17 - Liens du sang?

En se préparant ce matin-là, Araxie anticipait son retour à l'école. L'impression que ses intestins étaient emmêlés dans son ventre, ne l'aidait pas à se sentir mieux.

Comment se passerait la rencontre avec Samvel ? Elle ne lui apprenait rien de toute façon, se rassura-t-elle. Il n'y avait rien entre eux. Elle ne lui appartenait pas.

Elle passa un pull à torsades kaki un peu pelucheux, tricoté par sa grand-mère et se brunit les cils avant de prendre son sac et sa veste pour sortir. Une fois arrivée devant le portail de l'école, elle croisa Loucine qui l'attendait comme à son habitude, mais qui cette fois-ci était scotchée sur son téléphone.

— Salut, dit Araxie.

Loucine ne leva pas les yeux.

— Ça va ?

Doucement, elle lui toucha l'épaule. Loucine sursauta.

— Ça va ? répéta-t-elle.

— Euh... Oui.

— D'accord, fit la brune un peu désappointée avant de s'asseoir à sa droite.

Loucine avait l'air distraite.

— Quelque chose ne va pas ? tenta-t-elle.

— Laisse-moi tranquille, s'il te plaît.

— Tu es sûre que tout va bien ?

Loucine la fusilla du regard : "J'ai besoin d'espace, c'est tout."

— D'accord, dit Araxie en s'éloignant. "Si tu as besoin de moi, je suis là."

"Pourquoi elle aurait besoin de toi", lui souffla un démon, elle a déjà Endza. "Toi, par contre, tu n'as personne."

Araxie s'éloigna chassant cette voix intérieure. Le comportement de Loucine était étrange et surprenant. Il n'y avait pas eu une dispute, pas un différent entre elles en l'espace des trois mois qu'elles s'étaient connues. Pourquoi maintenant et surtout pour quelle raison ?

Elle jeta un rapide coup d'œil à sa montre qui lui indiquait qu'elle avait encore 10 minutes devant elle. Un temps qu'elle ne savait pas comment elle allait tuer.

Quand elle entra dans les toilettes, histoire de voir si son mascara n'avait pas coulé, elle fut accueillie par les notes modernes du rap que Gayané écoutait, le volume au maximum.

— Tout va bien ? lui demanda celle-ci tranquillement, depuis sa cabine. Araxie s'avança pour la trouver assise sur une cuvette, le socle fermé.

— Oui, ça va, répondit Araxie un peu surprise de la voir là.

— C'est vrai que tu es amoureuse d'Aram ?

Choquée, Araxie se retourna brusquement.

— Comment tu sais ça toi ?

— Bah, tout le monde est au courant non ?

— Quoi ? Fit Araxie, manquant de s'étouffer avec sa propre salive.

— Endza m'as envoyé un message en me disant ça. Mais bon, Endza n'est pas une source très fiable, du coup, je voulais te demander, vu que t'es la principale interéssée.

Soudainement, tout se remit en place dans le cerveau d'Araxie.

— Quand a-t-elle fait ça? Pendant les vacances ? Est-ce que tu peux me montrer le message ? Je veux être sûre...

Gayané réfléchit un instant pour emmagasiner autant d'informations avant de déclarer :

— "Aucune idée. Je vais te montrer sur mon téléphone."

La musique rythmique s'évanouit, et arrêta de raisonner contre les parois glauques des toilettes pendant que Gayané défilait ses conversations et qu'Araxie se sentait graduellement mourir de l'intérieur, pensant à toute la honte qu'elle allait affronter désormais, surtout face à Aram.

Gayané lui tendit son téléphone qu'elle prit les doigts tremblants.

— "Le fait pas tombé hein," dit Gayané en lui faisant une petite tape sur l'épaule. "T'inquiètes pas, de toute façon le pire qui peut arriver c'est qu'Aram le sache aussi et que vous finissiez ensemble. T'es si mignonne qu'il ne pourra pas résister à ton charme."

Araxie rougit à cette pensée et pour se donner une contenance fixa l'écran du téléphone. Il n'y avait aucun doute possible. Le numéro d'Endza s'affichait bien et les messages quant à eux ne pouvaient pas être plus clairs : elle avait voulu faire de sa vie un enfer.

Consternée, elle se tourna vers Gayané pour lui rendre son téléphone. Celle-ci, lui lança un clin d'œil de ses paupières d'une couleur métallique avant de redémarrer sa musique. Du Rabiz, la musique populaire arménienne par excellence.

— Par contre, il te reste 2 minutes, tu ferais peut-être mieux d'aller filer en cours, dit Gayané en récupérant son sac qui gisait dans un coin.

C'est à ce moment que Samvel passa la tête par la porte. Qu'est-ce qui se passe ici, il y a une ambiance de taxi.

— Dégage ! s'exclama Gayane alors qu'Araxie, choquée de la présence de Samvel ne pipait mot.

Elle resta sur place quelques instants avant de se rappeler qu'elle allait être en retard et de prendre finalement la direction de la porte.

Elle croisa Samvel, qui n'était pas parti bien loin.

— Alors Araxie, ça va ? Tu vas aller voir ton amoureux ou quoi ? Je me demande ce que tu lui trouves hein.

Araxie redressa la tête faisant mine de ne pas l'avoir entendu.

Elle vit Loucine assise plus loin dans la récréation, des écouteurs vissés dans les oreilles. Elle n'avait pas l'air de se soucier d'être en retard. Elle hésita un moment à aller vers elle, consulta sa montre, puis décida quand même d'aller lui parler.

— Tu savais qu'Endza avait dit que j'étais amoureuse d'Aram à toute l'école ?

— Elle ne l'a pas dit à toute l'école enfin, la tempéra Loucine, juste aux gens de notre classe.

— Ne s'attendant pas a une réponse pareille, Araxie se tue.

— Et à tes yeux, ce n'est pas grand-chose ?

— Par rapport à ce que lui a fait Aram devant la professeure de mathématiques... Non.

— Donc je fais partie d'un projet de vengeance que tu cautionnes en fait. Dis-moi que ce n'est rien et que c'est moi qui me fais des films !

— Non mais...

— Mais comment le sait-elle ? reprit Araxie,.

Loucine se tut.

— Je ne sais pas.

— Comment ça, tu ne sais pas ? T'es sa cousine, non ? Elle t'aura bien parlé à un moment ou l'autre de ce qu'elle faisait puis que vous étiez ensemble durant toutes les vacances. Il n y a pas dix milles hypothèses, Loucine. T'étais la seule à laquelle je l'avais dit, donc soit elle l'a deviné soit...

Araxie se tut, réalisant soudain la cause du silence de Loucine.

— Écoute, dit Loucine en la fixant dans les yeux... Je ne suis pas d'accord avec ce qu'Endza a fait.

— Pourquoi est ce que tu l'as dit à Endza ? Tu sais qu'elle me déteste !

— Je suis désolée...

— Mais pourquoi tu ne me l'as pas avoué directement, pourquoi est ce que je dois apprendre que je suis la risée de toute l'école par quelqu'un d'autre ?

— Je ne voyais pas à quoi cela allait te servir.

Déçue, Araxie leva les yeux vers elle, décidant que ce n'était plus la peine d'argumenter. Elle tournait les talons quand elle se sentit retenue par la main.

— Je suis désolée, tu sais, je n'aurais pas dû faire ça, dit Loucine la voix rauque.

Araxie tourna la tête vers elle, lui lança un regard assassin, l'ignora, et partit.

Elle aurait voulu dire ses quatre vérités à Endza, mais elle ne la trouva nulle part. En rentrant en cours d'arménien avec 10 minutes de retard, elle s'assit seule, divaguant sur les événements de la matinée. Aram devait sûrement savoir ce qu'elle ressentait pour lui maintenant. Est-ce que lui aussi, il ressentait cette brûlante attirance ? Pensait-il à elle autrement qu'en la seule étrangère qu'il est rencontré de sa vie ?

Une évidence lui arriva soudain un pleine figure. Il savait maintenant. Peut-être qu'il viendrait la voir, lui en parler !

En voyant qu'il se comportait comme si elle n'existait pas pendant toute la journée toutefois, une autre idée germa dans son cerveau. Pourquoi attendre qu'il vienne ? Elle avait toujours pensé qu'une femme forte doit assumer ses sentiments. Elle allait lui demander elle-même.

Une petite voix lui soufflait l'embarras qu'une telle situation créerait, les chances qu'il lui dise qu'il n'avait jamais pensé à elle de cette façon, l'humiliation cuisante dans une société où la femme ne fait jamais le premier pas, n'assume pas ses désirs et ses sentiments.

Mais l'insupportable trou que la distance qui s'était créée entre elle et Loucine, lui laissa un sentiment de solitude qu'elle voulait à tout prix combler. Et qui savait si ses sentiments n'étaient pas réciproques après tout ?

Et le désespoir qui naissait au fond de sa poitrine alors qu'elle savait qu'elle allait bientôt devoir quitter son amour, le garçon avec qui elle voulait passer tout son temps et toute sa vie. Le désespoir lui dit qu'elle devait partir d'Arménie sans regrets. Cette folle chimère lui chuchota aussi à l'oreille que après tout.. qui savait... il l'aimait peut-être aussi.

La folie et l'ivresse qui coulait dans ses veines lui firent apparaître cette entreprise comme le moyen de de l'oublier définitivement si sa réponse était négative, sans aucun regret. 

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