Les souvenirs que l'on brûle
Le vent soufflait sur les champs de lavande, faisait plier leurs tiges. Le regard de Renaud se perdait sur ce paysage en même temps que ses pensées. Il ne s'était plus senti aussi angoissé depuis...
Il ne parvenait pas vraiment à se souvenir de la dernière fois.
Depuis sa transformation il était différent. La peur, l'inquiétude, tout cela ne faisait plus partie de son monde. Il était devenu un autre être qui ne mourrait jamais, qui pouvait lutter contre n'importe qui, qui n'avait faim que de sang. Et ses souvenirs d'avant sa transformation, à l'époque où il n'était qu'un misérable châtelain, étaient si confus, comme si ce n'était pas vraiment les siens.
— Tabarellard ! appela la voix de Hugon.
Il se retourna vers ses deux acolytes visiblement mécontents.
— Je ne suis plus certains qu'on fasse le bon choix, se justifia-t-il.
Ducratel et Valoris échangèrent un regard exaspéré. Ce dernier s'approcha et le prix par les épaules.
— On est des vampires, on n'a aucune raison d'avoir peur. On est plus fort que personne ne le sera jamais. Ce n'est pas le moment de faiblir !
Il se dégagea d'un mouvement d'épaule.
— Je n'ai pas peur. Mais on ne peut pas faire ça ! On lui doit tout !
— Il nous a donné cette vie certes mais à quoi bon si c'est pour être enfermé ici, ne sortir que pour se nourrir au village au point que tous là-bas nous soupçonnent ? intervint Hugon comte de Ducratel.
— On lui a laissé sa chance, on lui a fait assez de propositions pour que chacun soit satisfait mais il s'entête, approuva Valère de Valoris.
— Si on ne fait rien c'est tous les hommes de la région qui vont arriver ici mettre le feu.
Renaud hocha la tête craintivement, bien qu'il ait toujours la sensation que tout cela soit une erreur.
— Puisque les derniers détails sont réglés allons-y ! ordonna Valoris en se levant.
Les deux autres vampires prirent une torche qu'ils allumèrent et se rendirent dans la bibliothèque. Renaud observa tous ces parchemins qu'ils avaient feuilleté ensemble, se remémorant tous ces soirs où leur créateur penché sur un texte ne cessait de gratter la plume, de rapporter par écrit ses recherches.
Ducratel sortit celui qui expliquait comment il avait engendré un vampire et l'approcha de sa flamme. Le papier prit feu rapidement et son acolyte le jeta au sol de la pièce, le laissant embraser le tapis. Tous ces papiers brûleraient rapidement.
— Allons-y avant de finir brûler aussi !
Ils quittèrent la pièce et montèrent à l'étage. La première chambre était celle de Valauris. Sans une hésitation il mit le feu au rideau et sortit. Ducratel lui observa une dernière fois sa chambre, bien que Renaud n'y vit rien de vraiment personnel, puis il enflamma son lit. Arrivé à sa chambre, lui, se sentit incapable de bouger. Il avait été chez lui ici depuis sa seconde naissance. C'est là dans ce lit qu'il avait ouvert la première fois les yeux comme vampire. A ce bureau il avait lu les lettres pleines d'amour que lui avait envoyé une victime avec qui il avait joué un moment, s'amusant même à lui répondre. Il sentait encore le goût de son sang sur sa langue si délicieux tandis qu'elle s'effondrait morte dans ses bras.
Ducratel posa une main sur son épaule en guise d'encouragement.
— Allez ! C'est un nouveau départ ! Une troisième naissance.
La main tremblante, la gorge serré il tendit la flamme de sa torche vers le bureau où quelques papiers trainaient. Ils s'enflammèrent et lui recula terrifié devant les volutes de fumées. Ils avaient perdus la raison.
Ses acolytes sortirent mais lui ne pouvait s'y résoudre, il observa quelques minutes le feu se propager, croître, avant de quitter définitivement cette chambre.
Tous les trois entrèrent alors dans celle du créateur qui écrivait. Il se leva alarmé :
— Qu'est-ce que c'est que tout ça ?
— Cela maître c'est votre fin, annonça Valoris.
— Puisque vous refusez de nous offrir notre liberté, que vous refusez d'entendre le danger qui frappe à notre porte, on a décidé qu'à partir de maintenant nous ferons sans vous, expliqua Ducratel.
Renaud honteux ne pouvait le regarder. Pas alors que ses yeux hurlaient la colère de se faire trahir.
— Vous croyez pouvoir me vaincre ? Je vous ai créé, fais de vous les créatures que vous êtes.
— Et nous vous en sommes reconnaissants, affirma Valère de Valoris. Mais nous n'avons plus besoin de vous.
Il lança sa torche sur le créateur qui hurla de douleur tandis que le feu le prenait. Ils bondirent hors de la pièce et Ducratel ferma vivement la porte avant de l'enflammer. Renaud l'observait terrifié, l'image de son créateur qui s'embrasait gravé dans sa rétine. Qu'avaient-ils fait ?
Il suivit machinalement les autres jusqu'au salon où Ducratel enflamma les fauteuils sur lesquels ils avaient passé tant de soirée à débattre, jouer aux cartes, où se nourrir d'humains. Puis ils arrivèrent à la salle à manger qui ne servait plus depuis longtemps où les rideaux subir aussi le courroux des flammes. Enfin aux pieds des escaliers Ducratel lâcha sa torche à son tour sur le luxueux tapis.
Ils coururent à l'extérieur du château et ses deux acolytes se tournèrent vers lui avec un regard d'impatience, mais son bras tremblait. C'était sa maison, les dix dernières années, les dix uniques années dont il avait un souvenir solide, qui partaient en fumée.
— Lancez cette torche Tabarellard !
— Il n'y a plus de retour en arrière possible !
Alors il la lança sur le champ de lavande qui entourait la maison le cœur en miette. Le feu prit instantanément et poussé par le vent il grossissait à mesure qu'il mangeait les fleurs odorantes.
En silence ils observèrent se consumer dans les flammes leur vie passé.
— C'est fini ! dit Valoris.
Pour une fois Renaud crut entendre un peu d'émotion dans se voix.
— Ici commence notre nouvelle vie ! confirma Ducratel.
— Tout ce qui s'est passé ici est détruit, n'existe plus et faisons en sorte que cela reste ainsi. Oublions tout ça ! exigea leur compère en se tournant vers eux. Cela n'a jamais existé. Désormais nous sommes les premiers vampires.
— Oui, c'est à partir d'aujourd'hui que naît notre espèce, approuva son complice.
Renaud ne put qu'approuver, s'il s'opposait à eux il pourrait tout aussi bien devenir à son tour un souvenir qu'il fallait brûler pour l'effacer à jamais de l'histoire.
Prequel à la guerre des vampires
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