9- Retour chez la con**sse

Un bruit de porte résonna dans l'ombre.

— Papa ? demanda une voix interrogative.

— Oui, c'est moi, assura l'homme qui venait d'entrer. Tu veux bien m'aider à porter ma valise ?

Le visage emprunt de bonté d'Andréï Petrosyan, qui apparaissait dans la semi-pénombre du couloir mal éclairé, s'illumina à la vue d'Endza.

Il referma la porte derrière lui et vint la prendre dans ses bras :

— Ça va ma puce ? Tu m'as manqué.

— Moi aussi, répondit Endza qui avait l'air comblée dans l'étreinte de son père, se détendant tandis qu'il caressait doucement sa tête.

— Je t'ai ramené un cadeau, d'ailleurs. Tu veux que je te le montre ou on attend demain ? demanda-t-il avec un clin d'œil, l'air espiègle.

— Tout de suite, s'il te plaît papa !

— Va chercher dans ma valise. La petite pochette sur le côté, précisa-t-il.

Endza se précipita et s'empressa de tirer le cadeau de sa cachette. Un léger air déçu passa furtivement sur son visage quand elle vit les dimensions du paquet rectangulaire qui ne contenait sûrement pas le Levis 501 dont elle rêvait. Une déception qu'elle cacha rapidement en tendant, souriante, le paquet à son père.

— C'est pour toi, Endza ! répondit-il étonné.

Comme à regret, elle le reprit, un mélange de curiosité intriguée dans le regard. Lentement, elle déchira l'emballage, pan par pan, son père la regardant en souriant les mains dans les poches, pieds nus sur le carrelage froid. En remarquant ce détail, Endza s'arrêta net. Ou peut-être au fond n'avait-elle pas réellement envie de découvrir le contenu du paquet ?

— Tu veux que je te rapporte tes chaussons ? s'inquiéta-t-elle.

— Oui, je veux bien.

Elle posa le paquet à terre, et se précipita vers le salon. Andréï, navré de voir son cadeau à même le sol, partit le ramasser en attendant le retour de sa fille.

— Tiens, dit-elle en revenant posant les gros sabots dont l'intérieur était fourré juste devant les pieds rouges.

— Merci, remercia-t-il en glissant délicieusement ses pieds dedans. Alors, tu l'ouvres ton cadeau ?

Endza le reprit de ses mains et continua à déchirer l'emballage, lentement, très lentement.

À la fin, il lui resta entre les mains un écrin à bijoux. Surprise, elle jeta un regard épaté à son père : Elle ne se serait jamais attendu à cela.

Un air espiègle sur les lèvres, comme si elle ne savait pas à quoi s'attendre, elle ouvrit dans un "ploc" le petit coffret rouge, pour y découvrir, ouvrant la bouche sous le coup de la surprise, une chaîne en or à laquelle pendait une petite croix dorée.

Délicatement, elle ôta le bijou, et presque timide leva un regard incrédule vers son père qui s'approcha.

— Alors, il te plaît ?

— Merci beaucoup papa ! dit-elle en se jetant son cou. Il a dû te coûter cher ! s'exclama-t-elle.

— Je suis content que tu aimes, dit-il en riant doucement dans ses cheveux. Tu veux que je te le mette ?

— Oui !

Endza dégagea sa nuque, en maintenant ses cheveux en queue-de-cheval avec sa main, et Andréï passa le collier en métal froid sur sa peau avant de l'ajuster, puis de le fermer.

Endza toucha instinctivement la petite croix et jeta un regard reconnaissant à son père.

— C'est le plus beau cadeau de ma vie ! affirma-t-elle en dodelinant de la tête.

Son père sourit avant de déclarer :

— Allez ! Va dormir ! Il se fait tard. Je vais me doucher et on se verra demain, fit-il en un clin d'œil.

— Bonne nuit papa ! dit Endza en se dirigeant vers sa chambre. Elle ferma la porte derrière elle, puis se ravisa.

— Papa ?

— Oui ?

— Tu me raconteras ce que tu as fait en Russie ?

— Oui, ma puce, va dormir pour l'instant.

Comme rassurée, elle ferma sa chambre pour de bon cette fois-là, et se jeta sur son lit, un grand sourire sur les lèvres. Il n'y a rien de mieux que d'avoir son père à la maison, pensa-t-elle en enfouissant sa tête dans son oreiller. 

***

Quand Andréï se leva, le lendemain matin, Mairan n'était plus à ses côtés depuis longtemps. Il ne lui avait pas parlé depuis son arrivée. En entrant dans le salon, il vit Endza, assise devant la télévision allumée sur une émission populaire, prenant son petit-déjeuner. C'était ce fond sonore qui l'avait tiré de son sommeil.

— Priviet, salua-t-il en russe, s'étirant doucement à la porte du salon.

— Barev, répondit Endza en lui jetant un coup d'œil.

— Où est ta mère ?

— Elle est allée faire les courses, répondit-elle négligemment.

— Ah, j'avais posé l'argent...

— Elle sait, coupa Endza. Avec quoi elle aurait fait les courses sinon ?

Un peu déstabilisé, Andréï ne répondit rien.

— Alors c'était comment la Russie ? enchaîna-t-elle, en se dirigeant vers la cuisine pour débarrasser son assiette, l'air de rien.

— Bah, le travail quoi. Mais ça fait du bien de rentrer chez soi. Enfin, faut bien, conclut-il.

Endza revint vers lui.

_ Est ce que je peut emprunter ton téléphone ?

- Pourquoi ?

- Je n'ai plus de crédit sur le mien, c'est pour appeler Loucine.

À ces mots, Andréï parut mal à l'aise: Non, j'en ai besoin.

Quelque chose clochait pour Endza. D'habitude, son père lui passait toujours son téléphone pour qu'elle puisse voir avec lui des photos des endroits qu'il avait visité, des vidéos qu'il avait faites à son attention et qu'il oubliait tout le temps de lui envoyer... Et cette fois-ci, il ne voulait même pas la laisser appeler Loucine dessus .

Il devait sûrement y avoir quelque chose qu'il ne voulait pas qu'elle sache. Endza pressentait vaguement que c'était en rapport avec sa mère, mais n'aurait pas su dire quoi.

Après tout, il est mon père, pensa-t-elle, il y a des choses qu'il vaudrait mieux que je ne saches pas. 

La porte d'entrée claqua à ce moment-là. Et Mairan apparut, les bras chargés de sacs.

— Barev, dit-elle, l'air surprise de les voir réunis.

— Endza, tu peux m'aider à ranger les courses ?

— D'accord, se résigna-t-elle en s'éloignant de son père.

Mairan n'eut pas un regard pour son mari et une fois dans la cuisine elle remarqua :

— Tu n'as pas fait ta vaisselle Endza.

— Je vais le faire, dit-elle en s'empressant vers le lavabo.

— Non, pour l'instant, aide-moi avec les courses.

Redoutant l'orage, Endza s'exécuta.

— Où est-ce que tu as pris cette chaîne ? dit-elle en pointant la croix dorée qui pendait sur sa poitrine.

— Euh... dit-elle en se tournant vers le salon où se trouvait son père.

Mairan jeta un regard noir, mais n'en dit pas plus.

Quand elle eut terminé, Endza alla s'enfermer dans sa chambre, échappant à la tension qui se créait entre son père et sa mère dès que celui-ci rentrait de Russie. Elle n'avait jamais vraiment compris leur relation. Ils ne se parlaient pas, et elle avait plus l'impression que c'était des co-locataires qu'autre chose. Si sa mère avait été indépendante ou si elle avait le moindre espoir de gagner de l'argent seule, cela ferait longtemps qu'elle se saurait enfuie, ça, Endza en était sûre.

Mais comme ses parents ne pouvaient pas divorcer officiellement, que sa mère se retrouverait sûrement à la rue si cela arrivait... Elle restait là. Entre les deux.

Dans ses rêves les plus fous, sa mère disparaissait un matin, et elle partait vivre en Russie avec son père, là où il travaillait. Endza s'était toujours demandée pourquoi ils n'allaient pas vivre en Russie. Elle n'avait jamais trouvé de réponses. Peut-être qu'ils pourraient avoir tous un nouveau départ là-bas. Sans Lorik. Mais voulait-elle vraiment ce nouveau départ ? Oublier Lorik ?

Les voix commencèrent à s'élever dans la pièce voisine. Endza ferma rapidement sa porte. Rien n'y fit, avec l'isolation médiocre, elle entendait chaque parole que prononçaient ses parents.

"C'est de votre faute ! criait-elle. À tous les deux. Il ne devait pas y aller, tu entends ! Il devait rester avec moi ! À la dernière minute, tu as changé tes plans, et à cause de toi, il n'est plus là. "

Endza resta choquée devant ses paroles. Elle en avait l'habitude à force, mais l'entendre de nouveau lui faisait toujours l'effet d'un coup-de-poing à l'estomac. À chaque fois que son père revenait de son travail, il se faisait traiter comme une chaussette pendant deux jours et il repartait bien vite, la laissant seule. Avec la furie. Elle retenu ses larmes rageuses, et pria silencieusement: Tu m'en veux Lorik ?

Tandis que défilaient dans sa tête les images sanglantes de l'accident. 

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