Où que le vent nous porte


Karnal se débattit. En vain. Les hommes enfermèrent sa gueule dans leurs cordes et le trainèrent vers l'enclos. Il ne voulait pas. Il planta ses griffes dans la terre, tentant de s'y retenir, mais rien n'y fait, le fouet des hommes et leurs forces combinées eurent raison de lui. On ouvrit la trappe et le glissa à l'intérieur rejoindre les autres.

Il se retourna vers le village et hurla sa rage.

— Calme-toi Karnal ! Tu vas réveiller les petits ! La journée a été rude pour eux, lui dit Kouch.

C'était leur ancien. Karnal l'observa si misérable, des lignes boursouflées striant son dos, l'une de ses ailes pendait misérablement, mais son visage lui semblait toujours alerte. Contrairement à celui de Lys ou de Dratak qui semblaient à bout. En réalité lui seul avec Ira, Astira et les frères Talrog et Tarlog semblaient encore vif.

Et les petits, Émeraude, Ombre et Chacha entre leurs deux parents étaient si affaiblis. Ils semblaient si misérables, si épuisés, si affamés qu'il en eut le cœur brisé. Ce n'était pas ainsi que devait vivre une vouivre. Elle devait être libre et voler haut dans le ciel, elle devait terrifier les hommes pas les craindre.

Il s'installa près de l'ancien fit signe à ceux encore fort de s'approcher et susurra :

— On ne peut continuer ainsi !

— Malheureusement nous n'avons toujours connu que l'esclavage.

— Nous oui, mais nous avons des frères qui vivent libres. Et les petits ils méritent mieux. Nous sommes des vouivres.

Les deux frères grognèrent d'assentiment. Ils avaient toujours souhaité briser leurs chaines et voler loin dans les cieux.

— Nous ne connaissons pas ces terres, nous y sommes probablement les seuls vouivres. Alors où irons-nous ? De quoi nous nourrirons nous ? demanda Astira pragmatique. Ton projet n'est pas raisonnable Karnal. Il fait rêver bien sûr mais si tu y réfléchis tu verras que nous sommes prisonniers de nos chaines.

— Vaut-il mieux mourir enchainé ou mourir libre ? intervint Ira qui jusque-là avait été silencieuse.

— Nous sommes des vouivres. Nous volerons et vivrons où que le vent nous porte. Nous n'avons rien besoin de plus que d'être ensemble et libre.

— Et comment veux-tu lutter contre les hommes ? demanda Kouch. Ils nous maitrisent trop bien. Et si jamais nous faisons mine de nous rebeller.... Eh bien tu peux voir sur chacun de nous qu'ils savent nous briser.

— Moi ils ne me briseront pas. Jamais !

— Tu es jeune Karnal. Moi aussi j'y croyais quand j'avais ton âge. Et aujourd'hui j'ai trop subit le fouet des hommes pour t'approuver. Comme tous ici tu plieras.

Ilposa sa tête au sol comme pour signaler que cette conversation était terminéeet chacun s'éloigna, pensant ses blessures, se reposant. Karnal lui avaitl'esprit en ébullition, tentant de trouver un moyen de s'évader. Il observaTarolg et Talrog qui discutait avec animation un peu plus loin, ils semblaientêtre prêts à tout pour partir. Ira était de leur côté aussi. Ils pouvaientarriver à se libérer il en était certain. Il fallait juste convaincre lesautres.



Au matin chacun donna un peu de sa portion de nourriture aux petits si faibles. Il fallait qu'ils reprennent des forces s'ils voyageraient. C'était le cas de chacun ici. Alors il insista auprès de Physalis qui touchait à peine à sa nourriture depuis plusieurs jours pour qu'elle mange tout. Durant la journée alors qu'il trimait au champ, il observait les hommes, cherchant une faille.

Le soir il partageait ses observations avec Talrog et Tarolg sous l'œil d'Ira. Piani, Amada et Ergor au fur et à mesure se joignirent à l'observation, tandis que Grohor et Dratak à leur partage d'information.

Presque la moitié des leurs étaient derrière lui, plus de la moitié même si on ne comptait pas les petits. Kouch n'était pas aveugle, il était clairement désapprobateur même, mais laissait faire.

Puis un matin les hommes lourdement armés entrèrent dans l'enclos. Ils s'approchèrent de Lys qui abritait ses petits sous ses ailes. Ombre et Chacha se chamaillait, tandis qu'Émeraude somnolait, très affaiblie. Karnal lui sauta dessus, Laury se plaçant derrière l'homme et les frères se placèrent sur ses côtés. Emeraude Ombre et Chacha se faufilèrent entre ses jambes et sortirent de l'enclos, protégée par Amada qui bien que plus âgée n'avait pas encore sa taille adulte et pouvait passer. Karnal tira l'humain dans leur prison, dégageant le passage aux vouivres plus grosses qui se précipitèrent pour sortir et ravager le camp. Karnal lui, avec les frères Tarolg et Talrog se jetèrent sur leur captif, s'acharnant sur lui, le démembrant petit à petit malgré ses cris, pour se venger de tout ce mal.

D'autres hommes et femmes criaient dans le camp.

— Assez ! leur dit Kouch. Profitons de la pagaille et des blessures pour partir. Inutile de s'acharner ou nous finirons de nouveau captif.

Alors Karnal le suivit en maugréant, mais reconnaissant qu'il avait raison.

— Lys ! Ergor ! Protégée votre portée nous partons ! aboya Laury

Kimamila la vouivre violette s'envola la première. Ira, Astira et Gradok s'envolèrent derrière. Un homme tira une flèche, perçant l'aile de ce dernier qui s'effondra. Toutes les vouivres se réunirent autour de lui qui se relevait en gémissant de douleur.

— Comment allons-nous faire ? Ils vont nous percés de flèches ! s'inquiéta Dratak.

— Partez ! Volez ! Gradok et moi allons nous occuper des hommes, il ne peut plus voler de toute manière et moi je suis trop faible pour aller loin, se sacrifia Kouch.

Gradok hocha la tête. Alors les dix-huit autres vouivres baissèrent leur cou en signe d'admiration pour leur ancien si courageux.

— Nous n'oublierons jamais vos noms ! acclama Grohor en prenant son envol.

Ergor et Lys encadrant leurs enfants le suivirent et l'ancien attaqua les hommes avec Gradok.

Tous les autres s'envolèrent sous les cris paniqués des hommes. Plus aucune flèche ne vient percer leur rang. Une fois loin ils crièrent leur joie.

Ils étaient libres.

Ils se laissaient porter par le vent, allant là où il les guidait.

Plus de coup de fouet, plus de batailles, plus de longs travaux, plus de cage. Juste la liberté. Et un long vol qui les mènerait vers une vie nouvelle, une vie heureuse. Une vie où seul le cours du vent leur importerait.


Prequel à l'œil de la vouivre.

Merci à Lysadieux , mondeencouleur , Solivelle et les membres de LeCafeWatt pour m'avoir ou suggéré des noms ou dont j'ai pris les pseudos^^ 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top