Pas si seul


Aventin était un jeune prince fougueux. Il détestait tous ces protocoles et ces cérémonies, surtout en pleine campagne avec des nobles de provinces sans intérêt. Il savait qu'il aurait dû être attentif à tout cela. Il serait roi un jour, bientôt, mais il n'y arrivait pas. C'était si ennuyeux, si compliqué. A quatorze ans il rêvait d'autres choses. Alors il s'était enfuit sur Tonnerre, son cheval, juste un moment, il reviendrait, il se l'était promis. Il partait juste galoper seul, avec sa monture, pour un instant. Un simple moment d'évasion.

Mais il n'était pas si seul.


*


Gavrik vivait dans un petit village lacustre. Assis sur le ponton de sa maison donnant sur le fleuve il était perdu dans ses pensées, voulant juste un moment, un moment pour lui, un moment où personne ne l'insulterait ou ne se moquerait de qui il était. Personne pour lui rappeler qu'il était différent. Un simple instant de répit.

Mais il n'était pas si seul.


*


Aventin durant sa promenade tomba sur les rives du fleuve et laissa son cheval patauger dans l'eau, ralentissant le rythme, observant le village un peu plus loin. Sur le ponton de la maison la plus proche d'ailleurs il aperçut un garçon de son âge qui le fixait. Pourvu qu'on ne l'ait pas reconnu, qu'on ne l'embête pas encore !


*


Gavrik avait aperçu le jeune homme sur son cheval. Ce qui l'avait fait grimacer. Les autres ne l'aimaient pas lui à la peau un peu trop coloré. Il savait à quel point on pouvait être cruel avec lui pour ce simple fait. Alors l'arrivée d'un inconnu venant troubler sa paix ne l'enchanta guère. Il le fixa, souhaitant ardemment qu'il s'éloigne. Sauf qu'une silhouette apparut derrière le garçon. Un homme se faisant discret. Il tenait une arme dans sa main, une dague visiblement, et faisait bien attention de ne pas être surpris par le cavalier. Gavrik bondit alors sur ses pieds en saisissant sa fronde et fit signe au garçon de se sauver, de regarder derrière, tout plutôt que de le voir mourir.


*


 Aventin vit le jeune homme lui faire des signes. Ne pourrait-il donc jamais être tranquille ? Néanmoins l'autre semblait réellement agité et lui désignait quelque chose derrière lui. Il se retourna mais n'eut pas le temps de voir l'homme qui le jeta à bas de sa monture. Il se débattit mais l'autre était bien plus fort et l'enfonça sous l'eau. Il battit des bras et des pieds tentant de se libérer. Pourtant l'air venait à lui manquer.


*


Gavrik vit l'homme qui se faisait discret sauter sur le cavalier et tenter de le noyer. Il n'hésita pas et visa l'agresseur de sa fronde. Celui-ci bascula en arrière en se tenant l'œil. Le jeune homme en profita pour sauter à l'eau et les rejoindre. Il nagea jusqu'à pouvoir toucher le fond en tendant le bras. Alors il attrapa une pierre et se redressa. Il courut sur l'homme, un œil en sang, qui, déjà, avait sauté encore une fois sur sa victime. Arrivé à sa hauteur Gavrik lança sa pierre en visant sa tête. Un bruit sourd lui indiqua qu'il avait atteint sa cible et l'agresseur tomba en arrière, son corps s'immergea dans l'eau et n'en ressortit pas. Il se tourna alors vers le cavalier.


*


Aventin allait mourir. C'est tout ce à quoi il pensait alors même qu'on l'entrainait sous l'eau. Un moment son agresseur le lâcha mais il n'eut même pas le temps d'espérer qu'il l'enfonça de nouveau. Le prince se pensait fini. Tout ça pour un instant de liberté qui lui semblait si mérité. Il ne pouvait même pas crier appeler à l'aide. Et pourtant il voulait tellement vivre, lui qui n'avait encore rien vécu. On le lâcha. Peut-être parce que c'était la fin, il ne se sentait même plus la force de battre des bras quand on le souleva à la surface. Une tape dans le dos lui fit recracher toute l'eau dans sa poitrine sur un jeune homme, probablement celui du ponton.

Il respira.

Encore et encore. Bruyamment. Mais il respirait.

Il était vivant.

Il en pleura de joie.

— Merci ! Merci mille fois !

Il aurait embrassé cet inconnu. Gavrik, lui, examina le visage trempé du jeune homme. Il lui paraissait familier. Mais il cherchait surtout à s'assurer qu'il était vivant.

— Venez ! Il vous faut des vêtements secs.

Aventin jeta un regard à son agresseur.

— Il est mort ?

— Je n'en sais rien et je ne compte pas attendre près de lui pour vérifier. Et vous ?

Le prince fit un signe de la tête et chercha son cheval.

— Tonnerre où est-il ? Mon cheval ?

— Il s'est enfuit à peine l'homme vous a sauté dessus.

Gavrik l'amena alors à la maison, lui prêta des vêtements et mit les leurs à sécher. La victime avait de magnifiques vêtements, plus beau que ceux qu'il n'avait jamais vu.

— Comment tu t'appelles ? demanda son invité.

— Gavrik. Monseigneur ? supposa-t-il.

— Votre Altesse, corrigea-t-il. Je suis le prince Aventin. Et je ne te remercierais jamais assez. Ramène moi auprès de mon père veux-tu. Là-bas je te récompenserais.

Le garçon rougit. Le prince ? Il ne pouvait croire que le prince héritier était assis sur son lit, dans ses vêtement, qu'il l'avait même touché. Lui qui n'était qu'un moins que rien, un bâtard à moitié coloré. Lui qui n'avait jamais eu la moindre chance dans sa vie.

— Je... Je n'ai pas fait ça pour cela, protesta-t-il.

— Je sais. Mais je veux te remercier comme il se doit. Et mon père le voudra probablement aussi.

Gavrik observa le garçon de son âge, le visage pâle, tremblant. Qu'allait dire la cour en le rencontrant ? Pourtant en jetant un autre regard aux beaux vêtements il ne put qu'être tenté. Il ne possédait rien de précieux. Peut-être que pour une fois il pourrait avoir quelque chose de joli. Alors il accepta. Après tout si pour une fois il pouvait être honoré.

Il suivit donc le prince jusqu'à son père et ne le quitta plus jusqu'à sa mort. Le prince le récompensa bien en effet, faisant de lui un noble de la cour, puis à son couronnement son premier conseiller. Mais il le récompensa aussi de son amitié lui qui avait toujours été seul et le rendit bien à Aventin qui découvrit en lui un soutien, qui l'appréciait de manière désintéressait. Et surtout quelqu'un qui pouvait régner à sa place pour lui permettre un moment d'évasion.


Prequel des changeurs 


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