Prologue
Qu'es-tu devenu ? Qu'étais-tu ? Ce matin, à dix heures quinze, lorsque leur cri s'éleva.
Fusillade monstrueuse, la rumeur de ceux qui ont peur, qui hurlent et qui se terrent.
Petit, tu n'as nulle part où te cacher !
Les pleurs des humiliés.
Attends ton tour ! Près du trou.
Et moi, je regardais mes camarades.
« Que se passe-t-il ? » Je ne suis pas un monstre, mais je me suis posé la question.
Désormais, tant pis.
Il est terminé le temps où mes yeux avaient du mal à supporter le « spectacle ». La banalité du mal, cela rend les choses d'autant plus atroces.
Certains cherchent encore à savoir comment ça marche.
Moi, je dis, « à quoi bon ? » et toujours — « Tant pis, tant pis, tant pis. »
Comme les balles, toujours par salves de trois :
Tant pis. Tant pis. Tant pis.
Puis il a fallu économiser.
Une balle pour deux têtes ? Est-ce possible ?
Jawohl!
Alors, une pour trois peut-être ?
Est-ce possible ?
C'est difficile, mais on y arrive.
Parfois, ça fait des dégâts. On doit tirer une balle de plus. Putain de gaspillage. Comment veux-tu que l'on pense aux corps ? Quand ce qui nous préoccupe, c'est le décompte des cartouches.
Une pour trois. Allez, démerde-toi !
Jawohl!
Tant pis. Tant pis. Tant pis.
Et trois vies abattues.
Tant pis. Tant pis. Tant pis.
Combien maintenant ? Il faut faire les calculs.
Une balle pour trois, et trois tant pis.
Ça fait combien ?
Compte les cadavres dans la fosse.
Et — Jawohl!
« Ça fait neuf ! Neuf, mon Lieutenant ! »
Préparez la prochaine salve.
Jawohl!
Tant pis. Tant pis. Tant pis.
Qui étais-je au milieu du tumulte ? La milice ukrainienne derrière nous.
Pistolets, mitraillettes et épées pour mieux contrôler la foule. « La balle n'a pas été effective, utilise donc la lame. C'est rapide et c'est sûr. »
Les officiers du Einsatzgruppe donnaient tranquillement leurs ordres. Hommes, femmes et enfants, tombaient pour devenir une horde de fantômes.
Craignait-on qu'ils viennent nous hanter ? Non, on marchait sur les cadavres pour finir le travail.
Reprenons les calculs : la SS s'occupait des premières salves, les Ukrainiens, de ceux qui avaient réussi à s'enfuir. On nous donnait des ordres, nous exécutions les ordres. Ce n'est pas moi, ça vient d'en haut. Etc, Etc.
Tant pis.
« Déshabillez-les. » « Non ! Ne les touchez pas ! Dites-leur qu'ils se déshabillent. » « L'argent, la quincaillerie, les babioles ! Tout. »
On ne classe personne, tout le monde nu. Les hommes avec les femmes, pas nécessairement la sienne, et les gosses au milieu.
Qui étais-je parmi ces hordes-là ? Le bras tendu, je regardais mes camarades.
Tirer au niveau de la nuque, la tête, ça fait trop de projections.
Ils attendent leur tour, en ligne. Auraient-ils fait de bons soldats ? Pistolets automatiques, 0,8. Tant pis. Tant pis. Tant pis. Le premier rang est tombé. On demande au second d'avancer. Ils obéissent. On leur tend des pelles et de l'hypochlorite de calcium qu'ils balancent sur la première couche de cadavres. On dit que c'est pour l'odeur. Enfin, c'est à leur tour.
Tant pis. Tant pis. Tant pis.
On recommence. Les hommes ne ressentent plus rien, ils s'ennuient. Certains prennent des photos. Moi, je fauche les femmes et les enfants. Question d'organisation, on nous a demandé :
« Êtes-vous marié ? Êtes-vous père ? »
Au début, tu tires avec des scrupules.
Puis le temps passe...
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