans la paume de sa main. Comme s'il arrivait à manipuler l'éclair, de son doigt, il tourne et retourne la lumière.
Une seconde balle électrique est lancée. Nsenga renvoie sa prise qui va rencontrer la seconde. L'impact produit une projection de particules lumineuses dans tous les recoins de la forêt.
Faunus ne profite pas de cet instant. Il a l'air paralysé. Son regard perdu à l'horizon. Il l'a aperçue.
— Tu es… toujours… en vie ?! balbutie-t-il, comme perdant contenance.
Alpha s'avance. La mèche distincte sur ses cheveux s'est changée en un bleu azur. Ses iris luisent comme ceux des évolués. Sa peau n'a cependant pas changé, à première vue. Ce n'est qu'une façade, car sous son uniforme noir, on peut découvrir une peau noire, dure comme la roche et aussi élastique que du caoutchouc. Rien à l'extérieur ne semble avoir été déformé. C'est à l'intérieur que les choses deviennent une sérieuse affaire.
Faunus le sent aussi, alors qu'elle dévale la petite pente pour les rejoindre. C'est son aura qui avait considérablement changé. Elle dégage une animosité et une maîtrise difficile à décrire sans le ressentir. Elle est sept fois plus performante qu'autrefois.
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