5. Nous
— 66, 68, 70, ..., 78, 80, 82, 84, 86, 88, ..., 92, 94, 96, 98, 100, 102, 104, 106, 108, 109 ! s'exclama Emile.
Un autre gendarme qui se tenait assis et dont la jambe tressautait près du poêle, hocha la tête en griffonnant quelques notes sur un bout de papier. Les ongles noirs appuyés contre la mine, les mitaines usées jusqu'à la corde, il jeta un regard las autour de lui.
— 109 ? répéta Ludwig en français.
Emile acquiesça comme il descendait l'échelle.
— 109 petits sacs ! J'deviens taré, lança-t-il en quittant la pièce.
Le gendarme était chargé d'inventorier les sacs à pain. On allait fournir en matériel les nouvelles recrues : des Alsaciens. « Des Français » disait-on, « Des boches » disaient les Français qui se faisaient un plaisir de les dénigrer.
À nos yeux, il n'était guère question d'Allemands. Les plus fervents de mes camarades les désignaient comme des sous-hommes, bien que le terme fût le plus souvent réservé aux Juifs.
Pour la plupart d'entr nous, ils étaient mélangés, pas tout à fait allemand, ni tout à fait français, et c'était bien là le problème. Ils avaient été des nôtres durant quarante-sept ans.
À une époque, leur pays, c'est-à-dire la France, les avait vendus pour une poignée de pain.
La grande guerre, ils l'ont combattue à nos côtés ; des Français sont morts sous les balles françaises au Hartmannswillerkopf, dans la gueule des tranchées.
Nous avons perdu l'Alsace et la Moselle, puis les Français sont redevenus Français, classés par catégories, le degré de germanisme inscrit sur la carte d'identité. Certains furent expulsés comme ils faisaient partie de la classe D, c'est-à-dire de la « pire race ».
Cela me fait donc doucement sourire lorsqu'on nous parle désormais de l'étoile jaune. Quand je dis qu'on nous parle, je songe plutôt aux bruits de couloir : « Untel à un voisin qui lui a dit que », « Madame X pense cela, vous devriez faire un tour chez elle. » Car bien sûr, personne n'ose critiquer ouvertement nos méthodes. Quant à ceux qui se sentaient allemands, ceux-là ont pris leurs jambes à leur cou, mais je ne sais pas s'ils ont bien fait.
Tout cela pour dire que des Français vont se battre à nos côtés, étrange situation s'il en est une. Moi, je m'en fiche. En un sens, je crois que je me ramollis. À l'époque, j'entends plus jeune, je les aurais probablement détestés.
Parmi les cent mille alsaciens et trente mille mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht et dans la SS, ceux que nous appelions les bâtards arrivèrent au nombre de douze, le 12 décembre 1943.
Henri venait du bourg de Marckolsheim et était père d'une petite fille. Il ne parlait pas tellement de sa femme ou sinon au passé, si bien que j'envisageais à peu près la situation dans laquelle il se trouvait.
C'était un gars fort et trapu qui ne rechignait jamais devant le travail. Après deux ou trois verres, j'arrivais parfois à lui extorquer quelques anecdotes de son séjour dans l'armée française.
Curieux de connaître son passé, je voulais savoir ce qu'il pensait de nous, guettais les souvenirs de son enfance. Regrettais-je mon parcours ? Lorsque Henri me le demandait, je me terrais dans le silence.
Le Gruppenführer Dittmar me donna bientôt l'ordre de le diriger, comme le Gruppenführer dirigeait les hommes de notre division et moi. Mais je trouvais en Henri un camarade plutôt qu'un sous-fifre. Il est évident que pour cela, les autres finirent par mal me considérer. Je n'étais pourtant pas le seul à avoir un « ami » français.
Je cumulais pourtant les bavures : il y avait Emile.
Ainsi, il me semble qu'un jour lors d'une promenade en campagne, il me vint à l'esprit que nous étions trois jeunes gens, et que nos préoccupations étaient finalement les mêmes. Nous nous mîmes à parler des filles, de nos parents, de nos raclées mémorables. Bien malgré moi, je me mis à baragouiner quelque mots de français. Malgré eux, ils s'essayèrent à l'allemand. Ce ne fut pas compliqué pour Henri, tant son alsacien comportait des ressemblances. Pour Emile, ce fut autre chose, il s'en tenait à l'essentiel, c'est-à-dire aux vulgarités. Nous avons ri ensemble, j'ai échappé à ma condition, et eux, à la leur. Je n'étais plus qu'un jeune étranger en leur compagnie, on me rendait l'espace de ma jeunesse.
Pour Noël, je passai sous-officier et reçus un nouvel uniforme. Une belle ceinture brillante, des pattes de col propres et un long manteau en laine noire, une manche cousue plus large pour mon bras gauche. Il m'arrivait encore d'avoir mal, souvent, la nuit, comme un souvenir fantôme qui s'éternise dans le corps. J'entendais l'explosion, et sur ma joue se propageait la chaleur.
J'ai d'abord tourné la tête, lorsqu'Emile et Henri ont voulu me prendre en photo. Ils m'ont dit de faire face, que mes parents voudraient voir mon visage en entier. Puis ils ont dit que c'était idiot, qu'il faudrait me raser la tête, puisque les cheveux ne poussent plus que d'un côté du crâne.
J'ai tenté de me souvenir des derniers mots échangés avec les autres dans cette salle de classe. Tout ce dont je me souviens, c'est ce petit garçon qui pianotait. Je me rappelle son visage, mais plus que cela, son regard.
Il me semble qu'un jour, je me réveillerais et irais étudier à l'école. Ma mère me tendra ma sacoche, mon père me pressera ; je partirais avec lui. Il claquera la porte parce qu'il l'a toujours fait. J'entendrais ma mère le révérer, éclaterais d'un rire franc dans la cour, mon père sur le chemin du bureau.
J'ai un vélo et des croûtes sur les genoux qui n'ont jamais le temps de sécher. Je me bats à l'école et je me moque des filles avec les copains. L'après-midi, je vais chez Hans et je regarde sa mère que je trouve belle nous servir du gâteau. Elle se penche, et dans sa robe, j'aperçois deux seins blancs et ronds. J'ai mes premiers émois. J'ai neuf ans ? Le père de Hans rentre de l'usine avec sa serviette et sa gamelle vide. Il embrasse sa femme devant nous, une main sur son tablier.
Elle a le ventre un peu rond, je crois que j'aime bien ça.
Les adultes sont des adultes, ils sont impressionnants, plus ou moins des modèles. Certains, je ne les aime pas, comme le vieux Rick qui crache sur les enfants quand on a le malheur de le croiser en ville. Il y a des pères qui s'en sont allés le lapider. Un jour, il a même disparu en forêt. Enfin, c'est ce qu'on dit, ce que disent les enfants. Entre nous, on se raconte des histoires pour avoir peur, on se lance des défis. Un jour, Lora est allée dans la forêt, on a tous crié : « Lora a peur ! Lora a peur ! » Lora est partie en pleurant, elle a couru jusqu'à chez elle. Mon père, qui comme les autres, a eu vent de l'histoire, m'a passé un sacré savon.
Le soir, ma mère me fera couler un bain d'eau chaude. L'eau n'est pas chaude, elle est brûlante, et c'est bien ce que j'aime. Elle fait miroiter la vasque et la porcelaine, elle rend moite et les miroirs et les fenêtres, créé cette goutte au-dessus de la lèvre, dans les cheveux de ma mère qui ondulent comme elle les attache et devient rouge. Mon père dit qu'elle a le feu quelque part.
Maintenant, je comprends. À l'époque ça me faisait rire, rougir un peu aussi, parce que je sentais bien qu'il y avait là quelque chose de « sale » et que c'était le genre d'histoire interdite qu'on ne raconte pas aux enfants. Maman éclaboussait l'eau et je l'entendais rire. Elle avait tricoté de grosses chaussettes en laine grise.
Le soir, elle retournait à son ouvrage devant la cheminée. Mon père lisait ce journal qu'il emportait partout avec lui ; le national-socialisme qu'il disait fièrement : « Ludwig, on va faire de toi un homme bien ! » Il claquait la première page du journal, sa pipe à la bouche, puis il riait en basculant dans son fauteuil. Il lisait à voix basse, en chuchotant, si bien qu'on l'entendait tout de même. Il croisait les jambes, son chausson se balançait de haut en bas jusqu'à ce qu'il le perde.
Je jouais près de lui sur le tapis, ou bien faisais des lignes parce que j'étais puni. J'ai fait beaucoup de lignes quand j'étais petit enfant.
Le dimanche après-midi, je me cachais sous la table du salon chez mes grands-parents. C'était une longue table mitée, taillée dans le bois brun. Je construisais, comme beaucoup d'enfants, des forteresses. J'étendais un drap sur le dossier d'une chaise, des chaises en cuir surpiquées de velours pourpre. Comme le drap ne suffisait pas, j'allais prendre dans l'armoire le beau linge blanc de ma grand-mère. Tout y passait, nappes, serviettes et mouchoirs brodés. Dans la cuisine, je prenais des tasses et des soucoupes, je m'en servais de plongeoir pour mes soldats en plomb. J'aimais, comme beaucoup d'enfants, jouer à la guerre.
Contre qui me battais-je ? Aucune idée. Aucun drapeau ne me venait en tête. D'ailleurs, il me semble que mes pays n'existaient pas. Je les faisais se battre comme on fait la course ou du vélo. Mes soldats ne mourraient pas, ils s'écroulaient pour se relever à la prochaine partie. Ils étaient braves et vaillants, ne combattaient rien d'autre que des soldats et respectaient les règles de la guerre.
Ma grand-mère, attirée par le tintamarre que je faisais, venait m'interrompre. Elle poussait des cris en entrant dans le salon, préoccupée par l'état de son linge éparpillé dans la pièce.
Forcé de quitter mon château démoli, je subissais son courroux maternel sans comprendre qu'on puisse faire tant de manières pour du linge ; on avait détruit mon royaume !
Elle disait qu'elle allait prévenir mon grand-père, et qu'il viendrait me mettre une bonne raclée. Pour sûr, elle n'en faisait rien et se contentait de replier ses nappes avant de m'embrasser.
Nous passions souvent Noël chez mes grands-parents avec le reste de notre famille. Je ne m'occupais guère de politique à cette époque, j'allais jouer avec mes cousins. S'il ne faisait pas trop froid, nous allions faire de la luge dans le parc. Ma tante m'a appris à patiner sur le lac, et Rita, qui est une cousine, s'est cassé le bras un jour en tombant. Dieter a rigolé, et son père lui a flanqué une gifle devant tout le monde. Une sacrée année.
Maintenant, je suis adulte. Ce dernier Noël près des miens n'a pas eut la même saveur. Mes grands-parents sont morts, deux cousins aussi. L'un sur le front français, l'autre à l'Est. On me dit que je suis un survivant, un héros. C'est ma mère qui le dit. J'ai passé le seuil de notre maison. Elle a pleuré lorsqu'elle m'a vu, pleuré dans mes bras en serrant un fantôme. Mon père m'a offert une vigoureuse poignée de main, témoignant, car je connais ses manières, de son respect, tout cela avant de s'exclamer fièrement « Heil Hitler! » J'ai joint les talons et l'ai salué à mon tour. Je sais que ça lui fait plaisir.
Durant le repas — tout ce mal qu'a dû se donner ma mère — je les ai laissé me couvrir de louanges. Leur admiration ne connaît aucune limite. Peu leur importe que leur fils ait tué, battu ou dénoncé, vilipendé. « L'important » disaient-ils, « c'est de lutter contre le bolchevisme et la peste juive, ce fléau qui tente de soumettre l'humanité. » C'était les mots de mes professeurs, des phrases devenues des récitations, de la poésie. J'entendais les dires de mes camarades, de mes supérieurs, le discours du peuple, ces phrases que j'avais dites ou lues dans nos livres, sur nos affiches, des phrases que je dirai encore, puisque je suis trop fier et que j'aime mon pays, mais surtout, parce qu'il est trop tard.
Mon père a déclaré que nous effectuions le sauvetage de l'Europe. Il reparla de l'année 1941 et de l'opération Barbarossa comme si c'était lui et non moi qui s'en était allé à la guerre. Je ne saurais dire si c'était involontaire ou pour la bienséance, comme ma mère et ma soeur se trouvaient avec nous — des âmes sensibles selon lui, plus encline à tomber dans le piège de la pitié — il affirma sans entrer dans les détails qu'avoir soulevé les populations locales contre les Juifs était une bonne chose. Ceux-ci entretenaient de proches relations avec le bolchevisme et le catholicisme, les partis de gauche, etc, etc.
Puis il ramena une fois encore cette histoire sur le tapis : le NKVD soviétique assassinant les élites nationalistes de l'Est. Voilà ce qui nous aurait attendu si nous n'avions rien fait ; car toujours, il disait : Nous, Nous, Nous — comme si c'était lui qui avait dû accomplir ce que les autres et moi avions dû faire.
Il était toutefois bien documenté sur nos actions, ou exactions.
Il discourut ensuite sur la concurrence économique, puis sur la concurrence ethnique, se targuant de n'être pas le premier peuple antisémite et nous rappelant les pogroms de Vilnius en 1919. « Et les Américains » disait-il, « n'ont-ils pas fait pareil avec leurs Indiens ? »
Toujours à table, entre le plat et le succulent dessert de ma mère, il répétait Nous Nous Nous.
— « Nous allons gagner parce que nous sommes justes, parce que nous avons raison. »
En France, sur des affiches de propagande (tout le monde a les siennes), j'ai vu dans les rues de Toulon et d'ailleurs, des pancartes où il est inscrit en rouge et noir : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts. »
Nous. Nous. Nous.
Je me rendis compte que ces Nous, c'était rien que des mots.
Ce n'est pas mon père qui a donné des coups de bâton sur les corps, sur la pierre, qui a vu les corps squelettiques tendre une main dans la boue.
Moi, je passais, écœuré. Je veux dire que je me couvrais le visage à cause de la puanteur. Nos suppléants, qu'ils soient Ukrainiens au Lituaniens, se penchaient au-dessus des cadavres en fumant, ils vérifiaient s'il y avait quelque chose à voler, pour ensuite, engranger les bûchers humains.
Dans notre douce maison, j'écoutais le vent siffler sur les vitres des fenêtres, avec à mes côtés, ma mère, bien heureuse de retrouver son fils. Elle souriait, mais je lisais ces larmes dans ses yeux, des larmes que la femme fière ne souhaitait dévoiler devant mon père. Si je ne disais rien, je savais ce qu'elle ressentait. Moi-même, trop raide comme elle avait pu me le faire remarquer, ne l'embrassais pas. Je la regardais découper une part de Stolen, ça sentait bon. Je me rêvais enfant, jouant sur le carreau frais de notre longue cuisine.
Mon esprit retourna en Lituanie, dans cette cour où les prisonniers furent forcés de déblayer la merde des chevaux soviétiques à main nues avant d'être battus à mort. Pas par nous, certes.
Notre travail était d'encadrer.
Mes souvenirs de l'Est sont un cauchemar. Je vois des étoiles, des vagues de bras entremêlés. Ils portent des gourdins et des brassards blancs. Autour de nous, le peuple se voit offrir un spectacle. Les femmes portent leurs enfants sur les épaules, elles tressautent et elles chantent.
Les hommes jouent de la musique pour donner le rythme, d'autres sont assis et boivent. Les enfants rient. À un certain point, je me suis demandé : que se passe-t-il ? Il se passe que la forêt, après nous, c'est une mer de pendus. Les cimetières n'accueillent plus les morts, mais les vivants qu'on enterre. Parfois, on se sert des francs-tireurs comme excuse, comme raison nous ayant poussé à commettre ces actes.
Nous nous efforçons de le croire, et je dois dire qu'à la longue, j'ai fini par m'en persuader.
Au mois d'août, la chasse dans les marais dura plus de six semaines. La ville comportait trois mille habitants. Nous emmenâmes des centaines de Juifs dans la carrière, des fosses naturelles creusées dans la roche. Nous repoussions les comploteurs et les fauteurs de troubles contre ces parois abruptes. Les comploteurs et les fauteurs de troubles : c'est ce qu'on nous disait, et c'est ce que nous répétions lorsqu'on nous demandait en quoi consistait le travail.
C'était en août, août 1941 où mon travail devint plus compliqué. Nous dûmes tuer les femmes et les enfants. Il n'y avait plus de limites. C'était « Eux ou nous ». Il ne fallait pas réfléchir si l'on voulait mener à bien tous nos projets. On nous rappelait l'entre-deux-guerres et nos squelettes allemands sur les trottoirs. On n'hésitait plus trop à tirer, la haine et le besoin de vengeance nous éveillaient.
Le rythme était intense. Il fallait recenser, coller des étoiles et des balles, creuser ou faire creuser, tirer, regarder tomber, puis mourir.
Lorsqu'ils mouraient rapidement, cela nous facilitait la tâche. Mais certains hommes trouvaient cela amusant de tirer dans les jambes ou les côtes. Il fallait alors regarder les camarades marcher sur le dos des victimes pour leur coller une balle dans la nuque, le faire soi-même lorsque les autres détournaient les yeux.
Certains prétextaient être malades le jour d'une Gross Aktion, mais le service de santé n'était pas dupe. Ainsi, nous utilisions les « employés du peuple », des suppléants. Une poignée d'hommes rechignaient, les autres nous prêtaient main-forte avec plaisir. Quelque part, dans un bois, une carrière, un endroit désaffecté, loin du regard.
Un jour où j'allais en forêt rejoindre mes camarades, j'entendis ces cris rapportés par le vent, le chant perdu des balles. Si je l'entendais, les paysans du coin devaient l'entendre aussi. À midi, des enfants venaient recréer les tueurs. Ils jouaient de l'accordéon pendant que leurs mères servaient la soupe. Vraiment, c'était la pause comme à l'usine.
Certains suppléants affirmaient s'ennuyer lorsqu'il n'y avait pas assez de monde à tuer. Mes camarades et moi veillions au bon déroulement des opérations, secrètement reconnaissant de ne pas avoir à nous salir les mains.
Nous les écoutions discuter : combien de montres dérobées ? Combien de bagues ? Combien de dents ? Je les ai vu rire de la mort, mais en moi persistait la surprise première.
Elle est arrivée la première fois où j'ai assisté à un massacre.
La seconde, j'ai participé.
La surprise s'est emparée de moi, elle m'a soulevé, laissé dans un état où plus rien ne me fait réagir. Je suis devenu un homme sans tête, sans voix, sans force, sans libre-arbitre.
J'obéis, je me laisse traîner, j'avance avec les autres, je fais partie de la masse, je les écoute sans les entendre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top